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COMMEMORATION DE TOUS LES FIDÈLES DÉFUNTS

                 Où vont nos morts ?

             Paradoxalement, on n’a jamais vu autant la mort que ces temps derniers : au travers des informations télévisées, où rien ne nous est caché, souvent avec une totale impudeur. Avec la surabondance des films violents, sans parler des jeux vidéo, où l’on est autorisé à tuer son adversaire. La mort virtuelle est omniprésente dans chaque foyer. Et l’on peut jouer avec elle, cela semble tout naturel à nos jeunes.

            Cette banalisation de la mort ne la rend pas pour autant moins effrayante pour l’homme. D’autant que cette banalisation est de plus en plus dangereuse, incitant les jeunes à des conduites outrancièrement risquées, tel le tristement jeu du foulard, qui a déjà fait de nombreuses victimes.

            On va jusqu’à la frôler cette mort, on flirte avec elle, et, trop souvent, ce côtoiement, cette intimité de plus en plus poussés, conduisent à la catastrophe sans retour.

            De même que l’on meurt de plus en plus violemment, que ce soit d’accident, de guerre, de catastrophe naturelle, d’agression par autrui ou soi-même, la maladie est aussi une agression violente.

            Alors, on la cache et surtout, on se la dissimule à soi-même.

            Nous nous posons la question de savoir si les croyants meurent « mieux » que les autres. L’expérience nous apprendra que non.

            Comme dans la population courante, il y a des personnes qui meurent sereinement, d’autres difficilement. Entre ces deux extrêmes, toute une gamme infinie de nuances, suivant la personnalité du sujet, la façon dont il a vécu, sa culture, ses lectures, ses croyances.

            Tout d’abord, à quoi correspond l’expression « bien mourir » ?

            Pour la plupart des gens, cela signifie ne pas souffrir, partir le plus rapidement possible. Là encore l’idée de mort reste dans le flou. On a l’image d’un évanouissement dans le néant.

            Et si la mort représentait bien autre chose ? Réfléchissons.

           La naissance est un phénomène reconnu, nous pouvons dire, pour employer le jargon à la mode, « hypermédiatisé ».

            En effet, bébé est attendu, par la famille, bien sûr, mais aussi par la société, qui l’entoure avant même qu’il paraisse.

            Les visites médicales, la préparation de la chambre, le choix du prénom, tous ces actes posent la naissance comme un événement important, l’enfant à naître est reconnu en tant que personne dès sa conception.

            En tant qu’être neuf, on attend de lui des miracles d’amour, de tendresse, de réussite. Les parents se projettent en lui, vont souvent vivre à travers lui, par procuration, les rêves qu’ils n’ont pas pu réaliser par eux-mêmes.

            L’enfant deviendra le réceptacle, en même temps que le rédempteur, de toutes les frustrations, toutes les erreurs accumulées au cours de l’existence de ses géniteurs.

            Dans ce contexte plein d’attente, de fièvre parfois, il est bien évident qu’une naissance est un phénomène d’une extrême importance, puisqu’elle représente un début, le commencement d’une grande aventure, que l’on espère heureuse pour toute la cellule familiale.

            Qu’en est-il de la mort ?

            Celui qui part a fini sa vie, s’il est âgé, ses parents ne sont plus. S’il est jeune, sa mort signifie la fin des espoirs de ses parents. La mort d’un jeune est toujours vécue comme un échec, quel que soit l’âge de l’enfant. Les parents qui perdent un enfant se sentent coupable de ne pas avoir réussi à le protéger, à l’éduquer jusqu’à l’âge d’homme.

            La disparition d’une personne âgée représente autre chose. Quel que soit le degré d’attachement que l’on avait pour elle, son évolution terrestre est accomplie, elle a, pour employer l’expression populaire, « fait son temps ».

            Certaines familles ressentent plutôt du soulagement devant la fin des souffrances et la déchéance de la personne âgée.

            D’autres encore, se réjouissent secrètement de toucher enfin l’héritage… Comportements humains, parfois discutables, mais bien réels.

            La mort, au contraire de la naissance, n’apparaît pas, dans nos civilisations occidentales, comme un phénomène important, puisqu’on fait tout pour l’occulter. POURQUOI ?

             Tout d’abord, parce qu’elle représente une fin, contrairement à la naissance.

            Ensuite, la peur de l’inconnu semble la cause la plus évidente, ainsi que ses corollaires : peur de perdre les êtres chers, les biens terrestres, la fortune, la liste peut s’allonger à l’infini.

            La naissance est un phénomène connu, dès qu’elle survient, mais avant, où se situe l’humain ?

            « Nul ne se donne à soi-même sa vie, c’est toujours à partir de la vie que s’engendre la vie, même lorsque la vie particulière d’un embryon est procurée par une manipulation in vitro.

             La vie ne vient jamais de nulle part, que l’on naisse d’un acte d’amour, ce qui est le plus humain, ou que l’on naisse d’une éprouvette, c’est d’une vie déjà existante que la vie, notre vie, surgit.

            La vie se révèle toujours dans un vivant qui en est le support, l’expression. Puisque la vie s’engendre elle-même dans un vivant dans lequel elle s’exprime, et que pas un de ces vivants ne se donne la vie à lui-même, on peut en conclure, en remontant l’origine de la vie, qu’il y a nécessairement « la vie capable de s’engendrer elle-même, celle que le christianisme appelle Dieu ».

            C’est ainsi qu’en christianisme, la Vie auto-engendrée est le Père, et le Vivant Éternellement Engendré qui exprime la vie est le Verbe ou encore le Fils. »

                                   Michel AUPETIT.

            La mort est connue également au moment où elle a lieu, mais après, que devient cette part intangible que l’on appelle âme ? 

            Ce sont ces deux grandes questions, apparemment impossible à résoudre hors de la Foi, qui angoissent tellement la plupart des gens.

            Quand un malade sent venir le grand voyage, il n’est pas rare  qu’il se tourne vers la spiritualité. Même ceux qui ont été, au cours de leur vie, exclusivement matérialistes, commencent à s’interroger, sauf bien sûr quelques irréductibles.

            Par contre, paradoxalement, ceux qui, toute leur vie, ont pratiqué une religion, qu’elle soit chrétienne ou non, ne meurent pas plus facilement que les autres, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Bien au contraire !

            Ce sont souvent eux qui doutent, alors que les néophytes en la matière font les découvertes essentielles, à savoir la Foi et l’Amour des autres.

            Dans l’esprit de bien des gens, religion et foi sont mêlées, alors qu’il s’agit de deux domaines, certes intriqués, mais très différents.

            LA RELIGION est le lien, le véhicule qui amène la créature au Créateur ; elle est souvent empreinte de rites, de dogmes, qui ne conviennent  qu’à très peu de gens.

           La FOI est, au contraire, libératrice, et très personnelle. Elle relève du domaine de l’Espérance, de l’Amour. Elle permet à l’humain de se rattacher aux autres, au cosmique, à l’univers, aux règnes animaux et végétaux.

            C’est grâce à la Foi que l’homme trouve un sens à sa vie. L’essentiel est d’admettre ce qui nous dépasse. Malheureusement, c’est la notion la plus difficile à partager…

            Ceux qui manifestent de l’aigreur sont rares, et leur cas est doublement dramatique.

            Atteinte d’une maladie qui ne leur laisse que très peu de temps, leur caractère difficile les empêche de se lier, de savourer des moments de sympathie, d’amitié, d’attachement affectif. D’où une souffrance aggravée.

            Quand on perd un être cher, on se pose souvent la question :

            Pourquoi lui, qui n’a jamais fait de mal à personne ?

            Cette question hante parfois durant des années les personnes en deuil.

            Malheureusement, nul ne détient la réponse, et il importe de le dire aux endeuillés.

            Pourquoi certains partent avant d’autres, alors que, comme la plupart des humains, ils ne sont « ni meilleurs ni pires » ?

            La mort nous touche tous, que l’on soit bon ou méchant, jeune ou vieux. Elle est toujours perçue comme une injustice, quel que soit l’âge du départ.

Voici le témoignage de Claudie GUIMET, aumônière en milieu hospitalier.

            Julie est une belle jeune fille Antillaise. Grande, mince, des yeux profonds, chaleureux et remplis d’amour.

            Atteinte d’une leucémie, on a tenté sur elle une greffe de moelle osseuse, qui a échoué.

Aide-soignante de son métier, elle n’ignore rien de son cas, et sait qu’elle n’en a plus pour longtemps. Elle ne souffre pas, ses cheveux commencent à repousser après une chimiothérapie très éprouvante. Le seul symptôme qu’elle éprouve, pour l’instant, est une grande fatigue, contre laquelle elle lutte avec un courage stupéfiant. Chaque jour, elle se force à de longues promenades dans les bois. Elle aime particulièrement un lac de montagne, situé en contrebas de l’hôpital, qu’on appelle « lac vert ».

Elle revient de ces expéditions exténuée, mais pas question pour elle d’y renoncer, tant est grand son émerveillement devant cette sublime nature montagnarde.

Dans cette farouche volonté, on discerne aussi un besoin de se dépasser, de se lancer un défi. Nombreux sont les malades qui, au quotidien, dans le vouloir, donnent aux bien portants ces leçons de courage phénoménal.

Julie la jolie a pris froid. Blottie dans son lit, fiévreuse, les yeux brillants dilatés, elle grelotte, malgré les médicaments et la couverture supplémentaire.

La veille, elle a voulu se rendre, comme d’habitude au lac Vert, malgré une météo instable. Les orages en montagne sont très violents, elle est revenue sous une pluie diluvienne.  Je la gronde pour son imprudence, elle me répond, avec une ironie très aristocratique qui me laisse confondue :

            « Au point où j’en suis, quelle importance ?

Je caresse son front brûlant de fièvre. Elle me sourit gentiment, comme pour me consoler. Les larmes me viennent aux yeux, et je me détourne pour faire semblant de me moucher.

Cette enfant des îles, merveilleuse d’humanité, de tendresse, va bientôt nous quitter. On ne s’habitue pas à tant d’injustice…

Julie me demande de lui faire écouter un peu de musique, et ne peut s’empêcher de remuer doucement, au creux de ses draps, au rythme du zouk. Sa situation pour le moins dramatique ne l’empêche pas de manifester la joie intérieure que rien ni personne ne pourront lui enlever. Elle rayonne d’une flamme intense, faite d’amour pour la vie, de compassion pour ses congénères malades, de Foi en Dieu et dans les hommes.

C’est moi qu’elle réconforte !

Peu à peu, la chambre se remplit. Le téléphone arabe a fonctionné, chacun est averti du malaise de Julie. Tout ceux qui l’aiment viennent la voir, et ils sont nombreux.

Elle a tellement donné d’elle-même, réconfortant les plus tristes, riants avec les plus gais, préparant des friandises pour ceux qui n’avaient plus d’appétit. Longtemps sa voix a résonné dans les couloirs, voix douces chantant les merveilles de son pays de soleil. Ils sont tous là, jeunes et vieux, unis dans leur amour pour cette jeune femme rayonnante.

Elle passe une très mauvaise nuit malgré les somnifères et, le lendemain, m’annonce que sa mère va venir de Saint-Pierre de la Martinique.

            « Pour des vacances bien mérités », me précise-t-elle, souriante. Je sais bien qu’elle n’est pas dupe. Le médecin a prévenu la famille que la jeune fille vivait ses derniers jours.

            La maman arrive le surlendemain, grise d’angoisse sous la peau sombre.

            Après un grand moment passé près de sa fille, elle me dit qu’elle est un peu rassurée : Julie lui semble moins malade qu’elle ne l’aurait cru. C’est qu’elle s’entend à donner le change, notre Julie !

Qui la croirait malade, la voyant toujours gaie, souriant, plaisantant, chantant et s’activant tout la journée en salle commune ?

Pour accueillir sa mère, elle s’est levée, est même parvenue à la conduire dans la pièce de réunion, où elle l’a présentée à tous ses amis.

Chacun lui ayant chanté les louanges de sa précieuse fille, elle est ravie, et affiche une fierté non usurpée. Pendant la sieste de Julie, elle me rejoint dans la pièce réservée aux visiteurs et, devant un bon café, me confie.

« Julie, petite fille indépendante dès ses premières années, avait toujours rêvé de vivre en métropole. C’était sa grande ambition. Elle aurait voulue être médecin, mais… la case familiale se remplissait chaque année d’un nouveau-né, la jeune fille n’avait pu faire que de modestes études d’aide-soignante, et encore en les payant soi-même. Ne trouvant pas de travail sur son île, elle est venue en métropole, mais avec l’arrière-pensée, toujours, de mener à bien des études d’infirmière, de regagner un jour sa terre natale pour s’y rendre utile auprès des souffrants. »

Je découvre une Julie tenace, volontaire, allant jusqu’au bout de ses projets. Ce caractère entier lui a sans doute permis ce dépassement de soi lors de sa maladie.

Nous retournons près d’elle. Elle règle elle-même sa pompe à morphine, et ne souffre pas. Ses yeux rieurs nous accrochent, comme pour nous dire de ne pas nous inquiéter, que ce qu’elle traverse n’est pas grave. Son regard ferme, volontaire, nous supplie de ne pas nous apitoyer. De concert, la maman et moi trouvons quelques plaisanteries à échanger, le cœur serré, en espérant qu’elle ne remarquera pas nos yeux embués… Je les laisse.

La maman, le soir, me dit que Julie est prête à partir, elle a promis de « veiller, de là-haut, sur sa famille, particulièrement ses petits frères qu’elle chérit plus que tout. »

Je raconte le courage extraordinaire de la jeune fille, ses promenades, sa disponibilité à aider les plus malades qu’elle.

Quand nous retournons dans la chambre, Julie s’est endormie, un léger sourire aux lèvres, comme si elle se promenait déjà dans la contrée accueillante qu’elle va bientôt rejoindre, du moins nous l’espérons.

Le lendemain matin, quand j’arrive dans le service,  j’entends des lamentations, des pleurs lancinants. Comprenant tout de suite que Julie est partie, je vais dans sa chambre. La maman se balance d’avant en arrière sur sa chaise, et se lamente. Le personnel, complice dans son chagrin, la laisse s’épancher.

La jeune fille, étendue sur son lit, est extraordinaire de beauté et de sérénité.

D’après sa maman, au moment de partir, elle a eu un regard et un sourire lumineux et a murmuré :

            –  « Maintenant, je me sens bien »…

Paroles qui en disent long sur les souffrances que, durant de longues semaines, elle s’est ingéniée à nous cacher, avec un courage qui confine à l’héroïsme !

Quand la pauvre mère en deuil est plus calme, nous parlons longuement de ce fameux passage dans une dimension dont nous ignorons tout.

            Elle est persuadée qu’elle reverra sa fille, et que celle-ci se trouve à présent heureuse dans une contrée où la maladie et le malheur n’existent plus. Cette pensée va la soutenir durant de mois, facilitant son travail de deuil.

           La Foi aide puissamment lors d’un deuil.

            Tout d’abord, l’Espérance, voire la certitude, de retrouver l’être cher adoucissent le chagrin, atroce les premiers jours. Une fois passée la période de stupeur, de déni, la personne va essayer de chercher consolation là où elle peut. La famille, les amis, l’entourage d’une façon générale peuvent réconforter, bien sûr. Mais rien  ne remplace  la Foi, cette Confiance en un Dieu d’Amour qui accueille chacun en son sein, une fois la période d’épreuves sur terre achevée.

                                               « Dernières joies avant la mort ». Edition du Cerf.

                                                                       Noéline FOURNIER

 

 




L’étreinte de Dieu avec l’humanité en Jésus Christ – Enseignement du père Lagrange O.P. et du cardinal Tauran par Fr. Manuel Rivero O.P.

Au terme et au sommet spirituel de son livre de vulgarisation sur l’exégèse des quatre évangiles, le père Lagrange écrit : « Il y a là un envahissement des choses divines, qui étonne la raison. C’est l’insertion de la divinité dans l’humanité, la nature humaine participant par la grâce à la nature divine, une telle prodigalité de dons, des exigences si hautes qu’une raison trop courte en est écrasée plutôt qu’attirée. On est tenté de dire que c’est trop beau !

Mais en dehors, il n’y a rien, rien qui compte pour nous, rien qui porte la marque de l’infini. Nous voilà en face du néant. Où aller, Seigneur ? Il ne reste qu’à se renfermer dans un doute fastueux – ou désespéré. Ou plutôt à se serrer autour de Pierre qui dit toujours : « Vous avez les paroles de la vie éternelle« , et à s’abandonner à l’étreinte de Dieu en Jésus Christ. [3]»

De son côté, le cardinal Tauran partage la même expression « étreinte de Dieu » pour exprimer l’union du Fils de Dieu avec l’humanité dans le mystère de l’Incarnation et de la Croix : « Pour le grand apôtre (saint Paul), le centre de l’unité, vers laquelle l’humanité doit nécessairement converger, est la personne du Christ. Souvent, il se plaît à souligner le rôle non seulement cosmique, mais salutaire de la Croix et de la Pâque qui ont fait du Christ le Kyrios, Seigneur de l’humanité et de l’Histoire. En outre, c’est dans le « mystère«  de la Croix que Paul voit l’étreinte de l’humanité tout entière, réconciliée après les déchirements et les divisions qui, de son vivant, étaient représentées par la double réalité du monde religieux hébraïque et du monde religieux gréco-romain [4]».

 

C’est ainsi que Jésus le Christ s’unit à tout homme accomplissant le mystère de la Rédemption par l’Incarnation et la Croix. Ce mystère commencé dans le sein de la Vierge Marie s’accomplit dans l’élévation de la croix et dans la mort de Jésus. En partageant la condition humaine jusqu’à la mort, le Fils de Dieu, qui a pris sur lui le mal et le malheur de l’humanité entière, partage la gloire de sa divinité à ceux qui mettent leur confiance en Lui.

 

L’humanité de Jésus le Christ semblable à celle de tous les hommes, excepté le péché, constitue le commun dénominateur de Dieu avec le genre humain : « Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » (Concile Vatican II, Gaudium et spes, n°22).

La Croix et la mort de Jésus représentent le sommet de l’amour de Dieu plus fort que la mort.

Ressuscité d’entre les morts le matin de Pâques, Jésus accomplit sa prière sacerdotale à la veille de sa Passion : « Père, qu’ils soient un comme nous » (Jn 17, 11) ; « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux. » (Jn 17,26).

Religion par excellence du corps, le christianisme célèbre l’étreinte de Dieu avec l’humanité réalisé dans le corps de Jésus, corps douloureux dans la Passion, lumineux dans sa résurrection, avec l’énergie de l’Esprit Saint envoyé par le Père.

Le corps glorieux de Jésus intègre les croyants en son nom qui en deviennent ses membres, le Christ total, formé de la Tête et des membres : les fidèles.

Si pour certaines religions, il est impensable que Dieu assume un corps humain dans sa vulnérabilité, et encore moins qu’il subisse la douleur ou la mort, le christianisme accueille la révélation déployée par Jésus le Christ. Dieu s’unit à la nature humaine pour que la nature humaine s’unisse à Dieu. Fruit de la grâce et de la miséricorde divine, Jésus ressuscité le manifeste à Marie-Madeleine dans le jardin de Jérusalem : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17).

Renversé sur le chemin de Damas par la lumière éblouissante de Jésus ressuscité, Paul de Tarse vit l’expérience de la présence aimante de Jésus vivant qui s’identifie aux chrétiens persécutés (cf. Ac 9).

Pharisien, formé à Jérusalem par le grand maître Gamaliel, Paul commente ainsi les versets de la Genèse : « ‘L’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair’ : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église » (Eph 5,31-32).

Dans le Cantique des Cantiques, la bien-aimée s’exclamait : « Son bras est sous ma tête et sa droite l’étreint » (Ct 2,6). Par l’amour du Christ Jésus, l’Église célèbre l’étreinte avec Dieu. Les paroles de la prière eucharistique au cours de la messe mettent en lumière cette union humaine et divine : « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Église, et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton alliance ; quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Prière eucharistique III).

Saint-Denis/ La Réunion, le 21 octobre 2020.

 

 

 

 

[1] Frère Marie-Joseph Lagrange O.P. (1855-1938), fondateur de l’École biblique de Jérusalem. Site de l’Association des amis du père Lagrange : http://www.mj-lagrange.org/ ; Facebook : Marie-Joseph Lagrange, dominicain.
[2] Cardinal Jean-Louis Tauran (1948-2018), président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (2007-2018).
[3] Marie-Joseph LAGRANGE O.P., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, traduite par le père Ceslas Lavergne O.P. Préface de Jean-Michel Poffet O.P. ; présentation de Manuel Rivero O.P. Paris. Éditions Artège Lethielleux. 2017. P. 675.
[4] Cardinal Jean-Louis Tauran, Je crois en l’homme, « Les religions font partie de la solution, pas du problème ». Paris. Bayard. 2016. P. 37 Présentation du « Codex Paoli », Rome, le 18 juin 2008.

 




Homélie de Mgr Aubry – REPONDRE A L’INVITATION AVEC « FRATELLI TUTTI »

Messe télévisée Le Jour du Seigneur 
prévue pour le 11 octobre 2020 et annulée le 25 septembre 2020

La messe du 11 octobre a été célébrée à 9 H 
en l’église Saint Camille de Lellis, paroisse de la Bretagne 
et radioffusée sur « Arc-en-ciel » et facebook de la radio

 

Mot d’accueil et préparation pénitentielle

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
Chers frères et sœurs en humanité,
Bonjour à vous tous en cette église Saint Camille de Lellis et à chacun de vous qui
priez avec nous grâce à Radio Arc-en-ciel et Facebook. Paix dans ton cœur de bien-
portant ou de malade. Paix dans les familles, paix dans le travail et les loisirs, paix
dans les hôpitaux et les prisons. N’ayons qu’un seul cœur et une seule âme. Aussi,
préparons-nous à la célébration de l’eucharistie en reconnaissant que nous sommes
pécheurs.

* * *

Homélie
(cf. Lc 22, 1 à 14)

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
Chers frères et sœurs en humanité,

Dieu Notre Père, le Roi du Royaume d’amour, a un grand projet d’amour pour
l’humanité. Mais au début, au commencement, au commencement avant le
commencement, il n’y a pas d’humanité. Il n’y a que Dieu, rien d’autre que Lui, Lui
Amour et Lumière incréés crée tous les univers par l’expansion de son amour. Mais
que serait un amour qui n’aurait pas un autre amour qui lui réponde ? Dieu qui est
hors du temps se soumet au temps dans le rythme d’évolution de sa création. Il dit et
il fait. Il dit et c’est fait. Il prépare la terre comme un grand jardin d’harmonie et de
paix pour une maison commune. Une maison commune pour qui ? Le Livre des
origines, les deux grands poèmes de la Genèse nous donnent la réponse : « Dieu
créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme…
et vit que cela était très bon » (Gn 1,27).

Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Nous les humains, les hommes et les femmes,
nous sommes interdépendants les uns des autres. Dans le Bien comme dans le Mal.
Aujourd’hui, il nous est facile de comprendre qu’un acte posé en 2020 aura des
conséquences dramatiques en 2050 et bien après… surtout s’il s’agit de décisions
qui concernent la vie elle-même, la transmission de la vie et l’avenir de la planète.
Ainsi en est-il du péché des origines et de ses conséquences. Avec Adam et Eve,
avec les premiers hommes et les premières femmes et jusqu’à nous… la conscience
de l’humanité s’est déchirée. Elle est blessée. Nous pourrions la croire cassée mais
nous portons en nous la nostalgie d’un paradis perdu. L’aspiration au bonheur est là.

Alors, est-ce que Dieu n’est plus Dieu ? Est-ce qu’Il a fait fausse route dans son
grand projet d’amour pour l’humanité ? Non. C’est nous qui nous nous détournons du
chemin qui peut nous reconduire nous-mêmes à nous-mêmes, à Dieu Lui-même, à
nos frères et à nos sœurs de la grande famille humaine si riche de nos multiples
diversités ethnoculturelles. Sans cesse, Dieu intervient dans l’Histoire de l’humanité
par des alliances successives, afin de relancer encore, et encore, et toujours, son
grand projet d’amour, pour un royaume d’amour, pour le royaume des cieux.
Souvenez-vous, souvenons-nous : Noé, Abraham, Moïse, les patriarches, les
prophètes… et Jésus.

Jésus, qui est-il ? Il est le Verbe fait chair de la chair de Marie par la puissance de
l’Esprit-Saint. Aujourd’hui, Dieu le Père, le Roi du Royaume des cieux, fait tout exister
par son Verbe fait chair et rien ne pourrait exister sans Lui. Jésus – Verbe de vie
épouse donc la condition humaine. Jésus est amoureux de tous les hommes, de
toutes les femmes, de tous les temps. Jésus aime jusqu’au bout de l’amour, jusqu’au
bout de la croix, jusqu’à la gloire rayonnante de la résurrection. Et Jésus a voulu se
donner à nous en nourriture avec le fruit de la terre et du travail des hommes. « Ceci
est mon corps, ceci est mon sang ». Corps livré, sang versé dans la coupe de
l’alliance nouvelle et éternelle. Jésus, l’agneau immolé, efface le péché du monde :
« Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je
serai guéri ». A chaque messe, nous sommes invités à participer au festin des noces
de l’Agneau par le Roi, le Père qui se réjouit des épousailles de son Fils avec
l’humanité. C’est Lui le Père qui nous invite au festin. Alors, comment répondons-
nous concrètement à l’invitation de Dieu le Père qui nous invite à célébrer les noces
de son Fils avec l’humanité dans chaque liturgie dominicale ? Ne cherchons pas des
alibis… ou plutôt, dénichons-les pour les éliminer.

 

Pour une civilisation de l’amour et de la vie

« Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Dieu fait corps avec l’humanité qui est
appelée à s’intégrer à son Royaume. Et nous, chrétiens, par Jésus, avec Lui et en
Lui, nous sommes invités à relire les événements et à agir en conséquence pour
donner sens à notre vie. Donner sens à notre vie personnelle, familiale, collective,
culturelle, économique, politique. Pensons par exemple à ce que nous dit le pape
François dans sa dernière encyclique « Fratelli Tutti », Tous frères, au sujet de la
pandémie Covid-19 : « Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout
seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble. C’est pourquoi j’ai affirmé que
« la tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et
superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos
habitudes et priorités (…) A la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des
stéréotypes avec lequel nous cachions nos ego toujours préoccupés de leur image ;

et reste manifeste encore une fois cette heureuse appartenance commune à laquelle
nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères » (§ 32).

« Le fait d’être frères » dans une société donnée, c’est, nous dit le pape François,
« Faire partie d’un peuple, c’est faire partie d’une identité commune faite de liens
sociaux et culturels ». Et cela n’est pas quelque chose d’automatique, tout au
contraire : c’est un processus lent, difficile… vers un projet commun » (§ 132). A La
Réunion, comme en France, nous entrons dans une période de turbulences
électorales. J’estime qu’il nous faut tous méditer les paroles de sagesse de notre
pape : « En politique, il est aussi possible d’aimer avec tendresse. Qu’est-ce que la
tendresse ? C’est l’amour qui se fait proche et se concrétise. C’est un mouvement qui
part du cœur et arrive aux yeux, aux oreilles, aux mains. La tendresse est le chemin à
suivre par les femmes et les hommes les plus forts et les plus courageux. Dans
l’activité politique, les plus petits, les plus faibles, les plus pauvres doivent susciter
notre tendresse. Ils ont le droit de prendre possession de notre âme, de notre cœur.
Oui, ils sont nos frères et nous devons les traiter comme tels » (§ 192).

Cette réflexion du pape me fait penser aux plus petits, aux plus faibles, aux sans
défense que sont les fœtus et les bébés dans les seins maternels. Au moment où les
lois de bioéthique sont en révision et que, contrairement à une opinion publique
matraquée, la loi n’est pas encore votée, nous devons tous prendre en considération
les questions posées par le Conseil permanent de la Conférence des Evêques de
France. Voici ces questions :

‒ Une société peut-elle être fraternelle lorsqu’elle n’a rien de mieux à proposer
aux mères en difficulté que l’élimination de l’enfant qu’elles portent ?
‒ Une société peut-elle être fraternelle lorsqu’elle renonce à reconnaître le rôle
de la mère et du père,
‒ lorsqu’elle ne reconnaît plus que le lieu digne de l’engendrement d’un être
humain est l’union corporelle d’un homme et d’une femme qui ont choisi d’unir
leur vie pour créer un espace d’alliance et de paix au milieu de ce monde
magnifique et dangereux ?

Je ne doute pas de votre réponse à vous, chrétiens, catholiques. Je ne doute pas de
votre réponse à vous tous, citoyens de bons sens. Je ne doute pas de votre
engagement à respecter et à faire respecter la vie humaine depuis le sein maternel
jusqu’à la mort naturelle. Je compte aussi sur vous, vous nos sénateurs et nos
députés de La Réunion et de la Nation, pour défendre cette cause qui transcende les
partis politiques. Ne développons pas une culture de mort mais construisons les
conditions d’une civilisation de l’amour et de la vie.

Le pape François nous invite à concevoir et à réaliser une « bonne politique ». Il nous
dit : « La bonne politique unit l’amour, l’espérance, la confiance dans les réserves de
bien qui se trouvent dans le cœur du peuple en dépit de tout. C’est pourquoi la vie
politique authentique qui se fonde sur le droit et sur un dialogue loyal entre les
personnes se renouvelle avec la conviction que chaque femme, chaque homme et
chaque génération portent en eux une promesse qui peut libérer de nouvelles
énergies relationnelles, intellectuelles et spirituelles » (§ 196).

Et le pape François nous a dit précédemment « J’invite à l’Espérance qui nous parle
d’une réalité au plus profond de l’être humain, indépendamment des circonstances
concrètes et des conditionnements historiques dans lesquels il vit. L’Espérance nous
parle d’une soif, d’une aspiration, d’un désir de plénitude, de vie réussie, d’une
volonté de toucher ce qui est grand, ce qui remplit le cœur et élève l’esprit vers les
grandes choses, comme la vérité, la bonté et la beauté, la justice et l’amour.
L’Espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites
sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands
idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne (…) » (§ 55).

Que Dieu nous donne la joie de l’Evangile. Qu’avec l’aide de Dieu, disparaissent les
larmes de tous les visages pour que le désespoir cède la place à l’espérance, que
l’enfermement cède la place à l’ouverture aux autres, que nos égoïsmes cèdent la
place à la générosité et à la solidarité. Ainsi se réalisera pour nous ce que nous
chantons avec le psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent. Justice et paix
s’embrassent » tous les jours de notre vie, pour la durée de nos jours, pour les
siècles des siècles. Amen.

Monseigneur Gilbert AUBRY




Octobre, le mois de la prière du Rosaire par Fr. Manuel Rivero O.P.

« N’abandonnez jamais la prière du Rosaire », conseillait le pape François lors de la clôture du centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima en 2017.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Invisible, mais, proche et agissant, Dieu est invoqué particulièrement dans les épreuves. Alors que d’aucuns demandent « où est Dieu dans nos souffrances ? », la prière s’avère source de grâces. La Bible révèle un Dieu caché qui déploie sa puissance dans l’effacement. Maître Eckhart, le grand mystique dominicain du XIVe siècle, enseignait que « le Fonds de la Déité se trouve dans la puissance d’effacement de soi »[1]. Le mystère de l’Incarnation, fondement du christianisme, manifeste l’humilité et l’abaissement du Fils de Dieu, qui, par amour envers l’humanité, est devenu l’un de nous. La Vierge Marie l’a accueilli dans la foi en notre nom. D’où l’attachement des chrétiens à la figure de la Mère du Messie.

 

 

Prière face à la pandémie

En ces temps difficiles de pandémie et de crise économique, l’Église se tourne vers la Mère de Dieu, comme elle le fit en 1571 lors de la bataille de Lépante. Le saint pape Pie V, O.P. confia alors l’Église à l’intercession des confréries du Rosaire. La victoire obtenue fut saluée comme une grâce de Dieu à travers la prière de la Mère de Jésus. D’où la célébration de la fête de Notre-Dame de la Victoire, le 7 octobre, connue sous le vocable de Notre-Dame du Rosaire. Dans le rayonnement de cette fête mariale, tout le mois d’octobre porte la marque du Rosaire.

L’Église se tourne vers Jésus qui est venu pour les malades. Les catholiques se confient à l’intercession de la Mère de Dieu. L’une des prières mariales les plus anciennes évoque la confiance des chrétiens dans la miséricorde de la Vierge Marie : « Sous ta miséricorde, nous cherchons refuge, sainte Mère de Dieu ».

Prière contemplative, le Rosaire consiste à prier Jésus, le seul Sauveur et le seul Médiateur entre Dieu et les hommes pour la foi chrétienne, avec la foi de Marie, qui est la foi de l’Église. Le fidèle regarde Jésus avec les yeux et le cœur de sa Mère, la Vierge Marie.

La prière du Rosaire a pour centre et pour but Jésus le Christ. Ceux qui égrènent le chapelet rejoignent le cœur de Marie pour y méditer les événements et les paroles de Jésus. L’évangéliste saint Luc précise que Marie gardait dans son cœur tout ce qu’elle découvrait du mystère de son Fils.

Le Rosaire conduit les disciples de Jésus jusqu’au cœur de sa Mère pour le contempler dans la lumière de la foi juive accomplie dans le mystère de la mort et de la résurrection du Messie.

Sans la Vierge Marie, « l’Église devient un orphelinat », s’exclame le pape François. Mais les chrétiens ne sont pas orphelins. Ils reçoivent l’Esprit-Saint promis par Jésus. Ils reçoivent aussi la Mère de Jésus pour Mère spirituelle. C’est elle qui veille sur les disciples de son Fils, comme elle a collaboré à sa naissance et à sa croissance en tant qu’homme. Éducatrice de Jésus, Marie joue aussi son rôle de Mère spirituelle, par son exemple de foi et par son intercession, auprès de son Fils Jésus.

Cela ne relève pas d’une dévotion inventée, mais d’une volonté du Sauveur lui-même manifestée sur le Calvaire quand il a dit à sa mère « Voici ton fils » (Jn 19) tout en orientant son regard vers l’apôtre bien-aimé, Jean. À celui-ci, le saint crucifié a déclaré : « Voici ta Mère ». Et l’apôtre fidèle la prit chez lui, c’est-à-dire dans sa maison et dans son cœur.

 

Précisions de vocabulaire

Le mot chapelet provient du mot « chapeau » ou « couronne » de roses que les amoureux offraient à leurs bien-aimées, et, que les dévots de la Vierge Marie plaçaient sur la tête des statues de la Mère de Jésus.

 

Le mot Rosaire rappelle le choix de cette fleur offerte en signe de foi à la Vierge Marie

 

 

Le bienheureux Alain de La Roche O.P. (1428-1475) préférait appeler cette prière « Le psautier de Notre-Dame » plutôt que Rosaire, en lien avec les 150 Psaumes qui trouvaient leur équivalent dans les 150 Ave Maria du Rosaire quand les trois séries du Rosaire (5 joyeux, 5 douloureux et 5 glorieux) comportaient 150 grains en tout. L’arrivée des mystères lumineux, décidée par le saint pape Jean-Paul II, a élevé à 20 mystères le cycle de la prière qui inclue ainsi la vie publique de Jésus, outre l’Enfant, la Passion et la Gloire de la vie de Jésus.

 

Voyage intérieur

En égrenant le chapelet, le croyant voyage en esprit vers Nazareth, Bethléem, Jérusalem …

Une marseillaise avait déclaré un jour à Mgr Roger Etchegaray : « Avec le chapelet, je fais le tour du monde à l’œil et sans bouger ».

Quand nous visitons un pays nous tenons à bénéficier d’un bon guide local qui connaisse l’histoire, non seulement par l’étude, mais aussi par expérience. Qui mieux que la Vierge Marie peut nous introduire dans la connaissance de son Fils Jésus ?

Nous pouvons l’appeler Notre-Dame des commencements, car Marie apparaît dans les Évangiles lors des événements fondateurs : l’Incarnation, la Visitation, Noël, Calvaire, Pentecôte …

 

Silence intérieur

Certaines personnes s’interrogent sur le sens de la répétition des Ave Maria. Mais le but de cette reprise des paroles de l’archange Gabriel à Marie n’est rien d’autre que le silence intérieur. Pour calmer, voire effacer le bruit intérieur, les discours et les films, toujours les mêmes dans la tête, il convient de se laisser purifier et habiter par la Parole de Dieu. En reprenant les Notre Père et les Ave Maria, le fidèle parvient à faire silence en soi pour faire de la place dans son cœur à Jésus le Christ.

À l’image du vol des oiseaux qui en refaisant toujours le même mouvement de leurs ailes s’élèvent vers le ciel, ceux qui prient reprennent les mêmes prières, mais jamais au même endroit, car leurs âmes se déplacent vers Dieu et vers leurs frères en humanité.

 

Plasticité de cette prière

Le chapelet permet l’intégration de toute la Bible par le moyen des clausules, c’est-à-dire des citations de l’Écriture sainte, à la suite du nom de Jésus dans la première partie de l’Ave Maria : « Je vous salue Marie … et Jésus, qui sauve les malades, est béni », par exemple.

Dans la deuxième partie de l’Ave Maria, il est possible d’actualiser la prière « et à l’heure de notre mort », en la remplaçant par « et à l’heure de la maladie », « et à l’heure de la recherche d’emploi », « et à l’heure de l’examen » …

Prière qui rassemble

La prière du chapelet facilite l’union à Dieu dans la solitude. Elle rassemble aussi les chrétiens comme le prouve l’existence séculière des Confréries du Rosaire, des Équipes du Rosaire ou de la Légion de Marie.

Au Japon, des communautés chrétiennes ont gardé la foi en l’absence de prêtres pendant deux siècles grâce à la prière du Rosaire. À partir de 1614, des missionnaires dominicains connurent le martyre. Au XIXe siècle, lors de la reprise de l’évangélisation, les missionnaires découvrirent, avec émerveillement, que les chrétiens continuaient de célébrer le Christ Jésus au Japon en priant ensemble les mystères du Rosaire.

 

Le chapelet des enfants

Élément matériel, en bois ou en plastique, le chapelet aide à prier. Nombreux sont les enfants qui entrent dans la paix du cœur par cette prière.

Les systèmes éducatifs font rarement de la place à l’intériorité. Des méthodes de méditation, pour les enfants, deviennent à la mode dans le souci de les calmer au milieu d’une multitude d’activités et de sollicitations. La prière du chapelet offre une paix habitée par Jésus. Plutôt que de dire « om », les enfants chrétiens prient le nom de Jésus, source de l’Esprit Saint.

Enfant, à l’âge de sept ans, j’ai reçu comme cadeau pour ma Première communion un chapelet en argent. Il est beau. La date de cet événement heureux fut gravée sur la croix. C’est avec joie et gratitude que j’aime le reprendre et le prier bien des années après.

Pourquoi ne pas penser à offrir comme cadeau, pour la Première communion et la Confirmation, un beau chapelet que l’enfant gardera peut-être toute sa vie ?

 

Prière qui illumine

La foi est lumière dans les ténèbres de la maladie et de la mort. En tant que prêtre, je demeure admiratif devant la puissance pédagogique et spirituelle du chapelet lors de la maladie et du deuil.

Aux malades et aux personnes détenues en prison, je leur rappelle leur mission de prier pour l’Église et pour le monde. Ils deviennent ainsi acteurs de l’histoire car les événements relèvent aussi de la Providence qui répond à la prière.

Lors des veillées funéraires, la méditation des mystères douloureux et glorieux fait passer les familles de la tristesse à la lumière de la foi, de la fatigue à la force de la grâce, du désespoir à la communion avec Dieu et avec les proches qui partent.

Loin d’être « la dégringolade finale » d’une vie, la mort représente le sommet de l’existence et le passage, la « pâque », de ce monde au Père.

D’où vient cet attachement à la prière du chapelet ou du Rosaire ? Des millions de catholiques sur les cinq continents témoignent des grâces reçues en méditant les événements et les paroles de Jésus avec sa Mère, la Vierge Marie.

Ceux qui font du commerce savent bien que les clients insatisfaits ne renouvellent plus l’achat malgré la publicité ou l’habitude. Si des croyants de toute condition sociale et de tout âge demeurent fidèles à la prière du Rosaire cela veut dire qu’elle leur apporte les grâces dont ils ont besoin.

Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem, fervent de la prière du Rosaire, « Dieu le Père avait encore versé beaucoup de joie dans l’âme de Jésus par l’amour de sa Mère »[2], même au cours de sa Passion.

Ce fut le cas sur le Calvaire, lors de la mort de Jésus, cela l’est aussi pour ceux qui se confient à l’intercession de la Mère de Jésus en devenant « fils et filles de Marie ».

 

Saint-Denis/ La Réunion, le 1er octobre 2020.
[1] Cité par François Varillon, L’humilité de Dieu, Bayard, 2017, p. 31.
[2] L’Évangile de Jésus-Christ, par le P. Marie-Joseph Lagrange, O.P., avec la synopse évangélique traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. Préface de Jean-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero, O.P., Paris, Artège-Lethielleux, 2017. P. 609.




Ste Thérèse de Lisieux, le Pape François et la Vierge Marie (Noéline Fournier)

Si quelqu’un connaît bien Thérèse et son Enseignement, c’est le Père Carme François-Marie LÉTHEL.

Ce spécialiste de la théologie des saints et Consulteur à la Congrégation pour les causes des Saints, a participé, entre autres travaux, à la préparation du Doctorat de Thérèse, déclaré trente-troisième Docteur de l’Eglise par Jean-Paul II en 1997 (et que le Père LÉTHEL appelle affectueusement pour cette raison « la grande trente-troisième »).

Cet accompagnateur spirituel et prédicateur de retraite recherché, a également prêché, en 2011, les exercices spirituels de carême au Pape Benoît XVI et aux cardinaux de la Curie. Il a consacré à la Sainte de Lisieux quatre des dix-sept méditations de cette retraite.

La « grande petite » Carmélite est placée au même niveau que Saint Thomas d’Aquin, et même encore plus haut, comme l’a affirmé le Pape émérite dans son allocution finale de cette retraite.

Selon le Père François-Marie, le rayonnement de Thérèse, déjà si grand, ne fait que commencer et il n’hésite pas à affirmer que « le troisième millénaire sera thérésien ou ne sera pas » !

Pour le Père François-Marie, derrière le récit à la première personne se cache un livre éminemment centré sur le Christ :

« Histoire d’une âme est l’œuvre d’une femme qui ne craint pas de parler continuellement d’elle-même, en racontant sa vie, son expérience la plus objective.

Mais, en réalité, ce n’est pas tant d’elle-même qu’elle parle, mais continuellement de Lui, Jésus, qui remplit toute sa vie. »

Le prêtre et religieux Carme voit « Histoire d’une âme », comme « un catéchisme ou un manuel de combat spirituel ». Pour lui, ce « chant d’amour » est un chef d’œuvre d’une richesse immense et qui touche tout le monde : « Il contient tous les grands thèmes de la vie chrétienne et fait entrer dans le cœur de tout le monde les grands contenus de la Foi Catholique : l’Amour de Jésus, de la Trinité, de la Sainte Vierge ».

 

« Il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses Saints », dit un proverbe.

De son côté, l’Eglise affirme que le Christ est l’unique intercesseur auprès du Père en faveur des hommes. Mais, en vertu du mystère de la Communion des saints, Dieu permet aux Saints du Ciel de participer à l’intercession du Christ et aux hommes de passer par eux pour toucher son Cœur de Père.

En effet, le Pape François voit et aime Marie comme Thérèse la voit et l’aime.

Pour le Pape, Marie est « normale » et donc « imitable ». Il l’a confié à un prêtre et journaliste : Don Marco Pozza, en insistant sur la « normalité » de la Mère de Dieu :

« La Vierge Marie est une jeune fille normale (…) éduquée normalement, ouverte au mariage, à fonder une famille (…). Toutes les femmes dans le monde peuvent dire : « Mais je peux imiter Marie parce qu’elle est normale ! » Même son mariage virginal, chaste, a été un mariage normal : travailler, faire les courses, faire les choses de la maison, éduquer son fils, aider son mari. »

 

Pour Thérèse, également, Marie est normale et imitable. La Religieuse s’en est elle-même expliquée à ses sœurs quelques semaines avant sa mort dans une longue confidence, dont voici un extrait :

 

« Pour qu’un sermon sur la Sainte Vierge me plaise et me fasse du bien, il faut que je voie sa vie réelle, pas sa vie supposée, et je suis sûre que sa vie réelle devait être toute simple. On nous la montre inabordable, il faut la montrer imitable (…) dire qu’elle vivait sa Foi comme nous, en donner des preuves par l’Evangile ».

 

Quelle convergence de vue entre la Carmélite Docteur de l’Eglise et le Pape Jésuite !

La convergence ne s’arrête pas là et elle culmine même dans la relation qu’ils ont l’un et l’autre avec la Mère de Dieu : une Relation Filiale.

Pour Thérèse, « la Sainte Vierge est la Reine du Ciel et de la terre, mais elle est plus Mère que Reine ». Elle, qui fit l’expérience de la tendresse maternelle de Marie à travers son « ravissant sourire ». Elle le raconte dans ses manuscrits :

« Ne trouvant aucun secours sur la terre, la pauvre petite Thérèse s’était aussi tournée vers sa Mère du Ciel, elle la priait de tout son cœur d’avoir enfin pitié d’elle (…) Tout à coup la Sainte Vierge me parut belle, si belle que jamais je n’avais rien vu de si beau, son visage respirait une bonté et une tendresse ineffable, mais ce qui me pénétra jusqu’au fond de l’âme ce fut le « ravissant sourire de la Sainte Vierge ».

 

 

Elle revivra cette expérience quatre ans plus tard à Paris, devant la statue de Notre-Dame-des-Victoires :

« Ah ! ce que j’ai senti à ses pieds, je ne pourrais le dire (…)

La Sainte Vierge m’a fait sentir que c’était vraiment elle qui m’avait souri et qui m’avait guérie.

J’ai compris qu’elle veillait sur moi, que j’étais son enfant, aussi je ne pouvais plus lui donner que le nom de « maman » car il me semblait encore plus tendre que celui de Mère ».

Comme en écho à sa chère petite Thérèse, le Pape François, chez qui la tendresse est un leitmotiv et même presque comme une seconde nature, n’a pas craint d’affirmer récemment :

« Marie est ma Maman. »

En novembre 2016, face aux Supérieurs majeurs des Ordres et Congrégations Religieuses, il avait précisé :

« La vraie Sainte Vierge n’est pas un chef de bureau de poste qui envoie chaque jour une lettre différente disant : « Mes enfants, faites ceci et puis le jour suivant, faites cela ». Non, la vraie Sainte Vierge, est celle qui fait naitre Jésus dans notre cœur, celle qui est Mère. Cette mode de la Vierge Superstar, comme protagoniste qui se met elle-même au centre, n’est pas catholique ».

Le Pape François a invité les croyants à adopter trois attitudes vis-à-vis de Marie :

« Se laisser regarder par elle, dont les yeux réfléchissent sur nous le paradis ; elle qui, quand elle nous regarde ne voit pas des pécheurs mais des fils et qui nous dit : « Chers enfants, courage ; je suis là, votre mère ». »

« Le regard maternel de Marie », a-t-il ajouté, « donne Confiance, aide à grandir dans la Foi, à nous aimer entre nous et nous rappelle que la tendresse, qui remédie à la tiédeur, est essentiel pour la Foi.

Se laisser embrasser par elle, qui embrassait tout, c’est-à-dire retenait tout, méditait tout et portait tout, et qui aujourd’hui, désire embrasser toutes nos situations pour les présenter à Dieu.

Marie dont l’étreinte est essentielle, a-t-il ajouté, est la Mère de la Consolation : qui console, c’est-à-dire qui est avec celui qui est seul.

Se laisser prendre par la main par elle, qui aide à passer les virages les plus difficiles de l’histoire, pour ne pas perdre la direction et rester sur le Chemin de la Vie, de la Liberté et de l’Unité.

Dieu ne s’est pas passé de sa mère, à plus forte raison en avons-nous besoin », a-t-il conclu.

Le Pape François a une grande Confiance en Marie, comme autrefois Thérèse :

« Jamais la sainte Vierge ne manque de me protéger aussitôt que je l’invoque. S’il me survient une inquiétude, un embarras, bien vite, je me tourne vers elle et toujours, comme la plus tendre des mères, elle se charge de mes intérêts », a-t-elle confié dans ses manuscrits.

« Chez Thérèse, le Christ est au cœur et au centre, comme en témoigne sa devise au Carmel :

« Aimer Jésus et le faire aimer ».

Dans ses écrits, elle parle de lui partout, quand elle ne s’adresse pas directement à lui. Pour elle, « Jésus est tout » et « Qui a Jésus, a tout ».

Comment se traduit le ‘Christocentrisme’ du Pape et de la Carmélite ?

Notamment par la place que l’un et l’autre, chacun selon sa vocation et sa place dans l’Eglise, donne à l’Evangile : ce livre qui rapporte, en quatre manuscrits différents et complémentaires, les Faits, Gestes et Paroles du Christ, durant sa vie terrestre. Ce choix n’est pas venue d’emblée mais s’est imposé peu à peu.

C’est d’abord l’Imitation de Jésus Christ qui a la préférence de Thérèse quand elle a 14 ans. Elle connaît par cœur tous les chapitres de sa « chère Imitation » et ce livre ne la quitte jamais. Puis elle découvre d’autres nourritures mais petit à petit l’Evangile élimine tous les concurrents, comme elle l’explique elle-même :

« Ah ! Que de lumières n’ai-je pas puisées dans les œuvres de Notre Père St Jean de la Croix ! À l’âge de 17 et 18 ans je n’avais pas d’autre nourriture spirituelle, mais plus tard tous les livres me laissèrent dans l’aridité et je suis encore dans cet état. Si j’ouvre un livre composé par un auteur spirituel (même le plus beau, le plus touchant), je sens aussitôt mon cœur se serrer et je lis sans pour ainsi dire comprendre, ou si je comprends, mon esprit s’arrête sans pouvoir méditer (…)

Dans cette impuissance, l’Ecriture Sainte et l’Imitation viennent à mon secours ; en elles je trouve une nourriture solide et toute pure.

Mais c’est par-dessus tout l’Evangile qui m’entretient pendant mes oraisons, en lui je trouve tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelle Lumières, des sens cachés et mystérieux ».

L’Evangile est donc son livre de référence numéro un. Elle le porte constamment sur elle. Dans sa cellule, elle recopie de nombreux passages. Elle y fait sans cesse référence auprès de ses novices et dans ses récits.

« Puisque Jésus est remonté au Ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’Il a laissées, mais que ces traces sont lumineuses, qu’elles sont embaumées !

Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le Saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la Vie de Jésus et je sais de quel côté courir…

Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance ; au lieu de m’avancer avec le pharisien, je répète, remplie de Confiance, l’humble prière du publicain ; mais surtout j’imite la conduite de Madeleine, son étonnante ou plutôt son amoureuse audace qui charme le Cœur de Jésus, séduit le mien ».

 

Le Pape François aussi insiste à temps et à contretemps sur l’importance du livre du Maître. Ainsi, le mercredi 17 septembre 2014, lors d’une de ses catéchèses sur l’Eglise, il a donné ce conseils aux fidèles présents place saint-Pierre :

« Il est toujours bon d’avoir avec nous un petit Évangile, pour l’emporter dans sa poche, dans son sac, et d’en lire un passage au cours de la journée. Cela nous fait du bien ».

 

 

 

 

CHANT A MARIE

La première en chemin, Marie tu nous entraines

A risquer notre ‘oui’ aux imprévus de Dieu.

Et voici qu’est semé en l’argile incertaine

De notre humanité, Jésus-Christ, Fils de Dieu.

R : Marche avec nous Marie, sur nos chemins de Foi,

     Ils sont chemins vers Dieu, ils sont chemins vers Dieu.

 

« Thérèse de Lisieux ou La saga d’une Petite Sœur »

Bernard GOULEY, Rémi MAUGER, Emmanuelle CHEVALIER.

Ed. Fayard 1997.

 

Noéline FOURNIER

                  Carmel des Avirons – Ile de la Réunion

 




Porté par la ferveur ou luttant contre l’inertie (P. Matta el-Maskîne)…

Quand l’homme est fervent, embrasé par l’Esprit, la prière de méditation lui devient facile, spontanée, sans besoin d’effort de concentration ou de sentiments forcés ; on l’appelle dans ce cas, la prière simple ou spontanée ; elle est confidence intime, chaleureuse et aimante de l’âme à son créateur, de ce qu’elle ressent intérieurement, que ce soit pour le glorifier pour ses œuvres, ses qualités, sa sagesse, ou le remercier pour sa miséricorde et son immense et discrète sollicitude. L’âme peut alors s’embraser durant cette méditation silencieuse, ne plus supporter de se taire et commencer à prier avec les mots qui partent sans frein, exprimant l’amour, l’adoration et la soumission comme l’enfant exprime avec ses faibles mots ses immenses sentiments ; le cœur est alors ouvert devant Dieu, sentant tout ce que remue en lui l’indicible toucher de la main divine.

Mais si l’homme veut entrer en méditation sans avoir une ardeur préalable qui l’incite d’emblée à la prière du cœur, il a besoin d’un certain effort intérieur et d’une concentration mentale qui permettent à l’âme de vaincre son inertie, et à l’intellect de se libérer de ses préoccupations extérieures, pour entrer dans une lecture spirituelle consciente qui l’élève au niveau de la prière. Il est alors appelé à se secouer intérieurement, et la conscience doit s’opposer volontairement à toutes les préoccupations psychologiques et mentales qui l’ont portée à se dessécher et à négliger l’adoration, la prière et le contact avec Dieu.

L’effort de la conscience s’appuie sur l’amour pour vaincre l’inertie et les préoccupations extérieures. L’homme qui avance volontairement et de tout cœur vers l’amour de Dieu, même s’il s’y contraint au début, sent soudain l’amour divin l’envahir, car l’action divine épaule toujours l’effort humain et s’unit finalement à lui.

La volonté doit donc rester active et patiente, attendant qu’arrive la force divine, qui l’envahira de chaleur spirituelle, pour que la personne puisse enfin s’élancer vers les profondeurs et commencer sa prière et sa méditation dans l’aisance et la joie.

Cette démarche de l’esprit durant la lecture spirituelle conduit l’homme de la sécheresse intérieure et de la préoccupation mentale pour les choses de ce monde, à la concentration intérieure, à l’ardeur spirituelle et à la prière. Elle est considérée, en vérité, comme la démarche spirituelle la plus importante et la plus délicate de toute vie de prière, la seule porte qui ouvre sur les secrets de la vie spirituelle, la première marche de l’échelle céleste qui relie l’âme à son Créateur.

Dans ces instants-là, l’homme peut rencontrer une certaine résistance de l’âme, alors dispersée dans des soucis et des préoccupations multiples qui n’ont ni valeur ni sens ; il peut affronter aussi la rouerie d’un intellect passant d’une représentation à une autre, d’une pensée à une autre, distrait par des sujets tout à fait insignifiants. Alors, c’est à la volonté, armée d’une intention intérieure sincère, de maintenir le cap avec ténacité, accrochée à l’amour, polarisée sur le Visage du Christ, dans l’attente et la supplication, jusqu’à ce que la grâce divine la retrouve, la libère et lui rende amour pour amour.

P. Matta el-Maskîne, « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »




Fête de la Croix Glorieuse (14 septembre) : « Les sept paroles du Christ en Croix » (Fr Manuel Rivero O.P.)

Pour accéder à l’article, il vous suffit de cliquer sur le titre ci–dessous :

Les sept paroles du Christ en croix – Fête de la Croix Glorieuse – Fr Manuel Rivero O P




Mgr Gilbert Aubry : messe de rentrée scolaire à St André (5/09/2020)

Pour accéder à l’homélie, il vous suffit de cliquer sur le lien ci-après… Bonne lecture à vous…

Mgr Gilbert Aubry – DDEC Messe de rentrée (09:2020)

 




Le père Marie-Joseph Lagrange et le père Pedro Arrupe, deux prophètes en voie de béatification (Fr. Manuel Rivero O.P.)

Père Pedro Aruppe (S. J. – Jésuite)…

                                      … avec Mère Teresa…

   … et avec le Pape Jean Paul II.

P. Marie Joseph Lagrange (O. P. – Dominicain)

 

Pour accéder à l’article de Fr. Manuel Rivero, cliquer sur le lien suivant :

P. Pedro Aruppe et P. Marie Joseph Lagrange, deux prophètes en voie de béatification.

 

 

 




Pourquoi courir après des apparitions, des ‘nouvelles’ révélations ? Dieu nous a déjà « tout dit » en Jésus Christ (St Jean de la Croix).

  « Aujourd’hui que la foi est fondée sur le Christ et que la loi évangélique est manifestée dans cette ère de la grâce qu’il nous a donnée, il n’y a plus de motif pour que nous l’interrogions comme avant, ni pour qu’il nous parle ou nous réponde comme alors. Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, il n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole ; il n’a donc plus à nous parler.

Tel est le sens de ce texte par lequel saint Paul veut engager les Hébreux à se séparer de ces anciennes pratiques et manières de traiter avec Dieu qui étaient en usage sous la loi de Moïse et à jeter les yeux sur le Christ seulement : « Ce que Dieu, dit-il, a révélé à nos pères en divers temps et de diverses manières par l’intermédiaire des prophètes, il l’a dit maintenant et tout à la fois en ces derniers jours par son Fils (Hb 1,1-2). » L’Apôtre nous donne à entendre par là que Dieu s’est fait comme muet ; il n’a plus rien à dire ; car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté. Dieu pourrait en effet lui répondre de la sorte : Si je t’ai déjà tout dit dans ma parole, qui est mon Fils, je n’ai maintenant plus rien à te révéler ou à te répondre qui soit plus que lui. Fixe ton regard uniquement sur lui ; c’est en lui que j’ai tout déposé, paroles et révélations ; en lui tu trouveras même plus que tu ne demandes et que tu ne désires. Tu me demandes des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses particulières ; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d’une façon complète, parce qu’il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma vision, toute ma révélation. Or, je te l’ai déjà dit, répondu, manifesté, révélé, quand je te l’ai donné pour frère, pour maître, pour compagnon, pour rançon, pour récompense. Le jour où je suis descendu avec mon Esprit sur lui au Thabor, j’ai dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur ; écoutez-le (Mt 17,5). » Depuis lors, j’ai laissé de côté toutes ces sortes d’enseignements et toutes ces réponses, et je les lui ai remises ; écoutez-le, parce que je n’ai plus de foi à vous révéler, ni plus de vérités à vous manifester. Quand précédemment je parlais, c’était pour vous promettre le Christ ; quand on m’adressait des questions, c’était des questions qui regardaient la demande et l’espérance du Christ où l’on devait trouver tous les biens, comme le donne à entendre toute la doctrine des Évangélistes et des Apôtres. Mais maintenant si quelqu’un vient m’interroger comme on le faisait alors et me demande quelque vision ou quelque révélation, c’est en quelque sorte me demander encore le Christ ou me demander plus de foi que je n’en ai donné : de la sorte, il offenserait profondément mon Fils bien-aimé, parce que non seulement il montrerait par là qu’il n’a pas foi en lui, mais encore il l’obligerait une autre fois à s’incarner, à recommencer sa vie et à mourir. Vous ne trouverez rien de quoi me demander, ni de quoi satisfaire vos désirs de révélations et de visions. Regardez-y bien. Vous trouverez que j’ai fait et donné par lui beaucoup plus que ce que vous demandez.

Si vous désirez que je vous réponde par quelques paroles de consolation, considérez comment mon Fils m’a obéi et a été affligé par amour pour moi, et vous entendrez par combien de paroles il vous répondra. Voulez-vous que Dieu vous explique certains événements mystérieux, ou certaines choses cachées : fixez seulement les yeux sur lui, et vous y trouverez les mystères les plus profonds, les trésors de la sagesse et des merveilles divines qui sont renfermées en lui, comme l’Apôtre le dit : « En lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu (Col 2,3). » Ces trésors de sagesse seront pour vous beaucoup plus profonds, plus doux et plus utiles que tout ce que vous désirez savoir. Voilà pourquoi l’Apôtre se glorifiait en ces termes : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous que que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié (1Co 2,2). »

Si vous voulez encore d’autres visions ou révélations divines ou corporelles, regardez toujours dans son Humanité, et vous trouverez dans cette Humanité beaucoup plus que vous ne pensez, parce que l’apôtre saint Paul dit encore : « En lui habite corporellement toute la plénitude de la Divinité (Col 2,9). »

Il ne convient donc pas d’adresser à Dieu des demandes de cette sorte ; il n’est pas nécessaire qu’il parle encore, car en achevant de nous révéler toute la foi dans son Christ, il n’y a plus d’autre objet de la foi à révéler, et il n’y en aura jamais. Celui qui voudrait recevoir encore par la voie surnaturelle certaines communications surnaturelles semblerait accuser Dieu de ne pas nous avoir donné en son Fils tout ce qui nous était nécessaire, comme nous l’avons dit. Supposé même qu’il agisse ainsi tout en ayant la foi, et en croyant ses enseignements, il manifeste un esprit de curiosité et l’imperfection de sa foi. Ce n’est donc point de cette curiosité qu’il faut attendre un enseignement doctrinal ou une communication par voie surnaturelle. A l’heure où le Christ expira sur la Croix, et dit : « Tout est accompli (Jn 19,30) », non seulement ont pris fin toutes ces communications surnaturelles, mais encore toutes les cérémonies et tous les rites de la Loi ancienne.

Ainsi donc nous devons nous guider en tout d’après la doctrine du Christ Notre-Seigneur, fait Homme pour nous, de son Église, de ses ministres qui nous parlent d’une manière humaine et visible. Par cette voie nous trouverons le remède à nos ignorances et à nos faiblesses spirituelles ; par cette voie nous trouverons des secours abondants pour tous nos besoins. Tout ce qui sort de cette voie ou s’en écarte, non seulement est de la curiosité, mais encore une grande présomption. On ne doit rien croire de ce qui vient par voie surnaturelle, si ce n’est, je le répète, l’enseignement de Jésus-Christ fait Homme, et celui de ses ministres qui sont hommes aussi. Cela est tellement vrai que saint Paul a dit : « si un ange venu du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous avons prêché, qu’il soit anathème ! » (Ga 1,8).

Il est donc vrai que nous devons toujours nous en tenir à ce que le Christ nous a enseigné. Tout le reste n’est rien ; et nous ne devons pas le croire s’il n’est pas conforme à son enseignement. »

                                               St Jean de la Croix, « La montée du Carmel » (Ch. 20).