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Sur l’éducation chrétienne dans l’Année de la famille – Fr. Manuel Rivero O.P.

Sur l’éducation chrétienne dans l’Année de la famille

Des propositions concrètes

Fr. Manuel Rivero O.P.

Le pape François a fait de cette année 2021 une année de lumière à la suite de saint Joseph. Il a aussi voulu que l’Église approfondisse le mystère de la famille voulue par Dieu.

Attentif aux besoins et aux souffrances de la jeunesse, le pape François exhorte les jeunes à l’audace vécue de manière communautaire. De nouveaux modèles économiques sont possibles. Il leur propose de travailler ensemble comme des frères afin de ne pas succomber au désespoir engendré par le chômage. Lors de la célébration des 25 ans du Projet Policoro[1], le pape a cité le laïc dominicain, Giorgio La Pira (+1977), ancien maire de Florence, Serviteur de Dieu : le chômage est « un gaspillage de forces de production[2] ». Dieu veut que la jeunesse vive et devienne protagoniste de l’économie et de la vie sociale, politique et ecclésiale. Aucun enfant, aucun jeune n’est de trop sur la terre.

  • La communication dans le couple 

L’enfant participe aux sentiments positifs et négatifs de ses parents. Quand le couple communique bien, l’enfant va bien. C’est pourquoi le plus beau cadeau qu’un parent puisse offrir à son enfant, c’est d’aimer son conjoint.

Les Équipes Notre-Dame[3], fondées par le prêtre lyonnais Henri Caffarel (+1996), manifestent la grandeur de l’amour conjugal appelé au perfectionnement, à la conversion et à la sainteté.

L’une des spécificités des Équipes Notre-Dame est le dialogue fréquent du couple dans la prière. Appelé « le devoir de s’asseoir », il favorise le dépassement des « non-dits », véritable cancer de la relation conjugale qui se reproduit rapidement s’il n’est pas arrêté à temps.

Le « devoir de s’asseoir » consiste à prendre rendez-vous, même si les conjoints se voient tout le temps, dans un cadre propice au dialogue et à la disponibilité, en absence des enfants, sans téléphone et sans bruit. Il faut bien avouer que sa pratique exige courage car le « devoir de s’asseoir » chasse les tabous et il libère la parole : « est-ce que ça va ? » ; « y a-t-il quelque chose qui te dérange ? » ; « est-ce que tu aimerais quelque chose que tu n’oses pas demander ? » …

Chaque conjoint prend la parole à tour de rôle sans interrompre l’intervention de l’autre et en lui disant à la fin « merci » même si les propos étaient durs ou inexacts. Le merci correspond à l’expression sincère. Évidemment, éviter tout règlement de comptes, le devoir de s’asseoir ne peut se vivre que dans un climat de prière et d’humilité.

La fréquence de ce rendez-vous où « amour et vérité se rencontrent » (Psaume 84,11) relève de la liberté des époux. À l’image du proverbe qui affirme que « l’appétit vient en mangeant », les couples des Équipes Notre-Dame témoignent de la richesse inépuisable de cet exercice de communication spirituelle. Plus les conjoints partagent et plus ils ont des choses à se dire. Honoré de Balzac (+1850) déclarait : « En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie ». Le « devoir de s’asseoir » offre une expérience opposée à l’ennui et il permet aux conjoints d’avancer « de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin » (saint Grégoire de Nysse, mort vers l’an 395).

 

  • L’importance de la parole 

Dans l’Évangile, lors des tentations au désert, Jésus répond au diable qui lui demande de manifester sa divinité en changeant les pierres en pain : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4).

J’aime à commenter cette phrase : L’homme ne vit pas seulement d’argent et de loisirs mais de toute parole qui sort de la bouche de sa femme. La femme ne vit pas seulement de robes à la mode et de voyages mais de toute parole qui sort de la bouche de son mari. L’enfant ne vit pas seulement de jeux vidéo mais de toute parole qui sort de la bouche de son père et de sa mère.

En Roumanie, des expériences ont été faites dans certains orphelinats : des enfants étaient partagés en deux groupes qui recevaient la même nourriture ; mais aux enfants d’un groupe les adultes parlaient avec affection, tandis que l’autre groupe demeurait en silence, mais bien nourri. La différence ne tarda pas à se manifester : les enfants à qui on parlait grandissaient plus vite et mieux.

La parole est une nourriture. Le langage n’a pas pour unique fonction de transmettre des messages ; il est aussi créateur de relation et de développement psychologique et affectif.

Il m’arrive de demander aux enfants dans les écoles : Est-ce que vous parlez avec votre papa et votre maman ? Les réponses sont variables : certains enfants se disent contents de leurs échanges avec leurs parents, tandis que d’autres regrettent que leur mère soit toujours occupée et que leur père ne leur adresse pas la parole.

Très souvent, les filles se plaignent de la pauvreté du dialogue avec leur père. Mon père ne sait dire que deux choses : « Ça va à l’école ? Et les notes ? »

Éduquer, c’est aimer. Lors d’une homélie dialoguée avec des enfants, je leur demandais : « Et qu’est-ce que l’on fait quand on aime quelqu’un ? » Après un temps de réflexion, une petite fille leva le bras pour dire : « Quand on aime quelqu’un, on lui parle. »

Aimons nos enfants et prenons le temps de leur parler.

À La Réunion, avant l’arrivée de la télévision et d’Internet, les mamans avaient l’habitude de parler avec leurs enfants au retour de l’école : « Raconte-moi ta journée. » Et l’enfant de reprendre, de relire et d’interpréter pour sa maman chaque heure passée à l’école. Exercice profond qui apprend la communication, le dialogue et le discernement.

  • Ne jamais se contredire devant l’enfant

L’enfant agit comme les politiques qui cherchent à diviser pour régner. C’est ainsi qu’il va opposer l’avis du père à celui de la mère, ou l’inverse dans le but d’obtenir ce qu’il veut.

Certains parents qui n’ont pourtant pas suivi de longues études peuvent faire preuve de cette sagesse éducative. Je pense ici à mes propres parents qui ne se sont jamais contredits ni discrédités devant leurs enfants. Si ma mère disait « non », mon père aussi disait « non ». Il n’y avait plus matière à discussion. Pas de négociations sans fin !

La multiplication des divorces et des séparations favorise les réactions de critique et de mépris de la part d’un parent par rapport à l’autre : « Ton père t’a dit cela ! Il ne comprend rien ! » ; « Ta mère t’a dit non, c’est idiot, bien sûr que tu peux le faire. »

De ce jeu, ce sont les deux parents qui sortent disqualifiés aux yeux de l’enfant.

  • Dire du bien de son conjoint, dire du bien de l’enfant

La foi chrétienne repose sur la bénédiction et la louange divines. Il convient de prendre l’habitude de dire du bien de son mari, de son épouse et des enfants.

Parfois, je demande aux parents dans les groupes de formation chrétienne : « Quand avez-vous dit du bien de votre mari, de votre femme ? » Souvent je me heurte à un silence d’étonnement : « Qu’est-ce que vous voulez dire ? » Et moi de continuer : « Quand avez-vous dit : mon mari est merveilleux, je l’aime beaucoup » ? Les épouses éclatent de rire.

Alors je leur pose une autre question : « Quand avez-vous critiqué votre mari ou votre femme ? » La réponse jaillit tout de suite : « Hier soir, il m’a agacée parce que… »

Parfois, une épouse dit en public : « Mon mari est idiot. » Je lui dis alors : « Madame, si vous étiez intelligente vous ne l’auriez pas choisi ! ».

Il convient non seulement de dire du bien de son conjoint – vive la théologie de la bénédiction – mais aussi de souligner les qualités des enfants. Quand j’étais enfant moi-même, j’entendais certains parents faire l’éloge de leur enfant comme étant intelligent, mais mon expérience dans la même classe me disait que cela n’était pas vrai. Pourtant, les gens considéraient cet enfant comme étant intelligent à la suite des propos des parents. Il arrivait aussi que des enfants travailleurs et intelligents soient sous-estimés publiquement par leurs parents qui en attendaient davantage. Du coup, l’enfant subissait injustement le regard de réprobation ou de mépris de la part des autres.

Nous avons à traiter les problèmes, face à face, cœur à cœur, à la maison. En revanche, à l’extérieur, nous avons à bénir et à louer notre prochain : conjoint ou enfant.

 

  • L’enfant vient après le couple

Des mères et des pères disent aimer leur conjoint à cause de l’enfant qu’ils ont eu ensemble. L’enfant occupe alors la première place ; il passe avant le père ou la mère. D’ailleurs, nous voyons l’enfant vouloir se mettre au milieu des parents sous prétexte d’être entouré par leur amour.

En bonne éducation, il convient de rappeler à l’enfant qu’il est le fruit de l’amour de ses parents et qu’il vient après le conjoint. L’époux n’est pas aimé à cause de l’enfant mais l’enfant est aimé à cause de l’époux. D’ailleurs, la nature fait ici merveilleusement les choses : l’enfant relève, à part égale, du père et de la mère : 50% chacun dans la science biologique.

  • Père spirituel, mère spirituelle

En tant qu’aumônier de jeunes il m’est arrivé d’entendre : « Mon père n’est pas mon père ; ce n’est pas lui qui m’a appris à vivre. » Les parents sont parents génétiques, psychologiques et aussi spirituels.

Dans le mystère de l’amour humain divinisé par le Christ, l’épouse conduit l’époux à Dieu. L’époux révèle à l’épouse le visage de Dieu. En s’aimant, ils se transmettent l’amour de Dieu. Au cœur du quotidien qui pourrait paraître matérialiste, monotone et plat, ils grandissent en sainteté : « Dieu est présent dans les marmites », s’exclamait sainte Thérèse d’Avila.

Les parents sanctifiés dans le sacrement du mariage, sanctifient les enfants et les enfants les sanctifient.

Par le bon exemple de leur foi et de leur amour, les parents mettent l’enfant sur le chemin de l’Évangile.

La prière en famille favorise la réconciliation, la paix et l’harmonie dans les familles.

Aujourd’hui, l’école laïque n’éveille pas l’enfant à la vie intérieure. Pour être tranquilles, les parents imposent parfois à leurs enfants de multiples activités qui les épuisent : sport, musique, danse…

Mais l’enfant a une âme, et soif de Dieu. C’est dans la prière avec Jésus qu’il reçoit paix et plénitude.

  • « Que nos enfants ne manquent de rien »

Des parents avouent souvent travailler et se sacrifier pour que leurs enfants ne manquent de rien. Peine perdue ! Ils manqueront toujours de quelque chose. L’expérience prouve que l’aventure humaine comporte toujours des échecs, des souffrances et des insatisfactions, sur le plan physique, affectif ou professionnel. Ce serait se faire illusion que de croire que l’enfant aura toujours ce qu’il veut pour réussir. L’éducation consiste à former l’enfant à traverser les épreuves et les manques, en allant à l’essentiel.

Réussir dans la vie ne veut pas dire réussir sa vie. Réussir dans la vie équivaut à posséder de l’argent, du prestige et du pouvoir, au risque de devenir le jour de la mort « le plus riche du cimetière ». Réussir sa vie à la lumière de l’Évangile représente une autre démarche que celle de la possession et de la domination. Tout au long de son existence, le chrétien grandit en foi, espérance et amour, en marchant à la suite de Jésus, « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6), afin d’atteindre la plénitude de son humanité par Jésus et en Lui.

Jésus, l’homme parfait, communicateur et éducateur parfait, purifie et divinise ses disciples qui participent à la gloire de son Père.

Réussir sa vie équivaut à apprendre à aimer auprès de Jésus et devenir amour en Dieu par sa grâce.

« L’homme ne se trouve qu’en se donnant », enseigne le Concile Vatican II dans Gaudium et Spes (n° 22). C’est le don de soi par amour qui donne le discernement et l’intelligence sur le mystère de la vie (cf. Philippiens 1, 9-10). Les bons choix s’accomplissent dans la lumière de l’amour. Éduquer, c’est aimer et conduire à l’amour de Dieu, d’autrui et de soi-même.

  • Éduquer au bonheur 

Dans un souci de bien faire, des parents peuvent transmettre à leur enfant non pas le sens de la responsabilité et du travail mais la peur et l’angoisse : « Fais attention ! Tu ne vas pas vivre comme maintenant ni comme tes grands-parents. Demain ce sera pire ! »

Malheureusement, au lieu de se réveiller et d’apprécier ce qu’il a, l’enfant peut se dire : « Puisque le futur sera catastrophique, profitons du présent. »

Les grandes traditions philosophiques ont toujours visé le bonheur : les philosophes grecs, Jésus dans l’Évangile, la théologie de saint Thomas d’Aquin et même Freud. L’homme cherche le bonheur. Dans ses actes, c’est-à-dire dans sa morale, l’homme cherche le bonheur.

Il reste à en préciser le contenu et la méthode.

Le bonheur n’est pas une destination mais une manière de marcher, une manière d’être, un style de vie.

Le bonheur ne se trouve pas dans le monde extérieur mais à l’intérieur de la personne.

Pour le chrétien, le bonheur est un don de Dieu : Vérité et Amour.

Des amis m’ont raconté comment leurs grands-parents finissaient chaque journée avec une prière d’action de grâces au Seigneur : « Nous te rendons grâce car nous sommes heureux. » Heureux de partager l’amour de Dieu, heureux de s’aimer, heureux de marcher vers la plénitude de la Résurrection où il n’y aura plus de maladie, ni de deuil, ni de larmes, ni de séparation.

Dans la lumière de la foi, les parents peuvent dire à l’enfant : « Nous sommes heureux, tu es heureux, tu peux l’être, non seulement demain mais maintenant, dans la vérité et l’amour. »

Il est rare d’entendre des parents tenir ces propos sur le bonheur.

Le bonheur commence avec la bonne humeur. Commençons nos journées avec un signe de croix, dans la présence de Dieu, avec le souci d’accomplir sa volonté. Ayons comme pédagogie la joie. Un frère des Écoles chrétiennes, bon pédagogue, conseillait aux professeurs et aux parents, trois choses : « La joie, la joie, la joie ! » Soyons des éducateurs de la joie, de la joie intérieure que personne ne pourra ravir.

  • Ni coqs, ni guerriers

Beaucoup d’enfants sont tristes. Pas de père à la maison, leur propre père du moins.

Des enfants sont parfois traumatisés par la violence de leur père.

Des filles nées de mère célibataire deviennent parfois filles-mères à leur tour.

Des garçons battus deviennent parfois des pères qui battent femme et enfants.

Mimétisme, identification au modèle parental, que sais-je ?

Pourquoi ne pas travailler cette question si grave ?

Un jour, en Guadeloupe, une dame m’a expliqué la raison pour laquelle les mères engendraient des enfants « coqs » alors qu’enfants elles en avaient souffert. Voici l’hypothèse énoncée par cette mère de famille : « Quand une mère veut rester la première femme dans la vie de son fils, elle gagne à éduquer son enfant comme un coq qui ayant plusieurs relations ne s’attachera pas vraiment à l’une d’entre elles. »

Au début de la Bible, le livre de la Genèse transmet la volonté de Dieu pour le couple : « L’homme quittera son père et sa mère ; il s’unira à sa femme et ils ne feront qu’une seule chair. » Des épouses se plaignent que leur mari n’a pas quitté sa mère, ce qui met en cause la construction du couple.

Il importe que le père et la mère éduquent le garçon au respect de la femme et à la construction du couple et de la famille.

Les « coqs » et les « guerriers » ne rendent pas les familles heureuses !

C’est quoi un homme ? Il arrive que des femmes déclarent désabusées : « L’homme a un problème ! ».

« Voici l’homme !» (Jn 19,5), s’était exclamé Pilate le Vendredi saint. Il ne pensait pas si bien dire.

« Voici l’homme ! » Cette déclaration prophétique de Pilate interpelle l’homme contemporain. Qu’est-ce qu’un homme ? Où se trouve la grandeur de l’homme ? Tout au long de l’histoire de l’humanité, les peuples ont célébré les héros qui ont versé leur sang pour Dieu, pour la patrie, pour défendre la justice et les faibles … L’Église célèbre avec éclat ses martyrs. Le plus grand des martyrs est Jésus, le témoin fidèle de Dieu.

Pilate a eu raison de dire à la foule « Voici l’homme ! » En effet, Jésus est l’homme parfait qui a donné sa vie pour sauver l’humanité.

Le philosophe français, Blaise Pascal (1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger [4]».  La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie.

La femme a connu des évolutions et des révolutions qui ont modifié considérablement son statut social et sa mentalité. Elle ne votait pas, maintenant elle assume les plus hautes responsabilités dans l’État. Elle restait souvent à la maison accomplissant un véritable labeur de gestion et d’éducation des enfants, maintenant elle assume et le travail professionnel et la prise en charge de la maison et des enfants. Elle dépendait de l’homme dans sa vie sexuelle et pour la maternité, maintenant elle décide d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants et de gérer sa sexualité sans lien direct avec la maternité. Il arrive que l’homme demande dans le couple à avoir un enfant et la femme refuse. La femme peut aussi vivre la maternité sans mener une existence conjugale par les techniques artificielles de fécondation. Il arrive que des femmes déclarent ouvertement : « Nous allons prendre le pouvoir. »

En revanche, l’homme continue son travail, sa vie sexuelle et sa participation à la politique comme dans les siècles précédents.

Il ne se passe pas un jour sans que les moyens de communication sociale racontent des faits de violence conjugale qui peuvent aller jusqu’au meurtre.

Comment dépasser les rapports de domination qui ne conduisent qu’au malheur ? Comment harmoniser les relations homme et femme et sur quelles valeurs ? En quoi consiste le pouvoir et la force ? Quel est le but de l’existence ?

Ces questions ne sont pas inutiles. Elles s’avèrent même indispensables.

Quel est l’image de l’homme aujourd’hui ? Quelle est son identité ?

La publicité et les films nous montrent un idéal masculin qui repose sur l’avoir : des richesses, le pouvoir, la musculation, des tatouages, des vêtements et des voitures de luxe … Tout cela constitue des moyens. Les médias exaltent aussi l’image de l’homme séducteur, fêtard, avec la mentalité d’un adolescent qui ne s’engage pas et qui critique tout sans construire grand-chose. Parmi ces exemples, il y a James Bond. Image affligeante d’un irresponsable stérile.

Où se trouve donc le sens de la vie de l’homme ?

« Voici l’homme ! » Jésus représente la perfection de la masculinité, pleinement homme et pleinement Dieu. Jésus est l’homme qui est allé le plus loin dans l’amour des autres parce qu’il est allé le plus loin dans sa relation à Dieu le Père. Comme la croix comporte une dimension verticale vers le Ciel et une dimension horizontale, ainsi l’homme trouve son équilibre et sa perfection dans la relation verticale avec Dieu et dans la relation horizontale avec ses frères et ses sœurs en humanité.

Le saint pape Jean Paul II nous a donné une belle formule pour le mystère de Jésus qui éclaire le mystère de tout homme : « Jésus est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme. » (Ecclesia in America, n° 67). L’homme a une vocation à partager la vie de Dieu et à protéger la vie du prochain.

Le philosophe italien Jules Evola a parlé de l’homme « crustacé » pour évoquer la dureté extérieure et la mollesse intérieure qui peuvent menacer l’homme. D’ailleurs, plus l’homme sent sa faiblesse et plus il fait montre de force et l’inverse. Comme dit le proverbe : « Dis-moi de quoi tu te vantes et je te dirai ce qui te manque ! ».

Il convient de parler de la virilité spirituelle, de cette force d’âme au service de la vie sans peur ni mollesse. D’ailleurs la virilité spirituelle est vécue par des femmes qui aiment de manière désintéressée en faisant face à de nombreuses épreuves et souffrances pour protéger la vie.

L’homme aime les défis que ce soit dans le sport, dans la politique, dans l’économie ou dans l’amour. Aujourd’hui, l’homme à un défi à relever pour harmoniser les relations familiales dans la force de l’amour et de la vérité.

L’historien anglais Arnold Joseph Toynbee (1975), après avoir étudié l’histoire des civilisations, est arrivé à la conclusion que les civilisations naissent en réponse à un défi. Des « minorités créatrices » apportent alors une vision et elles conçoivent des plans d’action pour l’ensemble de la société. Les civilisations déclinent quand le défi disparaît. D’où sa phrase lapidaire : « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre. »

L’Église catholique a aussi un défi à relever dans la pastorale des hommes. Ils sont rares dans les églises par rapport au nombre de femmes. Pourquoi ? Pour quel motif les hommes ne sont-ils pas attirés par la prière communautaire et la catéchèse ? Faut-il renouveler la pastorale et la spiritualité masculine ?

Dans son Exhortation apostolique catholique aux hommes, mes fils spirituels du diocèse de Phoenix , datée du 29 septembre 2015, Monseigneur Thomas J. Olmsted, évêque de Phoenix (États-Unis), analyse l’évolution de l’identité masculine et il propose des pistes pour un renouveau de l’évangélisation de l’homme et de sa mission dans l’Église.

Chaque diocèse gagnerait à contextualiser la réflexion sur le plan local.

Les jeunes garçons ont besoin de « tuteurs » pour grandir dans la droiture aussi bien dans les quartiers que dans les paroisses.

Certaines activités peuvent être vécus entre hommes. Nous avons des exemples dans le pèlerinage des pères de famille, ou dans le cycle de formation biblique à l’île Maurice « Jésus, vrai homme ».

Il faudrait aussi travailler l’image de l’homme dans le cœur des femmes et des enfants. Je me souviens de cet enfant qui disait en catéchèse, probablement en reprenant des propos de sa mère : « Les hommes, on n’en a pas besoin ! » Déclaration qui renvoyait à des souffrances : alcoolisme, irresponsabilité, violences, infidélité …

Des études statistiques récentes en Martinique signalaient que 60% d’enfants grandissaient sans père. L’absence du père a des conséquences négatives profondes sur l’enfant. La mère doit accomplir les rôles du père et de la mère.

En prison, des personnes détenues avouent toujours souffrir de l’absence du père : « Je n’ai jamais appelé un homme en lui disant ‘papa’ ».

« Voici l’homme Jésus ! » Il est le modèle de masculinité réussie !

Il s’avère nécessaire de travailler l’identité masculine et de la mettre en valeur.

  • Ne pas cacher la mort aux enfants

L’historien de la mort, Philippe Ariès, disait, il y a déjà une quarantaine d’années, que la mort avait remplacé la pornographie comme sujet tabou à ne pas évoquer en société.

L’enfant a besoin d’aborder le réel et d’en recevoir des explications sur la vie et la mort, autrement il plonge dans des silences d’angoisse et de refoulement, tout en passant des heures à « tuer » sur les jeux vidéo.

  • La généalogie de Jésus

Saint Matthieu commence son Évangile avec la généalogie de Jésus où figurent le roi David, adultère et assassin, ainsi que des femmes de mœurs douteuses et d’origine étrangère : Tamar qui se déguise en prostituée ; Rahab, étrangère de la ville de Jéricho, prostituée professionnelle ; Bethsabée, adultère, mariée à Urie, le Hittite ; Ruth, étrangère de Moab.

Dans toutes les familles, il y a des sujets de honte et de scandale.

La Bible appelle « une histoire sainte » les histoires des hommes et des femmes pécheurs que Dieu a sanctifiés dans sa miséricorde.

À la lumière de la généalogie de Jésus, toute famille peut être fière de la vie reçue et de la vocation universelle à la sainteté.

À proprement parler, il n’y a pas de bonnes familles et de mauvaises familles. Toutes les familles sont aimées de Dieu, revêtues de la dignité sacrée de fils et de filles de Dieu et destinées à partager la gloire de Dieu, par pure grâce, moyennant la foi en Jésus le Christ, né d’une femme, Marie, qui a été enfant et adulte pour récapituler l’histoire de l’humanité l’élevant par sa Croix à la lumière de sa Résurrection.

  • Participer à des projets humanitaires

La doctrine sociale de l’Église met en lumière des valeurs fondamentales : la participation à la vie politique, sociale et économique, le développement des talents et le bien commun, le souci prioritaire des pauvres et des personnes vulnérables …

Il convient de valoriser le travail en équipe et le sens des responsabilités. Avec les parents, premiers responsables de l’éducation des enfants, l’Église forme un grand nombre d’enfants dans la catéchèse, les paroisses et l’Enseignement catholique. L’esprit missionnaire comprend la culture du projet humanitaire. Il reste beaucoup à faire pour développer la culture de la participation. Des formations à la gestion des projets pourraient être insérées dans les cours donnés aux enfants et aux jeunes, de façon à écrire ensemble des projets et à les mener à bien de manière rigoureuse et honnête. Il y aurait alors, non seulement de bons résultats matériels dans les domaines de l’économie et de la santé, mais aussi un recul de la peur de s’engager et la croissance du sens de la responsabilité. En réussissant dans l’accomplissement de petits projets, les enfants et les jeunes accepteront d’assumer des responsabilités de plus en plus importantes.

Qu’il est dommage de voir des projets échouer faute de formation [5]! Par ailleurs, de bons projets pourraient voir le jour dans une culture du projet où l’Église a un rôle important à jouer.

Dans l’Évangile, ce qui est partagé est aussi multiplié. Les cinq pains et les deux poissons apportés par un enfant ont nourri la foule (cf. Jn 6,1-16). Jésus déploie sa puissance dans le partage et la faiblesse des moyens.

La foi en Jésus se manifeste dans la confiance mise dans des projets au service de ceux qui en ont besoin.

Saint-Denis (La Réunion), le 21 juin 2021.

 

 

 

 

[1] Cf. ZENIT, 5 juin 2021 « Ce sont les audacieux qui changent le monde ». Le pape reçoit le « Projet Policoro ».

[2] Giorgio La Pira, L’attesa della povera gente, LEF, Firenze 1978, 20.

[3] Cf. https://www.equipes-notre-dame.fr/

[4] Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.

[5] DOMUNI universitas (https://www.domuni.eu/fr/) , université dominicaine numérique, propose une formation à la gestion des projets : Ancrer le changement en mode de projet. Fr. Manuel Rivero O.P., professeur de théologie, doyen de la faculté des sciences sociales de « DOMUNI universitas ». D.E.A en sciences économiques. Docteur en théologie et en sciences de la communication. Madame Marie-Laure Dufour, formatrice consultante, directrice de « Faire plus » (http://www.faireplus.com/) et fondatrice de « Lab to Be » (abtobe.com).

 




La prière continuelle – P. Matta el-Maskîne

Il faut prier sans cesse, sans jamais se lasser ( Lc 18, 1)

La vie, en son sens le plus profond, se résume en deux actes permanents d’une extrême simplicité, le premier est l’amour dont la source est Dieu, et le deuxième, l’adoration qui est le propre de la création : « Dieu est amour » (I Jn 4, 16). « Je ne suis que prière » (Ps 109, 4).

Ces deux actes sont d’une permanence qui ne souffre aucune interruption ; ainsi, Dieu ne cesse d’aimer la création, et la création ne cesse d’adorer Dieu : « Je vous le dis, si eux se taisent, les prières crieront » (Lc 19, 40).

Tous les actes et les multiples occupations de cette vie passeront et disparaîtront, après nous avoir valu condamnation ou récompense, et il n’en restera que ces deux actes extraordinaires : l’amour de Dieu pour nous, et notre adoration de Dieu. Ces deux-là ne passeront jamais et demeureront éternellement, Car Dieu est heureux de nous aimer : « Je mis mes délices, dit-il, à fréquenter les enfants des hommes » (Ps 8, 31), et nous trouvons tout notre bonheur dans l’adoration de Dieu.

Cette adoration est une intuition divine déposée par Dieu au cœur de la nature de l’homme, afin qu’il soit heureux d’adorer la source du vrai bonheur. Cela, nous l’avons touché du doigt, expérimenté et vérifié maintes et maintes fois ; nous avons acquis la certitude que la prière et l’adoration sont sources de bonheur permanent. Y a -t-il donc moyen de mener une vie d’adoration et de prière ininterrompues, de mettre Dieu au centre de notre pensée, de faire que tous nos actes et nos comportements gravirent autour de lui, de vivre en sa présence du matin au soir et du soir au matin ?

En vérité, cette œuvre-là n’est pas une sinécure ; elle exige de notre part une grande détermination, de la persévérance et beaucoup d’attention. N’oublions pas toutefois que, ce faisant, nous réalisons le summum de la volonté et du plan divins, et que, par conséquent, nous y serons immanquablement aidés, aimés et guidés par Dieu.

Nous résumerons l’essentiel de cet exercice de la manière suivante :

Premièrement : les objectifs de la prière continuelle :

  • Vivre en permanence en présence de Dieu.

  • Associer Dieu à toutes nos activités, à toutes nos pensées, et connaître sa volonté.

  • Accéder à une vie de joie, en nous approchant de la source même du bonheur : Dieu, et jouir de son amour.

  • Acquérir une haute connaissance de Dieu en son être même.

  • Pratiquer un heureux détachement des choses de ce monde, sans rien y regretter.

Deuxièmement : Quelques directives concernant la prière continuelle :

  • Raviver le sentiment d’être en la présence de Dieu qui toit tout ce que nous faisons et entend tout ce que nous disons.

  • Essayer de lui parler de temps en temps, avec des phrases courtes qui traduisent nos états du moment.

  • Associer Dieu à nos travaux en lui demandant d’être présent à nos activités, lui en rendre compte après les avoir terminées, l’en remercier en cas de réussite, lui dire nos regrets en cas d’échec, tout en recherchant les raisons : peut-être nous sommes-nous éloignés de lui, ou avons-nous omis de demander son aide ?

  • Essayer de percevoir la voix de Dieu à travers nos travaux.

Bien souvent il nous parle intérieurement mais, ne lui étant pas attentifs, nous perdons l’essentiel de ses orientations.

  • Dans les moments critiques, quand nous recevons des nouvelles alarmantes, ou quand nous sommes agressés, demandons-lui aussitôt conseil ; il est dans l’épreuve l’ami le plus cher et le conseiller le plus sûr.

  • Dès que le cœur commence à s’irriter et les sentiments à s’agiter, tournons-nous vers lui pour calmer cette agitation néfaste avant qu’elle n’envahisse notre cœur ; envie, colère, jugement, vengeance, tout cela nous ferait perdre la grâce de vivre en sa présence, car Dieu ne peut cohabiter avec le mal.

  • Essayer autant que possible de ne pas l’oublier, en revenant aussitôt à lui, dès que nos pensées sont prises en flagrant délit de vagabondage.

  • Ne pas entreprendre un travail ou donner une réponse avant de recevoir une incitation de Dieu. Celle-ci devient de plus en plus discernable à la mesure de la fidélité de notre marche en sa présence et de notre détermination à vivre avec lui.

Troisièmement : Principes de base pour une vie de prière continuelle :

  • Crois-tu en Dieu ? Alors, que Dieu soit à la base de tous tes comportements ; avec lui, accueille tout ce que tu rencontres dans la vie, bonheur ou tristesse. Que ta foi ne change pas chaque jour au gré des circonstances. Ne laisse ni le succès augmenter ta foi, ni l’échec, la perte ou la maladie, l’affaiblir ou l’anéantir.

  • As-tu accepté de vivre avec Dieu ? Alors une fois pour toutes, mets en lui toute ta confiance, et n’essaie pas de reculer ou de battre en retraite. Sois-lui fidèle jusqu’à la mort.

  • Confie-lui toutes tes affaires matérielles et spirituelles ; il est vraiment à même de les régir toutes. Sache que la vie avec Dieu supporte tout : maladie, faim, humiliation… et ne sois pas surpris si ces choses-là t’arrivent ; prends patience et tu les verras se transformer et se ranger toutes de ton côté pour ton plus grand bien.

  • Centre ton amour sur Dieu et ne laisse pas les obstacles amoindrir cet amour ; au contraire, accueille toute souffrance sans amertume mais avec douceur, à cause de cet amour, car l’amour véritable transforme la souffrance en bonheur.

  • Heureux ceux qui ont été jugés dignes de souffrir pour son nom. Plus heureux encore ceux qui souhaitent ardemment se sacrifier par amour pour son nom.

P. Matta el-Maskîne

                                                        Extrait de « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »

                                                               (Abbaye de Bellefontaine – Editions du Cerf)




Le Mystère de la Trinité (4) : «  L’œuvre de l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité »

 

        « Si vous m’aimez », nous dit Jésus, « vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité », l’Esprit Saint Troisième Personne de la Trinité, « lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous », en côte à côte, en face à face, comme peuvent l’être deux personnes bien distinctes l’une de l’autre, « et il sera en vous » par le Don qu’il ne cesse de faire de Lui‑même, le Don de « l’Esprit Saint », Plénitude d’Être (« Dieu Est Esprit » (Jn 4,24)) et de Vie (« L’Esprit est Vie » (Rm 8,10)), de Paix, de Douceur et de Joie (Jn 14,15‑17 ; Ga 5,22)…

            La mission première de l’Esprit Saint Seigneur à notre égard est en effet de nous donner la vie : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo). Il l’a déjà fait en participant, avec le Père et le Fils, à notre création. « Je crois en Dieu, le Père tout Puissant, Créateur du ciel et de la terre » (Crédo), ce Père qui a tout fait par son Fils, « tout fut par lui et sans lui rien ne fut » (Jn 1,3), et par l’Esprit Saint Seigneur… Souvenons-nous de l’image de St Irénée : le Fils et l’Esprit Saint sont « les deux mains du Père »…

            Nous pressentons d’ailleurs la Présence de cet Esprit Saint Seigneur dans le second récit de la création : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). L’image du « souffle de vie » renvoie à cette Plénitude spirituelle d’Être et de Vie qui est celle de Dieu Lui-même : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et « l’Esprit est Vie » (Rm 8,10). Le prophète Isaïe fait d’ailleurs un lien explicite entre « l’Esprit » et « le souffle » en un texte où il évoque le Dieu Créateur : « Ainsi parle Dieu, le Seigneur, Lui qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit à ceux qui la parcourent » (Is 42,5). Et c’est justement dans ce Don du Souffle de Vie, de l’Esprit de Vie, que nous pressentons la Présence de cette Troisième Personne de la Trinité, cet « Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » en donnant ce qui le constitue Lui-même, sa Plénitude d’Être et de Vie, le Souffle de Vie, l’Esprit de Vie, « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)…

            Tout homme est donc une créature spirituelle, et c’est d’ailleurs, dans sa dimension spirituelle que se cache le mystère de sa vie. Avant que Dieu ne lui communique son Souffle de vie, il n’était qu’une ‘statue d’argile’, pour reprendre l’image du Livre de la Genèse qui évoque ainsi notre dimension matérielle de chair et de sang. Et ce n’est que lorsque Dieu a ‘soufflé’ en cette ‘statue’ que cette dernière est devenue « un être vivant »… Ce « Dieu » qui « Est Esprit » (Jn 4,24) et Vie nous a donc donné à notre tour d’être « esprit » (cf. 1Th 5,23) et vie en nous donnant d’avoir part à son propre « Esprit », à sa propre Vie. Nous retrouvons la logique de l’Amour : aimer, c’est tout donner et se donner soi-même… Ce Dieu qui, de toute éternité, Est « l’Être Vivant » par excellence nous a tous créés « êtres vivants » en se donnant lui-même, par Amour… « Tu aimes tout ce qui existe et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24)… « Dieu a fait l’homme image de sa propre éternité », lit-on encore dans le Livre de la Sagesse (Sg 2,23), un texte que le Père Ceslas Spicq commente en écrivant : « Il faut au moins en conclure qu’ « être l’image » c’est « participer l’Être » et la Vie, donc ici celle du « Dieu vivant ».[1]

            Et ce Mystère de création se renouvelle instant après instant… En effet, nous lisons en Jb 34,14-15 : « Si Dieu tournait vers Lui son cœur », ce qu’il ne fait pas Lui qui est Pur Amour toujours tourné vers l’autre pour le meilleur de l’autre, « s’il concentrait en Lui son souffle et son haleine », ce qu’il ne fait pas puisque, étant Amour, il est Don éternel de tout ce qu’Il Est en Lui-même, gratuitement, par amour, « toute chair en même temps expirerait et l’homme retournerait à la poussière ». En effet, « c’est en elle », la Divinité, « que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17,28).  Ainsi, Dieu, instant après instant, par le Don gratuit de son Amour, maintient dans l’être et dans la vie toute femme, tout homme ici-bas, quoiqu’ils fassent, quoiqu’ils disent, quoiqu’ils pensent… Nous l’avons déjà vu, « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45). Ce Don gratuit de l’Amour se communique ainsi aux hommes de volonté, aux cœurs ouverts, amis de la vérité, de la droiture, de la justice, en paix, autant que la faiblesse humaine le permet, avec leur conscience… Et pour les autres, ce même Don, en frappant à la porte des cœurs fermés (Ap 3,20), en courant après celles et ceux qui se sont détournés jusqu’à ce qu’il les retrouve (Lc 15,4-7), sera appel discret, fidèle et respectueux à se repentir, à consentir à faire la vérité pour recevoir le pardon, en surabondance, et avec lui, la possibilité de recevoir enfin tout ce dont ils s’étaient privés eux-mêmes par suite de leurs fautes : la Plénitude du Don gratuit de l’Amour qui, seul, peut nous apporter le vrai Bonheur…

            En effet, ce Dieu Amour qui « Est Esprit » nous a tous créés « esprit » pour que nous puissions participer, grâce au Don qu’il ne cesse de faire de Lui-même, à la Plénitude de son Esprit, et donc de son Être et de sa Vie. St Luc emploie alors une expression qui lui est propre : « être rempli du Saint Esprit », « le Don de Dieu » (Lc 1,15.41.67 ; Jn 4,10). Jésus apparaît ainsi dans son Evangile comme étant lui aussi « rempli d’Esprit Saint » (Lc 4,1), et il en est bien ainsi de toute éternité, le Père lui donnant par Amour cette Plénitude d’Être et de Vie qui « l’engendre » en Fils « né du Père avant tous les siècles » (Crédo). Mais « être rempli du Saint Esprit », sous entendu par un Autre que soi-même, suppose d’être tourné de cœur vers cet Autre pour recevoir le Don gratuit de son Amour. Telle est l’attitude éternelle du Fils vis-à-vis du Père, « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), « demeurant dans son amour » (Jn 15,10), accueillant le Don de la Plénitude de sa Vie (Jn 6,57 ; 5,26) par le Don de l’Esprit Saint, ce Don que le Père ne cesse de lui faire. Le Fils est alors « rempli d’esprit Saint » par le Père, et cela depuis toujours et pour toujours. Or, c’est pour que nous puissions recevoir le même Don de Dieu que le Fils « s’est fait chair » (Jn 1,14) et nous a rejoints dans notre condition humaine. « Si tu savais le Don de Dieu », dit-il à la Samaritaine, « et qui est celui qui te parle, c’est toi qui l’aurait prié et il t’aurait donné de l’Eau Vive », c’est-à-dire ce Don de Dieu même, le Don de l’Esprit Saint Plénitude d’Être et de Vie (Jn 4,10 ; 7,37-39). Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que nous acceptions, librement, de tout cœur, de nous tourner vers Dieu. D’où ces premières paroles de Jésus en St Marc : « Repentez-vous » (Mc 1,15), convertissez-vous, détournez-vous du mal, tournez-vous vers Dieu, et vous ne pourrez qu’être comblés par le Don gratuit de cet Amour qui ne cherche, ne désire, ne poursuit que le bien de tout être humain ici-bas…

            Qu’un homme, créature spirituelle, créature « esprit », en vienne à se détourner de cœur de son Créateur, et le voilà aussitôt privé de la Plénitude du Don de l’Amour, qui Est Esprit et Vie. Et c’est ainsi que la mort, au sens d’une privation d’une Plénitude de Vie, a fait son entrée dans le monde… St Paul l’évoque avec la figure d’Adam : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché » (Rm 5,12). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu », écrit-il encore (Rm 3,23), « Présence de Dieu se communiquant à l’homme de façon de plus en plus intime », précise en note la Bible de Jérusalem. Et l’on pourrait rajouter, par le Don de « l’Esprit de Gloire, l’Esprit de Dieu », pour reprendre une expression de St Pierre (1P 4,14). Toute l’œuvre de salut accomplie par Jésus consistera donc à nous redonner, gratuitement, par Amour, tout ce que nous avons perdu par suite de nos fautes. Le premier cadeau qu’il est venu nous offrir au Nom de son Père est donc le pardon de toutes nos fautes, en surabondance, inlassablement, car Dieu ne cesse d’Être Amour, quoique nous pensions, disions ou fassions… Et l’Amour ne cesse de poursuivre le seul bien de l’être aimé… « Dieu ne se lasse jamais de pardonner, jamais ! C’est nous qui nous lassons de lui demander pardon » (Pape François).

            « Et toi, petit enfant », dit Zacharie, le père de Jean-Baptiste, en regardant son fils qui vient de naître, « tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur », le Christ Jésus, « et tu prépareras ses chemins pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés, grâce aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu, dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix » (Lc 1,76‑79). Le premier cadeau qui nous est offert, à nous pécheurs, est donc « la rémission des péchés », le pardon de toutes nos fautes, de tous nos actes manqués… Et nous constatons que nous retrouvons aussitôt tout ce dont nous étions privés par suite de nos fautes : la Lumière au lieu des « ténèbres », la Vie, une Plénitude de Vie au lieu de « l’ombre de la mort »… Jésus est donc bien « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), avec ce double sens que prend le mot péché dans la Bible : acte et conséquences de l’acte… L’acte est ‘effacé’ par le pardon, les conséquences de l’acte sont effacées elles aussi par ce Don que l’Amour n’a jamais cessé de faire de Lui-même, un Don que Jésus nous rend capables, par ce pardon proposé et reçu, de recevoir de nouveau… Et ce Don nous est communiqué par la Troisième Personne de la Trinité, l’Esprit Saint… « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23), grâce « à l’Esprit qui est Seigneur et qui donne la Vie » (Crédo)…

            Cette Vie est la Plénitude d’Être et de Vie que Lui-même reçoit du Père et du Fils en tant qu’ « il procède du Père et du Fils », le Fils recevant Lui-même cette Vie du Père en tant qu’il est « engendré non pas créé, né du Père avant tous les siècles »… Nous retrouvons toute cette dynamique dans les dernières paroles que Jésus a adressées à ses disciples peu de temps avant sa Passion : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de son propre chef, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous communiquera tout ce qui doit venir. Lui me glorifiera, car il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi ». Autrement dit, l’Esprit Saint nous fait « accéder à la vérité tout entière », qui est celle de Dieu Lui-même, Mystère éternel de Communion de Trois Personnes divines distinctes dans l’unité d’une même Plénitude d’Être et de Vie, « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), « en nous communiquant tout ce qui doit venir », c’est-à-dire cette Vie du Ciel même pour laquelle nous avons tous été créés. Mais cette Vie nouvelle et éternelle est la sienne : il la reçoit de Jésus en tant qu’il procède (du Père) et du Fils, et il nous la communique dans ce mouvement propre à l’Amour qui en Dieu est Don de ce qu’Il Est en Lui-même…

            Le mystère premier de la vie chrétienne réside donc dans l’accueil de ce Don gratuit de l’Amour, ce Don de l’Esprit Saint, Plénitude d’Être et de Vie, Trésor commun du Père, du Fils et du Saint Esprit, Trésor qu’ils veulent offrir à toute personne humaine qui acceptera de le recevoir, dans la vérité… Pour nous pécheurs, cette vérité est celle de nos misères, de nos failles, de nos blessures, de nos faiblesses, mais rien, absolument rien n’empêche notre Père de nous regarder comme ses enfants… Et si le mal fait en premier lieu du mal à celui qui le commet, « souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait du mal » (Rm 2,9), un pécheur est d’abord pour Dieu un enfant en souffrance, et donc un enfant à guérir, un enfant qui demande des soins tout particuliers pour lui permettre de retrouver la paix profonde, fondement du seul vrai bonheur… Un pécheur est donc celui qui mobilise tout particulièrement l’attention de Notre Père des Cieux, ce « Père des Miséricordes » (2Co 1,3) qui, n’étant qu’Amour, ne cesse, inlassablement, de poursuivre notre seul bien… Dès lors, le plus grand pécheur, et donc le plus grand souffrant, sera celui dont l’état bouleversera le plus le cœur de Dieu, et donc qui le plus invité à recevoir ses trésors de Miséricorde, de Compassion et de Bonté, et cela bien sûr, avec un cœur droit, loyal et sincère… Autrement, cela voudrait dire que nous sommes toujours dans le péché, le mensonge, et donc… dans la souffrance intérieure… face à laquelle Dieu ne pourra qu’avoir toujours et encore cette même attitude, cette réaction propre à l’Amour qui ne cesse envers et contre tout de chercher encore et toujours le bien de l’être aimé. « Quand nous sommes infidèles, Dieu lui reste à jamais fidèle car il ne peut se renier Lui-même » (2Tm 2,13) : il Est Amour, en tout son Être, Amour Pur qui ne désire et ne poursuit, inlassablement, que le bien de celles et ceux qu’Il aime…  L’invitation qu’il nous adresserait en pareil cas ne pourrait donc qu’être invitation pressante à renoncer à tout mensonge, à tout calcul, pour retrouver une conscience droite et avec elle, le Don surabondant de son pardon et de son Amour pour connaître enfin cette intensité de Vie insoupçonnée, qui est celle de Dieu Lui-même…

            Et dans cette dynamique propre à l’Esprit Saint Seigneur, « donner la vie » en donnant « l’Esprit qui vivifie », ce Don spirituel n’opèrera pas simplement le pardon des péchés, le passage de la mort à la vie, des ténèbres à la Lumière, de l’angoisse à la paix, mais il apportera aussi toutes ces richesses propres à l’Amour, ces charismes qui permettront à tous les pécheurs pardonnés que nous sommes de pouvoir rendre témoignage, chacun à sa façon, à la Miséricorde toujours fidèle et surabondante de Dieu… « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien de tous. À celui-ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné d’opérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à l’un, de parler diverses langues mystérieuses ; à l’autre, de les interpréter. Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier » (1Co 12,4-10), pour son bien et le bien de tous… « Heureux ceux qui croient sans  avoir vu ! » (Jn 20,29)…

D. Jacques Fournier

Pour impression ou une meilleure lisibilité, cliquer sur le document en PDF : Trinité 4 – 2021

[1] SPICQ C., « eikvn », Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p. 429-431.




Le Mystère de la Trinité (3) : « L’Esprit Saint procède du Père et du Fils… Il est Seigneur, et il donne la vie » (Crédo)…

            Nous avons vu précédemment que depuis toujours et pour toujours, le Père et le Fils sont en face à face, le Père, dans l’Amour, se donnant en tout ce qu’Il Est au Fils, l’engendrant ainsi en Fils « né du Père avant tous les siècles » (Crédo) ; le Fils, dans l’Amour, se recevant en tout ce qu’Il Est du Père, dans l’action de grâce.

            « Dieu » en effet « Est Amour » (1Jn4,8.16), et le propre de l’Amour, en Dieu, est de se donner, totalement, pour la seule Plénitude de l’autre. C’est ce que déclare le Pape François dans son audience donnée à Rome le mercredi 14 juin 2017 : « Le premier pas que Dieu accomplit vers nous est celui d’un amour donné à l’avance et inconditionnel. Dieu nous aime parce qu’il est amour, et l’amour tend de nature à se répandre, à se donner ». C’est ainsi que St Jean écrit : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35). En grec, le temps employé pour le verbe « donner » pourrait aussi être traduit par un présent : « Le Père aime le Fils et il donne tout en sa main » (Jn 3,35). Autrement dit, c’est parce que « le Père aime le Fils », un présent qui a ici valeur d’éternité, « qu’il lui donne tout », tout ce qu’il Est, tout ce qu’il a. « Tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15)…

            « « Aimer », pour Dieu, c’est donc « donner » ce qu’Il Est en Lui-même, sa Plénitude spirituelle d’Être et de Vie, et cela gratuitement, par amour. Et rien, absolument rien ne peut empêcher Dieu d’Être ce qu’Il est, Amour, Pur Amour, toujours donné, gratuitement, pour le seul bien de tous… Et puisque nous avons tous été « créés à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), Jésus nous invitera à agir « comme » lui, une attitude qui n’est possible, pour nous pécheurs, qu’avec le secours de sa grâce : « Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 44-45). Autrement dit, le Père « Amour » aime d’un Amour Pur aussi bien « les méchants et les bons », « les justes et les injustes » : à tous, il donne gratuitement, par Amour, en surabondance, ce qu’Il Est en Lui-même, et Il Est Esprit (Jn 4,24), et Il est Lumière (1Jn 1,5). « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu… Le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,1.9)…« Il fait donc lever son soleil » sur tous en donnant à tous la Lumière de son Esprit, et « il fait tomber la pluie » sur tous en donnant l’Eau Vive de son Esprit (cf. Jn 4,10-14 ; 7,37-39). Pour « les justes » et « les bons », c’est-à-dire les pécheurs repentants ouverts en vérité à la surabondance de cet Amour, qui prendra alors pour eux le visage d’une incroyable Miséricorde, cet Esprit sera Lumière, Vie, Paix, Joie, Douceur, Tendresse dans une purification et une sanctification toujours en œuvre ici-bas… Pour « les méchants » et « les injustes », c’est-à-dire les pécheurs qui n’ont pas encore pris conscience de leurs misères, aveuglés par leur orgueil et la convoitise des biens de ce monde, le Don de la Lumière de l’Esprit, de l’Eau Vive de l’Esprit sera douce invitation à ouvrir la porte de leur cœur (Ap 3,20), à faire la vérité dans leur vie, à se repentir, pour passer enfin des ténèbres à la Lumière, d’une privation de Plénitude (Rm 3,23) à un avant goût de cette Plénitude, dès maintenant, dans la foi, en leurs cœurs… Ils commenceront alors à pressentir dès ici-bas « où » se cache le vrai Bonheur… « C’est si bon cette Présence de Dieu ! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme, que j’aime le trouver puisqu’Il ne me quitte jamais…  J’ai trouvé le ciel sur la terre puisque le ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme » (Elisabeth de la Trinité)…

            « Né du Père avant tous les siècles », le Fils est donc « engendré » par le Père (Crédo), qui accomplit à son égard un acte d’amour éternel, totalement gratuit : il se donne à Lui en tout ce qu’Il Est, l’engendrant ainsi en « Dieu né de Dieu »… « Dieu Est Amour » ? Le Père Est Amour ? En se donnant au Fils, il va lui donner à lui aussi d’Être Amour, totalement, pleinement, tout comme Lui, et cela en ‘Amour né de l’Amour’…

            Mais si le propre de l’Amour en Dieu est de se donner, le Fils lui aussi, « engendré » par le Père, Amour né de l’Amour avant tous les siècles, va pouvoir se donner comme Dieu seul se donne, de tout son Être… Ainsi, en tant que le Fils se reçoit du Père en tout ce qu’il est, cette capacité à se donner sera encore pour lui un Don du Père. Nous le pressentons en Jn 17,2, lorsqu’il prie son Père juste avant sa Passion et lui dit : « Père, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie, et que selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ». Jésus est donc bien conscient que « donner la vie » est un « pouvoir », une capacité, qu’il a reçue du Père…

            Répétons-nous : depuis toujours et pour toujours, le Père est Amour et il se donne entièrement, en tout son Être, au Fils, lui donnant d’être Amour lui aussi, tout comme le Père. Le Fils, Amour, est donc lui aussi Don total de lui‑même, entièrement, tout comme le Père… Et c’est ainsi que, de toute éternité, du Don du Père et du Fils « procède » l’Esprit Saint, la Troisième Personne de la Trinité. Autrement dit, lui aussi se reçoit en tout ce qu’Il Est du Don total et éternel du Père et du Fils…

            Il importe maintenant de faire une précision au niveau du vocabulaire que nous employons. « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24) dit Jésus à la Samaritaine. Le mot « Esprit », employé ici sous la forme d’un nom commun, suffit donc à décrire tout ce que Dieu Est en Lui-même, l’infinie richesse de sa Plénitude spirituelle, qui est aussi, nous l’avons vu, « Amour », et cela en tous ses aspects. Ainsi, lorsque St Jean écrit « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), la Lumière dont nous parlons est une réalité spirituelle de l’ordre de l’Amour… Tout en Dieu « Est Amour »…

            Nous disons aussi souvent que « Dieu est Saint » (cf. Lv 19,2), et là aussi l’adjectif « Saint » suffit à caractériser tout ce que Dieu est en lui-même… Et cela d’autant plus qu’il vient d’un verbe, « qadash », qui, en hébreu, a comme sens premier : « couper, séparer, mettre à part ». Dieu est donc « Saint » en tant qu’il est le seul à être ce qu’il est. A ce titre, il est à part, incomparable. « A qui me comparerez-vous dont je sois l’égal, dit le Saint  (Is 40,25) ? » Réponse : à personne… Il est le seul à être ce qu’il est, Dieu unique…

            Le nom commun « Esprit » et l’adjectif « Saint » peuvent donc être employés, ensemble ou séparément, pour évoquer ce que Dieu est en Lui-même, sa Plénitude d’Être et de Vie… Ainsi, le Père est Esprit, le Père est Saint, le Père est Esprit Saint. Le Fils est Esprit, le Fils est Saint, le Fils est Esprit Saint.

            Mais lorsque nous évoquons la Troisième Personne de la Trinité, nous allons reprendre ces deux mêmes mots « Esprit » et « Saint » mais cette fois d’une manière différente et donc avec un sens différent : « Esprit Saint » ou « Saint Esprit » devient alors un nom propre pour évoquer « Quelqu’un » d’unique, cette Personne divine qui n’est ni le Père, ni le Fils, mais qui, tout comme le Père et le Fils, est la seule à être « qui » elle est… Le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont alors trois Personnes divines qui existent de toute éternité, en face à face les unes avec les autres, bien distinctes l’une de l’autre, leur différence étant à la base de leurs relations éternelles… Et dans le Mystère de ces relations, le Fils, en face à face avec le Père, se reçoit du Père en tout ce qu’il Est, et cela de toute éternité, gratuitement, par amour… Et l’Esprit Saint, en face à face avec le Père et le Fils, se reçoit lui aussi du Père et du Fils en tout ce qu’il Est, et cela de toute éternité, gratuitement, par amour. Alors, si « Dieu est Esprit », et si « Dieu est Saint », l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, est donc lui aussi « Esprit » et lui aussi « Saint » en tout son Être…

            Il s’agit donc simplement, lorsque nous employons l’expression « Esprit Saint », de bien faire attention à ce que nous évoquons :

  • Soit « l’Esprit Saint » nom propre, qui renvoie à une Personne divine, la seule à être « qui » elle est. A ce titre, en tant que Personne, elle ne peut qu’être en face à face avec le Père, et en face à face avec le Fils.

  • « Esprit Saint », nom commun et adjectif, qui renvoient tous les deux à ce que Dieu Est en lui-même… Alors, ces deux mots peuvent s’appliquer à chacune des trois Personnes divines, soit séparément, soit tous les deux ensemble, et cela pour évoquer ce qu’elles sont toutes les trois en elles‑mêmes, ce par quoi elles vivent et s’expriment. Cette Plénitude spirituelle est ainsi tout à la fois « dans le Père », « dans le Fils » en tant que le Fils la reçoit du Père de toute éternité, et « dans l’Esprit Saint », en tant que l’Esprit Saint la reçoit du Père et du Fils de toute éternité. C’est dans ce cadre que Jésus peut évoquer le fait sa Plénitude d’Être et de Vie est aussi celle du Père, elle est aussi « dans le Père », alors même que le Père et le Fils sont toujours en face à face. Il dira alors en St Jean : « Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 14,10-11), ce qui équivaut à dire : tout ce qu’Est le Fils, le Père l’Est lui aussi, alors même que le Père n’est pas le Fils et que le Fils n’est pas le Père…

            Et maintenant, puisque « Dieu est Amour », la troisième Personne de la Trinité est elle aussi « Amour », et donc Don d’elle-même, puisque le propre de l’Amour en Dieu est de se donner en tout ce qu’il Est… L’Esprit Saint « Seigneur » est donc lui aussi Don de ce qu’il Est en lui-même, tout comme le Père et le Fils. Puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), l’Esprit Saint « Seigneur » donne cet Esprit, gratuitement, par amour. Et comme nous pouvons dire aussi « Dieu est Esprit Saint », l’Esprit Saint « Seigneur » ne cessera de donner l’Esprit Saint, Plénitude d’Être et de Vie, car « l’Esprit est vie » (Rm 8,10 ; cf. Ga 5,25)… Tout cela, nous pouvons le formuler avec notre Crédo : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie », en donnant cet Esprit qui est vie. Toute l’œuvre de l’Esprit Saint, troisième Personne de la Trinité, « Amour », consiste donc à nous donner gratuitement, par amour, « l’Esprit Saint », Plénitude d’Être et de Vie, qui est appelée à s’unir à notre esprit pour nous donner d’avoir part nous aussi, à la Plénitude même de Dieu. Et puisque « le fruit de l’Esprit est Paix » (Ga 5,22), « Paix alors sur la terre à tous les hommes que Dieu aime » (Lc 2,14), « Paix aux hommes de bonne volonté » (« In terra pax in hominibus bonae voluntatis » (Traduction latine de St Jérôme) qui, par leur bonne volonté, accueillent le Don gratuit de l’Amour, sans en être, peut-être, conscients…

            Nous avons vu précédemment que le Père fait tout par le Fils, par Celui à qui il se donne de toute éternité l’engendrant ainsi en Fils. Nous pouvons maintenant compléter et dire que le Père fait tout par le Fils et par l’Esprit Saint, qui « procède du Père (et du Fils) » de toute éternité. Le Fils et l’Esprit Saint sont ainsi comme « les deux mains du Père », selon l’image de St Irénée (Deuxième Evêque de Lyon, entre 177 et 202, date de sa mort). Le Père se donne ainsi à nous par ces deux Personnes divines à qui il se donne de toute éternité, car en se donnant à elles, il leur donne à leur tour de pouvoir se donner… Le Père nous donne ainsi la vie par son Fils, « le Pain de vie » (Jn 6,35) et par « l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo). En effet, nous dit Jésus, « c’est mon Père qui vous le donne, le pain qui vient du ciel, le vrai ; car le pain de Dieu, c’est le pain qui descend du ciel et donne la vie au monde… Je suis venu en effet pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 6,32-33 ; 10,10). Ainsi, « comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi » (Jn 6,57). Nous recevons donc la vie de Dieu, la vie du Père, par le Fils. Et cette vie nous est transmise, nous dit encore Jésus, non pas par sa chair et son sang, mais par « l’Esprit qui vivifie », c’est-à-dire par le Don de l’Esprit Saint « Seigneur », Troisième Personne de la Trinité, qui en se donnant lui-même, en nous donnant ce qu’Il Est en lui-même, nous donne sa Plénitude d’Être et de Vie, « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). C’est ce que Jésus affirme après avoir insisté de manière incroyable sur l’accueil par la foi et dans la foi de « sa chair donnée pour la vie du monde » (Jn 6,51), et de « son sang versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28) : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui » (Jn 6,53-56). Et après une telle insistance, devant la réaction de certains, « mais comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? », « elle est dure cette parole ! Qui peut l’entendre ? » (Jn 6,52.60), Jésus leur dit : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien » (Jn 6,63)…

            Nous le constatons donc avec cet exemple de l’Eucharistie : si le Père fait tout pour nous par le Fils et par l’Esprit Saint, c’est-à-dire s’il se donne à nous par le Fils et par l’Esprit Saint à qui il se donne de toute éternité, le Fils lui aussi fait tout pour nous par l’Esprit Saint, à qui il se donne lui aussi de toute éternité, lui donnant de pouvoir se donner. Le Fils se donne alors à nous par le Don que l’Esprit Saint « Seigneur » ne cesse de faire de Lui-même, gratuitement, par amour… « En vérité, en vérité je vous le dis », déclare Jésus, « celui qui croit » en sa Parole « a la vie éternelle » (Jn 6,47) par « l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo)…

            « Heureux alors ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29), car cette Plénitude d’Être et de Vie est bonheur profond pour quiconque accepte de la recevoir dans la vérité de sa misère reconnue et offerte au « Père des Miséricordes » (2Co 1,3), à Jésus « Sauveur du monde » (Jn 4,42), à l’Esprit Saint « Consolateur » (Jn 14,16.26 ; 15,26 ; 16,7), au Dieu Unique, Amour, Don pur et gratuit de Lui-même pour le seul bien de tous…

D. Jacques Fournier

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Le Mystère de la Trinité (2) : Le Père fait tout par le Fils ; le Fils est le Serviteur du Père

            De toute éternité, le Père et le Fils sont en face à face, le Père, dans l’Amour, se donnant en tout ce qu’Il Est au Fils, l’engendrant ainsi en Fils ; le Fils, dans l’Amour, se recevant en tout ce qu’Il Est du Père, dans l’action de grâce. Et puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), et que « Dieu est Saint » (Lv 19,2), « Jésus tressaille de joie dans l’Esprit Saint », « le Don de Dieu », « et il dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du Ciel et de la terre » (Lc 10,21 ; Jn 4,10)… Chacun possède donc une seule et même Plénitude d’Être et de Vie, le Père la donnant au Fils, gratuitement, par amour, le Fils la recevant du Père, gratuitement, dans l’amour. Le Père et le Fils, en face à face, sont ainsi unis l’un à l’autre dans la communion d’un même « Amour » (1Jn 4,8.16), d’un même « Esprit » (Jn 4,24), d’une même « Lumière » (1Jn 1,5), d’une même Vie (Jn 5,26). Et cet Amour, en Dieu, fait l’union des volontés. Le Fils n’a ainsi qu’un seul désir : accomplir le plus parfaitement possible la volonté du Père. Et le Père, de son côté, fait tout par et pour son Fils : « Le Seigneur fait tout pour moi. Seigneur, éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains » (Ps 138(137),8).

            Ainsi lorsque nous disons dans notre Crédo « Je crois en un seul Dieu, le Père Tout‑Puissant, Créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible », St Jean précise en parlant du Fils, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14) : « Tout fut par lui et sans lui rien ne fut » (Jn 1,3). La Lettre aux Hébreux commence quant à elle par ces lignes : « À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes » (Hb 1,2). La Lettre aux Colossiens nous dit de son côté de ce Fils qui a assumé notre condition humaine, « devenant ainsi semblable aux hommes » (Ph 2,7) : « Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles (la formulation de notre Crédo), Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui » (Co 1,15-17).

          Si le Père a créé tous les hommes, gratuitement, par amour et par le Fils, ce même Père veut sauver tous les hommes gratuitement, par amour et par ce même Fils : « Dieu notre Sauveur, veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu ; il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). St Jean écrit de son côté : « Dieu », le Père, « a tant aimé le monde », c’est‑à‑dire tous les hommes, sans absolument aucune exception, « qu’il a donné son Fils Unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu », le Père, « n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde », au sens de condamner, « mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16-17). St Jean appelle ainsi Jésus « le Sauveur du monde », et lui, de son côté, n’a qu’un seul désir : accomplir la volonté du Père, et donc tout faire pour que tous les hommes soient effectivement sauvés : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre », la création qu’il a lancée dans l’aventure de la vie et au cœur de laquelle il ne cesse d’agir pour son salut, « à bonne fin… Tout ce que me donne le Père », et le Père a donné au Fils le monde à sauver, « viendra à moi, et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors ; car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or c’est la volonté de celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour » (Jn 4,34 ; 6,37-39).

            En tant que le seul de désir de Jésus est l’accomplissement de la volonté du Père, nous pouvons donc l’appeler « le Serviteur » du Père. Et c’est bien ainsi que St Luc nous le présente plusieurs fois dans son Livre des Actes des Apôtres : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob a glorifié son Serviteur Jésus que vous, vous avez livré… Vous avez fait mourir le Prince de la vie, mais Dieu l’a ressuscité des morts ; nous en sommes témoins… Et c’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et il l’a envoyé vous bénir », le Père nous bénit donc par son Fils, « du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,11-26 ; cf. Ac 4,27.30). Le Fils est donc tout entier au Service du Père, dans l’accomplissement de sa volonté. Mais dans cette communion d’Être et de Vie qui unit le Père et le Fils, une communion qui est de l’ordre de l’Amour, tout ce que veut le Père dans l’Amour, pour notre seul bien, le Fils le veut lui aussi de tout son Être, dans ce même Amour et toujours pour notre seul bien. Et le Père apparaît alors comme étant lui aussi le Serviteur du Fils dans l’accomplissement de leur volonté commune, pour notre seul bien…  C’est ainsi que le Père est tout entier au service du Fils pour que les hommes viennent à lui, croient en lui et puissent donc ainsi être sauvés par lui, l’unique « Sauveur du monde », « l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes » (1Tm 2,3-6).

            Le Père va ainsi se mettre au service du Fils en attirant tous les hommes à lui. Nous l’avons vu, « tout ce que me donne le Père viendra à moi ». En effet, « nul ne peut venir à moi », dit Jésus, « si cela ne lui est donné par le Père ». Oui, « nul ne peut venir à moi », dit-il encore, « si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6,37.65.44).  Et « venir à » Jésus en St Jean est synonyme de « croire en lui », comme nous le montre ce parallèle en Jn 6,35 : « Je Suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » Le Père attire ainsi tous les hommes au Fils et il fait tout pour leur donner de croire en lui… C’est ainsi, notamment, qu’il lui rend témoignage, par une voix qui jaillit du ciel : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, j’ai mis tout mon amour » (Mc 1,11)Et si, disait Jésus, « ma parole n’est pas de moi, mais du Père qui m’a envoyé » (Jn 14,24), de telle sorte que « ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis » (Jn 12,50), le Père de son côté déclare, lors de la Transfiguration de Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez‑le » (Mc 9,7)Et lorsque Jésus demande :« Père, glorifie-ton nom », aussitôt, « du ciel vint une voix : « Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai » (Jn 12,28). Ainsi, « le Père qui m’a envoyé », dit Jésus, « lui, me rend témoignage » (Jn 5,37). Et il le fait encore par « les guérisons, signes et prodiges qu’il opère par son saint serviteur Jésus » (cf. Ac 4,30). Oui, dit St Pierre, « Jésus, le Nazôréen, est bien cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, signes et prodiges qu’il a opérés par lui au milieu de vous » (Ac 2,22). Et Jésus en était bien conscient : « Les œuvres que le Père m’a donné à mener à bonne fin, ces œuvres mêmes que je fais, me rendent témoignage que le Père m’envoie » (Jn 5,36).

            Le Père a donc tout créé par le Fils, et il veut tout sauver par le Fils. Dans sa mission, il agit pour lui, il est entièrement à son service, pour aider les hommes à venir à Jésus, à croire qu’il est vraiment « le Sauveur du monde », ce qui leur permettra de recevoir le pardon de toutes leurs fautes, offert en surabondance par leur Dieu et Père qui, avec son Fils, ne cherche et ne poursuit que leur bien. C’est donc bien encore avec et par son Fils que le Père travaille à se réconcilier à lui tous les hommes. Car ce n’est que dans cette relation en cœur à cœur avec leur Père qu’ils trouveront, en tant qu’ils la recevront gratuitement, par amour, cette Plénitude d’Être et de Vie que le Père veut leur communiquer à eux aussi, car c’est pour qu’ils en soient comblés qu’il les a tous créés. Et ce Don sera le même que celui qu’il offre à son Fils de toute éternité, l’engendrant ainsi en Fils « vrai Dieu né du vrai Dieu »… Il aura donc au cœur de tous ceux et celles qui accepteront de le recevoir les mêmes effets que pour le Fils : l’engendrement à la Plénitude même de la Vie de Dieu, « à l’image du Fils » (Rm 8,29). En effet, « Dieu », le Père, « s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix ». Oui, « en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité, et vous vous trouvez, en lui, associés à sa Plénitude » (Col 1,19-20 ; 2,9-10) ! Et dans sa seconde Lettre aux Corinthiens, St Paul écrit : « Dieu », le Père, « nous a réconciliés avec lui par le Christ et il nous a confié le ministère de la réconciliation. Car c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes et mettant en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,18-20) en accueillant la Vérité de son Amour. Et dans cette même Vérité où nous sommes déjà enveloppés par sa Tendresse, nous sommes invités à reconnaître en vérité notre péché, nos misères, et à tout lui offrir. « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne mérite plus d’être appelé ton fils » (Lc 15,21). Alors, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) les fera vite disparaître par « l’Eau Pure qui purifie » (Ez 36,24-28), « l’Eau Vive qui vivifie », « l’Eau Vive de l’Esprit Saint », « le Don de Dieu » (Jn 4,10-14 ; 6,63 ; 7,37-39). Ainsi, « celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3,21), et « si nous marchons dans la lumière, comme Dieu est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché » (1Jn 1,7-9). Et par la médiation de son sang versé, de sa chair offerte, c’est toujours le Don de l’Esprit qui accomplit son œuvre en nous. En effet, si le sang de Jésus est bien « le sang de l’Alliance versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28), la réalité qui accomplit cette œuvre en nous, c’est bien l’Esprit qui purifie, « l’Esprit qui vivifie » : « La chair ne sert de rien, c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63).

            Alors, si nous acceptons de nous présenter devant lui tels que nous sommes en vérité, pécheurs, remplis de misères et de faiblesses de toutes sorte, « lui, fidèle et juste, pardonnera nos péchés et nous purifiera de toute iniquité ». « Si notre cœur venait à nous condamner, devant lui nous apaiserons notre cœur, car Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout » (1Jn 3,19-20)… Et ce Dieu « Miséricorde Toute Puissante » (Lc 1,49-50), ce « Père des Miséricordes » (2Co 1,3), Lui qui a créé l’infini de l’univers visible qui nous entoure, Lui qui est aussi infini en Amour, agira envers nous selon l’infini de son Amour et nous ne pourrons que constater, en expérimentant son pardon, que « là où le péché à abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20)…

            « Il ne s’agit donc pas de l’homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Rm 9,16). Ainsi, grâce au salut du monde « accompli » (Jn 19,30) par Jésus, le Fils, le projet créateur du Père pourra lui aussi pleinement s’accomplir : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé. En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence »… Ainsi, « après avoir écouté la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire… Le Christ a en effet aimé l’Eglise », et à travers elle, l’humanité tout entière. « Il s’est livré pour elle afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église », cette humanité, « resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel ; il la voulait sainte et immaculée » (Ep 1,3‑14 ; 5,25-27). Et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait au ciel et sur la terre, dans les mers et jusqu’au fond des abîmes » (Ps 135(134),6). Telle est la volonté du Père accomplie par le Fils et qui commence à se réaliser très concrètement dans nos cœurs et dans nos vies par le Don gratuit de l’Amour, le Don de l’Esprit Saint… « Heureux » alors, dès maintenant, dans la foi, « ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29)…

D. Jacques Fournier

 

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Le Mystère de la Trinité (1) : « Le Père et le Fils, en face à face, unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit. »

 

            « Si Dieu était votre Père », dit Jésus à ses adversaires, « vous m’aimeriez, car c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens ; je ne viens pas de moi-même ; mais lui m’a envoyé » (Jn 8,42), « et celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît » (Jn 8,29). « Celui qui ma envoyé », le Père, « est avec moi », dit Jésus, et cela « toujours », car Jésus « fait toujours ce qui lui plaît ». Accueillir le Fils, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), celui que les hommes pouvaient voir avec leurs yeux de chair, « c’est donc au même moment accueillir le Père », « toujours » avec le Fils, mais invisible à nos yeux de chair, car « Dieu est Esprit », dit Jésus à la Samaritaine (Jn 4,24).

            Nicodème avait reconnu que Jésus n’était pas seul : « Rabbi, nous le savons, tu viens de la part de Dieu comme un Maître : personne ne peut faire les signes que tu fais, si Dieu n’est pas avec lui » (Jn 3,2). C’était Dieu le Père, en effet, qui, avec lui et par lui, accomplissait des miracles, signes et prodiges pour aider les foules à croire en son Fils : « Jésus le Nazôréen, cet homme que Dieu a accrédité auprès de vous par les miracles, prodiges et signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous », dit St Pierre à la foule (Ac 2,22). Et Jésus lui-même disait : « Les œuvres que le Père m’a donné à mener à bonne fin, ces œuvres mêmes que je fais me rendent témoignage que le Père m’a envoyé » (Jn 5,35). En effet, « le Père demeurant en moi fait ses œuvres » (Jn 14,10), car « le Fils ne peut rien faire de lui-même qu’il ne le voie faire au Père ; ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait » (Jn 5,19‑20).

            Le Fils est donc tout d’abord entièrement « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18). Dans la foi, en « Verbe fait chair », vrai Dieu (Jn 1,1 ; 20,28) mais aussi vrai homme, « Fils de l’homme » (Mc 9,31), il le regarde, il le voit, il l’écoute. En serviteur du Père, il fait ce qu’il voit faire au Père, il dit ce qu’il a vu auprès du Père, et aussi ce que le Père lui dit : « Je dis ce que j’ai vu chez mon Père » (Jn 8,38), « je dis ce que le Père m’a enseigné » (Jn 8,28).

            Le compagnonnage de Jésus avec son Père est donc au cœur de son Mystère. Jésus est tout entier tourné vers le Père, il ne cesse de le regarder, de l’écouter, il est tout entier à son service, ne cherchant qu’une seule chose : accomplir sa volonté, dans une obéissance parfaite… « Et Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6)…

            Mais ce Mystère d’un « être avec… », « d’un être auprès de… », « d’un être tourné vers » un Autre que Lui-même, Jésus en parle aussi avec d’autres expressions qui peuvent sembler incompatibles avec les premières. En effet, Jésus le Fils, « l’Unique Engendré » (Jn 1,18), est le seul à être « qui » il est. Le Fils n’est pas le Père, et le Père n’est pas le Fils. A ce titre, le Père et le Fils, en tant que Personnes divines uniques, sont toujours en face à face. De ce point de vue, le Père n’est pas dans le Fils, et le Fils n’est pas dans le Père : le Père, lui qui est le seul à être le Père, est face à face avec un autre que Lui-même, le Fils, qui, de son côté, est lui aussi le seul à être le Fils. Et pourtant, Jésus nous dit : « Le Père », ce Père que je ne suis pas, ce Père qui est un autre que moi-même, « est en moi et moi, je suis dans le Père ». C’est ce qu’il affirme par deux fois à Philippe après lui avoir déclaré : « Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père ; dès à présent vous le connaissez et vous l’avez vu. Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. » Jésus lui dit : Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ! ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même : mais le Père demeurant en moi fait ses œuvres. Croyez-m’en ! je suis dans le Père et le Père est en moi. Croyez du moins à cause des œuvres mêmes » (Jn 14,6-11).

           Le Père n’est pas le Fils, le Fils n’est pas le Père ; à ce titre, ils sont toujours en face à face… Et pourtant, « le Père est dans le Fils, et le Fils est dans le Père », nous dit Jésus plusieurs fois. Comment donc harmoniser ce qui semble si contradictoire ? Nous touchons ici aux conséquences éternelles de l’engendrement éternel du Père par le Fils, « dès avant la fondation du monde » (Jn 17,24), « avant tous les siècles » (Crédo), et donc avant que le temps n’existe… « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même… Ainsi, je vis par le Père » (Jn 5,26 ; 6,57), nous dit Jésus. Et pourquoi ? « Car le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), tout, tout ce qu’il est, tout ce qu’il a : « Tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15 ; 17,10). Le Père est Dieu ? Le Père aime le Fils, et de toute éternité, il se donne à lui, lui donnant ainsi gratuitement, par amour, d’être « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo). « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) ? Le Père aime le Fils, se donne totalement à lui, en tout ce qu’Il Est, lui donnant ainsi, gratuitement, par amour, d’être « Lumière née de la Lumière » (Crédo). Qui voit la Lumière du Fils voit donc la Lumière du Père, car il s’agit dans les deux cas de la même réalité spirituelle. C’est ainsi que Jésus peut dire : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9), alors même que le Père n’est pas le Fils et que le Fils n’est pas le Père… « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16) ? « Tu es mon Fils Bien Aimé », lui dit le Père, « en toi j’ai mis tout mon amour » (Mc 1,11), tout ce que Je Suis. Ainsi, par ce Don total que le Père ne cesse de faire au Fils, tout ce qu’Est le Père, le Fils l’Est aussi en tant qu’il le reçoit du Père. Jésus peut alors dire : tout ce qui Est « en moi », tout ce qui me constitue, ma Plénitude d’Être et de Vie, tout cela Est aussi « en toi », Père, puisque le Fils reçoit tout du Père en « Unique Engendré » (Jn 1,18), « engendré non pas créé, né du Père avant tous les siècles » (Crédo). A ce titre, même si le Père n’est pas le Fils, et si le Fils n’est pas le Père, tout ce qui Est dans le Père Est dans le Fils, en tant que le Père le donne au Fils de toute éternité. Et tout ce qui Est dans le Fils Est dans le Père, en tant que le Fils le reçoit du Père de toute éternité… En considérant donc cette Plénitude d’Être et de Vie qui le constitue tout entier, le Fils peut  dire qu’il Est dans le Père et que le Père Est en Lui, alors même qu’ils sont toujours tous les deux en face à face…

            Le talent de St Jean est tel qu’il n’a besoin que de quelques mots pour exprimer ce Mystère de Communion du Père et du Fils, bien distincts l’un de l’autre, mais dans l’unité d’un même Esprit (cf Ep 4,3) : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10,30). En français, nous avons deux genres : le masculin et le féminin. En grec, il en existe trois : le masculin, le féminin et le neutre. Le masculin renvoie à des personnes de sexe masculin, avec énormément d’exceptions… Le féminin renvoie à des personnes de sexe féminin, avec énormément d’exceptions… Le neutre renvoie au domaine des choses, des réalités non personnifiées, avec énormément d’exceptions… Et en Jn 10,30, pour écrire « un », St Jean n’a pas utilisé le masculin, ce qui aurait voulu dire que le Père et le Fils n’auraient en fait été qu’une seule et même Personne, mais un neutre qui renvoie donc à une réalité non personnifiée, ici, ce que sont le Père et le Fils de toute éternité : « Amour » (1Jn 4,8.16), « Esprit » (Jn 4,24), « Lumière » (1Jn 1,5). Le Père et le Fils sont « un » en tant qu’ils sont unis l’un à l’autre dans la Communion d’un même Esprit, d’une même Lumière, d’un même Amour, en un mot d’une même Plénitude divine d’Être et de Vie, le Père la donnant au Fils de toute éternité, le Fils la recevant du Père de toute éternité…

            Ainsi, le Père et le Fils sont bien l’un en face de l’autre, l’un auprès de l’autre, l’un avec l’autre, bien distincts l’un de l’autre, et pourtant, ils sont unis au niveau de leur Être même dans la communion d’une même Plénitude spirituelle (« Dieu est Esprit » (Jn 4,24), le Père la donnant au Fils, gratuitement, par Amour, l’engendrant ainsi en Fils, le Fils la recevant gratuitement du Père, dans l’Amour. La relation qui existe ainsi entre les deux est vitale, existentielle, le Fils n’étant rien sans le Père…

            Alors, si, à un instant du temps, le Fils a assumé notre nature humaine, « corps, âme et esprit » (1Th 5,23), son esprit d’homme était pleinement uni à sa Plénitude spirituelle éternelle, mais cette réalité, invisible par nature à nos yeux de chair, ne se laisse percevoir qu’au regard du cœur, au regard de la foi… Et bien sûr, là où est le Fils, là est le Père, avec lui, auprès de lui, uni à lui dans la communion d’un même Esprit… Ainsi, « celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille mais celui qui m’a envoyé »…

D. Jacques Fournier

Pour impression ou une meilleure lisibilité, cliquer sur le document en PDF : Trinité 1 – 2021




« Quand l’amour de Dieu embrase le cœur de l’homme »… – Père Matta el-Maskîne

Malgré tout ce qu’on peut dire et tout ce qu’on peut faire à propos du contrôle de la pensée, particulièrement durant la prière, il n’y a en réalité pour l’homme qu’un seul chemin pour atteindre la paix intérieure et le repos de la pensée : c’est l’amour, l’amour jaillissant de la foi et de la confiance en Dieu. Les méthodes volontaristes du contrôle de la pensée peuvent réussir à maîtriser partiellement la pensée et les capacités imaginatives, mais elles ne peuvent réussir à fixer la pensée en Dieu.

Quand l’amour de Dieu explose au cœur de l’homme, il investit, non seulement l’intellect, mais tous les sens, et l’homme tout entier devient une bouche qui parle et une oreille qui entend, et plus aucune force ne peut le séparer de son dialogue d’amour avec Dieu.

Quand l’amour de Dieu embrase le cœur de l’homme, non seulement il contrôle, sa pensée et ses sens, mais l’homme tout entier accède à un état de quiétude et de sérénité qui est le paradis même. Cela tient au sentiment de sécurité et de confiance absolue que l’on reçoit dans la présence du Dieu tout-puissant. Le passé, avec ses malheurs et ses tristes souvenirs, s’efface de l’horizon de la pensée priante, de même que n’existent plus pour elle les préoccupations du présent avec ses exigences, et que disparaît l’angoisse de l’avenir avec ses surprises. L’âme est désormais au repos en Dieu. Elle a mis en lui une confiance illimitée, semblable à celle e l’enfant reposant sur le sein de sa mère.

Un des plus grands mystères de notre amour de Dieu et de son impact sur l’âme humaine est, sans doute, la capacité de cet amour à convaincre l’âme de confier totalement, tout simplement et d’un seul coup, sa volonté, sa vie, ses espoirs et sa faiblesse entre les mains de son bien-aimé. L’homme se lève alors pour prier, non seulement l’esprit clair et la pensée maîtrisée, mais avec un sentiment d’abandon, de sérénité et de calme, même pendant les circonstances d’angoisse et de perturbation les plus violentes et les plus dangereuses. L’attitude du martyr s’avançant vers l’épée du bourreau avec calme et tranquillité, priant et levant au ciel les mains et les yeux, est une image vivante et éloquente de la puissance de l’amour capable de tout vaincre.

Pour celui qui aime, sa disposition au don de soi et à l’abnégation est son meilleur bouclier contre toutes les surprises, les menaces et les angoisses qui sont les plus puissants facteurs de perturbation de la pensée durant la prière.

                                                                                   P. Matta el-Maskîne

                                                        Extrait de « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »

                                                               (Abbaye de Bellefontaine – Editions du Cerf)




Le chemin de la confiance et de l’abandon total à Dieu… – Père Matta el-Maskîne

Le chemin de la confiance

et de l’abandon total à Dieu…

Père Matta el-Maskîne

 

Les grâces de la vie contemplative n’apparaissent pas dans nos vies avec la rapidité de l’éclair ; elles prennent plutôt leur cours avec une sérénité qui rend leur progression imperceptible, comme un lever de soleil dont la lumière naît faible et atténuée à l’aube, perçant calmement, mais avec force, le voile de l’obscurité. Et tandis qu’il est difficile d’en fixer le commencement, tu la vois s’étendre, s’amplifier, se développer en dissipant petit à petit les ténèbres environnantes ; c’est alors que paraît le soleil.

Pour arriver à une vie de prière féconde il ne faut pas nous attendre à ce que les grâces fondent sur nous soudainement ; il nous faut y aller à pas lents mais fermes, par un effort long et soutenu ; il nous faut la patience et la contrainte volontaire.

Il suffit d’avancer, quelles que soient la lenteur de la progression et l’épaisseur de l’obscurité qui enveloppe notre foi. La simple progression dans la vie de prière et d’intimité avec Dieu est garante de notre arrivée au but ; la lumière apparaîtra immanquablement, même si nous en avons été longtemps privés. Alors apparaîtront les fruits de nos efforts, de notre foi et de notre patience.

Quant à la contrainte que nous nous imposons dans les efforts, les sueurs, les larmes et le combat contre le doute, quant à la marche en avant malgré l’obscurité qui nous enveloppe de partout, elles sont chères aux yeux de Dieu malgré l’apparente stérilité qu’elles peuvent revêtir à nos propres yeux : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29), « car Dieu n’est point injuste, pour oublier ce que vous avez fait et la charité que vous avez montrée par son nom » (He 6,10).

Certains pensent que le chemin de la vie de piété, de contemplation et de solitude est parsemé de roses et de doux parfums. Non, ce chemin est aride et austère, « sans beauté ni éclat et sans aimable apparence » (Is 53, 2). Il suffit que le Christ l’ai décrit comme un chemin resserré, une porte étroite, à l’accès difficile (cf. Mt 7, 14). Après t’y être engagé, la peur te prend, le doute t’assaille, et tu te demandes : Suis-je vraiment en route vers Dieu ? Mais où donc est-il ? Ainsi commence cette épreuve du chemin que l’âme emprunte, éloignée de toute aide humaine, dépourvue de signe et de toute satisfaction spirituelle, dépourvue même d’un mot d’encouragement ou de la moindre promesse. La raison elle-même se dresse contre toi, pour que ta foi soit mise à l’épreuve, loin de toute claire vision.

C’est à cause de l’aridité de ce commencement, c’est en raison de cette épreuve, et à la vue de ce chemin et de ses aspérités, que beaucoup sont revenus en arrière et ne purent effectuer la traversée, avec sur les lèvres le scepticisme de Nathanaël : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1, 46). Mais heureux ceux qui ont suivi le chemin de la foi, car : « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11, 40).

Même la foi ne t’accompagnera pas toujours avec force, elle déclinera de temps en temps ; en chemin tu revendiqueras les plaisirs d’antan, et ton cœur reviendra au pays d’Egypte, « où tu étais assis devant des marmites de viande et mangeais du pain à satiété » (Ex 16, 3), ton âme se retournera contre toi et te blâmera disant : « Pourquoi m’amener dans ce désert pour me faire mourir ? » Pauvres âmes, la tienne et la mienne, ou plutôt, âmes à la nuque raide qui revendiquent des marmites de viande dans un désert. Elles demanderont un signe qu’elles ne trouveront pas, et une parole pour la route qui ne leur sera pas donnée.

Beaucoup, déconcertés, se sont arrêtés là, se demandant : où en sommes-nous ? Que faisons-nous sur ce chemin ? Quel message est le nôtre, après tout cela ? Ces questions sont celles du doute et des appels à battre en retraite. Nombreux sont ceux qui, à mi-chemin, sont revenus parce qu’ils ont voulu « cheminer dans la claire vision et non dans la foi » (2Co 5,7). Ils ont exigé signe et miracle et, ce faisant, ont démontré leur absence de foi. N’obtenant pas de réponses à leurs demandes, ils ont fait volte-face et se sont jetés à corps perdu dans l’océan tumultueux du monde, absorbés dans ses œuvres innombrables, s’en préoccupant éperdument, non pas parce que ces œuvres sont bonnes à leurs yeux, mais pour fuir la vérité contre laquelle ils ont buté, et parce qu’ils ont été pris d’effroi à la pensée de cheminer dans la seule foi sans rien voir.

Sans Moïse, Israël n’aurait pas marché un seul jour dans le désert ! Pourtant, c’est quarante ans que Moïse marcha dans l’espoir d’atteindre la terre promise, et c’est avec la seule foi qu’il a mené cet immense combat. C’est armé de cette seule foi qu’il a pu convaincre et contraindre un peuple buté à marcher derrière lui quarante ans dans un désert aride et désolé.

Il nous manque la conduite d’un Moïse afin de marcher dans la foi, afin de nous contraindre à émigrer sur le chemin de Dieu, quand même nous ne verrions rien, et à nous battre quelles que soient la durée et la longueur du combat ; car nous savons qu’au bout du chemin, la Jérusalem céleste nous attend « comme une jeune mariée parée pour son Epoux » (Ap 21,2). Et qu’en chemin, ses promesses sincères, ses mystérieuses consolations et sa voix qui perce l’éternité nous suffisent.

Le propos de ce chapitre concerne la volonté. Dans la théologie ascétique le discours sur la volonté est parmi les plus délicats et les plus dangereux. En y changeant un seul mot, le projet de l’homme peut s’inverser et passer du combat légitime à une forme de combat erronée, travestie, menant à l’égarement, voire à la maladie.

Dès le départ, il nous faut bien mettre en évidence la forme saine et légitime de l’effort et de la contrainte volontaire qui mènent au Christ et à la vie éternelle : c’est lorsque la volonté s’oriente vers l’abandon total à Dieu et que la contrainte s’oriente vers la pleine soumission de l’âme au projet de la grâce, avec une foi inébranlable, quelles que soient les circonstances et ce, jusqu’à ce qu’il ne reste à l’âme aucune volonté propre, aucune passion particulière que celles d’obéir toujours à la voix de Dieu et à ses commandements.

Dans l’ardeur de l’adoration, il nous faut nous méfier de la dérive du moi quand commencent à apparaître les signes du succès, ainsi que la joie et la satisfaction qui s’y rattachent, car alors, le moi tend à amplifier ce succès et cette satisfaction par un effort personnel supplémentaire. Là réside le point critique où l’effort et la contrainte volontaire dévient de leur parcours sain et légitime pour s’inverser et se transformer en effort centré sur soi-même. Au lieu d’un effort visant à la soumission à Dieu et d’une contrainte volontaire dirigée vers l’obéissance absolue, l’effort devient celui de la volonté propre et la contrainte volontaire se met au service du développement des capacités personnelles.

Il nous faut savoir que le succès et la joie spirituelle sont l’œuvre de Dieu, et non point de l’homme, et que Dieu se permet de les accroître quand il veut, et autant qu’il le veut, que ce soit à cause de l’homme, ou indépendamment de ses mérites.

L’effort et la contrainte volontaire ne doivent avoir aucun autre mobile qu’un amour de Dieu plus profond en la personne de Jésus Christ. On manifeste cet amour en s’astreignant à obéir aux commandements quel qu’en soit le prix, et en contraignant la volonté et la conscience à se soumettre au plan de Dieu, même si les conséquences sont peu agréables.

De même, il ne faudrait pas que l’effort et la contrainte volontaire soient encouragés par des facteurs affectifs tels que l’autosatisfaction et les louanges du monde, de même qu’ils ne doivent pas être touchés par les railleries ou les critiques des hommes.

Quant à l’objectif qui doit être le nôtre par rapport à l’effort et à la contrainte volontaire, c’est la soumission entière à Dieu et l’abandon total à sa volonté.

Quelques indications pour éclairer la voie de l’effort et de la contrainte volontaire :

  1. Méfie-toi de la tension de la volonté. Elle pourrait te jeter dans le tourbillon de l’effort personnel centré sur soi. Quand la volonté s’active et s’enthousiasme, attache-la immédiatement à l’obéissance au Seigneur afin qu’elle ne fasse rien de son propre chef.

  1. Rejette tout sentiment de responsabilité personnelle vis-à-vis du succès ou de l’échec, et transforme-le immédiatement en un sentiment de responsabilité vis-à-vis de la seule poursuite de l’effort, dans la fidélité.

  1. Ne recherche pas l’aide manifeste des puissances invisibles, car le Christ ne te laisse manquer de rien. Il s’est porté garant des besoins et des exigences de ta route. Que sa force te suffise. Que tes efforts s’appuient sur elle. Et si tu reçois les aides et les consolations d’en haut, sois heureux et réjouis-toi, mais n’en fais pas la condition dont dépend ton effort, afin que ta marche n’en soit pas perturbée ni ne s’arrête.

  1. L’effort et la contrainte volontaire ne sont pas destinés à obtenir quelque chose pour soi, à renforcer la volonté ou à affronter l’ennemi. Ils sont là au contraire pour se dépouiller de soi, pour confier sa volonté, pour se réfugier en Christ au lieu d’affronter l’ennemi.

  1. Dans la mesure où tu t’appuies sur ta propre volonté, tu perds le sentiment d’être aidé par Dieu. Et dans la mesure où il te suffit de livrer ta volonté avec une soumission sereine et une persévérance résolue pour accepter le plan de Dieu, tu acquiers le sentiment certain que Dieu œuvre en toi, qu’il t’aide et qu’il te prend en charge.

  1. Ne suspends pas ton effort et ne cesse pas de te contraindre à obéir aux commandements de Dieu, quels que soient tes échecs, et quelles que soient tes épreuves, car derrière ton âme défaite se tient le Christ avec, dans ses mains, le trophée de l’effort. Tu n’es pas responsable de la réussite, mais tu es responsable de l’effort.

  1. Notre combat et notre contrainte volontaire, même pratiqués avec droiture, sont incapables, en soi, de nous faire progresser vers la justice ou de nous rapprocher de Dieu, mais leur seul objectif est de nous séparer de notre moi et de nous détacher de la vie de péché et d’insoumission. Quant à la justice, Dieu nous l’offre gratuitement ; et l’intimité avec Dieu, c’est le Christ lui-même qui s’en charge.

Il est une vérité que nous ne devrions pas perdre de vue, c’est que, lorsqu’on compte sur soi et sur sa volonté propre, on ne se doute pas que son combat est centré sur le moi. On ne réalise pas que sa confiance ne s’appuie pas sur Dieu et l’on va son chemin accroché à soi-même, trébuchant d’une ornière à l’autre, maudissant et blâmant son peu de volonté, rassemblant ses efforts volontaristes pour un surcroît de marches et de défaillances, de tristesse et de détresse, en continuant à se figurer que l’on s’appuie sur Dieu et que l’on n’a confiance qu’en lui.

La vérité est tout autre. Le fait de progresser dans la vie de soumission à la volonté de Dieu, ne saurait comporter le moindre blâme vis-à-vis du peu de volonté considéré comme responsable de la chute et du faux pas. La chute et les trébuchements ne proviennent pas de la faiblesse de la volonté, mais au contraire de sa force et de son ingérence. Cela est évident du fait que la victoire et le salut ne proviennent pas de la force de la volonté, mais de sa disparition derrière la grâce. Quand la volonté disparaît derrière la grâce, l’homme se renforce, surmonte, vainc, se contrôle, réussit, progresse. Mais quand la volonté se réveille, envahit les situations, se révolte et devient intransigeante, alors la chute et les faux pas sont inévitables. La chute dévoile la prédominance de la volonté et de son activité, et sa présomption vis-à-vis de la grâce. Quand nous blâmons notre peu de volonté, et que nous sommes déprimés dès que nous trébuchons, cela veut dire que nous confessons que nous cheminons selon notre volonté propre et non dans la soumission à Dieu. Et quand, après la chute, nous essayons de rassembler et de renforcer la volonté, c’est comme si nous nous préparions à subir un autre échec plus fort encore, et insistions à rendre la volonté responsable de notre cheminement spirituel.

Toute sollicitude à l’égard du moi est une tentative de l’ennemi de réveiller la volonté propre et ses désirs particuliers.

Tous les faux pas que nous endurons dans notre cheminement manifestent une même cause : notre refus de remettre totalement notre volonté à Dieu ; ils trahissent, par conséquent, notre manque de confiance.

Nos faux pas nous incitent donc à revoir l’authenticité de cet abandon de notre volonté et de la progression de notre confiance en Dieu. Ils soulignent la nécessité du refus de la volonté propre qui nous entraîne à accomplir nos désirs, et la nécessité de la conversion permanente dans le calme, la patience et l’endurance.

Il faut savoir aussi que les tristesses exagérées et déprimantes auxquelles l’homme s’abandonne après avoir péché ou trébuché, ne sont que manifestations d’un orgueil blessé, d’une haute considération de soi et d’une estime présomptueuse de sa volonté, qui font que l’on considère la chute indigne de la haute idée qu’on se fait de soi et de la force de sa volonté. On cherche alors à s’attirer les consolations et les encouragements trompeurs des gens ou du père spirituel, pour panser les blessures de son orgueil blessé.

La position saine de l’homme vis-à-vis de la chute, c’est l’aveu de la faute, le recours immédiat à la conversion, ainsi que la poursuite de l’effort assidu en vue de parfaire l’abandon de sa volonté propre et la soumission de son âme au Seigneur.

Matta el-Maskîne

                                                        Extrait de « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »

                                                               (Abbaye de Bellefontaine – Editions du Cerf)




Saint Joseph ouvrier, antidote d’« un catholicisme zombie » par Fr. Manuel Rivero O.P.

Saint Joseph ouvrier,

antidote d’« un catholicisme zombie ».

Fr. Manuel Rivero O.P.[1]

Le 1er mai, saint Joseph, le père adoptif de Jésus, est célébré dans sa facette de professionnel responsable et compétent, au service de sa famille et du bien commun.

L’Évangile l’appelle homme « juste« [2], c’est-à-dire un homme juif qui connaissait la Loi de Moïse et qui la mettait en pratique. En unissant la foi et la science, la prière et le travail, saint Joseph a goûté l’union à Dieu en partageant les expériences heureuses et douloureuses d’Israël. Chaque samedi, il se rendait à la synagogue de Nazareth pour célébrer la Loi proclamée en hébreu et commentée en langue araméenne, sa langue maternelle. Combien de fois, Jésus, adolescent, l’a écouté avec un cœur brûlant.

Sanctifier la famille

Homme d’action, saint Joseph accomplit la volonté de Dieu. Silencieux, il médite dans la lumière de la foi les paroles de l’Ange du Seigneur qui l’exhorte à assumer sa responsabilité d’époux et de père adoptif de l’enfant que Marie porte en son sein par l’action de l’Esprit Saint. Homme fort, orienté vers l’avenir, il change son projet initial en réponse à la révélation de l’Ange. La mission que Dieu lui confie dépasse celle des prophètes et des chefs de son Peuple. Il doit accompagner, protéger et éduquer Jésus « qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,21).

Avec son épouse, Marie, Joseph s’engage dans le service du salut de l’humanité par l’Incarnation du Verbe. Gardien du mystère de la maternité divine de Marie, partageant la même foi, Joseph fait preuve d’amour, de prudence et d’endurance.

En cette « Année de la famille », commencée le 19 mars en la fête de saint Joseph, le père adoptif de Jésus met en lumière la grandeur de la vie ordinaire. Le concile Vatican II a souligné l’appel universel à la sainteté dans l’Église[3]. Les chrétiens ont pour vocation la sanctification de la famille, du travail, de l’économie et de la politique.

La demande de la prière du Notre Père « que ton Nom soit sanctifié » correspond à cette sanctification de toutes les dimensions de la personne et de la vie sociale. Habité par la grâce de l’Esprit Saint, saint Joseph a veillé sur son épouse, Marie. À l’image du grand-prêtre de l’Ancien Testament qui veillait sur le Temple, saint Joseph a trouvé Dieu en aimant Marie, « nouvelle arche d’Alliance »[4], demeure de Dieu. L’Arche de l’Alliance contenait la manne et les tables de la Loi[5]. Marie portait en son sein Jésus, le Verbe fait chair, Loi nouvelle d’amour et Pain de Vie descendu du Ciel[6]. Dans un beau sermon, saint Bernard (+1153) a mis en parallèle le patriarche Joseph, fils de Jacob, et Joseph, époux de Marie. Si dans l’Ancien Testament, Joseph, intendant de Pharaon, avait mis les blés en réserve pour tout le peuple d’Égypte et non pour lui-même ; dans le Nouveau Testament, Joseph, père adoptif de Jésus  « reçut le Pain vivant du ciel afin de le conserver aussi bien pour lui que pour le monde entier[7]. »

Pour le père Marie-Joseph Lagrange (+1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem, «Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère[8] ». Il me semble que les chrétiens peuvent en dire la même chose au sujet de saint Joseph. Par l’amour de son père adoptif, l’âme de Jésus a été imprégnée de la joie de Dieu le Père.

Sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, témoigner par le travail

Artisan charpentier-maçon, saint Joseph s’est sanctifié dans son atelier au service des clients qui avaient besoin d’une maison, d’une armoire, d’une table ou d’une chaise. Ses journées comportaient des hauts et des bas, des réussites commerciales et des heures de soucis économiques pour nourrir sa famille. Il a sanctifié la création l’imprégnant de son intelligence, de son amour et de sa prière. Ceux qui le fréquentaient dans les relations professionnelles ont été attirés vers Dieu par son témoignage.

Saint Josemaría Escrivá de Balaguer (+1975) a excellé dans la mise en valeur de la sainteté vécue au travail quotidien : « « Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans la salle d’opération d’un hôpital, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail. C’est là que Dieu nous attend chaque jour : il y a quelque chose de divin qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir »[9] ».

Le primat de la personne sur le capital

Le philosophe chrétien Emmanuel Mounier (+1950) a développé une philosophie du personnalisme communautaire avec le primat de la personne sur le capital, le primat du spirituel sur le matériel, à l’opposé de l’individualisme. Il arrive souvent que la foi en Dieu soit remplacée non pas par l’athéisme mais par l’idolâtrie où le marché devient « dieu », la finance « une déesse » et le bien-être « un veau d’or ». La pensée de Mounier a inspiré l’enseignement du saint Pape Jean-Paul II sur le travail dans l’encyclique Laborens exercens du 14 septembre 1981 qui proclame le primat du travail sur le capital et de la personne sur la propriété privée. « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde », clame la Jeunesse ouvrière chrétienne (J.O.C.).

La destination universelle des biens

Le pape François évoque les trois T nécessaires pour la vie : un toit, une terre et un travail.

La doctrine sociale de l’Église enseigne la destination universelle des biens : La terre est à tous et Dieu en est le propriétaire ; les hommes n’étant que ses gestionnaires. C’est pourquoi, en cas d’extrême besoin, le principe de la propriété privée de biens s’efface au profit de la vie de l’homme. La propriété privée ne figure pas dans le Credo. Elle n’est pas sacrée. En revanche, la vie de tout homme porte au plus profond d’elle-même une dignité et une vocation sacrées : « La gloire de Dieu est l’homme vivant et la vie de l’homme est de voir Dieu », enseigne saint Irénée de Lyon. C’est en ce sens que le pape François plaide pour un revenu universel qui garantisse à chacun sa dignité humaine sans déchoir dans la misère[10].

La foi vivante de saint Joseph représente un antidote contre « un catholicisme zombie[11] » qui n’aurait qu’une influence indirecte et vague sur les réalités familiales, économiques et politiques.

L’exemple de saint Joseph invite à commencer par la conversion personnelle avant de vouloir changer le monde, car la tentation est grande pour chacun d’aspirer à transformer la société mais sans vouloir se mettre en cause.

Saint Joseph a accepté de changer son projet de vie pour faire la volonté de Dieu. Il l’a fait avec réalisme, de manière intégrale, spirituelle et matérielle. Son travail et la transmission de son savoir-faire font partie du Salut de l’humanité par Jésus le Christ, ouvrier lui-même.

Saint-Denis (La Réunion), le 27 avril 2021.

[1] Doyen de la Faculté des sciences sociales à DOMUNI Universitas (https://www.domuni.eu/fr/).

[2] Évangile selon saint Matthieu 1, 19.

[3] Voir Lumen gentium chapitre V.

[4] Voir Litanies de Lorette.

[5] Voir Épître aux Hébreux 9, 1-5.

[6] Voir Évangile selon saint Jean 6, 33-35.

[7] Saint Bernard, Homélie sur le « Missus est », 2, 16, PL 183, col. 55. Voir Jean-René Bouchet, Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes, Lectionnaire patristique dominicain, Paris, Les éditions du Cerf, 1994, p. 403, pour la fête de saint Joseph, le 19 mars.

[8] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.

 

[9] Entretiens, point 114.

[10] Cf. Pape François, Un temps pour changer. Conversations avec Austen Ivereigh, Paris. Éditions de Noyelles, 2020, p.195.

[11] Voir l’étude d’Hervé Le Bras et d’Emmanuel Todd dans Le Mystère français (2013) qui évoquent un « catholicisme zombie » qui continuerait de marquer les relations sociales à l’image des zombies qui ont cessé d’exister.

 

 




29 avril : Fête de Sainte Catherine de SIENNE – Noéline FOURNIER

        Vingt-cinquième et dernière enfant d’un couple de commerçants, dans la ville  de  Sienne en Italie, Catherine, née en 1347, a une sœur jumelle, Giovanna, morte prématurément.

 

Elle chérira même un frère adoptif, Tommaso della Fonte, futur dominicain. On ne peut dire mieux, comme famille nombreuse.

 

    Cette « fille prodige » connaît une enfance merveilleusement précoce, toute baignée de surnaturel : première vision à l’âge de sept ans ; consécration à Dieu à huit ans.

            De sa vingtième année jusqu’à sa mort, à trente trois ans (pendant 13 ans), des foules d’admirateurs l’acclament. Les moqueurs disaient : « Voici venir la reine de Fontebranda avec ses encatherinés ! »

            Voici ce qu’elle nous dit : « Mes chers fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, servante des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris avec le désir de vous voir obéissants jusqu’à la mort, à l’exemple de l’Agneau sans tâche qui obéit à son Père jusqu’à l’ignominieuse mort sur la croix.  Songez qu’il est le chemin et la règle que vous devez suivre ».

            Jésus parle à son Père en lui disant : « Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’a révélé aux tout-petits » (Lc 10,21). Catherine était quasi illettrée (elle ne parle ni latin ni français, mais seulement le toscan des basses classes) et pourtant elle sera l’unique « Docteur » du XIVième siècle. De l’avis des savants, si extraordinaire que ce soit, Catherine pourrait arborer une médaille d’or assez glorieuse : « probablement, malgré sa courte vie, c’est la femme qui exerça le plus d’influence visible sur l’Église ».

            « Venez à moi !… » dit Jésus.

            Stigmatisée (marquée des cinq plaies de la Passion) en 1375, à Pise, la « souffrante » obtient du Seigneur que, sur son corps, les points douloureux restent invisibles. Et elle ne révèle tout ceci qu’à son confesseur…

                        En 1354, la fillette qui a tout juste l’âge de raison raconte naïvement à sa mère une vision dont elle vient d’être favorisée :

            « Notre Seigneur, coiffé d’une tiare, m’est apparu, au sommet de l’Église des Dominicains de SIENNE. Qu’il était beau, entouré des apôtres Pierre, Paul et Jean ! »

 –   « Et t’a-t-il parlé », interroge la maman. – « Non pas, il m’a fait signe de venir à sa suite… » La maman s’interroge : « Ma dernière-née serait-elle une manipulatrice ? »

            A sept ans, la petite s’engage par vœu de virginité. Est-ce concevable ?

            De plus la jeune demoiselle fait part de sa vocation aussi précise que précoce : « Je voudrais devenir Dominicaine pour prêcher la religion et convertir les hérétiques ». L’entourage passe outre, mais interroge avec un brin d’anxiété : « Jusqu’où vont nous conduire les pieuses folies de notre petite sœur ? ».

            Lorsque sa fille atteint ses douze ans (1359), la maman décide d’en finir avec les extravagances : « On va marier Catherine et les pieusetés ridicules cesseront ».

           Le lancement de la petite dans le monde sera réalisé par sa sœur préférée, Bonaventura. Cette dernière conduit sa cadette au bal  après l’avoir parée de bijoux et revêtue d’une belle toilette. Bientôt cependant, la pieuse Catherine se reprend et, conseillée par Tommaso della Fonte devenu prêtre, elle se coupe les cheveux et elle se coiffe d’un voile blanc.

            La mère entend briser cette résistance passive. Ella arrache le voile symbolique et déclare à la récalcitrante : « Tes cheveux repousseront, têtue, et tu auras un mari ! »

            Dans la ligne de son projet matrimonial, la maman veille au grain, voulant étouffer dans l’œuf toute tentative de révolte. Bientôt, la benjamine se trouve réduite au rôle de servante domestique. « De la sorte, du moins, tu sers ta famille au lieu de rêver. »

Le rêve de Catherine, la future « Mantellata » 

            Le mot italien « Mantellate » (porteuse de « mantello », de manteau) désigne une Communauté de Religieuse Siennoises du tiers Ordre Dominicain. On les reconnaît à leur vêtement caractéristique : robe blanche, ceinture de cuir, voile blanc, manteau noir. Comment Catherine, persécutée par sa famille, rencontre-t-elle ces « pieuses dames », qui en principe, ne reçoivent que des veuves ?

Un beau matin de 1362, Catherine réunit les siens :

            « Venez tous, je vous prie. J’ai une importante communication à vous faire. »

            Le cercle familial se trouve bientôt au grand complet, quelque peu inquiet de cette convocation insolite. C’est alors que la jeune fille de quinze ans tient aux siens ce langage :

            « Cette nuit, Saint Dominique m’est apparu en songe. Dans l’habit noir et blanc qu’il me propose, je retrouve avec joie le vêtement des Mantellate  de notre petite ville. Pour obéir à ce rêve, je désire entrer dans cette Congrégation. »

            Au nom de tous, en sa qualité de chef de famille, le père fait connaître sa décision :

            « Cette inspiration de notre chère benjamine lui vient sûrement du Ciel. Que nul ne s’avise désormais de la contrarier. Elle intercèdera pour nous tous. Nous allons, dès demain, lui ménager en guise d’oratoire, une chambrette au-dessus de la cuisine. »

            Ainsi fût fait. L’année suivante, la Prieure de la Congrégation accueille la postulante, par privilège spécial, en ce tiers Ordre Dominicain réservé aux veuves. Qui l’eût pensé ?

            En ces conditions, sans quitter le monde, la jeune Catherine devient priante perpétuelle. Elle apprend à lire pour déchiffrer, péniblement, quelques ouvrages spirituels.

            Mais l’épreuve visite cette âme exceptionnelle puisque, autour des amis de Dieu, Satan rôde (1 P 5,8) : « Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le Diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi, sachant que c’est le même genre de souffrance que la communauté des frères répandus dans le monde, supporte. »

            Il tente la recluse par d’abominables images, si éprouvantes que la souffrante en gémit lamentablement. C’est de cette période que date le dialogue sublime, entre Catherine et Jésus, rapporté et commenté par tous les biographes, jusqu’au Père  Garrigou-Lagrange. Ecoutons plutôt :

            « Quand on souffre Jésus est là », nous dit-elle. 

            – Catherine : « Bon et très doux Jésus, où étiez-vous donc, tandis que mon âme subissait de tels tourments ? »

            – Jésus : « J’étais au fond de ton cœur. En effet, je ne m’éloigne jamais du cœur de mes amis. »

            – Catherine : « Quoi donc, Seigneur, vous étiez dans mon cœur, au milieu de toutes ces horreurs et visions impures ? »

            Jésus : « Ces horreurs, te causaient-elles joies ou peines ? »

            – Catherine : « Je les exécrais : elles me contristaient au tréfonds de l’être. »

            Jésus : « J’étais dans ton cœur de même que j’étais sur la croix, dans un état de souffrance et de bonheur. »

A partir de cet instant, Catherine va se donner totalement à Dieu, unie au Christ dans ces actions.

            D’abord, un apostolat provincial en pays Siennois, puis à travers toute la Toscane. En second lieu, une sorte de mission de pastorale familiale pédestre et collégiale. Enfin, la transformation de la Papauté obtenue par cette sublime ignorante qui ne sait que Dieu seul.

« La Foi », nous dit Catherine, « est la pupille de l’œil de l’intelligence : sa lumière fait discerner, connaître et suivre la voie et la doctrine du Verbe incarné. Sans cette pupille, la vision est impossible. L’âme ressemblerait alors à un homme qui aurait des yeux mais dont la pupille serait recouverte d’un voile. L’intelligence est l’œil de l’âme ; la pupille de cet œil, c’est la Foi. »

 « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Catherine exerce d’abord son rayonnement au milieu des siens. Attentive à l’environnement immédiat, elle s’occupe prioritairement de ses proches. Sa belle‑sœur, Lisa devient sa protégée. Elle soutient son frère Giacomo.

Quel magnifique exemple filial, admiré par beaucoup, le 22 août 1368 ! A cette date, Catherine, au chevet de son père alors sur son lit d’agonie, obtient pour lui une faveur insigne : « Le patriarche entrera directement au Ciel… ». Quand à sa maman, désormais admirative de la dernière-née, elle répètera jusqu’à son trépas, à 89 ans : « Catherine nous bénit et elle nous protège tous. » La Patronne de Sienne se montre secourable à tous, également au tiers ordre dont elle est membre. Pendant longtemps, elle secourt une consoeur mantellata, Andrée, qui meurt du cancer. Elle aide les miséreux, ramène les pécheurs à Dieu.

        Catherine et son clan spirituel

 Catherine devient chef de clan spirituel grâce à sa « belle brigade ». Il s’agit de « supporters » enthousiastes qui, sur les routes, à travers villes et village, forment un cortège coloré de missionnaires itinérants. Le groupe, constamment grossi par de nouveaux pèlerins, part de Sienne et rayonne à travers l’Italie et jusqu’en Provence. Autour de cette jeune inspirée qui préconise le réarmement moral, se rassemble une foule enthousiaste. En tête, s’avancent une vingtaine de « mantellate », reconnaissables à leur costume blanc et noir. Ensuite, viennent les fervents : hommes et femmes, religieux et laïcs, jeunes et vieux, répétant de pieuses litanies. Dans le cortège, le trio des Dominicains, confesseurs de l’héroïne : Tommaso della Fonte, Raymond de Capoue, Bartolomeo di Domenico. Les « trois secrétaires, recueillent, composent, retouchent le journal spirituel de Catherine.

            Lorsque s’éloigne le cortège, un spectateur bien renseigné précise pour ses voisins ébahis : « Savez-vous que ces gens méditatifs et priants, commentent ensemble la Bible et font un partage l’Évangile ? »

 Leur chef de file de vingt-cinq ans, ils l’appellent : « Dolcissima mamma »(très douce maman) ». Avec elle, ils scrutent les mystiques, ils dissertent à partir de la « Somme Théologique de Thomas d’Aquin… »

            Avec eux, les jaloux en sont pour leurs frais : médisances et calomnies ne sauraient atteindre Catherine, la très pure « mantellate ».

 

Conseillère des Papes.

Catherine est une femme fameuse ! Elle débarque dans ce 14° siècle où l’Eglise est déchirée, pourrie, où elle semble prête à sombrer. Beaucoup souhaitaient la Réforme « dans la tête et dans les membres ». Catherine a une audace folle. Elle écrit aux Cardinaux, aux Papes, elle va les voir pour leur rappeler leurs devoirs.

Au début de l’année 1371 (l’épistolière n’a alors que vingt quatre ans), elle écrit au Pape Grégoire XI, qui réside alors à Avignon, ces lignes d’une stupéfiante  hardiesse et franchise :

« Écoutez-donc, Saint-Père, les paroles que vous adresse Jésus-Christ : « Votre cour mondaine ruine ma céleste cour. Presque toutes les âmes qui fréquentent vos palais, vous les expédiez dans la géhenne du feu »… Revenez donc à Rome, à votre siège, le plus tôt que vous pourrez ». (Révélations livre 4, chap. 142)

Cinq ans après, le 18 juin 1376, la visionnaire arrive en Avignon, escortée par sa « foule effervescente »… En trois mois d’action hardie, Catherine obtient ce que tant d’autres sollicitèrent vainement.

Le 13 septembre suivant, Grégoire XI quitte la cité des bords de Rhône. Le Pontife compte sur Catherine pour le réconforter.

Malheureusement, le décès de Grégoire XI semble remettre tout en question. Dès l’élection d’Urbain VI, Catherine exhorte celui-ci de réformer l’Église et s’offre en victime pour la paix.

Bientôt, appelée à Rome, elle habite « Via di Papa ». Obéie, suivie, respectée, la « douce Maman » dirige « la Navicella » (nef de l’Église). Cette fille modèle meurt à trente trois ans, le 29 avril 1380, sous la bénédiction de sa mère.

Rien ne l’arrête car, dit-elle, « l’âme résiste à tout avec la lumière de la très sainte FoiAussi, je vous prie, mes doux fils et filles dans le Christ Jésus, de ne jamais redouter quoi que ce soit et de mettre toute votre confiance dans le sang du Christ crucifié. Ne laissez jamais briser cette union par des tentations et des illusions, par la peur que vous pourriez avoir de ne pas persévérer, par la crainte de ne pouvoir supporter les fardeaux de l’obéissance et de l’Ordre. » 

 Cette Conseillère des Papes et des Rois, entrée en politique, y a excellé. L’humilité qui est sans doute sa vertu majeure, cette fille si avisée nous la recommande par une pensée que le grand Pascal, s’il l’a connue, a dû aimer : « Personne n’est si éclairé qu’il puisse se passer de la lumière des autres. »

« Debout donc. Il n’est aucun démon, aucune créature qui puisse vous enlever la grâce ou vous empêcher de parvenir à votre but qui est de voir et de goûter Dieu. Demeurez dans l’amour de Dieu. Aimez-vous. Aimez-vous les uns les autres. » Nous dit-elle.

             Extrait de « Les Docteurs de l’Eglise », de Jean Huscenot (Médiaspaul)

Bonne journée à vous, et Bonne Fête à toutes les Catherine.

Noéline FOURNIER.