6ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN
Évangile selon saint Marc 1, 40-45
« La vie a vaincu la mort. »
Dans l’évangile de ce jour, Jésus guérit un lépreux.
Alors que la semaine dernière, Marc nous disait : « [Jésus] guérit beaucoup de gens atteints de toute sorte de maladie », il consacre ensuite une péricope toute entière pour la guérison d’un lépreux. C’est dire à quel point cette maladie était à l’époque considérée comme différentes des autres.
D’abord parce qu’elle était contagieuse, et que la personne atteinte voyait sa chair se transformer peu à peu en une masse purulente la rendant difforme et hideuse, souvent insupportable à voir. Ensuite parce qu’elle était considérée comme une punition de Dieu suite à un péché. C’était donc une maladie physique et spirituelle qui rendait la personne atteinte impure, au sens propre et au sens figuré. D’où un nombre important de règles dont la première lecture nous donne les deux principales : 1- les lépreux devront vivre à l’écart de la communauté, des villages, dans des endroits déserts, en quarantaine, pour éviter tout contact physique et spirituel ; 2- le diagnostic de la maladie et de sa guérison sont fait, non par un médecin, mais par un prêtre.
Or, ici, cette guérison est toute particulière, et elle montre qu’avec Jésus, il y a (encore) une différence avec ce qui se faisait dans l’ancien testament.
D’abord par les circonstances. Le lépreux va contrevenir à la loi en allant au devant de Jésus, et à genoux devant lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier ». Il ne dit pas guérir, mais purifier : peut-être avait-il dans l’idée que Jésus peut le rendre pur dans les deux sens : physiquement et spirituellement, sans péché. Et comme seul Dieu peut guérir dans les deux sens, il avait foi en Jésus, il voyait en lui, sinon le Messie, au moins un envoyé de Dieu.
Ensuite par la réaction de Jésus. Lui aussi va contrevenir à la loi. Il ne repousse pas le lépreux, au contraire, il l’accueille comme quelqu’un qui veut redevenir un homme debout. Saisi de compassion, pris aux entrailles, il le touche et reprend la phrase du lépreux : « Je le veux, sois purifié ».
Jésus savait qu’en le touchant, aux yeux des juifs de l’époque, il devenait automatiquement impur. Stupeur des assistants, horrifiés par son geste. C’est pourquoi il intime à l’ex-lépreux de ne rien dire, et d’aller, conformément à la loi, faire constater sa guérison par un prêtre.
Mais cet homme, qui était sur le chemin de la mort et qui se retrouve d’un seul coup sur un chemin de vie spirituelle et sociale, ne peut pas se taire : il faut qu’il partage avec tous sa joie d’avoir été sauvé, qu’il dise à tous qui l’a guéri et comment il l’a fait.
Et maintenant, c’est Jésus qui est mis à l’écart de la communauté. C’est lui qui se retrouve sur un chemin de mort, comme ce sera le cas plus tard quand il sera rejeté de la ville de Jérusalem pour être crucifié, à l’écart, au Golgotha : « La pierre qu’on rejeté les bâtisseurs … » (Ps 118,22).
Mais la transmission de la Bonne Nouvelle ne peut pas s’arrêter, et si Jésus ne peut plus entrer dans les villages, ce sont les gens qui viennent vers lui : « De partout cependant, on venait à lui. », ce qui n’est pas sans rappeler aussi cette phrase de Jésus : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. » (Jn 19,37).
Si la lèpre était considérée comme le signe d’un péché, en guérissant le lépreux Jésus met un arrêt au péché, tout comme il le fera en mourant sur la croix en prenant nos péchés. Et par sa résurrection, « la vie a vaincu la mort » (Deiss – I 47)
En guérissant le lépreux, Jésus a permis que l’exclusion de toute la vie sociale soit supprimée. En le touchant, il s’est montré proche du lépreux, le considérant comme un homme à part entière.
On sait que St François d’Assise a été complètement transformé après avoir embrassé un lépreux. Il en a été de même pour le père Damien de Veuster, dit de Molokaï, dont KTO a diffusé un film biographique la semaine dernière. Et aussi pour Raoul Follereau, pour le père Clément Raimbault, ici, à La Montagne …
Tous voulaient que soit mis fin à une exclusion d’une partie de la population.
A nous aussi de vouloir faire comme eux : combattre les exclusions … pas seulement médicales, mais toutes les exclusions : du travail, de la santé, de l’amour, de la justice, de leur pays … et on pourrait continuer …
Et les conséquences de ces exclusions sont nombreuses : chômage, émigration, réfugiés, etc …
Parce que les exclusions sont une atteinte à la dignité humaine et une injustice sociale.
Cela fait partie de ce que propose saint Paul dans la deuxième lecture ; « Tout ce que vous faites (…) faites-le pour la gloire de Dieu. … Je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ. ».
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. » (Mt 5,6)
Seigneur Jésus,
Tu n’as jamais hésité à aller contre la loi de Moïse
quand elle ne permettait pas
de prendre soin des hommes,
de les respecter, de les sauver.
Aide-nous à aller aussi à contre-courant
quand l’injustice ne permet pas
à des hommes d’être respectés.
Francis Cousin