Audience Générale du Mercredi 27 Septembre 2017
PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 27 Septembre 2017
Frères et sœurs, en réfléchissant sur les ennemis de l’espérance, je voudrais souligner que celle-ci est la vertu la plus divine qui puisse exister dans le cœur de l’homme, parce qu’elle maintient la vie, la protège et la fait grandir. Charles Péguy a su traduire poétiquement l’étonnement et l’émotion de Dieu devant l’espérance qui porte les hommes à croire que « ça ira mieux demain matin ». Ainsi l’espérance est cet élan du cœur qui conduit l’homme à chercher une vie meilleure, à « partager le voyage de la vie », comme nous y invite la campagne de Caritas inaugurée aujourd’hui. Pour cette raison, les pauvres sont, depuis toujours, les premiers porteurs d’espérance et c’est par eux que Dieu est entré dans le monde. Car ils sont riches de cette volonté de changement, ce qui n’est pas le cas de celui qui, ayant tout reçu de la vie, est souvent condamné à ne plus rien désirer. Avoir le cœur vide est le pire obstacle à l’espérance. Dans la tradition chrétienne, c’est la tentation dite « du démon de midi » ou encore l’acédie qui rend les journées ennuyeuses et monotones. Or Dieu nous a créés pour la joie et le bonheur : voilà pourquoi le chrétien sait que cette tentation doit être combattue, en invoquant le nom de Jésus : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ». Car dans le combat à mener contre le désespoir, si Dieu est avec nous, personne ne nous volera l’espérance.
Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de France et de Suisse, en particulier les jeunes de Luçon. Que le Seigneur, par l’intercession de saint Vincent de Paul, nous aide à combattre le désespoir en nous et à partager l’espérance autour de nous. Que Dieu vous bénisse !
26ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin
Évangile selon Saint Matthieu 21, 28-32
« Lequel des deux à fait la volonté du père ? »
L’évangile de ce dimanche nous parle d’une situation que tous les pères ou mères de famille connaissent bien. Combien de fois disent-ils à leur enfant « Viens mettre la table. » et entendent « J’arrive ! » sans qu’il n’y ait de réaction un quart d’heure après ! Ou qu’au contraire ils demandent à leur enfant de ranger leur chambre et s’entendre répondre : « Wouais non, elle est bien comme ça ! », et sont tout surpris de la voir bien nette quelques temps après.
Cette Parole de Jésus nous concerne tous, que nous soyons dans le rôle du père ou dans celui de l’enfant. Et quand nous sommes dans celui de l’enfant, selon les cas, nous pouvons dire « oui » et ne rien faire, ou dire « non » et faire quand même. Et nous sommes tous (ou presque) confrontés à ce genre de situation.
Pourtant nous savons que Jésus a dit : « Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. » (Mt 5,37), et parlant des scribes et des pharisiens : « ils disent et ne font pas » (Mt 23,3). Serions-nous comme les pharisiens ?
Prenons l’attitude du premier enfant : il commence par dire « non » puis va à la vigne. Pourquoi ce changement d’idée ? Avant de regarder l’enfant, voyons le comportement du père. Jésus n’en dit rien, parce que justement, il ne dit rien. Il “n’engueule” pas son fils, ce qui risquerait de le conforter dans son refus, dans son obstination. Il laisse son fils devant son problème, et il continue à l’aimer, comme le père du fils prodigue : il attend qu’il revienne sur sa décision.
Devant l’amour de son père, le fils se ravise et pars à la vigne, non pas par amour de la vigne, dont il n’a sans doute que faire, mais par amour, peut-être inconscient, ou par respect pour son père. L’amour entraîne l’amour.
Pour le second enfant, il dit « oui », peut-être par habitude, sans réfléchir, peut-être sans même savoir ce que son père lui a dit. Il répond par réflexe mais se moque complètement de son père, il ne pense qu’à lui et à ses habitudes. Il n’y a aucun lien d’amour entre lui et son père.
Le passage à l’action est une réponse à l’amour du père (du Père !), est une question d’amour filial. Si celui-ci existe, l’action se fera, même après un refus. Si celui-ci n’existe pas, l’action ne se fera pas malgré une acceptation de pur formalisme, qui n’est qu’une parole sans fondement, détachée du cœur.
Une fois de plus, Jésus nous montre que les paroles ne suffisent pas, mais que l’important est l’action qui en découle : « Ce n’est pas en (…) disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21). Saint Jacques dit aussi la même chose : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. (…) par les œuvres, la foi devint parfaite. » (Jc 2,18.22).
Il faut donc mettre en conformité le dire et le faire.
La Parole de l’Évangile nous met-elle “en route”, en déplacement pour nous changer, nous convertir, nous ouvrir à Dieu et aux autres ?
Est-ce que nous nous posons la question : « Que devons-nous faire ? » comme le faisaient les auditeurs de Jean-Baptiste pour changer leur cœur, pour passer à l’action. Est-ce que nous la posons à d’autres, dans nos groupes, dans nos équipes, nos mouvements ? Est-ce que nous la posons à un prêtre ?
Que répondons-nous à Dieu qui nous dit, à nous aussi : « Va travailler à ma vigne », et qui le fait sans arrêt, comme dimanche dernier, pour que nous puissions aller dans le Royaume des Cieux ?
« N’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ, laisse-toi regarder car il t’aime. »
Laisse-toi regarder par le Christ jusqu’au fond de ton cœur, et laisse-le faire … pas de manière passive, mais active. Alors, il changera « [ton] cœur de pierre … [en] un cœur de chair. » (Ez 36,26).
Seigneur Jésus,
tu nous demandes de mettre en corrélation
nos paroles et nos actes,
notre foi et nos œuvres.
Mais c’est parfois difficile.
Donne-nous de rester fidèle à tes paroles.
Francis Cousin
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Audience Générale du Mercredi 20 Septembre 2017
PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 20 Septembre 2017
Frères et sœurs, le thème de la catéchèse de ce jour est « éduquer à l’espérance ». Si tu veux espérer, crois fermement que ce monde est le premier miracle que Dieu a fait ; que le créateur meut toute chose vers le bien et attend chaque homme à la fin de son existence. Œuvre pour la paix parmi les hommes et n’écoute pas la voix de ceux qui répandent la haine et la division. Demande à Dieu le don du courage, et rappelle-toi que tu ne vis plus pour toi-même mais pour Jésus qui te donne la force de vaincre tes peurs. Par le baptême, ta vie est déjà plongée dans le mystère de la Trinité et tu appartiens à Jésus qui vit en toi, même dans l’épreuve. Aie toujours le courage de la Vérité et remets toute chose à Dieu dans la prière. Si tu pèches, relève toi sans crainte, car le Fils de Dieu est venu pour toi, et, avec sa grâce, ne désespère jamais.
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le groupe des Œuvres Pontificales Missionnaires, accompagné de Monseigneur Patrick Le Gal.
Dieu ne déçoit pas, s’il a mis une espérance dans nos cœurs, ce n’est pas pour l’éteindre par de continuelles déceptions mais pour qu’elle fleurisse. Renouvelons notre attachement et notre confiance à Jésus vivant dans nos cœurs pour vaincre nos faiblesses et traverser nos épreuves.
Que Dieu vous bénisse !
25ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin
Évangile selon Saint Matthieu 20, 1-16
Le poison de la comparaison.
Chômage, recherche d’emploi, …et d’un autre côté difficultés et faillites d’entreprises …
Ce mal actuel n’est pas nouveau, et déjà au temps du Christ se posait le problème des journaliers qui cherchait désespérément du travail pour pouvoir nourrir, vêtir et donner un minimum de confort à leur famille, et surtout ne pas rester oisifs, sans rien faire de la journée.
Alors, dans l’évangile, quelle aubaine pour ces hommes de trouver un maître qui accepte de les embaucher pour la journée ou une partie de celle-ci …
Et qui les paye tous le même montant, quelque soit la durée de leur travail, contre toute logique économique, au risque de faire faillite !
Ce qui entraîne des reproches de la part des premiers embauchés … qui mettent en avant des salaires égaux pour un temps de travail beaucoup plus long pour eux et dans des conditions plus difficiles.
Et a-priori, on est plutôt d’accord avec eux.
Mais que veut nous dire Jésus dans cette parabole ?
Dés le début de la parabole, il donne un élément essentiel pour la compréhension : « Le Royaume des Cieux est comparable … ».
Le Royaume des Cieux est ce qui vient à la fin de notre vie sur la terre, à la fin de notre journée (à l’échelle de l’éternité), et le maître, Dieu, donne à tous le même salaire, la même récompense : l’accueil dans le Royaume des Cieux.
Que nous soyons baptisés à notre naissance ou à la fin de notre vie, ou pas du tout ; que nous soyons convertis ou pas ; que nous soyons engagés dans l’Église ou pas ; que nous soyons évêque, prêtre ou laïcs, que nous soyons riches ou pauvres, intelligents ou non … Dieu nous accueille tous dans le Royaume des Cieux, sauf si nous le refusons.
Mais nous, les hommes, comme les ouvriers de la première heure, nous faisons des comparaisons : « J’ai fait plus que untel pour l’Église … je suis meilleur(e) que lui … alors j’entrerai avant, ou je serai mieux placé(e) dans le Royaume des cieux » , ou dans le sens contraire : « Je ne suis qu’un(e) pauvre fidèle, je n’ai pas fais grand-chose pour l’Église, je ne prie pas tous les jours…. j’espère qu’il y aura une petite place pour moi, un strapontin. » comme le disait à Jésus la mère de Jacques et Jean : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. » (Mt 20,21).
Mais Dieu n’est pas homme, comme il le disait au prophète Isaïe : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemin, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » (1° lecture).
La bonté de Dieu est inconditionnelle. Elle n’est pas proportionnelle à l’importance de nos engagements, de nos efforts, de nos temps de prière … La seule chose que Dieu voit et retient, lui qui sonde les reins et les cœurs (Cf Jr 17,10), c’est si nous avons aimé, comme il nous l’a demandé. « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » (1 S 16,7).
Arrêtons donc de nous comparer les uns les autres. Ce n’est pas facile, surtout que tout dans notre monde nous incite à le faire.
Remercions plutôt Dieu dans notre prière d’avoir donnée aux autres des talents que nous n’avons pas, et à nous-même des talents que n’ont pas les autres. Ainsi, en nous mettant ensemble, nous pourrons faire plus de choses et mieux que si nous sommes seuls … pour la Gloire de Dieu et le salut du monde.
Seigneur Jésus,
tu aimes tout le monde de la même manière,
et tu veux donner à chacun
indépendamment de ses mérites …
Et nous qui faisons tout
pour nous mettre en avant,
pour paraître aux yeux des autres …
qui n’arrêtons de faire des comparaisons …
Alors que seul l’amour compte …
Francis Cousin
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25ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)
Lecture : Matthieu 20, 1-16
Frères et sœurs,
Voilà au moins une page d’évangile qu’on ne peut pas soupçonner d’être adaptée ou adaptable à la mentalité contemporaine. Cela n’a rien à voir avec le célèbre slogan: « Travailler plus pour gagner plus ! » Le moins qu’on puisse dire est que c’est un démenti absolument formel et qu’il y a désaccord et incompatibilité radicale.
Cela dit, même si l’évangile nous invite à penser autrement, bon nombre de questions sont posées par ce texte. Nous les avons présentes à l’esprit. C’est quand même un peu étrange que Dieu – car vous l’avez reconnu, c’est bien le Père propriétaire, le maître de la vigne – se comporte de cette façon-là. En fait, qu’on le veuille ou non, il y a bien une justice. Quand on a travaillé douze heures – c’est le système horaire des Romains où la première heure est à six heures et la onzième est à dix-sept heures –, il est évident que c’est un peu plus fatigant et onéreux que quand on travaille simplement de dix-sept à dix-huit heures. C’est vrai qu’il y a là une injustice flagrante. On peut donc vraiment soupçonner Dieu, le maître de la vigne, d’arbitraire absolu. C’est d’ailleurs un soupçon qu’il pressent de la part des ouvriers qui réclament, car Il dit : « S’il me plaît de donner à ces derniers autant qu’à vous, pourquoi ne le ferai-je pas ? » Alors, Dieu est-Il l’arbitraire absolu ?
Il ne faut pas être dupe. Il y a eu beaucoup de commentaires de théologiens très avisés pour aller dans ce sens : l’évangile, la vérité du salut, ce que Dieu nous a révélé, vont nécessairement à rebrousse-poil de ce que nous pensons. Cette parabole est bien l’illustration radicale du paradoxe des chrétiens. Finalement, Dieu se plaît à semer la panique et le désordre dans ce qu’on croit devoir être l’ordre établi pour justifier un comportement arbitraire. Cela renvoie au bon larron qui a travaillé moins d’une heure et a obtenu le Royaume des cieux dans les dernières minutes de sa vie. Comme le disait Jean Chrysostome : le larron est un voleur, – à savoir sa philosophie –, il a volé jusqu’au bout puisqu’il a même volé le Royaume de Dieu. Le larron est la parfaite illustration de la parabole. Alors, faut-il se comporter de cette manière pour entrer le premier en gloire dans le Royaume de Dieu ? Reconnaissons quand même que le premier à être entré dans le ciel, c’est le larron, accompagné du Christ. Non seulement il a gagné sa place, mais il a gagné la première place avant tous les apôtres !
Le comportement de Dieu est-il l’arbitraire ? Cela peut encore conduire à une célèbre formule : « Pèche fortement mais crois plus fortement encore ». C’est l’arbitraire de Dieu qui finalement ne tiendrait pas compte de ce qu’on se soit donné du mal ou que l’on ait été pécheur. Tout le monde hérite du paradis et comme le dit la chanson : « On ira tous au paradis ». Laissons faire, laxisme absolu, plus d’effort ni de concentration sur les qualités et les exigences de la vie chrétienne, de toute façon, rendez-vous au point d’orgue !
Ce point de vue-là n’est pas défendable. Si Dieu a vraiment introduit l’arbitraire du comportement par rapport aux hommes, Il n’est pas juste et il y a quelque chose qui ne va pas. D’autre part, il faut bien reconnaître que dans la parabole, le comportement des ouvriers de la première heure, ceux qui ont bossé douze heures, leur récrimination n’est pas tout à fait fondée. La parabole est assez habile, on nous dit que le maître va voir les premiers ouvriers à six heures pour l’embauche et il leur dit : « Venez à ma vigne, je vous donnerai un denier« . Mais ensuite, la parabole se garde bien de dire à quel tarif les suivants sont embauchés. C’est un peu l’astuce de la parabole. Les autres ont été embauchés, c’est tout. Comme il n’y a pas de salaire convenu, on ne peut pas non plus trop récriminer. Il y a même des exégètes qui par souci de justice sociale ont dit : « C’est bien connu, ceux qui viennent travailler seulement en une heure abattent parfois plus de travail que ceux qui ont travaillé pendant douze heures ». Je n’irai pas jusque-là et cela m’étonnerait que la parabole ait eu cette teneur dans l’esprit de Jésus : plus on est embauché tard, plus il faudrait travailler vite pour réussir.
Toujours est-il qu’il est vrai que la récrimination des ouvriers de la première heure tombe un peu à plat. Sur quelle base de convention syndicale s’appuient-ils ? Aucune, puisque eux-mêmes ont leur dû et reçoivent ce qui était convenu. Le maître d’ailleurs ne se fait pas faute de le leur rappeler : « Je ne t’ai pas lésé« . Il n’a pas imposé des choses qui n’étaient pas convenues au préalable. Il a convenu avec eux d’un denier, c’est terminé !
Où est la pointe de la parabole ? Si les récriminations en fonction de la justice ne sont apparemment pas respectées, si d’autre part ce n’est pas arbitraire de la part de Dieu, où est la solution ? C’est pour cela que cette parabole est un peu délicate et difficile à interpréter.
Je crois que le fond du problème est à chercher ailleurs. « Pourquoi faut-il que tu regardes avec un œil jaloux parce que je suis bon ? » En fait, le maître, propriétaire de la vigne, fait à chacun, quels que soient les horaires, la grâce de venir travailler à la vigne. Par rapport au salaire, à la récompense, à la justice comprise au sens de la rétribution, il y a avant cela une convention préalable qui aujourd’hui n’existe plus dans les entreprises, à savoir le fait d’être invité à la vigne. La première chose, c’est l’invitation. Ce qui est fondamental, c’est la grâce qui est faite à toute heure de pouvoir venir travailler à la vigne. C’était cela le souci du maître, il aimerait pouvoir trouver tout de suite, dès le matin, tous ceux qui doivent travailler à la vigne. De fait, cela ne se passe pas exactement ainsi. Il suffit de regarder l’histoire du monde pour s’apercevoir que l’appel au salut retentit dans l’histoire. Cet appel a commencé avec Abraham et il continue. Nous ne sommes peut-être pas les ouvriers de la onzième heure, nous sommes peut-être ceux de trois heures ou de midi.
La première chose qu’il faut considérer, c’est la grâce par laquelle nous sommes appelés. Avant le système de rétribution induit par l’invitation, c’est l’invitation qui est première, le contrat de confiance avant la manière concrète de le réaliser par un salaire. C’est fondamental. Dans toutes les grandes décisions de notre vie, le contrat de confiance est la réalité première par rapport à la suite des modalités dans lesquelles il va être appliqué.
Voici la pointe de la parabole : quand les premiers appelés récriminent, que font-ils ? Ils n’ont pas vu la grâce qui était faite à leurs autres frères de venir eux aussi travailler à la vigne. Ils n’ont considéré le travail de la vigne que sous leur aspect personnel : c’est nous les premiers, c’est nous qui avons travaillé. Eux ? Ils ne sont rien ! La pointe de la cette parabole, c’est le moment où les ouvriers disent au maître : « Nous sommes les vrais ouvriers, eux, ce ne sont pas des vrais. Ils sont venus trois heures, neuf heures, une heure, ils ne sont rien ». Le péché des ouvriers à travers la récrimination, c’est de considérer qu’il y a une catégorie d’hommes qui ne compterait pas, qui ne serait pas très sérieux. A ce moment-là, ce sont les ouvriers de la première heure qui créent la rupture et la séparation entre eux et les autres. C’est comme s’ils disaient au maître : « Il n’y a que nous qui avons le droit au salaire. Les autres, Tu les as appelés mais bien après nous et ce n’est pas sérieux ».
Ce problème est fondamental, c’est celui de l’élection au sens théologique du terme, le fait d’être appelés. Est-on appelé par souci de se distinguer des autres, de se mettre dans la différence avec les autres et de créer la rupture ? La religion elle-même devient alors l’occasion d’une séparation et d’une rupture. Ou bien au contraire, quand on voit les autres qui sont appelés, même plus tard, on devrait avoir le réflexe de se réjouir en disant : « Nous avions été appelés, mais c’est magnifique que d’autres soient aussi appelés plus tard ! »
Frères et sœurs, cette parabole est traditionnellement comprise comme le rapport d’Israël avec la mission auprès des païens. C’est vrai que dans les premières communautés il y a eu des problèmes de cet ordre. Peut-être qu’un certain nombre d’interprètes stricts de la Loi disaient : « Cela fait douze heures que nous avons travaillé sous la Loi, depuis Abraham et Moïse et les autres, vous les dispensez de la circoncision, des observances etc. ? » Et pourtant, l’Église avec la Parole de son Seigneur a dit : « C’est ainsi. Si les païens sont appelés, on n’a pas à les regarder de loin ou de haut, ils sont appelés et la grâce vaut pour eux comme pour nous ». A aucun moment la perspective religieuse que l’on a ne peut justifier une coupure à l’intérieur de l’humanité.
Rendons-nous compte de ce qu’impliquent la profondeur et l’exigence de cette parabole. Elle veut dire que toute la tradition, aussi bien juive que chrétienne, présente la foi et la relation avec Dieu comme un don, une grâce. Cela ne permet en aucun cas que la grâce et la religion créent une coupure à l’intérieur de l’humanité. Même si pour l’instant il y a des gens qui ne sont pas encore appelés, cela ne justifie pas de la part de ceux qui sont appelés de les traiter comme s’ils n’étaient « rien » parce qu’ils ne sont pas croyants ou qu’ils n’ont pas répondu à l’appel.
Frères et sœurs, il y a là quelque chose pour nous aujourd’hui d’absolument fondamental. C’est vrai qu’il faut tenir que l’appel que nous avons reçu exige que nous soyons véritablement des membres qui travaillons à la vigne de Dieu, que nous portions le poids du jour et de la chaleur si effectivement depuis l’enfance nous avons été baptisés. Mais en même temps, cette grâce, ce travail à la vigne ne nous donnent aucune supériorité, aucun motif de nous couper et de nous considérer comme supérieurs aux autres. Les autres sont potentiellement appelés, ils le restent et si nous ne les regardons pas comme ceux qui doivent aussi toucher le dernier la résurrection, alors c’est nous qui cassons tout le plan de Dieu sur sa vigne, la vendange, la récolte et tout simplement le bonheur de se retrouver ensemble dans cette vigne. Amen.
Audience Générale du Mercredi 13 Septembre 2017
PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 13 Septembre 2017
Frères et sœurs, de tout cœur, je remercie le Seigneur pour mon Voyage apostolique en Colombie. « Faisons le premier pas », en a été la devise, en référence au processus de réconciliation que la Colombie vit après un demi-siècle de conflit interne. J’ai voulu bénir l’effort de ce peuple et recevoir son témoignage qui est une richesse pour mon ministère et pour toute l’Eglise. Il est évident que le Malin a voulu diviser ce peuple, pour détruire l’œuvre de Dieu. Mais il est tout aussi évident que l’amour du Christ, son infinie miséricorde est plus forte que le péché et la mort. Ainsi, la béatification de deux martyrs a rappelé que la paix est surtout fondée sur le sang de tant de témoins de l’amour, de la vérité, de la justice. « Miséricorde et vérité se rencontrent / Justice et paix s’embrassent » (Ps. 85,4). Quand les chrétiens s’engagent jusqu’au bout sur le chemin de la suite du Christ, ils deviennent vraiment sel, lumière et levain dans le monde. C’est l’exemple donné par saint Pierre Claver, apôtre des esclaves, qui a montré la voie de la véritable révolution, évangélique et non pas idéologique, qui libère les personnes et la société de tous les esclavages, avec le Christ et grâce à Lui. Alors, avec l’aide de Marie, que chaque colombien puisse faire le premier pas pour construire la paix dans l’amour, la justice et la vérité.
Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de France, du Congo, et en particulier les membres du Comité Inter Diocésain du Sénégal avec Mgr Mamba, Evêque de Ziguinchor. Que la Vierge Marie nous aide, nous aussi, à faire chaque jour le premier pas pour construire ensemble la paix dans l’amour, la justice et la vérité. Que Dieu vous bénisse !
24ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)
Frères et sœurs,
La parole qui nous a été donnée aujourd’hui dans l’évangile est une parole de miséricorde et de pardon. C’est cette parabole d’un serviteur qui devait à son maître une grande somme. Le maître lui en fait remise, mais ensuite, lorsque ce serviteur a rencontré un de ses débiteurs sur le chemin, alors même qu’il venait d’être acquitté de sa dette, il va jusqu’à faire enfermer ce débiteur qui lui devait beaucoup moins. Par ce geste, il a encouru la colère et le châtiment de celui qui lui avait auparavant remis sa dette. Les termes de la parabole sont clairs. Le premier, le Maître qui pardonne à son serviteur, c’est Dieu. Le serviteur à qui est remise la dette si importante, c’est chacun de nous. Le troisième personnage, c’est le prochain à qui nous devons pardonner et faire miséricorde parce que le Seigneur Dieu nous a Lui-même fait miséricorde. Seulement, il s’agit de bien entendre ce que signifie le pardon.
En effet, nous avons une si curieuse appréhension de notre vie chrétienne que nous pensons qu’elle comporte plusieurs degrés. Il y aurait d’abord l’amour du prochain, ceux que nous aimons bien ; puis un peu d’amour pour ceux qui nous sont indifférents, puis très peu d’amour pour ceux que nous ne connaissons pas et enfin pas du tout pour ceux qui ne nous aiment pas. Ou plutôt on admet un degré extrême qui est une sorte d’idéal proposé par le Christ à chacun de nous et qui est censé manifester une sorte de supériorité de la foi chrétienne sur les autres religions. C’est que nous, chrétiens, nous allons jusqu’au pardon des offenses et qu’ainsi, le pardon serait cette espèce de prouesse exceptionnelle que les chrétiens doivent manifester de temps en temps vis-à-vis de ceux qui leur ont fait du mal. Ou encore, nous avons une compréhension du pardon qui elle, serait beaucoup plus psychologique : le pardon vu comme une sorte de lâcheté, le fait de pardonner consistant simplement à passer l’éponge sur telle ou telle offense, à oublier et ne plus tenir compte, à « faire comme si rien ne s’était passé » et à laisser passer tel ou tel évènement par profits et pertes. Dans un cas comme dans l’autre, je crois que le sens de la miséricorde et du pardon est un sens purement humain. C’est soit une prouesse morale mais humaine, soit une faiblesse morale mais également humaine. Dans un cas comme dans l’autre on ne voit pas pourquoi Dieu se serait dérangé pour venir nous enseigner cela.
C’est que, pour comprendre la vérité même du pardon, il faut la saisir à partir de la manière dont l’homme a été voulu et créé par Dieu. Dès les premières pages de la Genèse, nous savons que l’homme a été créé à l’image de Dieu et que cette image ne passera jamais. Même si l’homme pèche, il reste au plus profond de lui-même image de Dieu, une image ternie, abîmée et dépouillée, mais une image quand même. Or cette image de Dieu qui, au sixième jour de la création, sort des mains de Dieu, c’est l’homme devant lequel s’émerveille tout l’Ancien Testament, l’homme qui reflète la gloire de Dieu, l’homme fait pour vivre dans l’amitié de Dieu, dans l’amour et dans la joie d’un amour partagé. Mais voilà que l’homme a renoncé à vivre ainsi. L’homme a renoncé à partager l’amour de Dieu et il a pris l’initiative de ce que nous appelons le péché, c’est-à-dire d’abîmer cette image de Dieu.
Et une des conséquences de ce péché, est d’avoir, en quelque sorte, contraint l’amour de Dieu à être pardon et miséricorde. Certes, depuis toujours cet amour, si j’ose dire, de la part de Dieu était capable de miséricorde. Mais, à partir du moment où nous avons repoussé cet amour merveilleux que Dieu nous a offert, nous avons contraint Dieu à être pour nous miséricorde et pardon. Non pas un pardon qui laisse les choses aller, mais un pardon qui n’a qu’une envie, c’est de ressusciter et de renouveler, de l’intérieur, ce qui a été défiguré.
A partir de ce moment-là, la miséricorde et le pardon de Dieu sont une source sans cesse jaillissante qui empêche, jour après jour, que le monde ne s’écroule sous la pression de la haine, de la violence et du péché. Ainsi cette miséricorde de Dieu, à laquelle nous l’avons contraint, c’est le monde nouveau dans lequel nous prenons vie. Dieu est miséricorde et pardon parce que nous l’y avons contraint. Mais c’est l’imagination extraordinaire de Dieu, que, voulant nous sauver, Il ait voulu retourner en nous l’image et la restaurer pleinement. Il l’a restaurée non seulement en nous donnant d’aimer, mais Il l’a restaurée en nous donnant d’aimer comme Lui nous aime. Parce qu’Il est devenu un amour miséricordieux et qui pardonne, voici que nous-mêmes nous sommes « contraints » à devenir miséricorde, à devenir un amour qui pardonne. Et désormais, nous aussi, nous sommes pris au jeu. Dieu nous contraint à la miséricorde si nous voulons vraiment vivre à son image et à sa ressemblance. Le pardon et la miséricorde ne sont donc pas quelque chose de facultatif, une prouesse qu’on arriverait à faire de temps en temps, mais ils constituent la véritable et unique manière dont nous devons nous situer toujours les uns par rapport aux autres. Si nous voulons vraiment, intimement, refléter la gloire de Dieu et l’amour de Dieu qui pardonne, nous ne pouvons être que miséricorde. Et c’est ainsi que nous devons être, les uns avec les autres, devenant source de grâce et d’espérance les uns pour les autres.
C’est extrêmement difficile à vivre et ce n’est pas sans problème, mais c’est fondamental pour notre existence de chrétiens. Si nous ne sommes pas des chrétiens qui pardonnons, nous ne sommes pas des chrétiens.
Je sais toute la difficulté qu’il y a à vivre ainsi aujourd’hui. Nous vivons, plus que jamais, dans un monde qui méconnaît au plus profond de son cœur, la réalité de cette image de Dieu, comme amour de pardon et comme miséricorde. C’est une raison supplémentaire pour nous, qui avons reçu par notre baptême la grâce de la miséricorde, d’en témoigner au milieu des pires violences, au milieu des situations les plus déconcertantes, les plus absurdes. Il faut que nous sachions que la seule chose qui réponde à la violence c’est la vérité du pardon qui n’est ni lâcheté, ni prouesse morale extraordinaire, mais qui est le resplendissement de la gloire miséricordieuse de Dieu sur notre monde déchiré. Amen.
24ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin
Évangile selon Saint Matthieu 18, 21-35