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Audience Générale du Mercredi 25 Octobre 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 25 Octobre
  2017


Frères et sœurs, « Paradis » est l’une des dernières paroles de Jésus sur la croix, adressée au bon larron. Au Calvaire, Jésus atteint le sommet de sa solidarité avec nous pécheurs. Et c’est là qu’il a son ultime rendez-vous avec un pécheur pour lui ouvrir, à lui aussi, les portes de son Royaume. C’est à un « pauvre diable » que Jésus promet le paradis, à quelqu’un qui n’avait rien, mais qui se confie à lui. Une humble parole de repentir suffit pour toucher le cœur de Jésus. Devant Dieu, nous nous présentons tous les mains vides. Chaque fois qu’un homme découvre que ses manques dépassent de beaucoup ses œuvres bonnes, il ne doit pas se décourager, mais se confier à la miséricorde de Dieu. Il est Père et jusqu’au bout il attend notre retour. Le paradis est le lieu de la tendresse de Dieu. Jésus nous y introduit avec le bien que nous avons fait dans notre vie et avec tout ce qui en nous a encore besoin d’être racheté. Le but de notre existence c’est que tout s’accomplisse et soit transformé en amour. Si nous croyons cela, la mort ne nous fera plus peur et nous pourrons partir de ce monde sereinement et avec confiance. Celui qui a connu Jésus ne craint plus rien.

Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones, venant de Suisse, de Belgique et de France, en particulier les pèlerins de Coutances, Bayeux-Lisieux et Saint-Flour accompagnés de leurs évêques, ainsi que l’aumônerie Tamoule Indienne de France. Chers amis, je vous invite à mettre toute votre confiance dans la miséricorde et la tendresse de Dieu pour chacun et chacune de vous. Il n’abandonne jamais ses enfants.  Que Dieu vous bénisse !

 

 




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Claude WON FAH HIN

30e dimanche ordinaire – Matthieu 22 34–40

 

 

Jésus vient de fermer la bouche aux sadducéens. Les sadducéens, moins zélés que les pharisiens mais leur rival pour le pouvoir religieux, se sont tournés davantage vers la politique. Par opposition aux pharisiens, très attachés à la tradition orale, ils rejetaient toute tradition autre que la Loi écrite. Ils se recrutaient dans les grandes familles sacerdotales, donc très religieux, et voilà que Jésus vient de fermer leur bouche. Jésus n’a pas eu peur d’affronter directement les responsables religieux de l’époque, incapables de diriger convenablement le peuple de Dieu. Il n’hésite pas à rabrouer même ses disciples quand ils se comportent mal, comme il a agi avec Pierre en lui disant (Mt 16,23) : « Passe derrière-moi Satan » et cela, sans chercher à savoir s’il était susceptible ou non. Certains des disciples de Dieu qui nuisent au bon fonctionnement de l’Église, comme les pharisiens, les sadducéens, Jésus les a combattus, tout comme aujourd’hui, l’Église n’a pas hésité à excommunier certaines personnes qui font du tort à l’Église. La désobéissance à la hiérarchie ecclésiastique, pour un catholique, n’est rien d’autre qu’une manière de se révolter contre la volonté de Dieu, car celui qui a reçu le sacrement de l’ordre est le représentant de Dieu. Ainsi en Bolivie, Catalina Rivas, une mystique stigmatisée, dans ses visions pendant une messe présidée par l’Archevêque, raconte : « Lorsqu’il éleva l’Hostie, j’ai vu ses mains et le dos de ses mains. Il avait des marques desquelles émanait une grande lumière. C’était Jésus ! C’était Lui qui enveloppait le célébrant de son Corps comme s’il enveloppait amoureusement les mains de l’Archevêque » (« Visions de Catalina pendant la messe »).

Les personnes désobéissantes à la hiérarchie sont toujours aimées de Dieu, même s’Il n’approuve pas leurs actes. Il n’attend cependant que leur conversion et leur adhésion totale à l’enseignement de Jésus-Christ et donc à la hiérarchie de l’Église puisque l’Église a été fondée par Jésus lui-même.  Les excommuniés ont la possibilité de revenir au catholicisme selon des règles bien établies.

Suite aux sadducéens, voici maintenant les pharisiens qui essaient de piéger Jésus. Un de leurs spécialistes posent à Jésus la question : « Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi? ». A l’époque, ils avaient disséqué la Loi et avaient répertorié 613 préceptes dont 365 interdictions (des actes à ne pas faire) et 248 commandements (actes à faire). Non seulement, eux-mêmes n’arrivaient pas à respecter tous ces préceptes, mais en plus ils alourdissaient le fardeau de chacun, d’où ces paroles de Jésus Mt 23,3-4 : « 3 faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes (= ne faites pas comme eux): car ils disent et ne font pas. 4 Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt ». Et Jésus va résumer tous ces préceptes en seulement deux commandements : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : 38 voilà le plus grand et le premier commandement. 39 Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes ». Les deux commandements commencent par « Tu aimeras ». Il n’a jamais été dit : « Tu dois chercher à te faire aimer ou bien tu feras tout pour être aimé ». C’est le contraire : même si tu n’es pas aimé, tu dois aimer. Ensuite, il y a « aimer » et « aimer ». Il y a ceux qui aiment le monde avec cette tendance continuelle à chercher la grandeur et l’estime en sa propre faveur, une recherche continuelle et secrète de son propre plaisir et de son propre intérêt, parfois de manière grossière et visible aux yeux de tous, et parfois de manière fine, trompeuse, discrète. Grignion de Monfort [76] nous dit qu’une personne qui aime le monde est une personne qui ne cherche qu’à se couvrir des apparences de chrétien et de personne honnête, sans se mettre beaucoup en peine de plaire à Dieu ». C’est ainsi que dans certaines sectes, l’accueil est très chaleureux, et même trop chaleureux pour être vrai, authentique. Il faut bien attirer les gens et on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Nous, nous nous basons sur la parole de Dieu et sur l’attitude du Christ. Il ne s’agit pas d’aimer le monde pour en tirer un profit, quel qu’il soit, pour soi-même, ou pour un groupe. [200] « Il faut, nous dit Grignion de Monfort, tant qu’on peut, fuir les compagnies des hommes, non seulement celles des mondains, qui sont pernicieuses ou dangereuses, mais même celles des personnes dévotes, lorsqu’elles sont inutiles et qu’on y perd son temps. Celui qui veut devenir sage et parfait doit mettre en exécution ces trois paroles dorées que la Sagesse éternelle dit à saint Arsène : « Fuyez, cachez-vous, taisez-vous!» Fuyez tant que vous pourrez les compagnies des hommes ». Si vous avez une mission, accomplissez-la du mieux que vous pouvez, puis fuyez pour prier. Et il ajoute : [194] La Sagesse, dit le Saint-Esprit, ne se trouve point chez ceux qui vivent à leur aise, qui donnent à leurs passions et à leurs sens tout ce qu’ils dési­rent. Car ceux qui marchent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu. [195] Ne vous imaginez pas que cette Sagesse, plus pure que les rayons du soleil, entre dans une âme et un corps souillés par les plaisirs des sens. Ne croyez pas qu’elle donne son repos, sa paix ineffable, à ceux qui aiment les compagnies et les vanités du monde ».

Jésus nous envoie dans le monde pour l’aider à se tourner vers Dieu. Tout amour véritable, pour qui que ce soit, vient de Dieu et doit nous faire tourner vers Dieu, et c’est parce que nous puisons notre amour en Dieu que nous finissons par aimer véritablement le monde selon la volonté de Dieu et non pas à la manière des hommes. Voici ce que dit Saint Thérèse d’Avila : « Lorsque Dieu montre à une âme ce qu’est le monde et le peu qu’il vaut, la différence qu’il y a entre les deux, l’éternité de l’un, le songe rapide de l’autre ( ou l’illusion temporelle de l’autre); lorsqu’il lui dévoile ce que c’est que d’aimer le Créateur, ou la créature; lorsque l’âme connaît cela, par son intelligence, par sa foi, mais aussi par sa propre expérience, ce qui est bien différent; lorsqu’elle voit … ce qu’elle gagne à aimer le Créateur, ce qu’elle perd à aimer la créature (c’est-à-dire bien peu de choses), ce qu’est l’un, ce qu’est l’autre, …alors l’âme aime d’une manière beaucoup plus parfaite que celles qui ne sont pas élevées à cet état. L’âme éclairée de la sorte possède un amour purement spirituel. Les âmes que Dieu élève à cet état sont des âmes généreuses, des âmes royales. Elles ne mettent point leur bonheur à aimer quelque chose d’aussi misérable que nos corps, dont la beauté et la grâce, cependant, peuvent bien plaire à leurs yeux, et dont elles loueront le Créateur. Mais s’y arrêter… cela non. Il leur semblerait ainsi s’attacher à des choses sans poids (sans aucune importance) et chérir une ombre; ces âmes élevées dans la connaissance de l’amour de Dieu et du monde auraient honte d’elles-mêmes et n’oseraient pas, sans être remplies de confusion, dire à Dieu qu’elles l’aiment. Mais me direz-vous, ces personnes ne sauront pas aimer, ni payer de retour l’amour qu’on leur porte. Du moins, vous répondrai-je, il leur importe peu qu’on les aime…. il y a un profond aveuglement à vouloir être aimé des autres. En effet, si nous dési­rons l’affection du prochain, nous y recherchons tou­jours quelque intérêt ou une satisfaction personnelle. Les personnes (qui aiment Dieu véritablement) ont déjà foulé aux pieds tous les biens et tous les plaisirs que le monde peut leur procurer. Leur joie est de telle nature qu’elles ne peuvent les goûter qu’en Dieu ou dans des entretiens où l’on parle de Dieu. Quel profit peuvent-elles donc retirer à être aimé ? Dès qu’elles se rappellent cette vérité, elles rient d’elles- mêmes, et de la peine qu’elles ont éprouvée jadis quand elles se demandaient si leur amour était oui ou non payé de retour. Mais, quoique notre amour soit bon, il nous est très naturel de désirer être aimés. Or, lorsque vous venez à recevoir ce retour d’amour, de reconnaissance, d’être aimé en retour, vous reconnaissez qu’elle n’est qu’une paille légère; tout cela n’est que de l’air; ce sont des atomes que le vent emporte. Lorsqu’on nous a beaucoup aimés, que nous en reste-t-il ? (Autrement dit, l’amour des hommes envers soi-même semble bien peu de choses quand on connaît l’amour de Dieu). Aussi, ceux dont je parle ne se soucient pas plus d’être aimés que de ne l’être pas, …Ces personnes-là, (me) direz-vous, n’aiment donc et ne savent aimer personne si ce n’est Dieu? Je réponds qu’ils (les) aiment beaucoup plus: leur amour est plus vrai, plus ardent et plus utile; enfin, c’est de l’amour. Ils sont plus portés à donner qu’à recevoir; telle est leur disposition à l’égard du Créateur lui-même ». Ce qui compte c’est d’aimer et non pas de se faire aimer ou de chercher à être aimé. L’amour reçu du monde, les reconnaissances, l’attention qu’on vous porte sont bien peu de choses parce qu’on est tourné soi-même vers Dieu, et cela suffit, on a besoin de rien d’autre. Dieu seul suffit. Et pourtant, à cause de cet amour véritable entre Dieu et soi-même, on aimera encore bien plus les gens que l’on côtoie tous les jours, sans rien attendre d’eux en retour. « Aimer Dieu » donne à la personne qui aime, une grande liberté de vie : elle vit Dieu, elle pense Dieu, elle respire Dieu. Son âme peut alors connaître la paix pendant des années. A partir de là, tout le reste lui est supportable, sans même jamais chercher à se plaindre, bien qu’elle ait toujours les mêmes problèmes qu’avant d’aimer Dieu. Ce qui a changé en cette personne, c’est sa façon de voir la vie, et elle réglera ses problèmes de tous jours avec un autre regard, avec beaucoup de patience, de compréhension, avec une paix intérieure qui peut durer aussi longtemps qu’elle reste unie au Christ. Aimer ce n’est pas être aimé. Lorsqu’on dit qu’« aimer c’est tout donner », on n’a jamais dit que c’est pour mieux recevoir, mais bien donner gratuitement, sans arrière-pensée, sans rien attendre en retour et c’est tout le contraire de ceux qui donnent peu en espérant recevoir beaucoup. Cela s’appelle du calcul grossier, indigne du chrétien. On ne triche pas avec Dieu. Apprenons à aimer. Et c’est en regardant le Christ, le Christ dans sa Passion, qu’on apprend à aimer. Les lois divines sont toujours des lois d’amour. Appliquons-les, avec la grâce de Dieu et l’aide de Marie.




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,

de toute ton âme et de tout ton esprit ».

Nous ne sommes ni comme les pharisiens ni comme les sadducéens. Nous n’avons pas envie d’embarrasser Jésus, car en ce qui concerne la Loi et le résumé de la Loi, nous n’avons pas d’hésitation. Nous sommes sûrs que ce commandement que nous venons d’entendre et celui qui lui est semblable « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », sont les deux piliers de la Loi, de notre vie chrétienne : cela nous paraît absolument évident. C’est pourquoi je ne puis pas faire mieux qu’un commentaire littéral, presque grammatical, au moins du premier commandement. De fait, nous croyons si bien connaître ces commandements qu’en réalité nous en perdons toute la saveur, c’est-à-dire toute la sagesse. Veuillez donc me pardonner s’il s’agit d’un commentaire mot à mot.

« Tu aimeras ». Nous pensons toujours : « il faut qu’on aime », mais c’est : « Tu aimeras ». Cette injonction nous est adressée à chacun d’entre nous personnellement. Ce n’est pas une vérité générale de la philanthropie humaine signifiant que « quand tout le monde s’aide, personne ne se tue ». C’est vrai, mais ce n’est pas précisément comme cela que c’est formulé. Ce n’est pas non plus : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » ! C’est : « Tu aimeras ». Il s’agit du fondement radicalement personnel de notre relation, soit avec Dieu, soit avec les autres. On ne peut pas sortir du fait d’avoir été interpellé chacun personnellement. Mais que signifie le verbe « aimer » au futur ? Nous croyons que cela veut dire simplement : « Il faut aimer », une sorte d’obligation ou de programme de vie. Ce n’est pas exact. Chez nous, le futur, c’est le programme de ce que nous allons faire et, d’une certaine manière, ce serait bien commode si nous comprenions ce commandement comme un futur. Cela voudrait dire : « Nous aimerons plus tard, pour l’instant profitons de la vie et nous verrons plus tard ». Mais précisément l’hébreu a un temps spécial des verbes pour dire autre chose et nous sommes obligés, faute de mieux, de nous rabattre sur le futur. Ce temps : « Tu aimeras », en réalité, veut dire : « Tu aimes en plénitude, de façon accomplie, de façon plénière et totale ». Quelle audace ! C’est tellement audacieux que, nous-mêmes, nous essayons d’instaurer un délai : « Tu aimeras ». Pourtant, par cette Parole, Dieu dit à chacun d’entre nous : « Tu aimes de façon accomplie et définitive, tu aimes totalement ». Or, comment Dieu peut-Il dire une chose pareille ? Ça crève les yeux que ce n’est pas vrai, ça crève les yeux que nous n’aimons pas, et surtout que nous n’aimons pas en plénitude. Alors pourquoi Dieu nous dit-Il cette chose si radicale : « Tu aimes et tu aimes de façon plénière » ? Précisément en hébreu, ce temps est utilisé parfois pour dire que ce qui va se passer n’est pas tout à fait notre œuvre et que ce sera l’œuvre de Dieu. L’expression « Tu aimeras » veut dire : « Dieu va te donner » ou plus exactement : « Dieu te donne d’aimer, Dieu te donne d’être quelqu’un en t’appelant, toi, et en même temps qu’Il t’appelle, toi, et c’est tout un, Il te donne d’aimer ». Autrement dit, si on suit rigoureusement la logique de cette Parole de Dieu, c’est en même temps qu’Il nous donne d’exister et d’aimer parfaitement..

Dès lors, c’est le problème du péché qui est posé, lequel n’est rien d’autre que la pédale de frein qui entrave l’action créatrice de Dieu. Alors que Dieu veut nous donner un dynamisme et un élan, nous sommes là avec notre inertie à freiner des quatre fers pour empêcher que, chez nous, « exister » et « aimer » disent la même chose. Pourtant notre A.D.N. spirituel, c’est que « exister = aimer » ; l’homme, comme toutes les créatures spirituelles, est bâti de telle sorte que le programme génétique profond de l’existence humaine consiste à aimer. Et c’est pour cette raison que ces commandements ne sont pas simplement des ordres ou des lois, ils sont très exactement la traduction à l’état pur de ce qu’est l’homme comme créature de Dieu : exister est l’équivalent d’aimer.

« De tout ton cœur » : l’amour, on n’y peut rien, inclut toujours le cœur c’est-à-dire l’affection, et sur ce point il y aurait déjà bien des choses à dire. « De tout ton cœur », c’est-à-dire :« Si tu veux exister en aimant, il faut qu’il y ait tout ton cœur qui aime ». Vous connaissez l’histoire célèbre de la brave dame qui avait des pauvres et qui leur disait : « Ah ! Mes chers amis, ce n’est pas pour vous que je donne quelque chose, ni pour vous aider, mais c’est pour le Bon Dieu ! » C’est comme si elle avait dit : « Ne croyez surtout pas que je vous aime, en réalité, vous ne m’intéressez pas, mais ce qui m’intéresse c’est moi et ces bonnes œuvres que je crois pouvoir présenter à Dieu ». Hélas ! Ce réflexe, de façon beaucoup plus subtile et camouflée souvent, est très fréquent dans notre vie de chrétiens.

Je ne sais pas si c’est à cause de Freud, mais l’affectivité est une réalité qui généralement fait peur. Or l’affectivité est un des dynamismes fondamentaux de notre existence humaine, c’est la volonté et le désir dont parlaient les théologiens du Moyen Âge. Le désir est ce qui vous rend fondamentalement différents des animaux. Les animaux n’ont pas de désirs, ils ont des besoins. Car quand un animal a tété sa mère, il a satisfait son besoin, il ne demande rien de plus. Quand un enfant a simplement reçu à manger, on a peut-être satisfait son besoin, mais on n’a pas calmé son désir d’enfant qui est d’être aimé et d’avoir une relation affective avec sa mère. Le désir trace en nous une ouverture sur quelque chose d’infini, d’illimité, et quand le Christ dit que notre existence est une existence d’amour de tout notre cœur, Il désigne exactement cette aspiration du désir qui n’est pas simplement d’aimer pour satisfaire des besoins, mais pour laisser s’éveiller en nous un désir, qui est un des premiers pressentiments de notre destination à Dieu. Car notre désir ne serait pas si grand, il ne serait pas infini s’il ne nous portait pas vers Quelqu’un qui est Lui-même infini. La première signature de l’œuvre créatrice de Dieu en nous, hommes existant pour aimer, c’est le désir que nous avons d’aimer. Quand nous lisons cette phrase : « Tu aimeras de tout ton cœur », nous voyons qu’il est impossible et insensé de faire l’impasse du désir dans l’amour. Et c’est une erreur de croire que la seule chose valable du point de vue chrétien, ce soit d’aimer contre ses désirs. Bien entendu, il y a désir et désir et cela ne dispense pas de la lucidité et du discernement. Mais le fait de vouloir dissocier radicalement l’amour de Dieu de cette force fondamentale du désir qui est en nous, c’est sûrement mutiler l’homme et l’empêcher d’accomplir cet appel et cette vocation que Dieu lui adresse.

« Tu aimeras Dieu de toute ton âme ». Ici il faut bien comprendre le mot « âme ». L’âme ne désigne pas cette partie spirituelle par laquelle nous pensons ou nous rêvons. L’âme, c’est la puissance qui nous fait vivre, qui fait que nous sommes des vivants. Là encore à certains moments, que de comportements prétendument chrétiens sont des comportements d’anesthésiés sinon de quasi morts ! Ici il faudrait laisser la parole à Nietzsche pour lui laisser dire ce qu’il avait sur le cœur vis-à-vis d’une certaine morale chrétienne à laquelle il reprochait de passer son temps à tuer systématiquement la vie, à faire que les manifestations les plus élémentaires de la vie, par exemple, la joie d’être ensemble, le bonheur de vivre et d’aimer, toutes ces expressions de l’âme comme puissance vitale de l’homme, étaient mutilées, châtrées par une espèce de code de fausse éducation, de fausse morale qui ne cessent jamais de ressurgir à tout moment. La vie, ce n’est pas de rester « coincé » dans son coin, la vie, c’est de laisser grandir et s’épanouir toutes ses possibilités de rencontre, de communion, de bonheur que l’homme porte en lui. Et si on ne vit pas avec cela, alors nous sommes effectivement déjà morts. Et ce n’est pas la résurrection du Christ qui pourra nous ressusciter dans ce cas-là !

La troisième exigence est formelle aussi : « Tu aimeras de tout ton esprit ». Et sur ce chapitre, combien il y aurait de choses à dire ! Aimer avec son esprit, c’est-à-dire avec son intelligence. Car l’amour exige l’intelligence. Vous savez, il y a souvent une différence radicale entre les intellectuels et les gens intelligents. Les intellectuels peuvent être intelligents, et là c’est un grand bonheur de les fréquenter. Mais quand ils ne le sont pas, leur intelligence ressemble à un moulin à café qui prend le café en gros grains et qui le passe à la moulinette pour le ressortir en grains plus fins. Vous me direz : « Ça sert toujours à faire le café », mais ce n’est pas pour cela que Dieu nous a donné une intelligence. L’intelligence, c’est une capacité de compréhension immédiate de la réalité qui est en face de nous et surtout de cette réalité qui est en face de nous et qui est l’autre, qui est Dieu ou qui est l’homme. Aimer de tout son esprit, c’est découvrir en nous, au plus intime de notre intelligence, que nous sommes ordonnés aux autres, non pas pour en devenir des esclaves, bien que le Christ ait accepté Lui-même de devenir esclave de ses frères, mais d’abord pour développer ce sens profond d’être avec l’autre, à son écoute, à son éveil, à son attente. Cette finesse du cœur qui fait que l’on entend chez l’autre la joie ou le désir d’aimer et d’être aimé, cette finesse de l’intelligence qui fait que l’on est capable de devancer l’autre dans son désir. Dieu ne nous demande-t-Il pas cela ? Lui qui, dans son renoncement, nous a devancés infiniment au-delà de nos désirs.

Voilà donc ce que veut dire : « Tu aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta vie et de tout ton esprit ». C’est le programme qui est tracé aujourd’hui pour chacun d’entre nous à travers notre existence baptismale. C’est le programme par lequel nous devenons des amis de Dieu, non pas des gens qui suivent scrupuleusement un code par peur de « rater » des examens, mais des gens qui ont reçu au cœur cette force d’aimer dans le désir, cette vitalité de l’âme qui fait vivre et cette intelligence qui nous permet de deviner la profondeur du regard de Dieu et du regard des autres sur nous. Et c’est à travers cet appel à aimer Dieu ainsi que nous pouvons exister aujourd’hui comme chrétiens, comme Église, comme fils de Dieu, comme baptisés. Amen.




30ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 22, 34-40

 

« Quel est le grand commandement ? »

 Il est difficile de savoir quelle était la pensée de ce docteur de la loi qui pose cette question à Jésus. D’autant qu’il voulait le mettre à l’épreuve.

S’attendait-il à ce que Jésus lui donne l’un des 613 commandements que les pharisiens avaient définis pour être « en règle » avec la loi de Moïse ? A un devoir à accomplir ?

Ce n’est pas la réponse de Jésus.

Il ne répond pas par un devoir, une action à faire, mais par une attitude du cœur que nous devons avoir, et qui est la base même de l’humanité.

Les humains ont été créés par Dieu par amour, « homme et femme il les créa », semblables et différents, pour qu’ils puissent vivre de cet amour, avec cet amour, et pour que cet amour soit à la base de toutes leurs rencontres avec les autres, avec Dieu avec qui les premiers hommes pouvaient converser naturellement, et avec les autres hommes.

La « loi d’amour » est déjà écrite dès la création du monde.

Mais ensuite, il y a eu de la part des hommes la volonté de s’affranchir de Dieu (avec l’aide active du démon), de vouloir se prendre en charge eux-mêmes, indépendamment de Dieu ;

Jésus est venu « réinitialiser » l’alliance que Dieu avait faite avec les premiers hommes, alliance réitérée ensuite avec Noé, Abraham, Moïse … rappelée par les prophètes … et que Jésus synthétise, non pas dans un seul commandement comme attendu, mais en deux commandements qu’il met au même niveau : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même

L’amour de Dieu de la part des hommes dans tout ce qu’ils sont : cœur, âme, esprit, c’est-à-dire dans leur nature humaine, biologique, dans le surnaturel, et dans la pensée, la sagesse ; et l’amour des autres comme nous-mêmes. Ce qui revient à un seul commandement : le commandement de l’amour dans les deux aspects de la transcendance et de l’immanence humaine, dans les dimensions verticale et horizontale, dans ce que ’le signe de la Croix’ ne cesse de nous rappeler.

Cette alliance a toujours été respectée du côté de Dieu … mais pas du côté des hommes …

Nous savons tous combien il est difficile d’aimer Dieu et les hommes, d’aimer Dieu à travers les hommes, d’aimer les hommes pour pouvoir aimer Dieu. (« Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » 1 Jn 4,20).

Saint Paul, dans la deuxième lecture, nous donne le chemin à suivre : « Vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus … ». Conversion, service, espérance.

Se détourner de nos idoles : souvent nous ne les appelons pas comme cela, mais c’est ce qu’elles sont : l’argent, le bien-être, la réussite (vis-à-vis des hommes), le pouvoir …, la violence, les guerres …, toutes ces choses dont on se dit qu’on ne peut rien faire contre, qu’on accepte de facto, parce qu’on se sent impuissant face à elles …

Une fois qu’on a quitté nos idoles, on peut se mettre au service des autres, on peut espérer sans se mentir …

Aimer.

« Il suffit d’aimer », comme le disait le titre d’un film sur sainte Bernadette et Notre-Dame de Lourdes.

Aimer comme Jésus. Aimer tout le monde, et pas seulement ceux qui pensent comme nous : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5,44).

Bien sûr, tout cela nous semble impossible, à nous les humains. Mais avec l’aide de Dieu, tout est possible, « car rien n’est impossible à Dieu. » (Lc 1,37).

Retournons-nous vers lui !

Seigneur Jésus,

tu nous as donné l’amour

que tu as reçus de ton Père,

et tu nous demandes de redonner cet amour

à Dieu et à nos frères,

un amour sans limite,

envers tous, même ceux qu’on n’aime pas.

Aimer. Toujours aimer.

Comme Dieu nous aime.

 

Francis Cousin                     

               

          

              

Pour accéder à une prière illustrée, cliquer sur le titre suivant : Prière dim ord A 30° A6

Si vous désirez une illustration du texte d’évangile commenté ce jour cliquer sur le lien suivant :  Parole d’évangile semaine 17-44




Audience Générale du Mercredi 18 Octobre 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 18 Octobre
  2017


Frères et sœurs, aujourd’hui je vous parlerai de l’espérance chrétienne devant la mort. De nos jours, la mort est une réalité que notre civilisation moderne tend toujours plus à cacher, alors que les hommes d’autrefois la regardaient en face. La mort nous fait découvrir notre néant, elle révèle nos manques d’amour, la vanité de notre orgueil ; par contre, elle met en lumière le bien que nous avons semé. Jésus a éclairé le mystère de la mort lorsque, pleurant son ami Lazare, il le fait sortir du tombeau. La Parole que Jésus dit à Marthe : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Crois-tu cela ? », il nous la redit chaque fois que la mort vient déchirer le tissu de notre vie et de nos affections. Nous sommes faibles et sans défense devant la mort ; mais c’est une grande grâce, en cet instant ultime, que de garder la foi. Voilà notre espérance. Elle ouvre grand une porte devant nous : Jésus nous prendra par la main et nous dira à nous aussi : relève-toi !

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes des collèges et lycées venus de France ainsi que les personnes venues de Suisse.

Lorsque nos vies connaissent des épreuves et des deuils, Jésus nous dit à nous aussi : « Je suis la résurrection et la vie ».  Je prie pour que votre pèlerinage à Rome vous aide à garder dans votre cœur la flamme de la foi et de l’espérance.

Que Dieu vous bénisse.

 

 

 




29ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 22, 15-21

 

« Rendez à César ce qui est à César,

et à Dieu ce qui est à Dieu. »

 

Certains ont voulu voir dans cette affirmation de Jésus une volonté de séparation entre ce qu’on appelle le domaine temporel et le domaine spirituel. Et c’est une idée qui prend de plus en plus d’importance.

Nous vivons dans un monde où certains voudraient que le monde politique soit totalement séparé du Royaume des Cieux ou de l’Église, un monde où on voudrait opposer la vie publique et la vie privée, la vie communautaire et la vie personnelle, la vie sociale et la vie spirituelle.

Or c’est impossible ! On ne le peut pas, aussi bien personnellement, pour chacun, que collectivement, pour la paroisse ou l’Église.

Parce que chacun d’entre nous vit sa vie privée à l’intérieur de la vie publique, avec d’autres personnes, et que notre foi doit rejaillir dans tout ce que nous faisons, c’est-à-dire y compris ce que nous faisons avec ceux qui ne croient pas en Dieu, ou à notre Dieu.

Il en est de même pour notre vie communautaire, en paroisse ou en mouvements. Elle se vit aussi dans l’espace public, et on ne peut rester côte à côte comme des « chiens de faïence », sans se parler ou faire des choses ensemble. Nous sommes obligés de travailler avec les autres, pour les autres, y compris avec ceux qui représentent le fonctionnement du monde : les hommes politiques, les élus, les administrations.

Combien de paroisses du diocèse ont mis en place des « groupes » de solidarité, ouverts à tous, parfois même mis en place conjointement par la paroisse et la commune, utilisant les locaux de la paroisse, et tous travaillant en lien avec les Caisses Communales d’Actions Sociales …

Combien de mouvements s’occupent de personnes en difficulté, des chômeurs, des drogués, des alcooliques, des personnes en perte de repères, des personnes seules, des familles quelques soient leurs « liens » … y compris des mouvements classés comme « mouvement en prière » !

Le Secours Catholique aide les personnes en difficulté qui viennent les voir, mais ne demande pas leur certificat de baptême … et son action est reconnue par les pouvoirs publics puisque beaucoup de CCAS y envoient des personnes, et que depuis quelques années les bénévoles sont invités à participer au défilé du 14 juillet.

De même les écoles catholiques et les aumôneries … qui acceptent ceux qui viennent les voir, et qui cheminent avec eux, remplissant leurs rôles formels mais étant aussi des témoins et des missionnaires vis-à-vis de ceux qui ne croient pas à notre Dieu.

On ne peut pas, et on ne doit pas, vivre côte à côte sur des chemins parallèles. Cela ne peut pas exister, parce qu’il y a trop d’interconnections, de points communs, de carrefours entre le monde ‘public’ et le monde catholique. D’autant que parmi les hommes (femmes) politiques il y a des catholiques, que dans les administrations publiques il y a des catholiques … Nous ne pouvons pas vivre les uns sans les autres.

Ce qui ne veut pas dire que nous devons accepter n’importe quoi, histoire de ne pas ’’froisser’’ ceux qui ne pensent pas comme nous.

Parce que pour nous, Dieu est premier. Comme le disait sainte Jeanne d’Arc : « Messire Dieu, premier servi ». Et on pourrait reprendre pour chacun de nous les paroles de saint Paul dans la deuxième lecture, en les mettant sous forme impérative : « Que votre foi soit active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tienne bon en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence de Dieu notre Père … avec la puissance, l’action du Saint-Esprit. ».

Ce qui nous oblige parfois à affirmer notre différence, comme par exemple pour dire notre opposition à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) non médicale, mais de confort, pour avoir droit à un enfant même si c’est impossible biologiquement … Pour dire notre opposition à la Grossesse Pour Autrui (GPA) parce que c’est réduire un enfant à une marchandise qui se paye, au lieu d’être le fruit d’un amour de deux personnes complémentaires … Pour dire notre opposition à l’avortement et à l’euthanasie parce que c’est supprimer une vie …

Et dire cela, et il faut le dire haut et fort, c’est aussi d’une certaine manière être missionnaire … et c’est important de la rappeler en cette fin de semaine missionnaire !

Seigneur Jésus,

si ta phrase peut surprendre,

elle ne veut pas dire qu’il n’y a aucun lien

entre le monde de César et celui de ton Père.

On peut vivre dans le monde

sans être du monde.

L’important est de mettre Dieu en premier

pour le bien de tous.

 

Francis Cousin                     

          

              

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Audience Générale du Mercredi 11 Octobre 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 11 Octobre
  2017


Frères et sœurs, je voudrais aborder le thème de l’attente vigilante, l’une des dimensions de l’espérance. Jésus nous appelle à ne jamais baisser la garde pour accueillir avec reconnaissance et étonnement chaque jour nouveau que Dieu nous donne. En effet, si nous sommes déjà sauvés par la rédemption de Jésus, nous attendons ce moment, ce « rendez-vous » où Dieu sera tout en tous. Le chrétien sait que dans la monotonie de certains jours se cache toujours un mystère de grâce. Ainsi, aucune situation ne demeure complètement réfractaire à l’amour, si nous restons unis à Jésus. De fait, après avoir connu Jésus, nous ne pouvons pas faire autrement que de scruter l’histoire avec confiance et espérance, dans l’attente de son retour. Car la volonté de Dieu est claire : « il veut que tous les hommes soient sauvés et accèdent à la connaissance de la vérité » (1 Tm. 2,4). De ce point de vue, la résignation n’est pas une vertu chrétienne. Jésus nous recommande ainsi de l’attendre sans rester les bras croisés. Alors, répétons cette invocation des premiers disciples : « Viens Seigneur Jésus » (Ap. 22,20) et, dans la prière, entendons la voix du Seigneur nous répondre : « Voici, je viens sans tarder » (Ap. 22,7).

Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de France, de Suisse, du Canada et de République Centrafricaine. Que le doux et puissant souvenir du Christ nous aide à rester vigilants dans l’espérance, attentifs à sa parole. Que Dieu vous bénisse !

 

 

 




28ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

On ne met pas Dieu dans son agenda

 

Ce qui est étonnant dans cette parabole, c’est son côté extrêmement contrasté. A la fois, elle est faite de délicatesse et d’insistance de la part de Dieu. C’est Lui, le Roi, qui donne un festin pour les noces de son Fils, c’est Lui qui prépare la banquet, c’est Lui qui prend soin des invitations, Il n’envoie pas de cartons, mais des serviteurs auprès des invités pour obtenir leur réponse. C’est Lui qui pousse la délicatesse jusqu’à fournir la tenue nuptiale à tous ceux qui participent au festin, c’est Lui qui se donne la peine de venir dans la grande salle du festin et de passer à travers les rangs pour saluer les invités. Voilà pour le côté positif auquel nous sommes sensibles.

Mais il y a un autre côté qui nous semble terriblement dur : ce roi, qui par ailleurs est si délicat, quand il voit les premiers invités qui n’ont pas accepté l’invitation et ont tué ses serviteurs a agi avec rigueur, il envoie ses troupes pour détruire les villes et raser les maisons de ceux qui ont refusé. C’est objectivement juste et mérité, mais son attitude nous paraît dure. Et par ailleurs, il est intraitable sur le protocole puisque celui qui ne porte pas la tenue souhaitée est immédiatement jeté dans les ténèbres extérieures.

Il y a donc le mélange d’une très grande bonté et délicatesse, et d’une très grande exigence qui se traduit par la vengeance. C’est pourquoi cette parabole nous intrigue. On comprend que Dieu irrite les hommes, on comprend qu’il n’y ait que Lui qui puisse nous combler d’un festin, mais au fond de nous-mêmes, nous sommes tellement « accommodants », tellement habitués à ce qu’on ne réponde pas à nos invitations, nous avons de telles complicités avec l’indifférence qu’on a envie de se plaindre devant ce maître dont les invitations sont si pressantes que si l’on n’y répond pas c’est la peine de mort à coup sûr.

Il faut donc essayer de retrouver la manière dont le Christ nous parle du Royaume de Dieu : le Royaume de Dieu est une affaire d’invitation. Et je crains que nous ne le comprenions pas. En effet, il existe un petit ouvrage fondamental pour comprendre la mentalité de notre époque, un petit livre répandu chaque année à des millions d’exemplaires qu’on appelle un agenda. Dieu agit à notre égard en nous envoyant des invitations, et nous, nous gérons notre vie et nous l’organisons au moyen d’un agenda, ce qui fait que généralement nous ne comprenions rien au Royaume de Dieu.

En effet, Dieu veut que nous soyons invités. Invités, cela veut dire, lors d’une rencontre avec quelqu’un, se proposer soi-même à la rencontre. Mais si l’on se propose soi-même à la rencontre, le partenaire invité doit y venir lui-même. Que voulez-vous, on n’arrivera jamais à mettre le temps d’un repas de noces entre deux séances de travail, ou entre deux rendez-vous. Ce n’est pas possible. Pour aller à la noce, il faut du temps, il faut avoir du temps à donner. Il faut du loisir et de la gratuité dans le cœur qui nous permettent d’être vraiment à la noce, et non pas d’y assister. Or, c’est précisément le sens de la parabole.

Dieu invite, c’est-à-dire qu’Il se propose Lui-même comme hôte, Il ne nourrit pas, Il invite à la noce. Il n’organise pas notre temps, Il invite. Alors que nous, nous comprenons son invitation sur le même mode que le reste de nos occupations. De même que nous avons un champ, un commerce, nos affaires et nos soucis, eh bien, de même il faut ajouter à cette panoplie de « choses à faire », une chose supplémentaire qui est de répondre aux invitations.

Or, ce n’est pas du tout sur ce plan qu’il faut situer l’invitation de Dieu. Nous-mêmes nous ne vivons pas d’abord spontanément dans l’ordre de la relation personnelle, à cause de notre péché, la plupart du temps nous envisageons tout à partir de nos disponibilités, de notre temps, de notre capacité d’agir, nous calculons et nous mesurons en fonction de ce que nous pouvons faire pour les autres et avec les autres. Et dès lors, nous nous formons effectivement un sens de la vie qui devient de plus en plus fonctionnel, de plus en plus mesuré, alors que ce que Dieu veut, ce pourquoi Il nous a créés, c’est d’abord le mystère et la joie de la relation personnelle. Tout amour est essentiellement fondé sur ce roc, et si l’on ne vit pas un amour, et déjà un amour humain, de cette manière, il est sûr qu’à un moment ou à un autre, il risque de s’effondrer ou d’être brisé : si ce n’est pas le mystère de l’autre qui nous passionne, si ce n’est pas l’autre en tant qu’il est là, qu’il est lui, que trouverez-vous qui soit capable de satisfaire et de rassasier vraiment notre cœur ? Si nous n’essayons pas en vérité, au plus intime de nous-mêmes, de découvrir quel est le secret de l’autre, de celui qu’on aime, que croyez-vous pouvoir récolter ? Ce qu’il est capable de faire ? Mais il le fait plus ou moins bien, et nous savons bien que nous sommes tous pécheurs. Telle ou telle qualité qu’il a ou qu’elle a ? Mais cela ne dure pas toujours, nous connaissons bien notre fragilité. Alors, si nous n’essayons pas de remonter au secret intime de chaque personne qui jaillit dans sa spontanéité et sa liberté, dans son désir de rencontrer, nous ne rencontrons rien et nous ne moissonnons que du vent. C’est pourquoi le comportement du Maître est si net dans cette parabole, si l’on n’a pas répondu à l’invitation, que voulez-vous qu’il reste ? Il ne nous reste rien que la mort. Si l’on n’a pas découvert le mystère de Dieu dans sa personne, que voulez-vous que nous rencontrions au jour de notre mort ? Simplement quelques œuvres méritoires que nous traînerons au fond de nos poches, mais n’est-ce pas dérisoire ? Au cours de votre vie, si vous n’avez pas traité Dieu comme une affaire religieuse, que voulez-vous que nous ayons à porter dans notre cœur ? Rien du tout, un peu « d’occupation », pour nos passe-temps dominicaux, c’est si peu de chose même si on calcule au quart d’heure près la durée des offices. Si vraiment nous n’avons pas essayé de saisir ce regard de Dieu sur nous, et ce cœur de Dieu tel qu’il se propose à nous, que trouverons-nous ? Quelques grandes idées généreuses de philanthropie et de fraternité universelle qui sont proclamées à tous les coins de rue et qui n’ont jamais rien changé à la misère du monde.

Frères et sœurs, c’est cela être invité. C’est n’être pas plein de soi, ou plein de temps à donner, ou plein de générosité à manifester, c’est être en quête d’un trésor, le trésor de la seule personne qui nous aime vraiment, le trésor du cœur de Dieu. Et c’est pourquoi si nous ne sommes pas revêtus du trésor de la grâce qu’est la robe nuptiale, comment voulez-vous que nous participions à la noce ? Ce pauvre homme que dans un premier mouvement de pitié romantique nous plaignons, parce que nous avons l’impression qu’il est mis brutalement dehors, en réalité, il était le seul à ne pas être revêtu de Dieu, c’est-à-dire qu’il assistait simplement à la noce pour manger mais non pour se réjouir de la joie des convives et le fait qu’il soit jeté dehors n’est que la sanction et la manifestation de ce qu’il était déjà dedans. Ainsi, la seule question qui se pose à nous est de savoir si nous voulons vraiment être invités par Dieu, et si le but de notre vie, c’est Dieu en personne. Si ce n’est pas cela, notre vie n’est que du vent, et nous ne vivons que pour la mort. Si Dieu n’est que l’objet de nos générosités, si Dieu n’est pas l’objet d’une sorte d’amour fasciné et fascinant, ce n’est qu’une occupation de plus dans l’agenda de nos activités, et une réalité fort encombrante, vis-à-vis de laquelle nous nous sentons toujours en porte-à-faux.

Voilà le sens de l’invitation qui nous est adressée : c’est Dieu, et Dieu en personne, non pas quelque chose autour de Lui ou quelque chose autour de nous mais Dieu Lui-même. Maintenant, nous sommes invités chaque fois que nous célébrons l’eucharistie ou que nous recevons le corps et le sang du Christ, c’est-à-dire Dieu Lui-même. La plupart du temps nous le faisons dans l’inconscience. Peut-être que pour nous aujourd’hui, c’est le moment de savoir si oui ou non, nous savons qui nous invite et comment Il nous invite. Amen.




28ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 22, 1-14

 

« Mon ami, comment es-tu entré ici ? »

 

Les lectures de ce jour sont plutôt portées sur les repas, et quels repas : des festins.

Isaïe parle d’un festin préparés par Dieu « sur sa montagne », le lieu de la rencontre avec lui, sous-entendu dans son Royaume, avec des viandes succulentes et de bons vins. Mais surtout, il fera disparaître le voile du deuil, de la mort ; il essuiera les larmes.

Et le psaume nous fait dire de Dieu : « Tu prépares la table pour moi,… J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. ».

Alors on pense à l’Apocalypse : « Je vis la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendais du ciel d’auprès de Dieu … Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car l’ancien monde s’en est allé. » (Ap 21, 2.4).

Et dans l’Évangile, Jésus nous parle d’un festin de noces.

Pour aller à un festin, généralement, il faut y avoir été invité. Et on se prépare : on s’habille en dimanche, on ne mange pas trop auparavant pour avoir faim …

Dans le cas du festin Royaume des Cieux, là aussi il faut se préparer, et suivre la Parole de Dieu, de Jésus dans l’Évangile, car on sait ce qui nous attend : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40), en bien ou en mal !

Dans l’Évangile, il est clair que le festin de noces représente l’accueil dans le Royaume de Dieu, le festin des noces de l’Agneau (cf Ap 19,7). Et les noces, le mariage du fils du roi, du Fils de Dieu, de Jésus avec … Ce n’est pas dit, mais avec tous ceux qui accepteront d’entrer, ou qui seront admis à entrer dans le Royaume de Dieu. Cette noce est l’Alliance entre Jésus et les hommes, entre Jésus et l’Église. « Heureux les invités au repas du Seigneur » qui préfigure le festin des noces de l’Agneau.

Dans la parabole, le roi demande à ses serviteurs d’appeler les invités. Qui sont-ils ? Peut-être Jésus pense-t-il aux grands-prêtres, aux pharisiens, mais certainement plus généralement à tous les juifs, au peuple d’Israël, le peuple de Dieu préparé pour entrer dans le Royaume de Cieux.

Ils refusent. Une seconde invitation : même chose, ils ont leurs propres préoccupations et se moquent du roi et de son fils, de Dieu et de Jésus.

Une noce sans invités, ce n’est pas possible ! Alors le roi, Dieu, invite tout le monde, sans discrimination, les bons, les mauvais, les riches, les pauvres, les estropiés, les mal-fagotés, … nous quoi !

Et la salle fut remplie !

Le roi était contant. Alors il va saluer les invités … et il en voit un qui n’a pas le vêtement de noce ! « Mon ami, comment es-tu entré ici ? ». Tous les gens qui sont là sont arrivés dans la salle en urgence, au débotté, comme ils étaient, sans se changer. Quel est donc ce vêtement de noce réclamé ? L’homme ne comprend pas et ne dit rien. Et il se fait jeter dehors.

Quel est donc ce vêtement de noce ? Quel est ce vêtement que Dieu nous demande d’avoir, nous tous, et de tout temps, et en tout temps ?

Ce vêtement n’est pas un vêtement au sens propre ! Car Dieu ne regarde pas l’apparence, mais le cœur. C’est la disposition d’esprit de répondre à l’amour de Dieu, d’accueillir Dieu qui m’appelle « Mon ami », de répondre à Dieu : « Toi aussi, tu es mon ami, et je t’aime ».

Et ce n’est pas toujours facile ! En parole, oui, … mais en acte ?

Pouvoir toujours dire à Dieu, « Je t’aime », ce n’est possible que si on accepte de se laisser vêtir de l’amour de Dieu, que si on peut dire comme saint Paul : « C’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20), que si on vit vraiment son baptême : « En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Gal 3,27).

Et c’est d’autant plus important pour nous, à chaque fois que nous allons communier, et que le prêtre nous dit : « Heureux les invités au repas du Seigneur ». On est bien conscient qu’on n’est pas digne de le recevoir, mais quand nous recevons le corps de Jésus dans nos mains, que notre « Oui » veuille dire en même temps « Seigneur, je t’aime ».

Le vêtement des noces de l’Agneau, c’est l’amour de Dieu qui vit en nous.

Seigneur Jésus,

Tu es tellement bon que tu nous invites tous

 à ton banquet de noce,

tels que nous sommes,

avec nos défauts et nos qualités.

Il n’y a qu’une condition :

que nous voulions vivre de ton amour.

Avec ton aide, je le pourrai.

 

Francis Cousin                     

          

              

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Audience Générale du Mercredi 4 Octobre 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 4 Octobre
  2017


Frères et sœurs, au début de ce mois consacré à la mission et en ce jour de la fête de saint François d’Assise, je parlerai sur le thème « Missionnaires de l’espérance aujourd’hui » ! La résurrection de Jésus a bouleversé l’esprit et le cœur de ses disciples. Jésus est retourné vers son Père parce qu’il veut que chaque être humain soit participant de sa résurrection. A la Pentecôte les disciples non seulement auront une bonne nouvelle à porter à tous, mais ils renaîtront en quelque sorte à une vie nouvelle. Jésus ne veut pas de disciples capables seulement de répéter des formules apprises par cœur, il veut des témoins, des personnes qui propagent l’espérance par leur façon d’accueillir, de sourire, d’aimer. Surtout d’aimer, parce que la force de la résurrection rend les chrétiens capables d’aimer même quand l’amour semble avoir perdu ses raisons d’être. C’est comme si les croyants étaient des personnes avec un « morceau de ciel » en plus sur la tête, accompagnés par une présence dont on ne peut même pas avoir l’intuition. Le vrai chrétien est convaincu que tout mal peut être vaincu par l’amour. Parfois les disciples paieront cher cette espérance donnée par Jésus. Les martyrs montrent que l’injustice n’a pas le dernier mot. Celui qui a le Christ à ses côtés ne craint plus rien.

Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française, en particulier au groupe du diocèse d’Avignon avec l’archevêque, Mgr Jean-Pierre Cattenoz, ainsi qu’aux pèlerins venus de France et de Suisse. En cette fête de saint François d’Assise, que le Seigneur vous donne d’être d’authentiques « missionnaires d’espérance » au milieu de vos frères et de vos sœurs ! Que Dieu vous bénisse !