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Audience Générale du Mercredi 2 Mars 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Mars 2022


Catéchèse sur la vieillesse – 2.  La longévité : symbole et opportunité

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le récit biblique des généalogies des ancêtres, on est immédiatement frappé par leur énorme longévité : on parle de siècles ! Quand commence-t-elle ici, la vieillesse ? L’on se demande. Et quelle est la signification du fait que ces patriarches vivent si longtemps après avoir engendré leurs enfants ? Pères et fils vivent ensemble, pendant des siècles ! Cette cadence séculaire du temps, racontée dans un style rituel, donne au rapport entre longévité et généalogie une signification symbolique forte, très forte.

C’est comme si la transmission de la vie humaine, si nouvelle dans l’univers créé, exigeait une initiation lente et prolongée. Tout est nouveau, au début de l’histoire d’une créature qui est esprit et vie, conscience et liberté, sensibilité et responsabilité. La vie nouvelle – la vie humaine -, plongée dans la tension entre son origine « à l’image et à la ressemblance » de Dieu et la fragilité de sa condition mortelle, représente une nouveauté à découvrir. Elle nécessite un long temps d’initiation, où le soutien mutuel entre les générations est indispensable, afin de décrypter les expériences et d’affronter les énigmes de la vie. Pendant cette longue période, lentement se cultive aussi la qualité spirituelle de l’homme.

D’une certaine manière, chaque passage d’étape dans l’histoire humaine nous offre à nouveau ce sentiment : c’est comme si nous devions calmement recommencer à zéro avec nos questions sur le sens de la vie, lorsque le scénario de la condition humaine semble rempli de nouvelles expériences et d’interrogations inédites. Il est certain que l’accumulation de la mémoire culturelle augmente la familiarité nécessaire pour faire face à de passages nouveaux. Les temps de transmission sont réduits, mais les temps d’assimilation demandent toujours de la patience. L’excès de rapidité qui obsède désormais toutes les étapes de notre vie, rend toute expérience superficielle et moins « nourrissante ». Les jeunes sont les victimes inconscientes de cette division entre le temps de l’horloge, qui veut être brûlé, et le temps de la vie, qui nécessite un « levage » approprié. Une longue vie permet de faire l’expérience de ces temps longs, et les dommages de la précipitation.

La vieillesse impose certes des rythmes plus lents : mais ce ne sont pas seulement des temps d’inertie. La mesure de ces rythmes ouvre, en effet, pour tous, des espaces de sens de la vie inconnus de l’obsession de la vitesse. Perdre le contact avec les rythmes lents de la vieillesse ferme ces espaces pour tous. C’est dans ce contexte que j’ai voulu instituer la Journée des grands-parents le dernier dimanche de juillet. L’alliance entre les deux générations extrêmes de la vie – les enfants et les personnes âgées – aide également les deux autres – les jeunes et les adultes – à se lier les uns aux autres pour rendre l’existence de chacun plus riche en humanité. Le dialogue est nécessaire entre les générations : s’il n’y a pas de dialogue entre jeunes et vieux, entre adultes, s’il n’y a pas de dialogue, chaque génération reste isolée et ne peut pas transmettre le message. Pensez-y : un jeune qui n’est pas lié à ses racines, qui sont ses grands-parents, ne reçoit pas la force, comme l’arbre, la force des racines et grandit mal, grandit malade, grandit sans références. C’est pourquoi il est nécessaire rechercher, comme un besoin humain, le dialogue entre les générations. Et ce dialogue est important justement entre grands-parents et petits-enfants, qui sont les deux extrêmes.

Imaginons une ville dans laquelle la convivence des divers âges fasse partie intégrante de la conception globale de l’habitat. Pensons à la construction de relations affectueuses entre la vieillesse et la jeunesse qui rayonnent sur le style général des relations. Le chevauchement des générations deviendrait une source d’énergie pour un humanisme réellement visible et vivable. La ville moderne a tendance à être hostile aux personnes âgées (et ce n’est pas un hasard si elle l’est également aux enfants). Cette société habitée par l’esprit de rejet : elle rejette beaucoup d’enfants non désirés et elle rejette les vieux : elle les rejette, ils ne servent à rien, à la maison de retraite, la maison pour les vieux, là …. L’excès de vitesse nous met dans une centrifugeuse qui nous emporte comme des confettis. Nous perdons complètement la vue d’ensemble de la situation. Chacun s’accroche à son petit morceau, flottant sur les flux de la ville marchande, où les rythmes lents sont des pertes et la vitesse de l’argent. La vitesse excessive pulvérise la vie, elle ne la rend pas plus intense. Et la sagesse exige de perdre du temps. Quand tu rentres à la maison et que tu vois ton fils, ta fille, tu « perds du temps », mais dans cette conversation, qui est fondamentale pour la société, « perdre du temps » avec les enfants ; et quand tu rentres à la maison et qu’il y a le grand-père et la grand-mère qui peut-être ne raisonne pas bien ou, je ne sais pas, a perdu un peu la capacité de parler, et que tu es avec lui ou elle, tu  » perds du temps « , mais cette manière de « perdre du temps » renforce la famille humaine. Il faut passer du temps, du temps qui n’est pas rétribué, avec les enfants et avec les personnes âgées, car ils nous donnent une autre capacité de voir la vie.

La pandémie dans laquelle nous sommes encore contraints de vivre a imposé – très douloureusement, malheureusement – un coup d’arrêt au culte obtus de la vitesse. Et dans cette période, les grands-parents ont fait office de barrière à la « déshydratation » affective des plus jeunes. L’alliance visible des générations, qui harmonise les temps et les rythmes, nous redonne l’espoir de ne pas vivre en vain. Et elle redonne à chacun de nous l’amour de sa vie vulnérable, barrant la route à l’obsession de la vitesse, qui tout simplement la consume. Le mot clé ici est – à chacun d’entre vous, je demande : sais-tu perdre du temps, ou es-tu toujours pressé par la vitesse ? « Non, je suis pressé, je ne peux pas… » ? Sais-tu perdre du temps avec les grands-parents, avec les personnes âgées ? Sais-tu perdre du temps jouant avec tes enfants, avec les enfants ? C’est la pierre de touche. Pensez-y un peu. Et cela redonne à chacun l’amour pour notre vie vulnérable, sauf – comme je l’ai dit – la voie de l’obsession de la vitesse, qui tout simplement la consume. Les rythmes de la vieillesse sont une ressource indispensable pour saisir le sens d’une vie marquée par le temps. Les personnes âgées ont leurs propres rythmes, mais ce sont des rythmes qui nous aident. Grâce à cette médiation, la destination de la vie à la rencontre avec Dieu devient plus crédible : un dessein qui est caché dans la création de l’être humain « à son image et à sa ressemblance » et qui est scellé dans le Fils de Dieu fait homme.

Aujourd’hui, la longévité de la vie humaine est plus grande. Cela nous donne l’occasion d’accroître l’alliance entre toutes les étapes de la vie. Beaucoup de longévité, mais nous devons faire plus d’alliance. Et même que l’alliance nous aide à grandir et aussi avec le sens de la vie dans sa totalité. Le sens de la vie n’est pas seulement à l’âge adulte, on pense de 25 à 60 ans : non. Le sens de la vie est entier, de la naissance à la mort, et tu devrais être capable d’interagir avec tout le monde, voire d’avoir des liens affectifs avec tout le monde, ainsi ta maturité sera plus riche, plus forte. Et aussi nous est offerte cette signification de la vie, qui est tout. Que l’Esprit nous donne l’intelligence et la force de cette réforme : une réforme est urgente. L’arrogance du temps de l’horloge doit être convertie en la beauté des rythmes de la vie. C’est la réforme que nous devons faire dans nos cœurs, dans la famille et dans la société. Je répète : réformer quoi ? Que l’arrogance du temps de l’horloge soit convertie en la beauté des rythmes de la vie. Convertir l’arrogance du temps, qui nous presse toujours, aux vrais rythmes de la vie. L’alliance des générations est indispensable. Dans une société où les vieux ne parlent pas aux jeunes, les jeunes ne parlent pas avec les vieux, les adultes ne parlent ni aux vieux ni aux jeunes, c’est une société stérile, sans avenir, une société qui ne regarde pas vers l’horizon mais qui se regarde elle-même. Et devient isolée. Que Dieu nous aide à trouver la bonne musique pour cette harmonisation des différents âges : les jeunes, les vieux, les adultes, tous ensemble : une belle symphonie de dialogue.


Je salue cordialement les personnes de langue française présentes aujourd’hui, en particulier les équipes des journaux L’Invisible et Découvrir Dieu. Ce matin, nous entrons dans le temps béni du Carême. Notre prière et notre jeûne d’aujourd’hui seront une supplication pour la paix en Ukraine, en n’oubliant pas que toute paix dans le monde commence par notre conversion personnelle, à la suite du Christ.

Que Dieu vous bénisse !




1er Dimanche de Carême – Homélie du Père Louis DATTIN

Tentations au désert

Lc 4, 1-13

Avez-vous bien écouté, frères et sœurs, la dernière phrase du passage d’Evangile que nous venons de lire ? « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentation ». Il semble que le démon manque nettement  d’imagination. Nous  sommes, nous, beaucoup  plus doués  que lui en matière de tentation. Comment peut-il en avoir épuisé “toutes les formes” avec ces trois propositions faites à Jésus ?

 

Regardons de plus près. Tout d’abord, le texte parle de « Diable », Diabolos : “celui qui divise, sépare, désunit”. Attention, cette « puissance du mal » que les évangiles appellent aussi “Démon”, “ Satan” (mot hébreu qui signifie « l’adversaire »), ce ne sont pas des diablotins cornus et fourchus que les images représentent, mais ce mal qui habite notre propre cœur, l’adversaire de notre Dieu.

Le récit d’aujourd’hui est admirablement construit : il nous donne le résumé des choix et des combats que les Hébreux ont rencontré dans le désert et où ils ont échoué là où Jésus a été victorieux. A notre tour, chacun de nous doit se battre sans cesse. La vraie vie spirituelle, la vie évangélique à la suite du Christ, n’est pas une existence de tout repos, et le Carême est un temps privilégié pour ce combat spirituel.

Reprenons ces 3 tentations au désert et vous verrez qu’elles recouvrent toutes les autres, toutes les nôtres, tentations permanentes pour toutes les époques. Traduisons-les avec nos mots d’aujourd’hui.

  • Première tentation : « Que ces pierres deviennent du pain ». Le pain satisfait nos désirs. C’est la tentation la plus banale, facile : ma relation aux choses, posséder, manger, satisfaire mes instincts, consommer. Tout cela est parfaitement légitime, mais doit être maîtrisé. Nos faims corporelles peuvent devenir nos maîtresses et faire de nous des esclaves comme dit maître Jacques  dans « l’Avare » de Molière : « Il  faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger ». Le verbe « être » doit toujours passer avant le verbe « avoir » : l’ »avoir » n’est qu’au service de « l’existence » et pas plus.

Où est la vraie vie de l’homme ? Dans le pain ? Dans le bien acquis ? Ou ailleurs ?

« Que ces pierres deviennent des pains », comme c’est tentant quand on a faim, quand le désir est là, exacerbé par la publicité, de s’engouffrer dans la consommation « non-stop ». Mais la vraie vie de l’homme est-elle là ?

Ce n’est même pas son besoin le plus fondamental. Allons-nous satisfaire tous nos besoins, nos addictions corporelles jusqu’à en « crever spirituellement » et même physiquement ? : Obésité, cholestérol, sida, MST, alcool jeux, drogues, tabac… Nous consommons trop et mal. Une bonne partie de nos maladies vient de nos excès et nous devenons des ruines. Regardez les dernières photos de Serge Gainsbourg, quelques mois avant sa mort : une déchéance, d’autant plus lamentable que c’était un esprit brillant !

Si seulement le Carême pouvait nous inciter, à la suite de Jésus, et avec sa grâce, à nous rassasier un peu plus de l’essentiel : la Parole de Dieu. « L’homme ne vit pas seulement de pain,  mais de la Parole de Dieu ».

Interrogeons-nous clairement : avons-nous un Evangile à la maison ? Où est-il ? L’ouvrons-nous parfois ? Que connaissons-nous  de  la  Bible ? Que  décidons-nous  pendant  les  quarante jours  d’ici-Pâques  pour lire un passage de la Parole de Dieu ?

Rétablir l’universelle coutume du jeûne (les musulmans et les autres religions le font bien) pour maîtriser notre chair et nous adonner davantage à la prière ?

  • Deuxième tentation : le pouvoir, dominer les autres, être au-dessus. Cette tentation-là est beaucoup plus grave : c’est la perversion de notre relation aux personnes. Ne voir les autres que par rapport à soi. Dominer, exercer le pouvoir sur les autres : qui d’entre nous n’a pas rêvé d’exercer une autorité, un pouvoir sur les autres, que ce soit en famille, l’homme ou la femme, les enfants entre eux dans une classe, dans les associations ? Toutes les jalousies et les rivalités dans les bureaux des fonctionnaires ou des entreprises, les peaux de bananes glissées sous les pas des concurrents, la carrière où l’on marche sur les autres pour les dépasser et se trouver devant eux, au-dessus d’eux, « l’homme un loup pour l’homme ». Jésus lui-même a été tenté de devenir un roi des royaumes de la terre, en exerçant le pouvoir selon les habitudes des puissants de ce monde qui font peser leur pouvoir.

Voici donc cette terrible envie de dominer : les élections nous le font bien voir avec sa multitude de listes, sa pléthore de candidats et aussi, ne l’oublions pas, son cortège d’opprimés, de torturés, d’abimés, ceux qui n’ont pas le droit à la parole et que l’on fait taire avec un billet ou quelques tôles ondulées ; les faibles, les petits, les êtres qui ne peuvent pas se défendre, à commencer par le problème tragique des suppressions des fœtus d’enfants vivants, ils n’ont pas droit à la parole ; on ne leur a jamais demandé leur avis, ils sont victimes des forts, des adultes.

Comment traitons-nous les handicapés physiques ou les débiles mentaux dans notre société, dans nos écoles, dans nos relations, dans nos familles et nous-mêmes ?

Comment nous laissons-nous dominer par les puissances des médias, la propagande, la publicité, les idées toutes faites, les courants d’idées à la mode ? Ne faisons-nous pas le jeu des sondages de toutes sortes qui nous indiquent, dans les questions elles-mêmes, ce qu’il nous faut répondre ?

Si seulement le Carême pouvait nous inciter à retrouver la vérité de toutes nos autres relations en retrouvant devant Dieu le « devoir d’Adoration ».

« Tu te prosterneras devant DIEU seul et c’est lui seul que tu adoreras » : se situer humblement devant Dieu, c’est apprendre du même coup à servir humblement les autres, au lieu de dominer.

  • Troisième tentation : la magie : mettre Dieu à notre service au lieu de nous mettre nous-mêmes à son service. C’est la plus grave des tentations : elle est perversion de notre rapport à Dieu, mettre Dieu en demeure de faire ce qui nous plaît.

Dans cette tentation-là, ce sont les rôles qui sont inversés : au lieu de nous mettre au service de Dieu, nous mettons Dieu à notre service. Mettre Dieu à l’épreuve, faire de Dieu l’objet d’un chantage, sommer Dieu de nous faire réussir, de nous éviter des ennuis : « Si Dieu existe, cela n’aurait pas dû arriver », comme si Dieu était mon domestique et qu’il n’était là que pour être à ma disposition.

Suprême tentation : nous ériger en conseiller de Dieu, lui dire ce qu’Il devrait faire. Nos prières ne sont-elles pas parfois des ordres que nous donnons à Dieu :

 « Seigneur, fais ceci, obtiens-moi  cela, accorde-moi  tel  avantage ».

 « Si tu es Dieu, fais ceci. »

 «  J’ai prié et tu ne m’as pas exaucé. »

 « Tu n’as pas fait ma volonté donc tu n’existes pas ».

Qui est Dieu ? Est-ce lui ou moi ?

Tentation de provoquer Dieu, de le faire obéir à mes désirs.

Si seulement ce Carême pouvait nous inciter à nous décentrer de nous-mêmes pour nous tourner résolument vers le « Tout autre » pour dire, comme le Christ au jardin des Oliviers : 

« Que  ce  soit  ta  volonté  qui  se  fasse, Père, et  non  la mienne ! »

Ne croyez-vous pas, maintenant, que ces tentations-là, sont bien les plus fortes auxquelles l’homme soit affronté ? Ces tentations de Jésus sont toujours les nôtres. Plus encore, elles résument tous nos désirs de possession et de puissance.

  • Avec Jésus, vainqueur de ces invitations de Satan, notre Carême pourrait être un temps merveilleux de croissance, d’épanouissement du meilleur de nous-mêmes, un vrai renouvellement de notre vie filiale et fraternelle de baptisés.

Lorsque nous sommes tentés, St-Ignace nous conseille de faire le contraire de la suggestion de Satan :

  –  Je désire avoir : je donne la primauté à l’être.

  – Je veux dominer : je me mets à la disposition de l’autre.

  – Je veux mettre Dieu à mon service : je me mets alors à son service à Lui.

Alors, ayant épuisé, nous aussi, toutes les formes de tentations, notre cœur pourra être prêt à rencontrer le Dieu-amour.  AMEN




Audience Générale du Mercredi 23 février 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 23 février 2022


Catéchèse sur la vieillesse – 1. La grâce du temps et l’alliance des âges de la vie

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous avons conclu les catéchèses sur saint Joseph. Nous commençons aujourd’hui un parcours de catéchèses qui cherche une inspiration dans la Parole de Dieu sur le sens et la valeur de la vieillesse. Faisons une réflexion sur la vieillesse. Depuis plusieurs décennies, cet âge de la vie concerne un véritable « nouveau peuple » que sont les personnes âgées. Nous n’avons jamais été aussi nombreux dans l’histoire humaine. Le risque d’être écartés est encore plus fréquent : jamais aussi nombreux que maintenant, jamais autant de risque que maintenant d’être écartés. Les personnes âgées sont souvent considérées comme « un poids ». Dans la première phase dramatique de la pandémie, ce sont elles qui ont payé le prix le plus élevé. Elles représentaient déjà la partie la plus faible et négligée : nous ne les regardions pas beaucoup vivantes, nous ne les avons même pas vues mourir. J’ai trouvé aussi cette Charte pour les droits des personnes âgées et les devoirs de la communauté : elle a été proclamée par les gouvernements, pas par l’Eglise, c’est une chose laïque : c’est bien, c’est intéressant, pour connaître les droits des personnes âgées. Cela fera du bien de la lire.

Avec les migrations, la vieillesse est parmi les questions les plus urgentes que la famille humaine est appelée à affronter en ce moment. Il ne s’agit pas seulement d’un changement quantitatif ; ce qui est en jeu est l’unité des âges de la vie : c’est-à-dire le point de référence réel pour la compréhension et l’appréciation de la vie humaine dans son intégralité. Nous nous demandons : y a-t-il de l’amitié, y-a-t-il une alliance entre les divers âges de la vie ou bien est-ce que prévalent la séparation et le rejet ?

Nous vivons tous dans un présent où coexistent les enfants, les jeunes, les adultes et les personnes âgées. Mais la proportion a changé : la longévité est devenue de masse et, dans de vastes régions du monde, l’enfance est distribuée à petites doses. Nous avons même parlé de l’hiver démographique. Un déséquilibre qui a de nombreuses conséquences. La culture dominante a comme modèle universel le jeune-adulte, c’est-à-dire un individu qui se construit seul et qui reste toujours jeune. Mais est-il vrai que la jeunesse contient tout le sens de la vie, alors que la vieillesse n’en représente que le dépouillement et la perte ? Est-ce vrai ? Est-ce que seule la jeunesse contient la plénitude de sens de la vie, et la vieillesse est le dépouillement de la vie, la perte de la vie ?  L’exaltation de la jeunesse comme unique âge digne d’incarner l’idéal humain, unie au mépris de la vieillesse vue comme une fragilité, comme une dégradation ou un handicap, a été l’icône dominante des totalitarismes du vingtième siècle. Avons-nous oublié cela ?

L’allongement de la vie influe de façon structurelle sur l’histoire des personnes, des familles et de la société. Mais nous devons nous demander : sa qualité spirituelle et son sens communautaire sont-ils un objet de pensée et d’amour cohérents avec ce fait ? Les personnes âgées devraient-elles demander pardon pour leur obstination à continuer de vivre aux frais des autres ? Ou peuvent-elles être honorées pour les dons qu’elles apportent au sens de la vie de tous ? De fait, dans la représentation du sens de la vie — et précisément dans les cultures dites « développées » — la vieillesse a peu d’incidence. Pourquoi ? Parce qu’elle est considérée comme un âge qui n’a pas de contenus particuliers à offrir, ni de significations propres à vivre. De plus, il manque l’encouragement des personnes à les chercher, il manque l’éducation de la communauté à les reconnaître. En somme, pour un âge qui représente désormais une partie déterminante de l’espace communautaire et qui s’étend à un tiers de toute la vie, il existe — parfois — des projets d’assistance, mais pas des projets d’existence. Des projets d’assistance, oui ; mais pas des projets pour les faire vivre en plénitude. Et cela représente un vide de pensée, d’imagination, de créativité. Dans cette conception, ce qui fait le vide, c’est que l’homme âgé, la femme âgée sont des déchets : dans cette culture du rejet, les personnes âgées représentent des déchets.

La jeunesse est très belle, mais la jeunesse éternelle est une hallucination très dangereuse. Être vieux est tout aussi important — et beau — c’est tout aussi important que d’être jeune. Souvenons-nous en. L’alliance entre les générations, qui restitue à l’humain tous les âges de la vie, est notre don perdu et nous devons le reprendre. Il doit être retrouvé dans cette culture du rejet et dans cette culture de la productivité.

La Parole de Dieu a beaucoup à dire à propos de cette alliance. Nous venons d’écouter la prophétie de Joël : « Vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions » (3, 1). On peut l’interpréter ainsi : quand les personnes âgées résistent à l’Esprit, en enterrant leurs rêves dans le passé, les jeunes n’arrivent plus à voir les choses qui doivent être faites pour ouvrir l’avenir. Quand, en revanche, les personnes âgées communiquent leurs rêves, les jeunes voient bien ce qu’ils doivent faire. Les jeunes qui n’interrogent plus les rêves des anciens, qui foncent tête baissée vers des visions qui ne vont pas plus loin que le bout de leur nez, auront du mal à porter leur présent et à supporter leur avenir. Si les grands-parents se replient sur leurs mélancolies, les jeunes se courberont encore plus sur leurs smartphones. L’écran peut bien rester allumé, mais la vie s’éteint avant l’heure. Le contrecoup le plus grave de la pandémie ne réside-t-il pas précisément dans l’égarement des plus jeunes ? Les personnes âgées ont des ressources de vie déjà vécue auxquelles elles peuvent avoir recours à tout moment. Vont-elles regarder les jeunes perdre leur vision ou vont-elles les accompagner en réchauffant leurs rêves ? Devant les rêves des personnes âgées, que feront les jeunes ?

La sagesse du long chemin qui accompagne la vieillesse à son départ doit être vécue comme une offrande du sens de la vie, et non pas consumée comme inertie de sa propre survie.  Si l’on ne restitue pas à la vieillesse la dignité d’une vie humainement digne, elle est destinée à se renfermer dans un avilissement qui enlève l’amour à tous. Ce défi d’humanité et de civilisation exige notre engagement et l’aide de Dieu. Demandons-le à l’Esprit Saint. Avec ces catéchèses sur la vieillesse, je voudrais encourager chacun à investir ses pensées et ses affections dans les dons qu’elle comporte et dans les autres âges de la vie. C’est un don de maturité, de sagesse. La Parole de Dieu nous aidera à discerner le sens et la valeur de la vieillesse ; que l’Esprit Saint nous accorde également les rêves et les visions dont nous avons besoin. Et je voudrais souligner, comme nous l’avons écouté dans la prophétie de Joël, au début, que l’important est que non seulement la personne âgée occupe la place de sagesse qui lui revient, d’histoire vécue dans la société, mais également qu’il y ait un dialogue, qu’elle interagisse avec les jeunes. Les jeunes doivent interagir avec les personnes âgées, et les personnes âgées avec les jeunes. Et ce pont sera la transmission de la sagesse dans l’humanité. J’espère que ces réflexions seront utiles pour nous tous, pour accomplir cette réalité dont parlait le prophète Joël, que dans le dialogue entre les jeunes et les personnes âgées, les personnes âgées puissent donner leurs rêves et les jeunes puissent les recevoir et les accomplir. N’oublions pas que dans la culture tant familiale que sociale, les personnes âgées sont comme les racines de l’arbre : toute leur histoire est là, et les jeunes sont comme les fleurs et les fruits. Si la sève ne coule pas, s’il n’y a pas cette « perfusion » — pour ainsi dire — des racines, ils ne pourront jamais fleurir.  N’oublions pas ce poète que j’ai mentionné si souvent : « Tout ce que l’arbre a de fleuri vient de ce qu’il a sous terre » (Francisco Luis Bernárdez). Tout ce qu’une société a de beau est en rapport avec les racines des personnes âgées. Pour cela, dans ces catéchèses, je voudrais que la figure de la personne âgée soit mise en évidence, que l’on comprenne bien que la personne âgée n’est pas un déchet : elle est une bénédiction pour une société.


Je suis heureux de saluer les pèlerins des pays francophones, particulièrement l’école Lacordaire de Marseille et les pèlerins du diocèse de Lyon.

Invoquant l’Esprit Saint sur les familles, j’encourage chacun de vous à discerner le sens et la valeur de la vieillesse et à accueillir avec reconnaissance les personnes âgées, afin de recevoir leur témoignage de sagesse nécessaire aux jeunes générations.

A vous tous, ma Bénédiction !


APPEL

Je ressens une grande douleur dans mon cœur pour l’aggravation de la situation en Ukraine. En dépit des efforts diplomatiques de ces dernières semaines, des scénarios toujours plus alarmants s’ouvrent. Comme moi, de nombreuses personnes, dans le monde entier, éprouvent de l’angoisse et de la préoccupation. Une fois de plus, la paix de tous est menacée par des intérêts partisans.

Je voudrais appeler tous ceux qui ont des responsabilités politiques à faire un sérieux examen de conscience devant Dieu qui est le Dieu de la paix et non de la guerre ; qui est le Père de tous et non de quelques-uns, qui veut que nous soyons frères et non ennemis. Je prie toutes les parties impliquées afin qu’elles s’abstiennent de toute action qui provoque encore plus de souffrance aux populations, en déstabilisant la coexistence entre les nations et en discréditant le droit international.

Et à présent, je voudrais lancer un appel à tous, croyants et non-croyants. Jésus nous a enseigné qu’à l’absurdité diabolique de la violence, on répond par les armes de Dieu, par la prière et par le jeûne. J’invite chacun à faire du 2 mars prochain, mercredi des cendres, une journée de jeûne pour la paix. J’encourage spécialement les croyants afin que ce jour-là ils se consacrent intensément à la prière et au jeûne. Que la Reine de la Paix préserve le monde de la folie de la guerre.

 




1er Dimanche de Carême – par Francis COUSIN (Lc 4, 1-13)

« Jésus v/s Satan. »

 

« Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. ».

Jésus vient d’être baptisé par Jean-Baptiste, et, alors qu’il priait, l’Esprit Saint descendit sur lui et la voix du Père se fit entendre depuis les cieux. Première théophanie où les trois personnes de la Trinité sont ensemble en un même lieu de manière visible et audible par les personnes présentes.

Aussitôt, l’Esprit pousse Jésus dans le Désert.

Le désert, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu, et la durée de ce séjour, quarante jours, invite à faire le parallèle avec la pérégrination du peuple hébreu (quarante ans) au sortir de l’Égypte pendant laquelle Moïse rencontra Dieu sur le mont Sinaï.

Mais le désert, avec sa vie rude, c’est aussi le lieu des tentations. Dès le départ des hébreux, ce furent les regrets de la bonne nourriture avec les viandes grasses et les oignons, puis le désir de se créer un dieu que l’on voit avec le veau d’or.

Jésus, vrai homme, fut d’abord tenté par les sens : au bout de quarante jours, il eut faim !

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je n’aurai pas attendu quarante jours pour avoir faim … et comme je n’ai pas le pouvoir de transformer les pierres en pain, je ne serai pas resté longtemps au désert …

La plupart des tentations commencent par les sens. On a entendu il n’y pas longtemps : « Si ta main (ton pied, ton œil) est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot (estropié, borgne) dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains (pieds, yeux), là où le feu ne s’éteint pas. » (Mc 9,43-47). Les besoins primaires d’abord.

Mais Jésus est aussi vrai Dieu, et son Père vient de le lui rappeler : « Tu es mon Fils bien-aimé. », et à l’amour du Père pour son fils répond l’amour du fils pour son Père.

Est-ce à dire que les tentations subies par Jésus ont été plus douces que celles que nous pouvons subir ? Certainement pas. N’oublions pas la tentation, à Gethsémani, quand le diable revient « au moment fixé » : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. (…) et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. » (Lc 22,42.44).

Comment Jésus répond-il aux tentations du diable ?

Avec ce qu’il a : Avec l’Esprit Saint qui est en lui, l’Esprit qui « vient au secours de notre faiblesse » (Ro 8.26) et qui lui fournira par trois fois les Paroles de l’écriture qui ’’cloueront le bec’’ au diable, et avec l’amour pour son Père qui le soutien.

Les deux autres tentations, d’abord celle du pouvoir, du tout tout-de-suite, et puis celle de forcer Dieu à faire quelque chose ou de se prendre pour Dieu, ne sont pas seulement pour Jésus, elles sont aussi pour nous, mais le diable ne va pas nous les présenter de la même façon.

Mais quand on voit certaines choses qui se passent actuellement dans notre monde, on peut être sûrs que le diable continue à tenter les gens (il ne sait faire que cela !)… et que certains se laissent tenter, malheureusement …

Que ce soit l’invasion de l’Ukraine (deuxième tentation) …

Ou toutes les lois sur la bioéthique (troisième tentation) …

Mais le diable s’intéresse aussi à chacun de nous, à tous nos petits défauts … et il va faire le maximum pendant ce carême pour que nous succombions à ses tentations, que nous n’allions pas au bout de nos efforts de carême prévus …

Pour le contrer, deux choses : la prière, et le jeûne

C’est-à-dire, se mettre au désert … même si on est entouré de plein de gens …

Seigneur Jésus,

nous voici au début de ce carême,

en marche vers la fête de Pâques.

Et tout commence par le désert,

là où je suis,

avec d’autres personnes,

pour s’entraider,

dans la prière et le jeûne,

avec l’aide de l’Esprit Saint.

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant : Image dim Carême C 1°°




« Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? » (Lc 6,41) (DJF).

Dans sa Première Lettre aux Corinthiens (1Co 15,54-58), St Paul évoque l’accomplissement de notre vie, par delà notre mort : « Quand cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans la victoire » (1Co 15,54). Cette notion de mort englobe ici :

1 – la mort physique qui fait partie de notre cheminement de créatures ici-bas ; nous avons mis neuf mois pour ‘naître à la terre’, nous mettrons la durée de notre vie pour ‘naître au ciel’. Cette étape n’est pas la conséquence du péché puisque la Vierge Marie, l’Immaculée Conception, préservée par grâce de toute souillure inhérente au péché originel, s’est endormie dans la mort pour vivre ensuite son Assomption, « esprit, âme et corps » (1Th 5,23) et entrer ainsi, en « tout son être », dans la Plénitude de la vie éternelle…

2 – la mort spirituelle, qui est, elle, la conséquence directe du péché, puisqu’elle est le fruit de la rupture de relation de cœur avec Dieu, Lui qui est Source éternelle de Vie (Jr 2,13 ; Jn 7,37-39), Don gratuit de la Plénitude même de sa Vie, et nous avons tous été créés comme « capacité d’accueil » de ce Don : tel est notre « esprit » appelé, comme Elisabeth (Lc 1,41), Zacharie (Lc 1,67), Jean Baptiste, son fils (Lc 1,15), Jésus, vrai homme et vrai Dieu (Lc 4,1), les Apôtres (Ac 2,4), St Pierre (Ac 4,8), St Paul (Ac 9,17)… à être « rempli d’Esprit Saint », cet « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6).

Or, puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), il est Don éternel de tout ce qu’il Est en Lui-même, car « le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner » (Pape François, mercredi 14 juin 2017).… « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), un Esprit qui est vie ? Il est Don éternel de l’Esprit Saint, et donc Source de Vie… Consentir à la relation avec Lui, s’ouvrir de tout cœur à Lui, c’est recevoir ce Don gratuit de l’Amour, c’est vivre pleinement… Le refuser, se fermer à Lui, c’est se condamner soi-même à la mort, alors que Dieu, Lui, est toujours Source de Vie, Don offert gratuitement, mais qui se heurte à une porte fermée… Il n’empêche, ce Don déjà offert « frappe » toujours à la porte des cœurs (Ap 3,20), et avec Lui, c’est Dieu qui nous invite à lui ouvrir, à nous repentir, et à nous laisser pardonner, purifier, sanctifier par ce Don qui, seul peut nous combler puisque nous avons tous été créés pour le recevoir et trouver en Lui le vrai Bonheur, la vraie Plénitude, la vraie Joie…

Ainsi, « revêtir l’incorruptibilité, revêtir l’immortalité », c’est laisser, au terme de notre vie, le Don de l’Esprit Saint accomplir pour nous son œuvre de résurrection et de vie… En effet, le Père a ressuscité le Fils par cette Puissance de l’Esprit Saint : il fut ainsi « établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de Sainteté par sa résurrection des morts » (Rm 1,4). « Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11).

Et la dynamique est la même pour les fondements de notre vie chrétienne ici-bas. St Paul emploie ainsi le même verbe « revêtir » pour évoquer les conséquences du baptême : « Vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,27-28). Autrement dit « revêtir le Christ », c’est recevoir le Don du Saint Esprit qui nous unit au Christ et nous introduit, « rempli du Saint Esprit », dans « la communion du Saint Esprit » (2Co 13,13), « dans l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3) : nous sommes alors « un dans le Christ Jésus », tous unis au Christ et entre nous dans la communion d’un même Esprit…

La volonté de Dieu est alors accomplie : « Père », priait Jésus juste avant sa Passion en évoquant ses disciples et à travers eux tout être humain sur cette terre, « que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,21-23). E c’est bien parce que le Père aime le Fils de toute éternité qu’il lui donne sa gloire : « Père, ceux que tu m’as donnés », c’est-à-dire tout être humain, où qu’il soit, quel qu’il soit (Jn 3,16-17 ; 4,42 ; 12,32 ; 1Tm 2,3-6), « je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jn 17,24). Et le Père « donne la gloire » au Fils en lui donnant « l’Esprit de Dieu, l’Esprit de gloire » (1P 4,14), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), cet « Esprit qui est vie » (Ga 5,25). Voilà ce que le Fils est venu nous communiquer, tout aussi gratuitement, par amour : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22) et avec Lui le Don de la vie éternelle…

Ainsi, avec et par ce Don, « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Si « le salaire du péché, c’est la mort, le Don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle, dans le Christ Jésus » (Rm 6,23) par le Don de « l’Esprit qui vivifie »… « La mort est alors engloutie dans la victoire » de l’Amour…

Or puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), donner l’Esprit, c’est donner l’Amour : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Rm 5,5), « l’amour dont Dieu nous aime » précise en note la Bible de Jérusalem. C’est pourquoi « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,25). Et si Paul invite à « se montrer bienveillant », il présente cette attitude comme une conséquence directe du baptême : « le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur » (Tt 3,1-7).

En effet, Dieu, dans son Amour, est toujours « bienveillant » : « il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout » (1Co 13,7). Il regarde plus les qualités que les défauts. Il encourage plus qu’il ne reproche… « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? » (Lc 6,39-45). En effet agir ainsi, c’est manifester que la soi disant lumière qui habite nos cœurs n’est que ténèbres… Certes, tel défaut, telle faiblesse, telle fragilité, tel péché est peut-être bien réel, vrai, indiscutable… Il n’empêche, le mettre en lumière pour discréditer, juger, condamner, sans amour, ni miséricorde, ni bienveillance, c’est adopter l’attitude du prince des ténèbres… Avec lui, la vérité est sans amour… Se comporter ainsi manifeste donc que notre regard est malade, car notre cœur est malade : « Si ton œil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6,23). Autrement dit, c’est « la poutre » de nos ténèbres en nous qui nous fait voir « la paille », le détail imparfait dans la vie de nos frères… N’ayant pas en nous la Lumière de Dieu, nous manifestons alors par nos jugements à l’emporte-pièce, durs et sans pitié, à quel point nous sommes « aveugles de cœur »…

Demandons au Seigneur de pouvoir prendre conscience de nos ténèbres ; que sa Lumière nous permette de reconnaître en nos cœurs ces « poutres » qui nous aveuglent… Nous constaterons alors la gravité de notre état, et déjà, « la paille » de notre frère apparaîtra comme un détail par rapport à notre poutre… La situation est identique dans la Parabole du débiteur impitoyable (Mt 18,21-35). Jésus commence par inviter ses disciples à une miséricorde continuelle : «  Pierre lui dit : Seigneur, combien de fois mon frère pourra-t-il pécher contre moi et devrai-je lui pardonner ? Irai-je jusqu’à sept fois ? Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix-sept fois », c’est-à-dire encore et toujours… Et pour illustrer cette invitation, il prend l’exemple d’un homme qui devait dix milles talents à son roi, c’est-à-dire 260 tonnes d’argent, ce qui, au cours actuel équivaut à 182 millions d’euros. « Cet homme n’ayant pas de quoi rendre, le maître donna l’ordre de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, et d’éteindre ainsi la dette. Le serviteur alors se jeta à ses pieds et il s’y tenait prosterné en disant : Consens-moi un délai, et je te rendrai tout. » Il n’est vraiment pas conscient de la gravité de son état : même avec un délai, aussi grand soit-il, il ne pourra jamais rembourser l’énormité de cette dette… Au Smic net actuel de 1231 €, il lui faudrait près de 150 000 ans pour tout rembourser, et cela sans jamais dépenser un centime pour se nourrir, se loger, etc… « Bouleversé de compassion jusqu’au plus profond de ses entrailles, le maître de ce serviteur le relâcha et lui fit remise de sa dette. 

En sortant, ce serviteur rencontra un de ses compagnons, qui lui devait cent deniers », c’est-à-dire 455 grammes d’argent, soit 318,50 €. Certes, c’est une somme non négligeable, mais quelle est-elle par rapport à 182 millions d’euros ? « Ce serviteur le prit à la gorge et le serrait à l’étrangler, en lui disant : Rends tout ce que tu dois. Son compagnon alors se jeta à ses pieds et il le suppliait en disant : Consens-moi un délai, et je te rendrai. Mais l’autre n’y consentit pas ; au contraire, il s’en alla le faire jeter en prison, en attendant qu’il eût remboursé son dû. » Apprenant cela, le Roi le convoqua et lui dit : « Ne devais-tu pas, toi aussi, faire miséricorde à ton compagnon comme moi je t’ai fait miséricorde ? »

Apprenons donc à reconnaître notre poutre avant de dénoncer la paille de nos frères… Ce qui ne signifie pas du tout fermer les yeux sur le mal et faire comme si celui là n’existait pas. C’est ce que Jésus déclare juste après cette parabole de la paille et de la poutre : « Chaque arbre se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raison sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon », ce Trésor étant le Don de l’Esprit Saint reçu dans un état de prière le plus continuel possible : « Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l’Esprit; apportez-y une vigilance inlassable » (Ep 6,18). Et ce même Esprit nous aidera à aimer comme Dieu aime, à grandir dans ce regard de bienveillance qu’il nous invite à porter les uns sur les autres, sans jamais répondre au mal par le mal (1P 2,18-25)…

                                                                                                   D. Jacques Fournier




8ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire d’Evangile du samedi 26/2/2022 et Dimanche 27/2/2022

 

Siracide 27 4–7 ; 1Corinthiens 15 54–58 ; Luc 6 39–45

Dans le premier texte d’aujourd’hui, il est dit que « dans le crible qu’on secoue, il reste des saletés, de même les défauts de l’homme dans ses discours ». Le crible est un tamis, une passoire qui permet de faire un tri entre ce qui est bon à garder ou à jeter. Le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. « La parole est un acte qui peut guérir ou blesser profondément les gens, elle peut détruire ou construire. Elle dévoile (ou révèle) le cœur et dit qui est la personne qui parle. Celui qui parle beaucoup dévoile ses qualités mais aussi ses défauts. Quand on pense à soi uniquement, souvent ce sont les défauts qui se révèlent parce que l’on ne fait pas un cas de l’autre. Et quand on pense véritablement à l’autre, ce sont les qualités qu’on met en avant, même sans en avoir conscience, parce qu’on veut le bien de l’autre » (Achille Degeest – Pain du Dimanche). Les paroles de l’homme révèlent les pensées de son cœur. Et si son cœur a plein de défauts, cela ressortira dans ses paroles. Mt 15,18-19 : « 18 ce qui sort de la bouche procède du cœur, et c’est cela qui souille l’homme ? 19 Du cœur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations ». C’est pour cela qu’il sera difficile de dire du bien d’une personne avant qu’elle n’ait parlé.  (Si 24,7) : « Ne loue personne avant qu’elle n’ait parlé ». Sœur Faustine (§92) nous dit : « Les fautes que commet la langue sont graves. L’âme ne parviendra pas à la sainteté si elle ne maîtrise pas sa langue ….(§118) : « l’âme bavarde est vide à l’intérieur. Il n’y a en elle ni vertu fondamentale, ni intimité avec Dieu. Il n’est pas question pour elle, d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure le Seigneur. Celui qui n’a jamais goûté à la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet qui trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui étaient dans les gouffres de l’enfer pour n’avoir pas su garder le silence … (§374 – IV). En un seul cas, elle sera totalement libre : pour la proclamation de la gloire de Dieu. A chaque fois que je communie, je prie Jésus qu’il daigne fortifier et purifier ma langue, pour que je ne blesse pas mon prochain …(§476) L’âme silencieuse est forte. Si elle persévère dans le silence, aucune contrariété ne la touchera. L’âme silencieuse est capable de s’unir à Dieu de la façon la plus profonde, elle vit presque toujours sous l’inspiration du Saint-Esprit. Dans l’âme silencieuse, Dieu agit sans rencontrer d’obstacle ».

Le silence intérieur dont parle Sœur Faustine n’est pas un silence morne, maussade, triste, c’est un silence rempli de Dieu, un silence qui est recueillement en Dieu. « Le langage de l’amour ne possède pas de paroles », n’a pas besoin de paroles (Sœur Faustine – 1488). Le silence devient la condition de rencontre avec Dieu. Cette attitude n’est rien d’autre que celle de la contemplation qui est un don de Dieu, répandu dans le cœur de celui qui croit (Nicolas Buttet – « L’Eucharistie à l’école des saints » – P.17). La contemplation nous introduit…sur la découverte de notre vraie nature et du but de notre vie. Saint François de Sales nous dit que « la contemplation n’est rien d’autre qu’une amoureuse, simple et permanente attention de l’esprit aux choses divines ». Le philosophe grec Cicéron découvre que « notre âme est tendue vers le Ciel. Elle est tendue vers le Ciel par la contemplation née du silence ». Et l’on revient à ce silence intérieur constamment rempli de Dieu dont nous parle sœur Faustine. Nicolas Buttet nous dit : « Il y a bonheur dans la mesure où il y a contemplation … Mais le bonheur né de la contemplation dépend de ce que nous contemplons ». Et Aristote précise que le bonheur suprême dépend de la perfection de l’objet contemplé. Ce bonheur suprême c’est donc de contempler Dieu et de Le servir, puisque Dieu est le Parfait et le Bien heureux par excellence. Cette contemplation qui se porte sur Dieu Lui-même s’appelle une contemplation théologique qu’on ne peut avoir que par la grâce de Dieu, par un don de Dieu. Cette contemplation n’a qu’un but (saint Jean de la Croix) : c’est l’union à Dieu dans l’amour. Elle produit différents effets dont la connaissance, connaissance de Dieu dans le secret du cœur, au plus profond de soi-même, mais elle vise surtout à la ressemblance d’amour avec Celui qui est contemplé. On ne peut pas contempler Dieu quand on cultive péché sur péché. Alors de temps en temps, pour ne pas dire « souvent »,  il vaut mieux demeurer dans son silence intérieur, pour mieux contempler Dieu dans le secret du cœur plutôt que de parler inlassablement au risque de blesser les uns et les autres parce que le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. Et c’est surtout ce qui est mauvais que l’autre perçoit.

Il est difficile à un aveugle d’être un guide. Et quand un être humain ne voit jamais ses propres défauts, ses propres faiblesses, ses propres péchés, comment peut-il guider les autres dans le bon chemin ? Si nous avons des difficultés à connaître nos propres péchés, nos misères, demandons à Dieu la grâce de les découvrir. Et des péchés, nous en avons bien plus que nous ne pouvons le penser. A une messe de l’Archevêque de Cochabamba, en Bolivie, et au moment du rite pénitentiel, la Sainte Vierge dit à Catalina Rivas, qui a reçu les stigmates du Christ en 1994 : « Du fond de ton cœur, demande au Seigneur de pardonner tes fautes qui L’ont offensé. De cette manière, tu seras en mesure de participer dignement au privilège d’assister à la Sainte Messe ». En une fraction de seconde, j’ai pensé : « Bien sûr que je suis en état de grâce avec Dieu car je me suis confessée hier soir ». La Sainte Vierge lui répondit : « Penses-tu que depuis hier soir tu n’as pas offensé le Seigneur ? Laisse-moi te rappeler certaines choses. Quand tu es partie pour venir ici, la fille qui t’aide s’est approchée de toi pour te demander quelque chose et puisque tu étais en retard et pressée, tu n’as pas été très délicate dans ta façon de lui réponse. Il y avait manque de charité de ta part et tu dis que tu n’as pas offensé Dieu…- Alors que tu étais en route pour venir ici, un autobus a empiété sur ta ligne et t’a presque frappée. Tu t’es exprimée d’une façon peu recommandable contre ce pauvre homme plutôt que de dire tes prières et te préparer pour la messe. Tu as manqué de charité et tu as perdu ta paix et ta patience. Et tu dis que tu n’as pas offensé le Seigneur ? Tu arrives à la dernière minute quand la procession du célébrant est déjà en route pour célébrer la messe…et tu vas participer sans t’être préparée »… J’ai répondu : »Très bien ma Mère, ne dis plus rien. Ne me rappelle pas autre chose car je mourrais de chagrin et de honte… – Mgr Fourrey (« Jean Marie Vianney, curé d’Ars », D.D.B., 1981, P.129-130) nous raconte qu’en 1822 Dieu avait donné au Curé d’ARS une très vive conscience de sa propre misère (c’est-à-dire de ses faiblesses, de ses défauts, de ses péchés). « Il en fut si effrayé qu’il pria le Tout-Puissant de répandre une lumière moins vive sur son âme, de crainte d’avoir des pensées de désespoir. » C’est pourquoi il dira un jour à la baronne de Belvey : « Ne demandez pas à Dieu la connaissance totale de votre misère. Je l’ai demandée une fois et je l’ai obtenue. Si Dieu ne m’avait alors soutenu, je serais tombé à l’instant même dans le désespoir».

Le grand Saint Curé d’Ars prêt à succomber sous le poids de ses faiblesses, de ses fautes et péchés. Si chacun veut bien se comparer au Saint Curé d’Ars, on voit bien le chemin que nous avons encore à parcourir. C’est pour cela qu’il ne faut pas juger les autres, car nous-mêmes nous avons plein de défauts et faiblesses. Et le Curé d’Ars, malgré toutes ses faiblesses, cela ne l’a pas empêché d’être saint. Tous, sans exception, nous sommes appelés à être saints, malgré nos faiblesses. A chacun de faire de son mieux pour se mettre véritablement à la suite du Christ. Et l’une des premières choses à faire, c’est de ne pas juger l’autre. Il suffit de lire les évangiles pour voir que le Christ n’a pas jugé la femme adultère qu’on voulait lapider (Jn 8,1-11), il n’a pas jugé les brigands qui étaient sur la croix à ses côtés, il n’a pas jugé ses bourreaux ; au contraire, il a même demandé à son Père de leur pardonner. L’abbé Pierre Descouvemont nous dit (Guide des difficultés de la foi catholique – P. 430) : « Comment des chrétiens peuvent-ils chanter au cours de leurs liturgies : « Je pense à Toi le jour, la nuit, ô Seigneur »… « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse en ma bouche », alors qu’ils oublieront si rapidement Celui qu’ils auront célébré, ou qu’il leur arrivera même de médire de leur prochain sur le parvis de l’église ! ». Il vaut rester silencieux plutôt de dire ce qu’on pense des autres. Il faut s’occuper des autres que lorsqu’ils ont besoin d’aide, toutes sortes d’aide, afin de les faire progresser, de les tirer vers le haut, de les aider à s’en sortir physiquement, moralement, intellectuellement, spirituellement. Si on n’est pas dans l’action pour aider les gens, il vaut mieux rester dans le silence intérieur et avoir les yeux et le cœur fixés sur Dieu ou les choses divines. Dieu nous a donné la vie, il nous a fait don de la Vie, et à notre tour, nous devons donner la vie aux gens en les aidant à s’en sortir, en les faisant progresser, et jamais en les rabaissant car cela nous fait entrer dans cette atmosphère de mort ou de culture de mort qui ne vient pas de Dieu. Nous devons regarder notre propre intérieur pour faire le ménage et choisir les options de vie offertes par le Christ dans les évangiles ou dans la Bible entière. Lisons la Bible. Nous y trouverons mille conseils, mille sagesses qui nous donneront la paix, signe de la présence de Dieu en nos cœurs, en sachant que la Sagesse personnifiée est le Christ lui-même. Les conseils bibliques nous obligent à la réflexion sur nous-mêmes. Pour ceux qui n’auraient jamais ouvert une bible, voici, par exemple, quelques versets : Dt 31,17 : « Si ces maux (m – a – u – x) m’ont atteint, n’est-ce pas parce que mon Dieu n’est pas au milieu de moi ? » ; Ecclesiaste 9,18 : « un seul péché annule beaucoup de bien » ; Sg 4,20 et 5,1: « quand s’établira le compte de leurs péchés, ils viendront plein d’effroi…Alors, le juste se tiendra debout, plein d’assurance, en présence de ceux qui l’opprimèrent » ; Is 30,15 : « Dans la conversion et le calme était votre salut, dans la sérénité et la confiance était votre force, mais vous n’avez pas voulu ! vous avez dit « non… » ; Ez 36,26.31 : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau…Alors vous vous souviendrez de votre mauvaise conduite et de vos actions qui n’étaient pas bonnes. Vous vous prendrez vous-mêmes en dégoût à cause de vos fautes et de vos abominations… » ; Osée 11,2-3 : « Plus je les appelais, plus ils s’éloignaient de moi…ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux » ; et un dernier exemple avec Joel 2,12-13 : « Revenez à moi de tout votre cœur…revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce ». Des conseils de ce genre, il y en a des milliers dans la Bible. Ces paroles divines ne doivent pas rester des paroles extérieures à nous, mais être intégrées en notre intérieur pour nous permettre de vivre comme Dieu le veut pour nous, selon sa sagesse, ses commandements, sa volonté. Tous, nous pouvons progresser dans la foi et nous devons encourager le monde chrétien, et même des non-chrétiens à lire la parole de Dieu comme nous l’enseigne Paul en 1Tm4, 12-16 : 12 …, montre-toi un modèle pour les croyants, par la parole, la conduite, la charité, la foi, la pureté. 13 En attendant que je vienne, consacre-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement. 14 Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi, … 15 Prends cela à cœur. Sois-y tout entier, afin que tes progrès soient manifestes à tous. 16 Veille sur ta personne et sur ton enseignement; persévère en ces dispositions. Agissant ainsi, tu te sauveras, toi et ceux qui t’écoutent ». Demandons à Marie de nous aider à vivre la parole de Dieu.




8ième Dimanche du Temps Ordinaire (Luc 6, 39-45)

« On reconnaît l’arbre à ses fruits. »

 

L’un des grands maux de la société de notre temps est de toujours vouloir paraître, c’est-à-dire de vouloir se comparer aux autres, avec bien entendu comme objectif de montrer que l’on est meilleur que les autres, supérieur à eux, que l’on connaît plus de choses qu’eux, que l’on a tout mieux que les autres …

Et cela amène presque naturellement à dire : « Ah, tu fais comme cela, tu devrais faire comme ceci, c’est nettement mieux. » … mais ce n’est pas toujours vrai.

C’est ce que nous dit Jésus dans la parabole de la paille et de la poutre : « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? »

Il faut dire que, d’une manière générale, nous sommes davantage portés à l’indulgence vis-à-vis de nous-même et beaucoup plus tentés par l’exigence vis-à-vis des autres. Alors que c’est le contraire que nous devrions faire : être exigeants avec nous-même et indulgents avec les autres.

Toujours indulgent avec les autres … parce qu’ils ont peut-être des raisons qui font qu’ils agissent de telle ou telle manière que je ne peux pas connaître et que je n’ai pas à connaître …

Pourquoi toujours se comparer avec d’autres ?

La plupart du temps, c’est pour assouvir son orgueil personnel : « Je suis meilleur qu’eux ! »

Alors qu’on pourrait très bien reconnaître : « Celui-là, il est fort ; je ne lui arrive pas à la cheville ! » ou encore, pessimiste : « J’en ai marre. Je rate tout. Je ne vaux rien ! ».

Dieu ne nous demande pas (et ne nous demandera pas à la fin des temps) si je suis meilleur ou pire que les autres …

Il regardera ce que moi j’ai dit, ce que moi j’ai fait, sans tenir compte de ce qu’ont fait les autres … et il jugera si cela est conforme à l’Évangile … ou si ce ne l’est pas …

Il regardera l’état de mon cœur …

Dans le cœur de chaque humain, il y a, comme dans le jardin d’Éden, plusieurs sortes d’arbres : ceux qui donnent du fruit, et ils sont nombreux … Ils trouvent leurs racines dans les Paroles de Jésus et des saints …

Et puis il y a l’arbre de la connaissance du bien et du mal … dont les fruits font que nous nous croyons des dieux … et qui nous amènent à faire découvrir le mal … non pas vraiment en nous-mêmes, mais chez les autres.

Dieu aura vite fait de faire le choix … comme dans la parabole du pharisien et du publicain : « Quand le publicain redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que le pharisien. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 18,14).

Se reconnaitre pécheur, et demander pardon aux hommes et à Dieu…, c’est parfois difficile, mais c’est nécessaire.

« Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser :

tu trouveras grâce devant le Seigneur.

Beaucoup sont haut placés et glorieux,

mais c’est aux humbles que le Seigneur révèle ses secrets. » (Si 3,19)

Seigneur Jésus,

Tu connais bien notre cœur

et tout ce qui s’y trouve,

sans doute un peu de bien,

et peut-être plus de moins bien,

pour ne pas dire du mauvais.

Aide-nous à rester

accrocher à ta vigne

pour y puiser ta force.

                                                                                   Francis Cousin

 

 

 

 

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8ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Lc 6,27-38)

Aimer comme Jésus nous aime (Luc 6,39-45)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ?
Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?
Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. »
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit.
Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces.
L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur.

 

    Après avoir proclamé les Béatitudes (Lc 6,20-23), Jésus en décrit maintenant les conséquences inéluctables. Dieu est Amour (1Jn 4,8.16) et il n’est qu’Amour… Chacun de ses actes est un acte d’amour. Aussi, à celui qui fait le mal, Dieu répondra toujours par l’Amour car Il est ce Père qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45 ; Lc 6,35).

            Dieu est donc Amour, et cet Amour face au péché prend le visage d’une inlassable, car éternelle, Miséricorde, nous appelant toujours au repentir. Tel est le Roc de notre vie. Et Il est heureux de pardonner quand il voit le résultat en nous du pardon reçu (Lc 15,7 ; 19,8) : un homme qui quitte les chemins du mal, ces chemins qui ne peuvent qu’être semés, pour lui d’abord et bien sûr pour celles et ceux qui en sont les victimes, que de « souffrances et d’angoisse » (Rm 2,9). C’est cela que Dieu ne veut pas « pour tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14), d’où l’invitation lancée à tous de nous tourner vers lui de tout cœur pour recevoir, encore et toujours, son pardon qui nous permet de repartir sur les chemins d’une vie nouvelle synonymes de Plénitude intérieure et de « Paix »…

            Par le don de l’Esprit qui vivifie, nous recevrons en nos cœurs, de la bonté du Père, sa Vie même (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), une Vie qui est Amour (Rm 5,5) et force pour aimer (1Tm 1,7)… « Un cœur bon » est ainsi le fruit du travail de la Miséricorde de Dieu, qui, de pardon en pardon, transforme nos cœurs souillés en cœurs purs, nos cœurs de pierre, durs, en cœurs de chair, tendres (Ez 36,24-28). Alors et alors seulement, ces « cœurs » transformés par « l’Esprit » pourront porter de bons fruits : des fruits de miséricorde, de douceur, et de paix…  « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… Tel est « le bon trésor de nos cœurs » que « le Père des Miséricordes » (2Co 3,3) renouvelle sans cesse…

            C’est en lui que nous sommes invités à puiser la force nécessaire pour accomplir ce que nous ne pourrions jamais faire tout seuls (Jn 15,5) : « aimer nos ennemis » (Lc 6,27), répondre au mal par le bien (Rm 12,21 ; 1Th 5,15), à la violence par la patience et la paix (Lc 6,29 ; Ep 4,1-5), à l’offense par le pardon (Col 3,12‑15), être toujours prêts à donner, même à celui qui nous vole (Lc 6,29), dans la certitude que Dieu ne nous laissera jamais manquer du nécessaire (Lc 12,22-31). Cet amour gratuit n’a de raison d’être qu’en Dieu seul : il ne s’appuie que sur Lui, sans rien attendre en retour (Lc 6,32-35).

            En ayant ainsi pris conscience de nos faiblesses et de nos misères, nous ne laisserons pas l’orgueil nous pousser à faire des reproches aux autres, à leur donner des leçons de morale, comme si nous leur étions supérieurs… Non, nous les aimerons de cet Amour de Miséricorde dont nous sommes les premiers bénéficiaires. « Ôte d’abord la poutre de ton œil ; et alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère »…   DJF




7ième Dimanche du Temps Ordinaire – par D. Jacques FOURNIER (Lc 6, 17.20-26)

« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent« …

Voilà certainement une des pages les plus folles de l’Evangile. Elle nous entraîne tout en même temps au cœur de Dieu et au cœur de nos incapacités. Et le pont entre les deux devrait être notre foi qui, petit à petit, devrait nous permettre de poser des actes que nous n’aurions jamais accomplis par nous‑mêmes… Et pour avancer sur ce chemin si déconcertant, nous pouvons prendre le Christ comme exemple… Tout ce qu’il nous demande est en effet révélation indirecte de ce qu’il fait déjà pour chacun d’entre nous, pour tout homme sur cette terre, où qu’il soit, quel qu’il soit… En effet, nous dit St Jean, « le Verbe est la Lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9), et cette Lumière donnée est celle de l’Amour donné, car « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) et « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16)… Il s’agit donc de « la Lumière » de « l’Amour » qui « éclaire tout homme« , qui rejoint tout homme, qui se donne à tout homme… « Lorsque je serai élevé de terre« , nous dit Jésus, « j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32)…

« A celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande et à qui prend ton bien, ne le réclame pas« … Quel est donc le secret de Jésus pour vivre ainsi ? Il a tout d’abord une confiance totale en son Père. Il sait qu’Il est là, avec lui ; il veille sur lui et lui donne instant après instant, jour après jour, par les uns et par les autres, femmes et hommes « de bonne volonté » (Lc 2,14), tout ce dont il a besoin (Jn 8,28-29)… Et Jésus cherchera à nous introduire dans le mystère de cette confiance : « Ne vous tourmentez pas de ce que vous mangerez ou boirez… Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le Royaume des Cieux et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Lc 12,22-32)… C’est à la lumière de cette certitude de foi que Jésus peut nous demander de donner à quiconque nous demande, de prêter sans rien attendre en retour, de laisser prendre notre tunique par celui qui nous a déjà pris notre manteau car Dieu s’occupe de chacun d’entre nous, il veille sur nous, et il ne permettra pas, si nous mettons ainsi sa Parole en pratique, que nous manquions du nécessaire… Folie de foi… Et c’est pour les aider à grandir dans cette confiance que Jésus, lors du premier envoi en mission de ses disciples, leur demanda de ne rien prendre avec eux : « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni besace, ni pain, ni argent; n’ayez pas non plus chacun deux tuniques » (Lc 9,3). Il voulait qu’ils fassent, jour après jour, l’expérience de cette Présence agissante et bienveillante de Dieu, passant par les uns, par les autres, pour qu’ils ne manquent de rien, et cela en tous leurs besoins : nourriture, vêtements, logement, etc… Il voulait leur apprendre cette vérité concrète que le Psalmiste exprimait déjà : « C’est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais… En toi ils espéraient et n’étaient pas déçus » (Ps 22(21),5-6). Et pour être bien sûr qu’ils avaient intégré toutes les leçons d’une telle expérience, il leur demanda juste avant sa Passion : « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose? – De rien , dirent-ils. » Alors, qu’ils ne l’oublient jamais… ce qui ne veut pas dire qu’ils sont désormais dispensés de travailler, de peiner, de faire au mieux, loin de là…  » Maintenant« , ajoute-t-il, « que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace » (Lc 22,35-36). Et St Paul écrira : « Quand nous étions près de vous, nous vous donnions cette règle : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2Th 3,10). Mais quand, en conscience, nous aurons fait tout notre possible, si un imprévu, un coup dur, arrivent, nul doute que Dieu sera toujours le même : il accomplira sa promesse, et nous ne manquerons de rien… Folie de foi pour ceux qui ne croient pas…

Et il est tout aussi humainement fou « d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous haïssent »… Et pourtant, Dieu est ainsi… En effet, en tant que « pécheurs« , nous sommes tous, même si le mot peut paraître fort, « ennemis » de Dieu. C’est ce que St Paul écrit dans sa Lettre aux Romains : « C’est en effet alors que nous étions sans force, c’est alors, au temps fixé, que le Christ est mort pour des impies; – à peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste; pour un homme de bien, oui, peut-être osera-t-on mourir; – mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. Combien plus, maintenant justifiés dans son sang, serons-nous par lui sauvés » de toutes les conséquences de nos fautes. « Si, étant ennemis, nous fûmes réconciliés à Dieu par la mort de son Fils, combien plus, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie » (Rm 5,6-10). Et jour après jour, Dieu est toujours ainsi à notre égard, nous manifestant le plus d’amour et de tendresse lorsque nous en avons le plus besoin, et donc surtout lorsque notre faiblesse, notre misère nous entraînent le plus loin sur les routes du mal… Il sait en effet à quel point ce mal que nous commettons nous blesse avant tout nous-mêmes avant, hélas, de blesser aussi parfois les autres… « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9)… Et devant toute cette souffrance, Dieu est bouleversé de compassion : compassion bien sûr pour toutes celles et ceux qui en souffrent, mais compassion aussi pour celles et ceux qui font souffrir et qui, à ce titre, ne peuvent « qu’être mal » eux aussi, et donc souffrir… Dans la traduction grecque du Psaume 103(102) cité en ce jour, nous avons littéralement : « Le Seigneur est compatissant et miséricordieux, patient et plein de miséricorde. Il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses« . Et cette attitude s’est révélée avec le plus de force en Jésus, le Fils éternel du Père, « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo) : lors de sa Passion, il s’est laissé insulter, mépriser, frapper, dépouiller, crucifier… Sans un mot, il a pris sur lui tout ce mal, toutes ces souffrances, et il les a offerts pour la guérison notamment de ceux là-mêmes qui le  faisaient tant souffrir… « C’étaient nos péchés qu’il portait dans son corps, sur le bois, afin que morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1P 2,21-25)… Toutes les souffrances, toutes les conséquences de nos fautes, Jésus les a prises sur lui pour nous en délivrer… Alors, oui, vraiment, comme nous y invite le Psalmiste (Ps 103(102), « bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits. Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse« … La traduction grecque de la Septante a : « Il te couronne de miséricorde et de compassion« …

« Dieu est Amour », nous dit St Jean par deux fois (1Jn 4,8.16), et nous découvrons en Jésus Christ ‘comment’ il nous aime : il prend sur lui notre péché, nos misères, il souffre de nos souffrances et il est blessé de nos blessures pour que nous puissions, avec lui et grâce à lui, en guérir, petit à petit… Il vit nos ténèbres, il s’unit de coeur à elles, pour que nous, pécheurs, nous puissions, grâce à Lui et avec Lui, être dans sa Lumière… Il meurt de notre mort pour que nous puissions vivre de sa vie… « Et l’Amour avec lequel Dieu nous aime a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5) au jour de notre baptême. C’est en s’appuyant sur cet Esprit de continuelle Bienveillance que nous sommes invités nous aussi, petit à petit, à grandir dans cette folie de Dieu qui « Lui, est bon, pour les ingrats et les méchants », car « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… Alors, avec l’Esprit, par l’Esprit, grâce à l’Esprit, « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent« …

                                                                                                    D. Jacques Fournier




Couples catholiques et prêtres, ensemble au service de Dieu (Fr Manuel RIVERO O.P.)

Quelle est la relation entre les laïcs et les prêtres ? Comment distinguer et unir leurs vocations et leurs charismes ?

Pour répondre à ces deux questions, la foi chrétienne nous conduit à la consécration baptismale, commun dénominateur des laïcs et des prêtres. De par leur baptême, les laïcs vivent leur sacerdoce royal (I Pierre 2,9), sacerdoce commun des fidèles autre que le sacerdoce ministériel des prêtres.

La prière eucharistique III rappelle l’action de l’Esprit Saint dans le sacerdoce des fidèles laïcs qui offrent le sacrifice du Christ au Père ainsi que tout leur être à Dieu: « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire ».

Le sacerdoce ministériel des prêtres est au service du sacerdoce commun des fidèles. La charité demeure le mystère le plus important car elle unit à Dieu qui est Amour (cf. 1 Jn 4,16). Dans la théologie chrétienne c’est bien la charité qui établit la hiérarchie entre les personnes. Le chrétien qui aime le plus demeure le plus proche de Dieu.

Un « comment » et non un « plus »

L’ordination diaconale, presbytérale ou épiscopale représente un « comment » plutôt qu’un « plus ». L’Église, Corps du Christ, ne ressemble pas à une armée avec des généraux, capitaines, sergents et soldats de la troupe. Tous les baptisés, membres du Corps du Christ, sont consacrés « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » et appelés à la perfection : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 47). La différence entre laïcs et prêtres se trouve dans leur manière de vivre l’appel universel à la sainteté.

C’est pourquoi saint Augustin mettait en lumière la grâce de son baptême par rapport à l’ordination épiscopale : « Si ce que je suis pour vous m’épouvante, ce que je suis avec vous me rassure. Pour vous en effet, je suis l’évêque ; avec vous je suis chrétien. Évêque, c’est le titre d’une charge qu’on assume ; chrétien, c’est le nom de la grâce qu’on reçoit. Titre périlleux, nom salutaire[1]. »

 

 

 

 

Les Équipes Notre-Dame (END)

Fondées par le Père Henri Caffarel (+1996), les Équipes Notre-Dame[2] rassemblent couples et prêtres dans une même recherche de la volonté de Dieu. Le prêtre, assistant religieux d’une Équipe Notre-Dame, participe aux réflexions et aux prière en tant que coéquipier. Sa vocation et sa mission sont très mises en valeur par les couples au sein de l’Équipe qui attend de lui un apport spirituel en harmonie avec sa formation et son charisme de prêtre.

Chaque année, les membres des Equipes Notre-Dame sont invités à se rapprocher de Dieu au cours d’une retraite spirituelle. Cette année, la retraite des Équipes Notre-Dame de La Réunion (France) a eu lieu à Champ Borne les 12-13 février 2022 : oraison et prière de louange, enseignements, catéchèse pour les enfants, messe, temps de détente et de jeux …

Voici le texte des trois enseignements donnés par le frère Manuel Rivero O.P., assistant religieux des END de La Réunion :

1 – Enseignement : Prendre soin de nos blessures. Comment les guérir spirituellement et psychologiquement.

Chacun de nous porte dans son corps, dans son cœur et dans son âme la trace des blessures physiques, affectives et spirituelles.

Que pouvons-nous en faire ? Tout d’abord les reconnaître sans tomber dans la tentation du refoulement ou du déni.

Un jour où je disais à un ami pédiatre qu’il était sûrement difficile de connaître les maladies des enfants qui ne parlent pas, il m’avait surpris en déclarant : « Détrompe-toi, les adultes t’induisent parfois en erreur ! ».

Saint Augustin (354-430), évêque en Afrique du Nord et grand docteur de l’Église, a écrit dans les Confessions : « Nous n’aimons pas que l’on nous mente et pourtant nous nous mentons parfois à nous-mêmes ! ».

Le premier pas consiste à faire un acte de vérité qui rend libre en reconnaissant que des blessures ont marqué mon passé et probablement mon présent.

Je vous invite à faire une démarche concrète en dessinant le fleuve de votre vie sur une feuille format A4 à l’horizontale. Vous pouvez prendre un selfie de votre histoire en traçant une ligne, avec des hauts et des bas, depuis votre naissance jusqu’à maintenant. Il s’agit d’une relecture de votre existence en présence de Dieu et à la lumière de la Parole de Dieu. Vous pouvez signaler sur votre ligne des dates et des événements importants. Vous pouvez aussi reprendre les événements de la Bible pour les appliquer à votre vie : Paradis, paradis perdu, exode, Terre promise, exil, nouvelle naissance, rencontre avec le Christ, guérison des blessures, Pâque (« passage »), résurrection, Pentecôte …

Le Christ agit en médecin des corps et des âmes. Il guérit par son Esprit qui est Amour. Seul l’amour, plus fort que les puissances du mal et du malin, parvient à faire des croyants des créatures nouvelles.

Notre prière se déploie dans un acte de foi : Je suis blessé. Je ne peux pas me guérir tout seul. J’ai besoin de la grâce de Jésus. J’ai besoin d’être sauvé. Je lui présente mes blessures cachées et visibles afin que son Amour transforme le fiel en miel, l’amertume en douceur, le repliement en dialogue, le mutisme en partage, les révoltes en confiance, le scepticisme dans la joie d’être sauvé, la routine en créativité.

Dieu peut et veut faire du neuf dans ma vie.

Demande de pardon : La prière devient alors louange pour la bénédiction divine reçue et demande de pardon pour le manque de foi en Jésus, dont le nom veut dire « Dieu sauve », « Sauveur ».

Je pense aussi aux blessures que j’ai pu infliger à d’autres en commençant par mon conjoint. Dans l’échange prévu en couple, j’ouvre mon cœur à l’autre pour lui demander pardon pour les blessures que j’ai pu occasionner. Je lui donne aussi l’occasion de s’exprimer sur les souffrances ressenties et non encore exprimées.

Dans le sacrement du mariage qui est une participation à la grâce pascale, de mort et de résurrection de Jésus le Christ, le conjoint peut crucifier l’autre mais il peut aussi le ressusciter par sa confession de foi, d’amour et de pardon.

Il est possible de lire l’évangile du Bon Samaritain (Lc 10, 25-37). Mon conjoint peut ressembler à ce blessé sur le bord de la route que je ne veux pas voir, car il y a d’autres urgences vécues au nom de grands principes, à l’exemple du prêtre ou lévite qui, en voyant le blessé agressé par des bandits, sont passés outre. Je peux être ce bon Samaritain qui s’arrête et qui prend soin des blessures. Hélas, je peux laisser à d’autres cette mission de Bon Samaritain et pousser mon conjoint vers l’adultère.

Le prochain le plus proche est bien le conjoint. Parmi les souffrances figure la solitude ou plutôt le sentiment d’être mis à l’écart, isolé malgré soi.

Chacun peut devenir blessé-guérisseur, ayant connu des blessures il s’avère plus facile de compatir aux douleurs des autres. Les blessures qui sont des ouvertures comme les plaies du Christ ouvrent alors nos cœurs fermés à la souffrance des proches.

Ressuscité d’entre les morts, Jésus a présenté ses blessures à l’apôtre Thomas et aux dix autres apôtres, Judas s’étant pendu dans son désespoir. Si Jésus a choisi de communiquer avec ses blessures, nous, en bons disciples, nous avons à imiter la communication de notre Sauveur en nous rapprochant des autres par nos blessures.

Quelle est la plainte la plus fréquente des épouses par rapport aux maris ? Le manque de communication ! La femme veut entendre l’homme qu’elle aime. « La femme est fécondée par l’oreille », dit un proverbe africain. Pour l’homme, faire c’est dire. Pour la femme, faire c’est bien, mais elle a besoin de verbaliser les sentiments et le sens des actions. Le silence demeure ambigu. Il convient d’expliciter.

Les époux peuvent réfléchir un moment à leur manière d’échanger. Le conjoint dit-il « je » ou a-t-il du mal à parler de lui-même ? Quel est le contenu et le niveau de la communication (films vus à la tv ; nouvelles ; évolution intérieure, vie de prière et de foi …).

Si le bonheur se trouve dans la communication, le malheur réside dans l’absence de communication. L’appétit vient en mangeant ! Plus la communication se développe et plus les conjoints ont des choses à se dire et à partager.

Les vieux couples conseillent d’aborder les sujets délicats ou pénibles à la fin du repas et non quand le conjoint traverse la porte de la maison, fatigué et affamé !

Prier ensemble soude les familles comme le rappelait la devise d’un programme d’une radio catholique : « Ceux qui prient ensemble demeurent ensemble ».

La prière en couple semble difficile alors que la prière en famille avec les enfants se déroule plus aisément. C’est un défi à relever que de prier en couple en ouvrant son cœur. La prière constitue un grand moment de communication. Et ne pas prier ensemble représente un handicap dans l’union conjugale. La bénédiction de la table donne du sens au travail dans l’action de grâces au Créateur. La prière du soir introduit dans la paix en chassant les peurs et en enlevant les sujets de discorde qui ont pu être vécus dans la journée.

Les conjoints peuvent demander pardon au Seigneur pour leur manque de foi.

Demander de pardon pour les scandales, occasions de chute au sens étymologique, provoqués par des comportements en désaccord avec l’Évangile. Scandale qui amoindrit la foi du conjoint. Scandale qui fragilise la foi des enfants.

Les époux peuvent demander la grâce au Seigneur de croire qu’ils peuvent devenir blessés-guérisseurs dans leur famille.

2) Enseignement : « Comment développer la confiance en soi, en l’autre, confiance de l’autre en lui-même, en Dieu, en l’Église ».

Saint Augustin enseigne qu’il n’y a pas trois amours : l’amour de Dieu, l’amour des autres et l’amour de soi-même. Il n’y a qu’un seul amour : l’amour de Dieu qui a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous a été donnée (cf. Rm 5,5) ; cet amour divin nous donne d’aimer notre prochain comme nous nous aimons nous-mêmes.

Quand notre amour envers Dieu diminue, l’amour conjugal et familial ramollit aussi et nous perdons l’estime de nous-mêmes. En revanche, quand l’amour de Dieu brûle en nous par l’approfondissement de l’Évangile et la grâce de sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation, l’amour de nos proches gagne en sincérité et en force. L’Esprit Saint est bien l’union du Père et du Fils au cœur de la sainte Trinité et le ciment de nos relations familiales.

Ce qui est dit sur l’amour concerne aussi la confiance. Il n’y a pas trois confiances : en Dieu, dans les autres et en moi-même. Plus je crois en Dieu et plus je fais confiance aux autres tout en grandissant dans la confiance en moi-même.

Dans l’épître aux Galates (cf. Gal 5,22), saint Paul cite la confiance dans les autres comme étant l’un des fruits de l’Esprit Saint dans l’âme du chrétien.

Nos pensées et nos sentiments sont nourris de projections psychologiques. « Pense le voleur que tous sont voleurs », dit un proverbe espagnol. Nous parvenons à imaginer les défauts de nos proches en fonction de notre expérience du mal et de nos vices. Dieu ne pense pas mal ; ce serait une imperfection. Dieu n’est pas évidemment aveugle mais quand il aperçoit le mal, ses yeux purs et aimants pensent à la possible conversion du pécheur.

La foi en Dieu fonde les relations humaines de confiance. Plus nous nous appuyons sur Dieu et plus nous faisons confiance à autrui. Le mot « amen » provient de l’hébreu avec le sens de « s’appuyer sur quelque chose de solide ». Quand nous disons « Amen » nous ne disons pas « ma foi » mais « Dieu, mon roc, ma citadelle, sur qui je m’appuie ».

Dis-moi où sont tes appuis et je te dirai qui tu es. Sur qui comptes-tu ? Sur Dieu, sur tes richesses, sur ton réseau de relations, sur ton habileté personnelle ?

Ce n’est pas sans raison que la foi figure comme la première vertu théologale. La foi représente une réponse à Dieu qui manifeste sa présence agissante et aimante dans notre histoire. Par l’adhésion de la foi, le croyant entre dans la connaissance de Dieu et il reçoit l’Esprit Saint. C’est ainsi qu’à partir de la foi, le chrétien avance dans l’espérance pour demain et dans la charité, la Vie même de Dieu : « Dieu est amour » (1 Jn 4,16).

Faisons confiance à Jésus à l’exemple de Simon Pierre lors de son appel sur les bords du lac de Tibériade (cf. Lc 5, 1-11). Simon avait peiné toute la nuit sans prendre un seul poisson. Dans la pêche, il y a des jours sans et des jours avec. Alors qu’il est fatigué, le visage pâle en manque de sommeil, les yeux cernés, Jésus lui dit : « Avance en eau profonde et lâchez les filets pour la pêche. » Simon répond : « Sur ta parole je vais lâcher les filets ». Et l’abondance de poissons commençait à déchirer les filets.

Comme Simon, nous pouvons être fatigués et dire : « J’ai déjà essayé et cela n’a servi à rien ! J’ai déjà donné ! » Nous avons à faire confiance à Jésus qui nous exhorte à aller plus loin, à avancer, à lui faire confiance.

Il est très rare qu’un conjoint avoue être fatigué de dialoguer. La plupart du temps les échanges sont rapides voire expéditifs. Nous manquons de confiance en l’autre et dans la fécondité du dialogue. La culture familiale y est aussi pour quelque chose. Dans la tradition créole, la mère parle souvent avec les enfants. Qu’il est beau de voir l’enfant raconter sa journée à sa maman au retour de l’école. Qu’il est magnifique d’assister à la prière d’une maman avec son enfant comme j’ai eu l’occasion de le voir, il y a quelques semaines, dans une église de la Réunion. La maman avec son petit enfant s’étaient mis à genoux dans l’allée centrale de l’église, non loin de l’autel. Elle priait à haute voix en demandant à son enfant de reprendre la prière après elle. Les prières étaient belles. Cela a duré un bon moment. J’ai vécu cela comme une grâce. Dieu me donnait d’assister à la transmission de la prière chrétienne de mère en fils. Nous avons besoin de la prière et de la transmission. La foi évangélique se transmet dans la prière. Les Réunionnais aiment prier. Je n’ai jamais vu un Réunionnais se moquer de la prière. Nous avons à évangéliser la prière pour qu’elle ne soit pas une simple prière païenne de demandes d’aide mais qu’elle ressemble à la prière de Jésus à son Père.

En ce qui concerne la communication du père, la culture familiale créole accordait une grande importance à l’autorité du père qui cultivait ce pouvoir par une certaine distance vécue dans le silence. Le père de famille passait souvent par l’épouse pour apprendre la vie des enfants au lieu de dialoguer directement avec eux.

Les nouvelles générations réunionnaises grandissent dans l’expression et le dialogue à l’école en particulier. Il convient d’en faire du neuf et de développer la communication verbale tout en gardant la communication non verbale de l’être et du faire correctement.

Mgr Pierre Claverie, évêque dominicain en Algérie, mort en martyr et déclaré récemment par l’Église, Bienheureux, n’hésitait pas à affirmer qu’il avait besoin de la vérité des autres. Nous avons besoin de la vérité du conjoint et de la vérité des enfants.

Mgr Pierre Claverie et les Frères Cisterciens de Tibhirine

Simon qui deviendra l’apôtre Pierre a ressenti son indignité devant la pêche extraordinaire : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » Puissions-nous en faire la même expérience du passage du découragement à la foi dans la contemplation des merveilles accomplies par le Christ dans notre quotidien.

C’est ainsi que nous irons « de commencement en commencement par des commencement qui n’ont pas de fin », comme le disait saint Grégoire de Nysse. Par sa foi, Simon est passé de pêcheurs de poissons dans le lac de Galilée à pêcheur d’hommes, d’hommes pécheurs, « de gros poissons » comme on dit par l’annonce de la puissance du Christ Jésus.

Ce que nous sommes nous le devons à ceux qui nous ont fait confiance : confiance pour nous embaucher dans une entreprise, confiance pour nous aimer, confiance pour nous confier une mission dans l’Église …

Disons merci à Dieu pour ceux qui nous ont accordé leur confiance et qui nous ont fait grandir. Disons merci aussi dans notre prière et par nos moyens de communication à ceux qui ont mis leur confiance en nous alors que ce l’était évident aux yeux humains, en commençant par Dieu lui-même qui compte sur nous alors que nous sommes pécheurs.

Demandons pardon à Dieu pour toutes les fois où nous avons trahi sa confiance.

Demandons pardon à ceux qui ont été trahis dans leur confiance. En tant qu’aumônier de prison, je constate la souffrance des personnes détenues qui ont discrédité leurs familles en trahissant leur confiance.

Parmi les travaux pratiques que nous pouvons mettre en route figure le développement de la confiance du conjoint en lui-même et des enfants en eux-mêmes.

Il est bon de demander à Dieu la confiance en nous-mêmes. Nous entendons souvent dire « je manque de confiance en moi-même ». Nous avons aussi à développer la confiance du conjoint en lui-même au lieu de lui faire peur pour qu’il reste tranquille et obéissant.

Exercice : pour le DSA (« Devoir de s’asseoir ») en couple, il est possible de rédiger chacun de son côté un petit texte sur la confiance en l’autre et de le partager :

-Ma confiance en toi grandit quand tu dis du bien de moi aux autres et en public.

Ma confiance en toi diminue quand …………………………………….

1)

2)

3)………………………………………….

3) Autorité et pouvoir : comment harmoniser les relations entre l’homme et la femme ?

Le mari est traditionnellement appelé le chef de famille. Des changements sociaux et économiques remettent souvent en cause ce statut de chef qui évoque pouvoir et autorité.

En quelques décennies la vie et le statut de la femme ont connu plusieurs changements, voire révolutions. La femme occupe des postes de responsabilité professionnelle avec un haut degré de compétence et de rémunération. Elle prend la parole en public en tant que responsable politique, enseignante, journaliste … Si auparavant sa sexualité dépendait en grande partie des hommes, à présent la femme décide librement de sa maternité indépendamment de la volonté du mari ou du compagnon. En un mot, elle est devenue indépendante. Parfois la femme gagne plus d’argent que son mari ou son travail s’avère plus intéressant à tout point de vue que celui de son mari.

Comment évaluer l’importance de l’apport de chaque conjoint ? Quels paramètres et quelles variables faut-il intégrer dans cette relecture ? Quelle valeur accorder au temps investi dans la maison et l’éducation des enfants ? Quelles priorités à respecter dans les emplois du temps de chacun ? Comment concilier liberté, épanouissement et vie commune ?

D’ailleurs, il arrive qu’à la sortie d’un mariage, des amis adultes conseillent la jeune mariée en lui disant : « reste libre, ne t’attache pas trop à un homme. »

Comment harmoniser le développement personnel, les nouveaux moyens technologiques et les nouvelles mentalités avec le sacrement du mariage qui unit l’homme et la femme en Dieu au point d’en faire une seul corps et une seule âme dans le Christ ?

Précisons d’abord le vocabulaire. Nous avons à distinguer indépendance et autonomie, pouvoir et autorité. Autonomie est un mot d’origine grecque qui exprime le gouvernement de la personne humaine par elle-même : auto-nomos, devenir sa propre loi. C’est-à-dire que la personne devient protagoniste et décideur des choix de son existence. La personne libre devient « cause de soi » comme dit Aristote (322 av. J.C.). C’est le contraire d’exister par un autre sans pouvoir prendre des décisions ; ce qui correspondrait à l’aliénation : « perte de sa maîtrise et de ses forces propres au profit d’un autre ».

En politique, certains pays ont un gouvernement national avec des régions autonomes (parlement, police, impôts, langue propre …). Chaque région garde son autonomie mais elle dépend du gouvernement central avec sa Constitution pour les questions les plus importantes. Nous pouvons penser aux États-Unis, à l’Espagne …

Dans l’anthropologie biblique, Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance : intelligent et libre, créé par amour pour aimer.

Cette autonomie de l’homme et de la femme correspond à la volonté de Dieu. Mais la personne humaine est née dans des relations et ne peut pas vivre sans relations. L’indépendance solitaire ne s’articule pas avec le plan de Dieu : « Homme et femme, Dieu créa l’homme à son image, homme et femme il les créa » (Gn 1,27). Le Dieu qui s’est révélé dans la Bible n’est pas solitaire mais relation : relation d’égalité, dans la différence et l’amour réciproque, trois Personnes divines, un seul Dieu. Dans le christianisme, le mystère de la Trinité représente la source, le modèle et la finalité des relations humaines, et, en particulier, de la relation de l’homme et de la femme, personnes égales et complémentaires.

Où se situe la source des problèmes ? Dans le désir de domination. Nous n’avons pas attendu Karl Marx pour découvrir les rapports de domination. Ce désir d’asservir l’autre paraît dès les premières pages du livre de la Genèse, dans la Bible, quand Adam et Ève, la première humanité, voulurent devenir dieux sans Dieu. Ils firent alors l’expérience de la solitude, de la honte et de la concupiscence : « Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi » (Gn 3,16).

Le désir de dominer l’autre aboutit à la solitude ; c’est pourquoi cette volonté de domination représente un échec à fuir.

Bernard Shaw, écrivain irlandais, a déclaré avec humour : « Dans le mariage il s’agit de ne faire qu’un, le problème est de savoir lequel des deux ! ».

Jürgen Habermas, philosophe contemporain de la communication, rappelle que les guerres qui ont cherché à dépasser les rapports de domination, aussi bien dans le capitalisme que dans le marxisme, n’ont pas réussi. Comme certains le disent avec humour : « Le capitalisme est l’exploitation de l’homme par l’homme ; le socialisme, l’inverse. »

Le mariage n’anéantit pas l’autonomie personnelle mais les projets de chaque conjoint sont orientés au service du « nous », du bien commun du couple et de la famille. Dans le mystère de la Trinité, l’Esprit Saint représente le « nous » silencieux du Père et du Fils qui les unit dans le ciment de l’Amour. La foi chrétienne repose sur Dieu, Un.

Il convient de distinguer aussi autorité et pouvoir. Ces deux mots sont souvent utilisés de manière équivalente. Ici je choisis de les distinguer en accordant au mot « autorité » son sens positif de « faire grandir », d’après son étymologie latine du verbe « augere » : faire pousser, augmenter. Jésus parlait avec autorité (cf. Lc 4,32 ; Mc 1,22) en auteur à la pensée originelle dans le Père et originale dans son expression et dans sa réalisation. Son enseignement ne relevait du simple commentaire de la Loi de Moïse comme le faisaient les scribes. L’autorité de Jésus se manifestait dans la cohérence de ses paroles et de ses actes. Ce qu’il disait, il l’accomplissait. Ses disciples grandissaient alors en sainteté en faisant l’expérience du Salut et de l’entrée dans le mystère de la connaissance de Dieu.

Le pouvoir est donné par l’institution ; l’autorité, pouvoir moral ou crédit, est accordée par le cœur des personnes qui font, ou pas, confiance à quelqu’un dans l’exercice de sa mission. L’autorité relève de la compétence, de l’honnêteté et de la capacité de faire grandir le bien commun et non seulement l’intérêt personnel.

Et dans le couple, qu’en est-il du pouvoir et de l’autorité ? Qui dit pouvoir dit force, puissance. Le pouvoir dépendra du salaire, des héritages, des connaissances, du statut professionnel, du paraître, du look avec son pouvoir de séduction. Il y a la force musculaire redoutable quand elle est utilisée pour humilier et blesser le conjoint.

Dans les relations humaines, les rapports de force surgissent rapidement pour voir apparaître des dominants et des dominés. Jésus nous met en garde contre ce désir d’asservir les autres. Il n’est pas venu pour être servi mais pour servir et verser son sang pour la rémission des péchés de la multitude.

C’est dans la communion au Christ Serviteur et Serviteur souffrant que le conjoint parvient à vaincre la tentation d’exercer son pouvoir sur l’autre : pouvoir des richesses, pouvoir du savoir, pouvoir des honneurs, pouvoir du statut social.

La vie conjugale dans le sacrement du mariage n’est pas un long fleuve tranquille mais un combat mené avec le Christ contre la tentation du diable qui cherche à tromper et à manipuler.

Les films et les chansons font rêver d’un amour sentimental, doux et capable de combler la soif de toute personne qui aspire à vivre la grande aventure de l’amour.

Il y a l’amour romantique, beau et voulu par Dieu. Mais il y a aussi l’amour tragique, destructeur, qui rend malade. L’un des conjoints devient alors victime manipulée, impuissante à s’en sortir entre la tentation de fuir, la volonté de rester fidèle et la douleur physique, affective et spirituelle. Le conjoint ressemble alors à une proie qui se blesse en cherchant à se libérer. Il s’ensuit la dépression voire l’internement en hôpital psychiatrique. Hélas ! J’ai rencontré ce cas de figure à plusieurs reprises dans mon ministère de prêtre.

Aimer quelqu’un équivaut à lui donner prise pour vous faire souffrir dans l’attachement et les séparations, déchirures physiques et psychologiques.

Chaque conjoint doit se remettre en cause pour épargner cette tragédie à la personne qu’elle a aimée.

Le couple est appelé à vivre beaucoup de pâques, mot qui veut dire « passage » : passage des actes d’humiliation à des démarches de reconnaissance ; passage de l’indifférence aux attentions envers l’autre.

L’autorité prime sur le pouvoir. L’autorité représente le rayonnement de l’être intérieur, de l’âme, du « moi profond » que la Bible appelle le cœur comme lieu d’unification de la personne, là où se prennent les grandes décisions et se font les choix décisifs. L’autorité apporte à l’autre conjoint amour, soutien, force, sens.

Dans le DSA (‘Devoir de s’asseoir’), le couple doit faire œuvre de discernement pour étudier la différence entre le pouvoir et l’autorité. Sans droiture ni générosité, un conjoint riche en pouvoir économique et politique tombe dans la disqualification et le vide dont parle saint Paul dans le chapitre 13 de la première épître aux Corinthiens. Je vous invite à évaluer votre amour, votre pouvoir et votre autorité en méditant ce texte souvent choisi lors de la célébration des mariages.

Vous pouvez mettre votre prénom à la place du mot amour ou charité selon les traductions. Cela fait éclater de rire. Ce que nous appelons amour reste loin de l’amour de Dieu.

« L’amour est patient ; l’amour est serviable. L’amour ne jalouse pas. L’amour ne se vante pas, il ne se gonfle pas ; il ne fait rien d’inconvenant ; l’amour ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas ; il ne tient pas compte du mal ; l’amour ne se réjouit pas de l’injustice, mais il met sa joie dans la vérité. L’amour excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.

L’amour ne passe jamais ».

                                                                                                                Fr. Manuel Rivero

[1] Saint Augustin, Sermon 340,1, cité en Lumen Gentium 32, constitution dogmatique sur l’Église du Concile Vatican II.

[2] https://www.equipes-notre-dame.fr/