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Solennité du corps et sang du Christ (Jn 6, 51-58) – Francis COUSIN)

« Nous sortirons … »

Ce jour-là, dans la synagogue de Capharnaüm, l’ambiance devait être survoltée entre les juifs et Jésus quand, après plusieurs incompréhensions, Jésus dit : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. ». Réaction des juifs : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? ». Et sans doute, si nous avions été là, nous aussi nous aurions réagi vivement !

Et Jésus insiste encore : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. ». On remarquera que Jésus parle au présent, ce qui ne peut que gêner les gens présents, qui sont bien vivants, mais qui ne comprennent pas qu’il faille manger la chair de Jésus pour être ce qu’ils sont ! Mais pour nous qui communions régulièrement, cela veut dire que nous avons déjà la vie éternelle … si nous continuons à croire et vivons en pratiquant l’évangile. En sommes-nous vraiment conscients ?

Est-ce que nous aurions suivi Jésus à l’époque, après ce discours ? L’ambiance était chaude ! Heureusement que Pierre s’écrira ensuite : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6,68). Mais avait-il bien saisi tout ce que Jésus avait dit ?

Et lors de la Cène, avant de mourir, quand Jésus dit : « Ceci est mon corps … Ceci est mon sang … Faites cela en mémoire de moi … », les apôtres ont-ils compris ce qu’il voulait dire ?

Quelle aurait été notre réaction en l’entendant ?

Heureusement qu’à Emmaüs Jésus refit ces ’’gestes’’ et que les deux disciples « le reconnurent à la fraction du pain. » (cf Lc 24,31), et que ces ’’gestes’’ devinrent le signe de l’appartenance au ’’groupe de Jésus-Christ’’ qu’on appellera quelques temps après les Chrétiens.

Car ces ’’gestes’’ sont plus que des gestes, ce sont des signes qui accompagne le sacrement de l’eucharistie, don gratuit du pain, « vraie nourriture » devenu corps du Christ, et du vin, « vraie boisson » devenu sang du Christ.

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » Il y a union intime entre nous et Jésus, et cette union intime nous fait entrer dans la vie de la sainte Trinité, dans l’amour entre le Père et le Fils. Ainsi, en communiant, nous vivons par Jésus dans l’amour de la Trinité.

Mais cette vie par Jésus n’est pas personnelle, à moi ! Elle est pour tous ceux qui communient, « puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain. », le corps du Christ (deuxième lecture).

Communion entre nous … mais pas seulement …

Les circonstances récentes ne nous ont pas permis pendant plusieurs semaines de communier au corps du Christ, et de manifester notre communion entre paroissiens. Cela a été pour beaucoup de personnes un manque de ne pouvoir communier. Avec le déconfinement, depuis deux ou trois semaines, selon les paroisses, il est de nouveau possible de participer physiquement à la messe et de communier au corps du Christ, et c’est une grande joie pour nous ; mais vues les restrictions obligées, certaines personnes ne peuvent pas participer à la messe, ou ont peur d’y participer.

Dans la ligne pastorale du pape François qui nous invite à aller vers les périphéries de l’Église, un groupe de personnalités et de responsables d’associations caritatives catholiques ont publié une tribune libre « Nous sortirons ! » dans laquelle ils disent :

« … mais si nous avons faim et soif de l’Eucharistie, ce n’est pas pour nous confiner d’une autre manière, entre nous (…)

Nous sommes invités à sortir de nos cénacles étriqués, portés par l’Esprit Saint, afin de trouver le Christ dans « les joies, les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent » (Gaudium et Spes n 1) (…)

Nous sortirons trouver le Christ sur nos chemins d’humanité, une présence qui nous redonne un cœur brûlant !

Oui, ayant puisé notre force dans la Parole de Dieu tout au long de ce confinement, et bientôt nourris par le pain eucharistique, nous sortirons pour proposer de nouveaux modes de vie prophétiques, et construire avec tous les hommes de bonne volonté la civilisation de l’amour.

N’ayons pas peur ! »

« N’ayez pas peur ! », c’est ce que disait saint Jean-Paul II le soir de son élection. C’est lui aussi qui écrivait : « La mission de l’Église est en continuité avec celle du Christ : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20, 21). C’est pourquoi, de la perpétuation du sacrifice du Christ dans l’Eucharistie et de la communion à son corps et à son sang, l’Église reçoit les forces spirituelles nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Ainsi, l’Eucharistie apparaît en même temps comme la source et le sommet de toute l’évangélisation, puisque son but est la communion de tous les hommes avec le Christ et en lui avec le Père et l’Esprit Saint. » (Ecclesia de Eucharistia n 22).

Communions au corps du Christ ! C’est important pour nous … mais surtout pour notre action envers les autres.

Seigneur Jésus,

tu as donné ton corps et ton sang pour nous,

sur la croix,

pour que nous ayons la vie éternelle.

Et tu nous les donnes encore

sous la forme du pain et du vin consacrés,

pour que nous ayons la force d’aller vers les autres,

les malades, les pauvres, les brutalisés, les mal-logés,

les prisonniers, ceux qui perdent leur travail, les immigrés,

les handicapés, les enfants à naître, les personnes en fin de vie,

tout ceux dans lesquels tu es présent,

et dans lesquels on ne te voit pas !

Ouvre nos yeux, Seigneur !

Francis Cousin

 

 

 

 

 

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Prière dim Saint Sacrement A




Audience Générale du Mercredi 3 juin 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 3 Juin 2020


Frères et sœurs, sur la base d’une promesse à laquelle il a du se fier, Abraham a osé quitter son pays, ses racines et sa famille pour marcher vers un avenir nouveau. Modèle du parfait homme de Dieu se soumettant à sa volonté, même quand celle-ci semble dure, Abraham fait confiance à la parole entendue. Un rapport nouveau avec Dieu est alors introduit dans l’histoire religieuse de l’humanité : la vie du croyant commence à être conçue comme une vocation, elle est le lieu où se réalise une promesse qui donne la force et qui, un jour, se réalisera. Dieu n’est plus lointain, entrevu seulement à travers les phénomènes cosmiques. Le Dieu d’Abraham, devient mon Dieu, le Dieu de mon histoire personnelle qui guide mes pas, qui ne m’abandonne pas. Il est le Dieu Providence. Abraham devient familier de Dieu, capable de discuter avec lui, mais toujours fidèle, et cela jusqu’à l’épreuve suprême, lorsqu’il lui est demandé de sacrifier son fils Isaac. Il vit alors la foi comme un drame, comme un chemin à parcourir dans la nuit. Mais Dieu a vu sa totale disponibilité, il retient la main d’Abraham et épargne son fils.

Je salue cordialement les personnes de langue française.

Alors que nous sommes entrés dans le temps liturgique ordinaire, nous sommes appelés, à l’exemple d’Abraham, à marcher quotidiennement en présence de Dieu, à demeurer à l’écoute de sa Parole, toujours prêts à l’accueillir et à la mettre en pratique.

Que Dieu vous bénisse.

 

 

 

 

 




La Sainte Trinité (Jn 3, 16-18) – Francis COUSIN)

La Sainte Trinité

Trinité : c’est un mot qu’on ne trouve pas dans le Nouveau Testament.

Son apparition est tardive, seulement au IV° siècle, et après bien des péripéties sera officialisé au début du V° siècle.

Trinité : Tout le monde connait la définition : Un seul Dieu en trois personnes distinctes.

Mais qu’est-ce que cela signifie ?

Trinité : mot féminin, pour signifier trois personnes masculines … Le Père, le Fils et l’Esprit Saint …

Peut-être pour montrer ce qu’elle représente, ce qu’elle est en réalité :

L’amour du Père pour le Fils, pour l’Esprit Saint … pour l’humanité …

L’amour du Fils pour le Père, pour l’Esprit Saint … pour l’humanité …

L’amour du l’Esprit Saint, sommet de l’amour réciproque du Père et du Fils, pour le Père, pour le Fils, … pour l’humanité …

L’amour de chacune des trois personnes pour les deux autres et pour l’humanité …

L’amour : nom masculin, mais qui au pluriel devient féminin

Ne serait-ce pas pour montrer que l’amour de trois personnes de la Trinité, amour absolu, est aussi un amour maternel … « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas. » (Is 49,15)

Trinité : mot qu’on ne peut utiliser avec justesse que pour parler de Dieu, même si certains auteurs l’utilisent pour d’autres choses. Dans ces cas, il faudrait utiliser les mots trio ou triade qui n‘ont pas du tout la même portée symbolique.

Trinité : mot qui recouvre une réalité difficile à comprendre, que l’on peut approcher, mais qu’on ne connaîtra véritablement que dans l’au-delà …

 

 

Et pourtant, les textes de ce dimanche sont sans doutes les plus courts de tout le lectionnaire : seulement onze versets pour les trois textes !

La Trinité est une histoire d’amour : « LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (première lecture), « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » (Évangile), « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir … ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. » (Jn 14,16-18).

La trinité est aussi une histoire de présence de Dieu à nos côtés : Le Père : « Seigneur, … daigne marcher au milieu de nous. … tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage. » (première lecture) « Voici que je vais conclure une alliance. » (Ex 34,10) ; Le Fils : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). » (Is 7,14) ; « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20) ; L’Esprit Saint : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. » (Jn 16,13).

À nous de répondre à cette présence de Dieu à nos côtés.

À nous de répondre à cet amour de Dieu envers nous : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. … Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » (Jn 15,9.11). « Soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous» (Deuxième lecture). L’amour donne la joie ; la joie donne la paix (intérieure et extérieure), et la paix favorise l’amour, l’amour de Dieu et des autres …

Essayons d’entrer dans cette communion d’amour de la Trinité, et de faire tout notre possible pour y demeurer, afin que, par notre exemple, cette communion d’amour fasse tache d’huile et s’étende, d’abord dans notre entourage … et dans le monde entier.

« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous. »

Seigneur Jésus,

il est difficile de comprendre

ce qu’est la Trinité …

Mais en fait,

il suffit de se laisser prendre par l’amour de Dieu

qui est de toujours et pour toujours,

et d’accepter sa présence aimante à nos côtés,

sur le chemin de la vie éternelle…

Francis Cousin

 

 

 

 

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Prière dim Trinité A




Audience Générale du Mercredi 27 Mai 2020

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 27 Mai 2020


Chers frères et sœurs, le dessein de Dieu à l’égard de l’humanité est bon, mais dans les péripéties du quotidien nous faisons aussi l’expérience de la présence du mal. Au début de la Bible sont décrits les premiers développements du péché dans les événements de la vie humaine. Adam et Eve cèdent à la tentation du Malin car ils doutent des bonnes intentions de Dieu. Avec Caïn et Abel, la première fraternité se conclut par un homicide. Puis le mal s’étendra comme une tache d’huile. Les grandes fresques du déluge et de la tour de Babel révèlent qu’il y a besoin d’un nouveau commencement, d’une nouvelle création qui aura son accomplissement dans le Christ. Mais dans les premières pages de la Bible il y a aussi une autre histoire, plus humble, qui représente le rétablissement de l’espérance, depuis Adam et Eve jusqu’à Noé. Il y a des personnes capables de prier Dieu avec sincérité, d’écrire d’une autre manière la destinée de l’homme. En lisant ces récits on a l’impression que la prière est la digue, le refuge de l’homme devant la montée du mal qui grandit dans le monde. Les priants des premières pages de la Bible sont des artisans de paix. Quand elle est authentique, la prière délivre des instincts de violence ; elle est un regard dirigé vers Dieu pour qu’il prenne soin du cœur de l’homme. Le monde vit et grandit grâce à la force de Dieu que ses serviteurs attirent par leur prière. Une prière pour demander à Dieu de transformer notre cœur de pierre en cœur de chair !

Je salue cordialement les fidèles de langue française. Dans quelques jours nous célèbrerons la fête de la Pentecôte. Prions l’Esprit Saint pour qu’il fasse de nous des hommes de paix et de fraternité et rende confiance et espérance au monde. Que Dieu vous bénisse !

 

 

 

 

 

 




«  L’Esprit Saint est Seigneur, et il donne la vie » (D. Jacques FOURNIER).

« Si vous m’aimez », nous dit Jésus, « vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité », l’Esprit Saint Troisième Personne de la Trinité, « lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous », en côte à côte, en face à face, comme peuvent l’être deux personnes bien distinctes l’une de l’autre, « et il sera en vous » par le Don qu’il ne cesse de faire de Lui‑même, le Don de « l’Esprit Saint », Plénitude d’Être (« Dieu Est Esprit » (Jn 4,24)) et de Vie (« L’Esprit est Vie » (Rm 8,10)), de Paix, de Douceur et de Joie (Jn 14,15‑17 ; Ga 5,22)…

La mission première de l’Esprit Saint Seigneur à notre égard est en effet de nous donner la vie : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo). Il l’a déjà fait en participant, avec le Père et le Fils, à notre création. « Je crois en Dieu, le Père tout Puissant, Créateur du ciel et de la terre » (Crédo), ce Père qui a tout fait par son Fils, « tout fut par lui et sans lui rien ne fut » (Jn 1,3), et par l’Esprit Saint Seigneur… Souvenons-nous de l’image de St Irénée : le Fils et l’Esprit Saint sont « les deux mains du Père »…

Nous pressentons d’ailleurs la Présence de cet Esprit Saint Seigneur dans le second récit de la création : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). L’image du « souffle de vie » renvoie à cette Plénitude spirituelle d’Être et de Vie qui est celle de Dieu Lui-même : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et « l’Esprit est Vie » (Rm 8,10). Le prophète Isaïe fait d’ailleurs un lien explicite entre « l’Esprit » et « le souffle » en un texte où il évoque le Dieu Créateur : « Ainsi parle Dieu, le Seigneur, Lui qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit à ceux qui la parcourent » (Is 42,5). Et c’est justement dans ce Don du Souffle de Vie, de l’Esprit de Vie, que nous pressentons la Présence de cette Troisième Personne de la Trinité, cet « Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » en donnant ce qui le constitue Lui-même, sa Plénitude d’Être et de Vie, le Souffle de Vie, l’Esprit de Vie, « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)…

Tout homme est donc une créature spirituelle, et c’est d’ailleurs, dans sa dimension spirituelle que se cache le mystère de sa vie. Avant que Dieu ne lui communique son Souffle de vie, il n’était qu’une ‘statue d’argile’, pour reprendre l’image du Livre de la Genèse qui évoque ainsi notre dimension matérielle de chair et de sang. Et ce n’est que lorsque Dieu a ‘soufflé’ en cette ‘statue’ que cette dernière est devenue « un être vivant »… Ce « Dieu » qui « Est Esprit » (Jn 4,24) et Vie nous a donc donné à notre tour d’être « esprit » (cf. 1Th 5,23) et vie en nous donnant d’avoir part à son propre « Esprit », à sa propre Vie. Nous retrouvons la logique de l’Amour : aimer, c’est tout donner et se donner soi-même… Ce Dieu qui, de toute éternité, Est « l’Être Vivant » par excellence nous a tous créés « êtres vivants » en se donnant lui-même, par Amour… « Tu aimes tout ce qui existe et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24)… « Dieu a fait l’homme image de sa propre éternité », lit-on encore dans le Livre de la Sagesse (Sg 2,23), un texte que le Père Ceslas Spicq commente en écrivant : « Il faut au moins en conclure qu’ « être l’image » c’est « participer l’Être » et la Vie, donc ici celle du « Dieu vivant ».[1]

Ce Dieu Amour qui « Est Esprit » nous a ainsi tous créés « esprit » pour que nous puissions participer, grâce au Don qu’il ne cesse de faire de Lui-même, à la Plénitude de son Esprit, et donc de son Être et de sa Vie. St Luc emploie alors une expression qui lui est propre : « être rempli du Saint Esprit », « le Don de Dieu » (Lc 1,15.41.67 ; Jn 4,10). Jésus apparaît ainsi dans son Evangile comme étant lui aussi « rempli d’Esprit Saint » (Lc 4,1), et il en est bien ainsi de toute éternité, le Père lui donnant par Amour cette Plénitude d’Être et de Vie qui « l’engendre » en Fils « né du Père avant tous les siècles » (Crédo). Mais « être rempli du Saint Esprit », sous entendu par un Autre que soi-même, suppose d’être tourné de cœur vers cet Autre pour recevoir le Don gratuit de son Amour. Telle est l’attitude éternelle du Fils vis-à-vis du Père, « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), « demeurant dans son amour » (Jn 15,10), accueillant le Don de la Plénitude de sa Vie (Jn 6,57 ; 5,26) par le Don de l’Esprit Saint, ce Don que le Père ne cesse de lui faire. Le Fils est alors « rempli d’esprit Saint » par le Père, et cela depuis toujours et pour toujours. Or, c’est pour que nous puissions recevoir le même Don de Dieu que le Fils « s’est fait chair » (Jn 1,14) et nous a rejoints dans notre condition humaine. « Si tu savais le Don de Dieu », dit-il à la Samaritaine, « et qui est celui qui te parle, c’est toi qui l’aurait prié et il t’aurait donné de l’Eau Vive », c’est-à-dire ce Don de Dieu même, le Don de l’Esprit Saint Plénitude d’Être et de Vie (Jn 4,10 ; 7,37-39). Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que nous acceptions, librement, de tout cœur, de nous tourner vers Dieu. D’où ces premières paroles de Jésus en St Marc : « Repentez-vous » (Mc 1,15), convertissez-vous, détournez-vous du mal, tournez-vous vers Dieu, et vous ne pourrez qu’être comblés par le Don gratuit de cet Amour qui ne cherche, ne désire, ne poursuit que votre bien. Qu’un homme, créature spirituelle, créature « esprit », en vienne à se détourner de cœur de son Créateur, et le voilà aussitôt privé de la Plénitude du Don de l’Amour, qui Est Esprit et Vie. Et c’est ainsi que la mort, au sens d’une privation d’une Plénitude de Vie, a fait son entrée dans le monde… St Paul l’évoque avec la figure d’Adam : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché » (Rm 5,12). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu », écrit-il encore (Rm 3,23), « Présence de Dieu se communiquant à l’homme de façon de plus en plus intime », précise en note la Bible de Jérusalem. Et l’on pourrait rajouter, par le Don de « l’Esprit de Gloire, l’Esprit de Dieu », pour reprendre une expression de St Pierre (1P 4,14). Toute l’œuvre de salut accomplie par Jésus consistera donc à nous redonner, gratuitement, par Amour, tout ce que nous avons perdu par suite de nos fautes. Le premier cadeau qu’il est venu nous offrir au Nom de son Père est donc le pardon de toutes nos fautes, en surabondance, inlassablement, car Dieu ne cesse d’Être Amour, quoique nous pensions, disions ou fassions… Et l’Amour ne cesse de poursuivre le seul bien de l’être aimé… « Dieu ne se lassejamais de pardonner, jamais ! C’est nous qui nous lassonsde lui demanderpardon » (Pape François).

« Et toi, petit enfant », dit Zacharie, le père de Jean-Baptiste, en regardant son fils qui vient de naître, « tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur », le Christ Jésus, « et tu prépareras ses chemins pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés, grâce aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu, dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix» (Lc 1,76‑79). Le premier cadeau qui nous est offert, à nous pécheurs, est donc « la rémission des péchés », le pardon de toutes nos fautes, de tous nos actes manqués… Et nous constatons que nous retrouvons aussitôt tout ce dont nous étions privés par suite de nos fautes : la Lumière au lieu des « ténèbres », la Vie, une Plénitude de Vie au lieu de « l’ombre de la mort »… Jésus est donc bien « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), avec ce double sens que prend le mot péché dans la Bible : acte et conséquences de l’acte… L’acte est ‘effacé’ par le pardon, les conséquences de l’acte sont effacées elles aussi par ce Don que l’Amour n’a jamais cessé de faire de Lui-même, un Don que Jésus nous rend capables, par ce pardon proposé et reçu, de recevoir de nouveau… Et ce Don nous est communiqué par la Troisième Personne de la Trinité, l’Esprit Saint… « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23), grâce « à l’Esprit qui est Seigneur et qui donne la Vie » (Crédo)…

Cette Vie est la Plénitude d’Être et de Vie que Lui-même reçoit du Père et du Fils en tant qu’ « il procède du Père et du Fils », le Fils recevant Lui-même cette Vie du Père en tant qu’il est « engendré non pas créé, né du Père avant tous les siècles »… Nous retrouvons toute cette dynamique dans les dernières paroles que Jésus a adressées à ses disciples peu de temps avant sa Passion : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de son propre chef, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous communiquera tout ce qui doit venir. Lui me glorifiera, car il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi ». Autrement dit, l’Esprit Saint nous fait « accéder à la vérité tout entière », qui est celle de Dieu Lui-même, Mystère éternel de Communion de Trois Personnes divines distinctes dans l’unité d’une même Plénitude d’Être et de Vie, « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), « en nous communiquant tout ce qui doit venir », c’est-à-dire cette Vie du Ciel même pour laquelle nous avons tous été créés. Mais cette Vie nouvelle et éternelle est la sienne : il la reçoit de Jésus en tant qu’il procède (du Père) et du Fils, et il nous la communique dans ce mouvement propre à l’Amour qui en Dieu est Don de ce qu’Il Est en Lui-même…

Le mystère premier de la vie chrétienne réside donc dans l’accueil de ce Don gratuit de l’Amour, ce Don de l’Esprit Saint, Plénitude d’Être et de Vie, Trésor commun du Père, du Fils et du Saint Esprit, Trésor qu’ils veulent offrir à toute personne humaine qui acceptera de le recevoir, dans la vérité… Pour nous pécheurs, cette vérité est celle de nos misères, de nos failles, de nos blessures, de nos faiblesses, mais rien, absolument rien n’empêche notre Père de nous regarder comme ses enfants… Et si le mal fait en premier lieu du mal à celui qui le commet, « souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait du mal » (Rm 2,9), un pécheur est d’abord pour Dieu un enfant en souffrance, et donc un enfant à guérir, un enfant qui demande des soins tout particuliers pour lui permettre de retrouver la paix profonde, fondement du seul vrai bonheur… Un pécheur est donc celui qui mobilise tout particulièrement l’attention de Notre Père des Cieux, ce « Père des Miséricordes » (2Co 1,3) qui, n’étant qu’Amour, ne cesse, inlassablement, de poursuivre notre seul bien… Dès lors, le plus grand pécheur, et donc le plus grand souffrant, sera celui dont l’état bouleversera le plus le cœur de Dieu, et donc qui le plus invité à recevoir ses trésors de Miséricorde, de Compassion et de Bonté, et cela bien sûr, avec un cœur droit, loyal et sincère… Autrement, cela voudrait dire que nous sommes toujours dans le péché, le mensonge, et donc… dans la souffrance intérieure… face à laquelle Dieu ne pourra qu’avoir toujours et encore cette même attitude, cette réaction propre à l’Amour qui ne cesse envers et contre tout de chercher encore et toujours le bien de l’être aimé. « Quand nous sommes infidèles, Dieu lui reste à jamais fidèle car il ne peut se renier Lui-même » (2Tm 2,13) : il Est Amour, en tout son Être, Amour Pur qui ne désire et ne poursuit, inlassablement, que le bien de celles et ceux qu’Il aime…  L’invitation qu’il nous adresserait en pareil cas ne pourrait donc qu’être invitation pressante à renoncer à tout mensonge, à tout calcul, pour retrouver une conscience droite et avec elle, le Don surabondant de son pardon et de son Amour pour connaître enfin cette intensité de Vie insoupçonnée, qui est celle de Dieu Lui-même…

Et dans cette dynamique propre à l’Esprit Saint Seigneur, « donner la vie » en donnant « l’Esprit qui vivifie », ce Don spirituel n’opèrera pas simplement le pardon des péchés, le passage de la mort à la vie, des ténèbres à la Lumière, de l’angoisse à la paix, mais il apportera aussi toutes ces richesses propres à l’Amour, ces charismes qui permettront à tous les pécheurs pardonnés que nous sommes de pouvoir rendre témoignage, chacun à sa façon, à la Miséricorde toujours fidèle et surabondante de Dieu… « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit.Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur.Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous.À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien de tous.À celui-ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ;un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ;à un autre est donné d’opérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à l’un, de parler diverses langues mystérieuses ; à l’autre, de les interpréter.Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier » (1Co 12,4-10), pour son bien et le bien de tous… « Heureux ceux qui croient sans  avoir vu ! » (Jn 20,29)…

                                                                                                 D. Jacques Fournier

[1] SPICQ C., « eikôn », Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p. 429-431.




Vivre la Pentecôte avec Marie et Mère Teresa (Noéline FOURNIER)

( Actes 1, 12-14) « Tous d’un même cœur, étaient assidus à la prière

avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. »

 

Personne ne parle de Marie. Pourtant, après avoir énuméré les apôtres, chacun par son nom, St Luc ajoute « avec quelques femmes et Marie, mère de Jésus »

Les femmes qui ont suivi Jésus depuis la Galilée sont là aussi, avec Marie, comme les onze autour de Pierre.

Les apôtres autour de Pierre, les femmes autour avec Marie, apôtres et prophètes, colonnes de l’Eglise sont ici rassemblés dans la Communion du cœur, la Prière et l’Attente de l’Esprit.

(Ac. 2,1) « Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu.. »

Ainsi les femmes avaient leur place qui n’était pas celle des apôtres, mais qui était indispensable au ministère apostolique.

Selon leur grâce propre, elles participeront  au développement de l’Eglise naissante. L’Apôtre Paul, dans la première épître aux Corinthiens, réagit vivement devant ses détracteurs :

«  Ne suis-je pas Apôtre ? N’ai-je donc pas vu Jésus, notre Seigneur ?

N’avons-nous pas le droit d’emmener avec nous une épouse croyante, comme les autres Apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas ? (Pierre) » (1Co 9,5).

 

Marie, nous est-il-dit, est avec les femmes. Elle retrouve ici son nom : Marie, mère de Jésus, comme si la boucle enfin bouclée, elle pouvait sortir de l’ombre.

Marie à la Pentecôte a été prise dans le feu de l’Esprit Saint. Ce n’est plus l’ombre qui l’enveloppe comme à l’Annonciation, mais le feu qui la saisit.

Bien sûr, les apôtres et Marie vivent depuis longtemps dans l’Esprit Saint. C’est par l’Esprit Saint que Pierre a confessé sa Foi en Jésus Messie et Seigneur (Mt. 16,16 ; Mc. 8,29).

Maria toujours vécu dans le Saint Esprit, depuis le premier moment de sa Conception. Mais l’effusion de l’Esprit à la Pentecôte les saisit tous ensemble, réunis dans la même maison. Et cela est capital.

L’Eglise des commencements n’est pas faite des « anciens combattants » de l’aventure de Jésus, elle n’est pas non plus la réunion de gens ayant reçu chacun une effusion d’Esprit Saint et décidant de « faire église » ensemble.

L’Esprit remplit « toute la maison » et de cette plénitudechacun a sa part.

« Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu, elles se partageaient, et il se posa une sur chacun d’eux. Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint » (Ac 2,2-4)…

« A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun » (1 Co 12,7).

Marie est prise dans le feu de pentecôte, le feu de l’Amour de Dieu qui veut brûler partout, selon le désir du cœur du Christ : « Je suis venu jeter un feu sur la terre et comme je voudrais que déjà il fût allumé ! » ( Lc 12,49).

Dans nos vies, nous vivons plusieurs effusions de l’Esprit, plusieurs manifestations du don de Dieu, non identiques, mais souvent complémentaires. Nous n’avons pas à choisir le mode selon lequel Dieu va venir nous visiter.

Parfois nous recevons l’effusion de l’Esprit dans une Onction de Paix : dans l’ombre, nous expérimentons une obscure et rafraîchissante Présence.

Pourquoi être jaloux de celui dont le cœur sera brûlant et les charismes éclatants ?

A chacun Dieu donne, selon sa Sagesse et au moment opportun.

En ce domaine plus qu’en aucun autre, il faut renoncer à toute comparaison et se laisser conduire. Dieu sait ce qu’Il attend de nous, à quel moment nous avons besoin d’ombre, d’eau, de vent ou de feu.

Ainsi, livrons-nous à l’Esprit selon la manière qu’Il voudra.

Mais sachons d’avance que tout nous vient, visiblement ou invisiblement, de la « Maison Eglise » et que rien ne nous est donné que pour le bien commun.

Il ne nous est pas dit comment Marie a vécu cette effusion de l’Esprit de feu en elle.

Elle n’a pas prêché publiquement comme Pierre.

A-t-elle chanté en langues ? Nous n’en savons rien.

Au cœur de cette Eglise naissante, elle est mémoire vivante, transfigurée par l’Esprit, témoin privilégiée du mystère même de Jésus. C’est dire que plus que jamais Marie est prophète au cœur de l’Eglise, place discrète et pourtant d’une importance capitale.

Le prophète est celui qui « voit l’invisible avec les yeux illuminés du cœur » :

« Puisse-t-il illuminer les yeux de notre cœur pour vous faire voir qu’elle Espérance vous ouvre son appel » (Ep 1,17-22)…

 

Ne demandons pas autre chose pour chacun de nous.

Il n’y a pas de parole plus forte, plus belle et plus vraie sur le mystère de Marie que le dernier chapitre de Lumen Gentium et, en particulier, ce passage :

« Tant que dure le temps, Marie demeure au cœur de l’Eglise « appelant de ses Prières le don de l’Esprit »(L.G. 59)  et gardienne du silence du cœur de l’Eglise pour L’accueillir.

 

Méditons sur ce témoignage de Foi de Mère Teresa.

« Je renoncerais à ma vie : pas à ma Foi.

 

Ce qui donne sens à ma vie, c’est l’Amour de Dieu.

C’est le Christ, dans son image douloureuse, que j’aime et sers.

Jésus a dit, « j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’était nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais sans abri, et vous m’avez offert l’hospitalité » (Mt 25, 35-36).

 

Personne ne peut me dépouiller de ma religion.

Personne ne pourra m’empêcher de la pratiquer.

Personne ne pourra me l’enlever.

C’est quelque chose qui est au plus profond de moi.

A supposer qu’il n’y eût pour moi d’autre alternative que la persécution, et si tel est le chemin par lequel le Christ veut venir parmi les siens, irradiant son amour pour les hommes, par le biais de mes actions, je ne cesserai de leur offrir mes services, mais sans jamais renoncer à ma foi.

Je sui prête à renoncer à ma vie, mais pas à ma Foi.

 

J’apprécie profondément toutes les religions, mais celle qui mérite toute mes préférences, c’est la MIENNE.

Par moi-même,  je ne suis rien. Lui est tout.

Par moi-même,  je ne suis capable de rien faire. C’est Jésus qui fait tout.

 

Voici ce que je suis : un crayon dans les mains de Dieu.

Un pauvre crayon avec lequel lui écrit ce qu’il veut. Dieu écrit par notre entremise. Si imparfaite que nous soyons comme instrument, il écrit ce qu’il désire.

L’œuvre est l’œuvre de Dieu. Je ne suis qu’un crayon dans ses mains. C’est Lui qui pense. C’est Lui qui écrit. 

Dieu n’exige pas de moi que j’aie du succès. Dieu exige de moi que je lui sois fidèle.

Nous avons besoin de prier tout comme de respirer.

Sans la prière, nous ne pourrions rien faire. »

                                        Noéline FOURNIER ; Georgette BLAQUIÈRE ; Mère Teresa.




Dimanche 24 mai, 7° Dimanche de Pâques (Jn 17,1-11) – Messe télévisée sur RFO la 1° – Homélie de P. Philippe Mascarel

Frères et sœurs, la première lecture tirée du livre des Actes des Apôtres nous met dans la condition des disciples qui attendent la venue du Saint Esprit dans la Chambre haute, après avoir vu le Seigneur retourné vers le Père, dans son Ascension. Saint Luc, auteur de ce livre, nous donne un indice important. Marie, la mère de Jésus était là. Les Églises orientales aiment à placer Marie au centre des icônes représentant la Pentecôte. Nous voyons l’Esprit Saint descendre sur elle, et d’elle rejaillir sur tous les disciples présents. Marie tient une place importante dans l’accueil de l’Esprit Saint dans nos vies. Cette année, elle se fait ressentir d’une manière plus vive. Tout ce mois de mai, mois marial, privés des célébrations liturgiques et du sacrement de l’Eucharistie, le pape François et notre évêque nous ont invité à prier particulièrement le Rosaire, chez nous, comme dans un CENACLE, pour qu’avec Marie nous puissions attendre la venue de l’Esprit Saint. Nous sommes à quelques jours de la Pentecôte. La parole vient nous rappeler de continuer à prendre Marie chez soi dans notre attente de l’Esprit Saint. Providentiellement, le jour de la Pentecôte, 31 mai en cette année 2020, est aussi fêtée traditionnellement la Visitation de Marie, ce jour-même où le Saint Esprit par Marie, est descendu sur sa cousine Élisabeth et l’enfant qu’elle portait en elle.

La liturgie nous fait entendre aussi en ces dimanches d’après Pâques les discours que Jésus avait prononcés dans l’évangile de Jean. Jésus préparait les disciples car son départ vers le Père était imminent. Les disciples devaient vivre une nouvelle étape à travers l’absence physique de leur Maître. Cette absence physique se décline de 2 manières : c’est suite à la mort prochaine de Jésus sur la Croix, et aussi, et c’est ce que nous vivons ces jours-ci depuis l’Ascension, lorsque Jésus quitte définitivement les apôtres en montant physiquement au ciel.

La peur les habitait. « Que votre cœur cesse de se troubler » leur dit Jésus. « Je pars vers mon Père vous préparer une place et je reviendrai vers vous, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous aussi vous soyez ». Et Jésus leur apprenait petit à petit, en bon pédagogue, à découvrir une autre présence, plus profonde et aussi réelle : « Je ne vous laisserai pas orphelins ». Je ne serai plus seulement à coté de vous, mais je serai « vivant en vous ». Un autre Défenseur vous sera donné et sera toujours avec vous. Il parlait de l’Esprit Saint qui leur sera plus intime à eux-mêmes qu’eux-mêmes. Il leur annonce une vie nouvelle dans l’Esprit.

Il fallait du temps pour que les disciples puissent saisir toute la portée de ces paroles du Christ, comme il nous faut du temps pour intégrer au cœur de nos vies de tous les jours cette réalité nouvelle du Christ mort et ressuscité. Nous aussi nous étions morts, déglingués, boiteux, aveugles et sourds. Et tout d’un coup une force de vie, guérissante, nous est communiquée. Il faut un peu de temps pour que les muscles de notre corps reprennent vigueur et force, ce corps tellement habitué à boiter, que nos yeux accueillent la lumière, ces yeux tellement accommodés à l’obscurité.

Ce chapitre 17 de l’évangile de Jean que nous venons d’entendre est la finale de ces longs discours de Jésus, commencés dès le chapitre 12. Ici, ces dernières paroles ne s’adressent plus aux apôtres, mais à son Père. Jésus prie longuement pour eux, pour nous, avant de nous quitter. Il est évidemment intéressant d’écouter et de comprendre ce qu’il demande à son Père. Nous n’avons entendu tout à l’heure que le début de cette longue prière. Je vous invite à la lire intégralement ces jours-ci dans tout le chapitre 17.

Permettez-moi de vous inviter à accueillir ce début de la prière de Jésus avec la Vierge Marie.

« L’heure est venue… Père glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie ». Le Fils est glorifié parce que l’heure est venue où il va être crucifié et mourir. L’heure est venue et il demande une chose : que Dieu remplisse ses disciples de sa vie : « Il donnera la vie éternelle à tous ceux que le Père lui a donnés », car il est venu dans le monde pour que les hommes aient la vie en plénitude. Rappelons-nous aux Noces de Cana, quand Jésus dit à Marie : « Que me veux-tu femme ? Mon heure n’est pas encore venue ». Par l’intervention de Marie, il donne le signe de l’abondance en changeant 600 litres d’eau en vin, symbole de cette nouvelle vie divine donnée à l’humanité. L’heure est venue pour que l’homme reçoive la vie divine en abondance. Or, la prière continue : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ ».

C’EST DE CONNAITRE DIEU ET CELUI QU’IL A ENVOYÉ, JÉSUS CHRIST.

La connaissance de Dieu au sens biblique n’est pas une connaissance intellectuelle, c’est une relation amoureuse, comme les relations dans un couple. Connaître Dieu c’est établir une relation d’amour avec Dieu, une relation d’amour et de confiance que nous avons perdu avec Dieu depuis que Adam et Eve ont douté du bienfait de l’amour de Dieu pour eux, qu’ils se sont détournés de lui et ont péché.

Si bien que le 1er commandement que Dieu donne à son peuple sur le Mont Sinaï : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force, de toute ton âme, et de tout ton esprit », est vraiment la CLÉ de toute la réussite de l’existence humaine.

La vie éternelle, ce n’est pas une question de durée, une vie qui n’aurait pas de fin dans l’au-delà, qui dure éternellement. On risquerait de s’y ennuyer fort. Mais c’est connaître Dieu, c’est connaître son Amour infini, c’est accueillir cet Amour infini de Dieu dans ma vie. Quand on a été blessé ou trahi par l’amour, on ne sait plus accueillir l’amour. Dans ma chair, dans mon humanité je peux refuser l’amour… alors que je suis fait pour être aimé et aimer. Je suis comme cet enfant malnutri qui meurt de faim. On ne donne pas de la nourriture solide à un enfant malnutri. On commence par lui donner un peu de liquide pour que son corps malade s’adapte petit à petit à l’aliment qu’il reçoit. Au fur et à mesure ce petit d’homme reçoit la force nécessaire pour recevoir un aliment plus consistant. Il en est ainsi lorsqu’il s’agit d’accueillir la plénitude de l’amour de Dieu dans ma vie.

Eh bien là frères et sœurs, nous avons besoin de la Vierge Marie. Elle est celle qui a su accueillir pleinement la vie éternelle en elle. Elle a porté le Verbe en elle. Elle a porté Dieu. Elle est celle qui a su aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa volonté, à travers son Fils. « Voici ta Mère » nous dit Jésus sur la croix. Si tu l’accueilles comme ta Mère, elle te donne le lait de son sein pour panser tes blessures et tes déceptions de la vie, pour te faire expérimenter la Miséricorde De Dieu. Elle reçoit ce pouvoir en tant que Mère de te donner de la nourriture proportionnée à ta faiblesse, selon ce dont tu es capable aujourd’hui, en fonction de ton histoire, de tes blessures d’amour, de tes souffrances. Petit à petit, tu seras capable d’accueillir une nourriture plus solide. Tu seras capable d’écouter les paroles de Dieu, ses commandements d’amour dans ta vie sans que cela te soit un fardeau trop lourd ou trop exigeant, mais tu les recevras comme des paroles de vie. Tu diras comme Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? C’est toi qui as les paroles de la vie éternelle ».

L’Esprit Saint est cette vie nouvelle et éternelle donnée aux disciples du Christ, à tous les baptisés et à tous les hommes de bonne volonté. Avec la Vierge Marie, prions ardemment pour l’Église, pour nos sociétés, pour nos familles, pour nos communautés et pour nous-mêmes afin d’être témoins de cette vie nouvelle et éternelle qui nous est communiquée par le Christ mort et ressuscité. Amen.

                                                                                                  P. Philippe Mascarel




La Pentecôte – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 30 mai et dimanche 31 Mai 2020

Aujourd’hui, c’est la fête de la Pentecôte. Pentecôte signifie cinquantième jour. Elle est donc fêtée cinquante jours après Pâque. Dans l’ancienne Alliance, il y avait trois grandes fêtes : la fêtes des Azymes qui correspond à la fête de Pâque, la fête de la Moisson à la Pentecôte et la fête de la récolte, à la fin de la saison des fruits, appelée Fête des Tentes (Dt 16,13; Lv 23,34). Ces trois fêtes n’ont été célébrées qu’après l’entrée en Canaan. Chacune de ces fêtes avaient un sens (VTB P.444). La fête de la Moisson (Pentecôte) était liée d’abord à une fête agraire où l’on offrait les prémices de ce que la terre a produit (Ex 34,22 ; VTB P.959), puis à l’Alliance de Dieu avec son peuple, conclue au Sinaï et au don de la Loi de Moïse (VTB P.444, 959 ; Ex 19,1 note TOB; Ex 23,16 Note TOB), et dans la nouvelle Alliance, la Pentecôte est la fête du don de l’Esprit Saint. Cette pentecôte n’arrive pas par hasard, elle est l’accomplissement des promesses de Dieu. Ez 36,27 : « Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes ». Ac 1,5 : « … vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours ».

Si « l’Eglise est née principalement du don total du Christ pour notre salut, au moment de la Cène et réalisé sur la Croix » (CEC 766), la Pentecôte est la naissance officielle de l’Eglise. « La création nouvelle, née de l’Esprit, est l’Eglise » (VTB p.400). Si l’ancien Testament nous a surtout révélé le Père, le nouveau Testament celui du Fils, la Pentecôte inaugure le temps de l’Eglise animée par l’Esprit Saint.

Ainsi, le Christ, mort, ressuscité, exalté à la droite du Père, achève son œuvre en répandant l’Esprit sur la communauté apostolique. Et cette communauté, d’abord restreinte, composée d’apôtres, de fidèles du Christ, est appelée à s’ouvrir à toutes les nations, car toutes les nations sont présentes sur les lieux :  Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et d’Asie, 10 de Phrygie et de Pamphylie, d’Égypte et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, 11 tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes. C’est donc une Eglise ouverte sur le monde, une Eglise à vocation universelle, une Eglise catholique qui prend naissance en ce jour de Pentecôte. D’où, ce don fait aux apôtres de parler en d’autres langues. Et c’est en même temps une invitation à répandre la parole de Dieu dans le monde entier. Luc, dans les Actes des Apôtres, raconte la Pentecôte comme une nouvelle naissance du peuple de Dieu, qui, sous l’impulsion du Saint Esprit, est chargé d’aller évangéliser le monde entier. « L’Esprit Saint est la force qui lance l’Eglise naissante « jusqu’aux extrémités de la terre » (VTB P.399). L’Esprit Saint est vie, souffle de Dieu qui met l’Eglise en mouvement pour le salut du monde. Aujourd’hui, les chrétiens représentent plus de deux milliards de personnes dont plus d’un milliard trois cent millions de catholiques. Et ce nombre ne cesse d’augmenter dans le monde malgré les persécutions des chrétiens. Cette œuvre continuera de se poursuivre parce que c’est l’œuvre de Dieu.

Mais pour que cette œuvre de Dieu puisse continuer par son Eglise, l’Eglise elle-même est remplie de l’Esprit Saint. L’Eglise et l’Esprit Saint sont inséparables (VTB P.400). Animée de l’Esprit Saint, l’Eglise est composée de membres qui ne forment qu’un seul Corps qui est l’Eglise, Corps du Christ. Tous les dons que l’Eglise reçoit à travers ses membres viennent du même Esprit. 1 Co 12,4-11 : « 4 Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit; 5 diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur; 6 diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. 7 À chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun. 8 À l’un, c’est un discours de sagesse qui est donné par l’Esprit; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit; 9 à un autre la foi, dans le même Esprit; à tel autre les dons de guérisons, dans l’unique Esprit; 10 à tel autre la puissance d’opérer des miracles; à tel autre la prophétie; à tel autre le discernement des Esprits; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. 11 Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui l’opère… ». Autrement dit, c’est le Saint Esprit qui fait l’unité au sein de l’Eglise. Et si donc un membre de l’Eglise ne fait pas l’unité, s’il sème la discorde et la division au sein de l’Eglise, il n’est pas animé de l’Esprit Saint mais de l’Esprit mauvais. A chacun de voir s’il fait l’unité au sein de l’Eglise ou bien s’il sème la division, la mésentente, et il saura de lui-même de quel Esprit il est animé. Rm 8,14 : « Tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu ». Car il y a bien un Esprit qui est Dieu et un autre qui s’oppose à Dieu. Savoir reconnaître l’un de l’autre pourrait aider beaucoup de chrétiens à faire le bon choix car l’Esprit Saint suscite toujours l’unité, la paix intérieure, la confiance et l’autre Esprit l’inquiétude, l’angoisse, la méfiance, la division…C’est ce qu’on appelle le « discernement des Esprits » qui n’est pas dû à notre puissance de réflexion ou de travail acharné mais à un don de Dieu que tout chrétien peut demander à travers ses prières. Demandez à Dieu le discernement des tentations et le pouvoir de lutter immédiatement contre ces tentations. Ainsi, le chrétien pourra avancer dans son union au Christ et aussi dans ses relations avec les gens. Saint Ignace de Loyola nous cite de nombreuses règles pour reconnaître le bon du mauvais Esprit. Je vais citer deux exemples qui vous donneront peut-être l’envie d’aller chercher par vous-mêmes ce que dit Saint Ignace de Loyola. Première règle : « Pour ceux qui facilement pèchent mortellement et ajoutent péché sur péché, notre ennemi (l’esprit du Mal) a coutume de proposer les attraits séducteurs de la chair et des sens, pour les tenir pleins de péchés et sans cesse en augmenter la masse ; l’Esprit bon, au contraire, frappe continuellement leur conscience et, par l’usage de la raison, les détourne de pécher ». Ainsi, lorsque nous luttons contre le péché, c’est l’Esprit Saint qui agit en nous. Deuxième règle : « Pour les hommes qui se soucient sérieusement de se purger de leurs vices et péchés et qui, chaque jour, progressent davantage dans l’application au service de Dieu, l’Esprit mauvais insinue inconvénients, tristesses, raisons fausses et autres troubles de ce genre par lesquels il cherche à empêcher ce progrès. Pour l’Esprit bon, au contraire, c’est d’augmenter le courage et les forces de ceux qui agissent droitement, de les consoler, de provoquer les larmes de dévotion, d’éclairer l’Esprit et de donner la tranquillité en retirant tous les petits obstacles afin qu’ils aillent toujours plus aisément et joyeusement de l’avant dans les bonnes actions ». Là aussi, c’est l’Esprit Saint qui nous aide à faire les bonnes actions. Pouvoir reconnaitre le bon du mauvais Esprit nous aidera à faire le bon choix pour plaire à Dieu et faire sa volonté. Tous, nous avons des choix à faire tout le long de notre vie. Jésus nous donne l’Esprit Saint justement pour nous aider à faire ces choix qui devront aller dans le sens de la volonté de Dieu. Si c’est le même Esprit Saint qui agit en chacun de nous, alors il ne devrait jamais avoir de division entre les membres de l’Eglise. Chacun de nous doit veiller sur soi-même, sa propre conduite, ses propres actions et pas celle des autres, veiller à ne pas être complice du mauvais Esprit, ce qui n’empêche pas bien sûr d’aider les autres, d’avoir le sens de solidarité, de l’entraide, sans jamais semer la division. En fait, cela s’appelle « aimer son prochain ». Car l’Esprit Saint n’est rien d’autre que l’Amour. Amour du Père pour le Fils et Amour du Fils pour le Père. Et c’est cet Amour que Jésus nous donne pour qu’à notre tour, nous semions aussi cet Amour qui nous vient de Dieu et qui est Dieu. Et lorsque les Apôtres reçoivent l’Esprit Saint, c’est pour évangéliser le monde, et cette évangélisation ne peut se faire que par amour, car il n’y a que l’amour qui soit capable de produire des fruits. Le salut ne vient que par l’Amour et non par la haine, par la paix et non pas la guerre, par la solidarité et non par l’égoïsme, par l’humilité et non par l’orgueil. C’est tout cela que nous offre Jésus Christ quand il nous donne l’Esprit Saint. Lorsque Jésus nous dit « recevez l’Esprit Saint », il nous offre ce qu’il y a de mieux au monde comme cadeau, pour soi-même, pour nos familles, et pour le salut du monde. Rm 5,5 : « 5… l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné ». Encore faut-il accepter de recevoir cet Amour divin. Saint Bernard distingue quatre degrés de l’amour :

  • Au premier, « l’homme s’aime lui-même ». C’est notre condition humaine de ne pouvoir nous passer de la connaissance sensible, donc aimer passe par le sensible et donc par le corps. Le Christ nous apprendra qu’il faut passer de la foi sensible, avec comme appui nos sens : l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût, le toucher…à la foi pure sans le soutien de nos sens.

  • Au second, » il aime Dieu…pour soi-même ». Il fréquente Dieu pour son propre profit, pour son propre intérêt, pour avoir des grâces, des bienfaits, pour réussir un examen, pour avoir du travail etc… Le prochain ne l’intéresse pas plus que le service de Dieu. Si Dieu n’agit pas en sa faveur, il peut l’abandonner puisqu’il lui semble que Dieu ne sert à rien. Il aime donc Dieu que s’il en tire un profit.

  • Au troisième degré, « il aime Dieu pour Dieu ».

  • Et au quatrième degré, « il ne s’aime plus lui-même que pour Dieu ». Saint Bernard précise : « qui s’en remet à Dieu non seulement parce qu’il est bon pour lui, mais (seulement) parce qu’il est bon, celui-là aime Dieu à cause de Dieu, et non à cause de soi-même ». « L’âme est ici arrivée pour toujours au quatrième degré, quand elle aime Dieu au plus haut point et Lui seul ». Il s’agit là d’aimer Dieu jusqu’au point d’être capable de donner sa vie pour Lui, sans rien attendre en retour. Voilà donc où peut nous conduire le don de l’Esprit Saint reçu de Jésus : la perfection de l’âme que seules quelques âmes saintes peuvent atteindre sur terre.

L’Esprit Saint nous est donné pour que nous soyons des chrétiens capables de suivre les commandements de Dieu : aimer Dieu et aimer son prochain. Et à tous ceux qui souffrent, souffrance physique ou souffrance de l’âme, Saint Jacques nous dit (Jc 5,15-16) : « La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis. 16 Confessez donc vos péchés les uns les autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris ». Croyons en la puissance de la prière. L’Esprit Saint est Vie, et il nous unit dans la prière. Rm 8,11 : Dieu donnera la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ». Que Marie, épouse de l’Esprit Saint, pleine de grâce, nous aide à mieux saisir l’importance de ce don si important pour le salut de l’humanité.




« L’Esprit-Saint … qu’en avons-nous fait ? » (Jn 20, 19-23) ; La Pentecôte – Francis COUSIN)

Quand on lit le début des Actes des Apôtres, juste après la pentecôte, on est surpris de voir à quelle vitesse les gens se convertissent à la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. C’est comme une épidémie : tout le monde (ou presque) demande le baptême …

 

 

On connaît actuellement l’épidémie du Covid-19, et nous luttons contre sa contagion, pour éviter qu’il se répande sur toute la terre.

Mais la Bonne Nouvelle de Jésus est-elle encore contagieuse ? … Oui ou peut-être ?

Et pensons-nous que son vecteur de contagion, l’Esprit-Saint, est encore efficace après deux mille ans, pour contaminer toute la terre ? … Oui ou peut-être ?

Et pourtant, la réponse devrait être claire : OUI !

Parce que Jésus l’a dit : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité (…) le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 16-17.26).

L’Esprit est une force donnée par Jésus, pour que nous devenions ses témoins, afin de former, tous ensemble, son Église.

À la résurrection, le jour de Pâques, quand il rencontre ses disciples, Jésus leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » (Jn 20,22-23), mais c’était en petit comité, réservé aux apôtres. C’était le don du pardon au nom de Dieu.

Dans les actes des apôtres de saint Luc, cinquante jours plus tard, l’Esprit sera donné à davantage de personnes, dans une manifestation solennelle, avec bruit, vent, des éclairs comme des langues de feu qui se posent sur chacun des présents (première lecture), et ils reçurent le don de la Parole, de deux manières :

1 – pour dire la vérité, sans peur, sans aucune crainte sinon celle de Dieu : « Est-il juste devant Dieu de vous écouter, plutôt que d’écouter Dieu ? À vous de juger. Quant à nous, il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu. » (Ac 4,19-20)

2 – pour dire la Bonne Nouvelle de telle manière que chacun puisse la comprendre dans sa langue natale, qui n’est pas celle des orateurs, et surtout qu’il puisse la comprendre dans son cœur, et que cela le bouleverse tellement que cela le convertit et qu’il demande le baptême, pour qu’ensemble ils forment l’Église.

Aujourd’hui, nous sommes rassemblés pour commémorer cet événement … deux mille ans après …

C’est bien, cela montre qu’on a de la mémoire … Mais quelle mémoire ? Celle d’un évènement passé … ou celle de quelque chose qui perdure encore ?

L’Esprit-Saint est toujours présent … il est avec nous, il est en nous, en chacun de nous, depuis notre baptême.

Qu’en avons-nous donc fait ?

L’avons-nous simplement rangé dans le tiroir des souvenirs en même temps que le lumignon rouge et les images de notre confirmation ?

Est-il au cœur de notre vie ?

Regardons l’Église naissante décrite dans les actes des apôtres : l’Esprit-Saint était, avec Jésus, au cœur de leur vie ; quand il y avait un problème, on se réunissait, on exposait le problème, on priait … et puis on décidait : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de … » (Ac 15,28).

Et nous, que faisons-nous, dans notre vie personnelle, dans notre paroisse, dans nos mouvements … ?

Est-ce qu’on prend le temps de prier avant de décider ?

Est-ce qu’on demande à l’Esprit-Saint de nous éclairer ?

Est-ce qu’on est prêt à l’écouter … même s’il arrive qu’il nous demande quelque chose en désaccord avec notre pensée … pour le bien de tous ?

Est-ce qu’on ne préfère pas imposer son point de vue … parce qu’on se laisse aller à suivre d’autres esprits : l’esprit de vengeance, l’esprit de haine, l’esprit d’arrogance, l’esprit de pouvoir, l’esprit de l’argent, l’esprit de … ?

L’Esprit-Saint est Amour … Amour de Dieu, puisqu’il « procède du Père et du Fils »

L’Esprit-Saint est joie … puisqu’elle est participe de l’Amour de Dieu !

L’Esprit-Saint est justice … puisqu’elle est participe de l’Amour de Dieu !

L’Esprit-Saint est tendresse … puisqu’elle est participe de l’Amour de Dieu !

L’Esprit-Saint est bonté … puisqu’elle est participe de l’Amour de Dieu !

L’Esprit-Saint est source de prière … puisqu’il nous pousse à regarder vers Dieu : « l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. » (Rm 8,26)

Est-ce bien ainsi que nous voyons l’Esprit-Saint ?

Qu’avons-nous fait de l’Esprit-Saint ?

En quittant cette terre,

Je vous ai laissé un message de lumière,

Qu’en avez-vous donc fait ?

(…)

Allez-vous en sur les places et sur les parvis !

Allez-vous en sur les places y chercher mes amis :

Tous mes enfants de lumière qui vivent dans la nuit,

Tous les enfants de mon père, séparés de lui.

Allez-vous en sur les places,

Et soyez mes témoins chaque jour !

Francis Cousin

 

 

 

 

 

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Prière dim Pentecôte A




« Par ta Lumière, nous voyons la Lumière » (Ps 36,10) ; l’aventure de la foi (Thomas Merton)

Le Dieu vivant, Celui qui est Dieu et non une abstraction philosophique, dépasse infiniment la portée de notre vision ou de notre compréhension. Quelle que soit la perfection que nous lui attribuons, nous devons ajouter que l’idée que nous nous en faisons n’est qu’une pâle analogie de la perfection qui est en Dieu, et que les termes que nous employons ne correspondent pas littéralement à ce qu’Il est.

Celui qui est la Lumière Infinie se manifeste de manière si formidable que nos esprits ne peuvent Le voir que comme ténèbres. Lux in tenebris lucet et tenebrae eam non comprehenderunt (La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas comprise (Jn 1,5)).

Puisque rien de ce que nous sommes capables de voir ne peut être Dieu, ou nous donner une image digne de Lui, nous devons donc, pour trouver Dieu, aller au-delà du visible et pénétrer dans les ténèbres. Puisque rien de ce que nous pouvons entendre n’est Dieu, nous devons, pour Le trouver, demeurer dans le silence.

Puisque nous ne pouvons imaginer Dieu, tout ce que notre imagination nous suggère à Son sujet est finalement fallacieux et par conséquent nous ne pouvons Le connaître tel qu’Il est à moins d’aller au-delà de tout ce qu’on peut imaginer et d’entrer dans une nuit sans images ni analogie avec le créé.

Et puisque nous ne pouvons ni voir ni imaginer Dieu, les visions que les saints ont eues sont moins des visions de Lui que des visions à Son sujet ; car voir une forme ayant des limites précises n’est pas Le voir.

Dieu ne peut être compris que par Lui-même. Pour Le comprendre, il faut en quelque sorte nous transformer en Lui. Or ce n’est pas par une représentation de Lui qu’Il se connaît, mais par Son Être Infini Lui-même ; aussi ne Le connaîtrons-nous comme Il se connaît que lorsque nous serons unis à ce qu’Il est.

La foi est la première étape de cette transformation, car c’est une connaissance sans image ni représentation, par une identification aimante dans les ténèbres avec le Dieu vivant.

Ce n’est pas seulement par les sens que la foi parvient jusqu’à l’intelligence, mais par une lumière directement infusée par Dieu. Comme cette lumière ne passe pas par la vue, l’imagination ou la raison, sa certitude devient nôtre sans prendre contact avec le créé, sans ressembler à rien qui puisse être vu ou décrit. Certes, les termes des articles de foi que nous acceptons représentent des choses qu’on peut imaginer, mais dans la mesure où nous le faisons nous les comprenons mal et pouvons nous tromper.

Car enfin, nous ne pouvons imaginer le rapport qui existe entre les deux termes de la proposition suivante : « En Dieu, il a Trois Personnes et Une seule Nature. » Et tenter de le faire serait une grave erreur.

Si nous croyons, si nous faisons un acte de soumission tout simple à l’autorité de Dieu qui nous propose, par l’intermédiaire de Son Eglise, un article de foi, nous recevrons une lumière intérieure si simple qu’elle défie toute description, et si pure qu’il serait grossier de la qualifier d’« expérience ». C’est une lumière véritable, qui donne à l’intelligence humaine une perfection qui dépasse toute connaissance.

Certes, il faut se souvenir que la foi implique la croyance aux vérités proposées par l’Eglise. Mais n’insistons pas sur cet élément de soumission au point d’en faire l’essentiel de la foi ; comme si une obéissance froide, aveugle, obstinée, à l’autorité, suffisait à faire un « homme de foi ». Si nous exagérons l’importance du rôle de la volonté, nous ne verrons plus la différence entre une foi intelligente et une simple soumission à la volonté, ce qui peut être très néfaste dans certain cas, car sans cette lumière, cette illumination intérieure de l’esprit par la grâce qui nous fait accepter la vérité proposée de la main de Dieu et la comprendre à cause de Lui, l’esprit n’aura ni la paix véritable, ni le soutien surnaturel qui lui est dû, et nous n’aurons pas une vraie foi. Si l’élément positif, la lumière, fait défaut, nous nous contraignons à supprimer nos doutes au lieu d’ouvrir notre cœur à une foi profonde. Pouvons-nous, dans ce cas, prétendre avoir reçu véritablement le don de la foi intérieure ? C’est une question très délicate, car il arrive souvent que malgré une foi profonde, une adhésion sincère et aimante à Dieu et à Sa vérité, des difficultés puissent subsister dans l’imagination et l’intelligence.

En un certain sens, nous pouvons dire que nous avons encore des « doutes », si nous entendons par là, non que nous hésitons à accepter la doctrine révélée, mais que nous sentons la faiblesse et l’instabilité de notre esprit devant le terrible mystère divin. Il s’agit moins là d’un doute objectif que d’un sentiment subjectif de notre impuissance, parfaitement compatible avec une véritable foi. En fait, plus notre foi grandit, plus nous sentons notre impuissance, de sorte qu’un homme profondément croyant peut, en même temps, dans ce sens impropre, « douter » plus que jamais. Il ne s’agit nullement là de doute théologique, mais seulement d’un sentiment très normal d’insécurité naturelle accompagné d’angoisse.

L’obscurité même de la foi est une preuve de sa perfection. Elle est obscure pour nos esprits parce qu’elle dépasse infiniment leur faiblesse. Plus la foi est parfaite, plus elle devient obscure. Plus nous approchons de Dieu, moins notre foi se dilue dans la demi-lumière des images et des concepts créés. Notre certitude croît avec cette obscurité, non sans angoisse ou sans doute, parce que nous ne vivons pas facilement dans un vide où nos facultés naturelles ne peuvent s’appuyer sur rien. Et c’est dans les plus profondes ténèbres que nous possédons Dieu le plus pleinement, sur terre, parce que c’est alors que notre intelligence est véritablement libérée des faibles lumières créées qui, comparées à Lui, ne sont que ténèbres ; c’est alors que nous sommes remplis de Sa Lumière infinie qui semble ténèbres à notre raison.

C’est dans cette foi parfaite que le Dieu Infini Lui-même devient la Lumière de l’âme plongée dans les ténèbres, et que Sa vérité prend entièrement possession d’elle. Alors, en cet instant indicible, la nuit la plus profonde devient le jour, et la foi se transforme en compréhension.

De ce qui précède, il évident que la foi n’est pas seulement un moment de notre vie spirituelle, ni un pas vers quelque chose d’autre. C’est une acceptation de Dieu qui est le climat même de toute vie spirituelle. C’est le début de l’union, et à mesure que notre foi et notre union s’approfondissent, cette acceptation de Dieu devient de plus en plus intense, en même temps qu’elle affecte tous nos actes et nos pensées. Je ne veux pas dire que dorénavant toutes nos pensées seront enveloppées dans de pieuses formules, mais plutôt que la foi ajoute une dimension de simplicité et de profondeur à toutes nos perceptions et à toutes nos expériences.

Quelle est cette dimension de profondeur ? C’est l’incorporation de l’inconnu et de l’inconscient dans notre vie quotidienne. La foi rassemble le connu et l’inconnu de sorte qu’ils s’imbriquent ; ou, plutôt, que nous sommes conscients de leur imbrication.

En fait, notre vie entière est un mystère dont notre compréhension consciente ne saisit qu’une petite partie. Mais lorsque nous acceptons seulement ce qui tombe sous notre raisonnement conscient, notre vie se réduit à de pitoyables limites, même si nous ne nous en rendons pas compte. (Nous avons été élevés dans le préjugé absurde que ne comprenons et n’assimilons vraiment que ce que nous pouvons formuler consciemment et rationnellement. Lorsque nous pouvons définir une chose, ou une de nos actions, nous nous imaginons que nous en saisissons pleinement le sens. En réalité cette transformation d’une idée en mots – très souvent ce n’est rien de plus – tend à nous couper de la véritable expérience et à diminuer notre compréhension au lieu de l’augmenter.)

La foi se contente pas d’expliquer l’inconnu, de le munir d’une étiquette théologique et de le ranger en lieu sûr pour que nous n’ayons plus à nous en occuper ; une telle conception serait tout à fait contraire à ce qu’elle est réellement. La foi mêle l’inconnu à notre vie quotidienne d’une manière vivante, dynamique et réelle. L’inconnu demeure l’inconnu. Le mystère reste entier. Le rôle de la foi n’est pas de transformer le mystère en évidence claire et rationnelle, mais d’intégrer le connu et l’inconnu en un ensemble vivant qui nous permette de plus en plus de dépasser les limites de notre moi.

Le rôle de la foi ne consiste donc pas seulement à nous mettre en contact avec « l’autorité de Dieu » et à nous enseigner les vérités révélées par Lui, mais encore à nous faire découvrir l’inconnu qui est en nous, dans la mesure où notre moi inconnu vit en Dieu et agit sous la lumière de Sa grâce miséricordieuse.

C’est, pour moi, l’aspect essentiellement important de la foi, trop souvent ignoré de nos jours. Foi ne signifie pas seulement soumission, mais vie. Elle englobe la vie sous toutes ses formes, et pénètre dans les profondeurs les plus mystérieuses et les plus inaccessibles de notre être spirituel inconscient et de Dieu dans son essence et son amour. La foi est donc le seul moyen de connaître la véritable réalité, même notre véritable réalité. Si l’homme ne s’abandonne à Dieu par une foi totale, sa propre nature lui demeure fatalement étrangère, exilée, parce qu’il est séparé du fond le plus vrai de son être ; celui qui demeure obscur et inconnu parce qu’il est trop simple et trop profond pour être connu par la raison.

Voulez-vous dire le subconscient ? demanderez-vous. Une distinction s’impose. Nous avons tendance à croire que nous avons un esprit conscient et un subconscient qui est au-dessous du conscient, ce qui peut induire en erreur. Le conscient est pressé de toutes parts par l’inconscient. Notre raison est entourée de ténèbres. Notre esprit conscient ne domine nullement notre être ; il contrôle seulement certains éléments qui lui sont inférieurs. Mais il peut à son tour être poussé par l’inconscient. Et comme il ne faut pas qu’il soit mené par quelque chose d’inférieur, il est important de distinguer les éléments émotifs, instinctifs, et les éléments spirituels, « divins », pourrait-on dire, de cet esprit conscient.

Or la foi intègre l’inconscient tout entier au reste de notre vie, mais elle opère de diverses manières. Les éléments inférieurs sont acceptés (et non simplement rationalisés) dans la mesure où ils sont voulus par Dieu. La foi nous permet de transiger avec notre nature animale et d’essayer de la mener selon la Volonté de Dieu, c’est-à-dire selon l’amour, en même temps qu’elle soumet notre raison aux forces spirituelles cachées qui sont au-dessus d’elle. Ce faisant, l’homme tout entier est sous la dépendance de l’inconnu qui le domine.

Dans ce domaine du mystère se cache non seulement la partie la plus élevée de l’être spirituel de l’homme (qui est, pour sa raison, une énigme absolue), mais encore la présence de Dieu.

La foi permet à l’homme d’entrer en contact avec ce qu’il possède de plus profond spirituellement, et avec Dieu. Selon la théologie traditionnelle, les Pères de l’Eglise grecque donnaient trois noms à ces trois aspects de l’esprit humain. L’âme « animale », inconsciente et non raisonnable était l’anima ou psyche, domaine de l’automatisme où l’homme agit en organisme psychophysique. Cette anima est une sorte de principe féminin, ou passif, de l’homme.

Puis il y a la raison ; le principe lucide conscient, actif ; l’animus ou nous. L’esprit est ici principe masculin, l’intelligence qui commande, raisonne, guide notre activité avec prudence et réflexion. Il gouverne le principe féminin, l’anima passive. L’anima est Eve, l’animus, Adam. Par suite du péché originel Eve tente Adam et sa pensée raisonnée cédant à ses impulsions aveugles, il se laisse gouverner par l’automatisme des réactions passionnées, par les réflexes conditionnés plutôt que par les principes moraux.

Cependant, l’homme n’est pas seulement composé d’une anima gouvernée par l’animus, d’un principe masculin et d’un principe féminin. Il en est un plus élevé qui transcende les distinctions de masculin et de féminin, d’actif et de passif, de réfléchi et d’instinctif. Ce principe plus élevé dans lequel se fondent les deux autres pour monter jusqu’à Dieu est le spiritus ou pneuma.

Ce n’est pas seulement un attribut de l’homme, c’est l’homme lui-même, uni, vivifié, élevé au-dessus de lui-même et inspiré par Dieu. L’homme atteint là son plein développement. L’homme n’est vraiment homme que lorsqu’il forme, avec Dieu, « un esprit ». L’homme est « esprit » lorsqu’il est à la fois anima, animus et spiritus. Ces trois choses n’en font d’ailleurs qu’une. Et lorsqu’elles sont parfaitement ordonnées dans leur unité, tout en gardant leurs qualités intrinsèques, l’homme est recréé à l’image de la Sainte Trinité.

La « vie spirituelle » est donc la vie parfaitement équilibrée dans laquelle le corps, avec ses passions et ses instincts, l’intelligence avec sa raison et sa soumission aux principes et l’esprit illuminé passivement par la lumière et l’amour de Dieu forment un homme qui est en Dieu, avec Dieu, de Dieu et pour Dieu. Un homme pour qui Dieu est tout. Un homme dans lequel Dieu fait, sans obstacle, Sa propre Volonté.

Nous pouvons facilement comprendre qu’un amour purement émotif, une vie dominée par l’instinct, une religion purement orgiaque, ne mènent pas à la vie spirituelle, pas plus qu’une vie uniquement rationnelle, une vie de réflexion consciente et d’activité entièrement gouvernée par la raison. Réduire la spiritualité de l’homme à une « mentalité » et situer toute la vie spirituelle, purement et simplement, dans l’intelligence capable de raisonner, est une erreur moderne caractéristique. La vie spirituelle se réduit alors à des opérations intellectuelles – raisonnements, formules, etc. Une telle vie est tronquée et incomplète.

La vraie vie spirituelle n’est ni une vie d’orgie dionisiaque, ni une vie d’une limpidité appolonienne ; elle les dépasse toutes deux. C’est une vie de sagesse, une vie d’amour sage. Dans Sophia, le principe de la sagesse la plus élevée, sont unis inséparablement la grandeur et la majesté de l’inconnu qui est en Dieu, et tout ce qui est fertile et maternel dans Sa création : les principes paternel et maternel, le Père incréé et la sagesse créée.

La foi nous ouvre ce royaume plus élevé d’union, de force, de clarté, d’amour sage où, au lieu de la lumière limitée et fragmentaire que donnent les principes rationnels, la Vérité est Une et Indivise et ramène tout à elle dans l’intégrité de Sapientia ou de Sophia. Lorsque saint Paul disait que l’Amour est l’accomplissement de la Loi et que l’Amour a délivré l’homme de la Loi, il voulait dire que, par l’Esprit du Christ, nous sommes incorporés à Lui, qui est la force et la sagesse de Dieu, afin qu’Il devienne notre vie, notre lumière, notre amour et notre sagesse. Notre vie spirituelle dans sa plénitude est une vie de sagesse, une vie dans le Christ. Les ténèbres de la foi portent leur fruit dans la lumière de la sagesse.

Thomas Merton, « Semences de contemplation », Editions Points 2010 p. 137-147.