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« Pas de vocations, à qui la faute ?  » (Fr Manuel Rivero O.P.)

Les vocations à la prêtrise et à la vie religieuse se raréfient. C’est avec tristesse que nous apprenons la fermeture de certains séminaires et de quelques couvents de religieuses qui ont marqué des générations de chrétiens.

À qui la faute ?

Nous pouvons nous demander : Dieu n’appelle-t-il pas aujourd’hui ?

Serait-ce que les hommes et les femmes sont trop pécheurs pour être appelés ?

Mais Dieu a appelé Moïse qui avait tué un Egyptien qui frappait l’un de ses frères juifs. Jésus a appelé Judas qui l’a vendu et Pierre qui l’a renié. Il a appelé Matthieu, voleur public, et Marie Madeleine, la femme habitée par sept démons.

Visiblement, ce ne sont pas les fautes des hommes qui arrêtent l’appel de Dieu.

Serait-ce que les hommes appelés étouffent leur vocation parce qu’ils préfèrent les ténèbres à la lumière à cause de leurs œuvres mauvaises ? C’est possible. Cela relève du mystère des consciences humaines que seul Dieu connaît.

Serait-ce que les mauvais exemples dans l’Église démotivent de manière viscérale ceux qui sont appelés à aimer Jésus, son Église et l’humanité ? Peut-être. Les scandales peuvent refroidir les cœurs mais parfois ils deviennent des défis à relever.

Nous voyons tous les jours de mauvais exemples et des scandales dans les familles et dans la vie des couples : mensonges, infidélités, manipulations, humiliations, violences physiques et psychologiques … Pourtant ni les hommes ni les femmes ne renoncent à aimer ni à croire que l’amour est possible et passionnant.

Où est alors le problème ?

Il me semble que la lumière à cette réponse se trouve dans les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité.

Il nous manque la foi. Ah, si nous avions la foi comme une graine de moutarde ! Nous ferions des merveilles.

Le nombre de pratiquants diminue parce que la foi s’éteint comme la flamme d’une bougie sans cire, faute de nourriture : la connaissance de la Parole de Dieu et la prière. La foi vient de la prédication, nous dit saint Paul. Pour renouveler l’Église, Dieu a appelé saint François et saint Dominique, prêcheurs de l’Évangile du Crucifié. Le peintre Giotto a représenté le rêve du pape Innocent III : l’Église s’écroulait et un petit frère, humble et pauvre, la soutenait. C’était François d’Assise. Innocent III devint alors le protecteur des Franciscains et des Dominicains.

Il nous manque l’amour. Le sage chinois Confucius au Vème siècle avant Jésus-Christ avait déjà remarqué que les hommes bons ne se retrouvent pas seuls. Leur bonté attire.

Ce sont les communautés chrétiennes, ferventes et fraternelles, qui attirent les vocations à la prêtrise et la vie religieuse.

Demandons au Seigneur d’augmenter notre foi et notre charité.

Ceux qui chérissent les chiffres et les statistiques découvrent que les vocations naissent souvent dans les familles chrétiennes qui prient et qui témoignent de la solidarité envers les pauvres.

Un grand nombre de séminaristes ont été servants de messe. Le service de l’autel et l’adoration du Saint-Sacrement rapprochent de Dieu.

Par ailleurs, le nombre de vocations à la prêtrise et à la vie religieuse a légèrement augmenté par rapport au nombre de pratiquants. Hier, il y avait plus de vocations parce que beaucoup plus de pratiquants. Aujourd’hui, les enfants et les jeunes sont rares dans nos églises le dimanche et par conséquent ils sont moins nombreux à devenir prêtres ou religieux.

Que faire concrètement ?

Le Seigneur Jésus nous a demandé de prier : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson » (Mt 9,38) . Alors, prions !

Si nous voulons que les enfants et les jeunes vivent la foi et la louange, nous devons aller les chercher là où ils sont ; ils ne viendront pas d’eux-mêmes, sauf exception dans nos églises. D’où l’importance d’accompagner les enfants et les jeunes dans nos paroisses, dans l’Enseignement catholique et public et dans les universités.

Si nous voulons que les familles soient des matrices aussi pour les vocations. Nous avons à soutenir le mariage et l’éducation des enfants alors que le concubinage devient la norme, le mariage rare, et que les enfants subissent trop souvent le traumatisme des conflits parentaux.

Si nous voulons des vocations, n’hésitons pas à appeler les jeunes et à leur proposer la voie de la sainteté.

L’Église est là pour aider chacun dans l’aventure la plus passionnante qui existe sur la terre : chercher Dieu, le trouver, le prier et le servir, pour partager son amour dans l’éternité, comme le dit le catéchisme.

Antoine de Saint-Exupéry (+1944) disait déjà en son temps que les églises se vidaient parce que les chrétiens ne savaient pas exalter le mystère chrétien. Mettons en valeur la foi en Jésus par nos pensées, nos sentiments, nos paroles et nos actes.

Que celui qui sent l’appel de Dieu dans son cœur ne l’étouffe pas. S’il pense qu’il en est indigne, il a bien raison, mais Jésus est digne de l’appeler. Qu’il se laisser guider par Jésus le Bon Berger ! Qu’il n’hésite pas à passer par Jésus, la Porte qui conduit à l’amour du Père.

Que celui qui estime honorer et rendre un grand service à l’Eglise en entrant au séminaire ou dans une congrégation, reste chez lui. L’Église n’a pas besoin d’hypocrites mais de pécheurs pardonnés, témoins de la miséricorde de Dieu et au service du Christ Jésus.

Le père Pedro Arrupe S.J. (+1991), ancien général de la Compagnie de Jésus, donnait déjà ce discernement dans une interview du journal L’Avvenire sur les conseils à donner à un jeune qui voudrait devenir jésuite : « Ne viens pas si tu penses aider la Compagnie »[1].

Chez saint François d’Assise, l’amour pour le Christ s’exprima de manière particulière dans l’adoration du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie. Dans les Sources franciscaines, on lit des expressions émouvantes, comme celle-ci: « Toute l’humanité a peur, l’univers tout entier a peur et le ciel exulte, lorsque sur l’autel, dans la main du prêtre, il y a le Christ, le Fils du Dieu vivant. O grâce merveilleuse! O fait humblement sublime, que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie ainsi au point de se cacher pour notre salut, sous une modeste forme de pain » (François d’Assise, Ecrits, Editrice Francescane, Padoue 2002, 401).

Vivons maintenant, grâce à la vocation des prêtres, ce grand mystère de l’eucharistie : Dieu en nous, nous en Dieu, pour ne que faire qu’un en Jésus ressuscité !

[1]Cf. Orar con el padre Arrupe, Selección y adaptación de los textos : José A. Garcia, S.J. Bilbao. Ediciones Mensajero. 2013, p. 133 : « Si piensas hacerte jesuita … No vengas si piensas hacer un favor a la Compañía ».

                                                                                               Fr Manuel Rivero (O.P.)




« Je vous prendrai près de moi afin que là où je suis, vous aussi vous soyez » (Jn 14,1-12 ; 5° Dimanche de Pâques – D. Jacques FOURNIER)…

Sa Passion approche… Jésus sait que face à ces évènements tragiques, ses disciples seront complètement désorientés, bouleversés… Alors il va leur parler longuement pour les encourager… Plus tard, ils se rappelleront ses paroles, et cela les aidera : « Je vous le dis maintenant avant que cela n’arrive, pour qu’au moment où cela arrivera, vous croyiez » (Jn 14,29). Aussi leur dit-il ici : « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi »… Mais il le sait bien, ils seront troublés ! Rien que de penser à tout ce qui va arriver, il l’est lui-même : « Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père glorifie ton nom ! » (Jn 12,27). Et c’est bien ainsi qu’il commencera sa prière juste avant d’être arrêté : « Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie » (Jn 17,1)… Mais si ses disciples prient, eux aussi, ils ne pourront que constater à quel point ce qu’il va leur dire est vrai…

Ces versets sont certainement parmi les plus beaux des Evangiles. Nous qui n’avons jamais vu Jésus dans sa chair, il nous promet ici qu’il est possible de le connaître, dans la foi certes, mais bien réellement, bien concrètement, dans une relation vivante que Lui-même rend possible et construit, jour après jour : « Je vais vous préparer une place. Et quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi afin que là où je suis, vous aussi vous soyez »…

Comment aller vers celui que nous ne voyons pas ? « Nous ne savons pas où tu vas, comment saurions-nous le chemin ? » lui dit Thomas… Heureusement, ce n’est pas à nous d’aller à lui, mais c’est d’abord Lui qui vient à nous et qui agit pour que, petit à petit, dans l’invisible de la foi, nous puissions reconnaître tout à la fois et sa Présence et son Action… Si nous y sommes attentifs, de tout cœur, alors nous pourrons dire avec St Jean : « ça », « c’est le Seigneur » (Jn 21,7)…

Certes, nous sommes dans l’insaisissable et l’invisible pour nos seuls sens matériels, corporels. Mais Jésus ne fait pas de promesses en l’air. Et avec Lui, paradoxalement, nous découvrons la réalité la plus forte et la plus dense qui soit cer elle concerne notre vie même… C’est ce qu’il déclare un peu plus loin en reprenant cette même promesse, et s’il se répète, s’il insiste, c’est pour nous aider à accueillir cette réalité si déconcertante – il n’y a rien à voir ! – mais en fait si simple, très simple, trop simple peut-être : « Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus ». De fait, il sera bientôt déposé dans un tombeau, et on roulera la pierre devant la porte… « Mais vous, vous me verrez car moi je vis et vous aussi vous vivrez » (Jn 14,18-19).

On peut noter qu’il n’a pas dit : « Vous me verrez » tout court… Non… Ce qui suit permet de préciser le sens qu’il donne à ce « vous me verrez ». La Bible de Jérusalem, pour l’exprimer tout de suite, a traduit : « Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi vous vivrez » (Jn 14,19). Autrement dit, il nous donnera de pouvoir prendre conscience qu’il est vivant… Mais comment ? En nous donnant tout simplement de vivre de sa vie : « Vous aussi, vous vivrez. » Autrement dit, c’est par ce que le Christ nous donnera de vivre que nous pourrons reconnaître qu’il est vivant… Telle est l’expérience de foi : vivre de la vie même de Jésus, une vie expérimentée, une Plénitude reconnue très concrètement dans la foi…

 

Tout ceci est son œuvre, et non la nôtre… Il s’agit donc de l’inviter dans son cœur et dans sa vie, de consentir à son action, jour après jour, de le laisser faire, et, dans cette attitude d’abandon, d’être attentifs à ce qu’il nous donne de vivre… Il n’est pas question de se regarder soi-même… Non, c’est tout le contraire : il s’agit d’ouvrir notre regard intérieur à un autre que nous-mêmes pour percevoir ce qui se révèle au cœur de notre vie, alors même que nous le vivons… Cette aventure nous engage tout entiers… Nous le chantons dans la liturgie : « Un cœur brûlé d’attention, les yeux tournés vers ton Mystère »…

Un des plus beaux témoignages qui soit est celui de Ste Thérèse de Lisieux, entrée au Carmel à quinze ans en 1888, décédée à 24 ans de cette tuberculose que l’on ne savait pas soigner à l’époque, et déclarée « Docteur de l’Eglise » par Jean Paul II en octobre 1997 : « La vie est bien mystérieuse », écrivait-elle dans son cahier avec un crayon de papier. « Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme ». Ce « je ne sais quoi », c’est la vie de Jésus qui se déploie dans les cœurs, sans bruit…

Et Jésus la met en œuvre, c’est encore Lui qui nous le dit, par une Troisième Personne divine, « l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo). Toute notre vie spirituelle, intérieure, est le fruit direct de son action en nous… Et il nous donne cette vie nouvelle en nous communiquant ce qu’il est lui-même de toute éternité, « Esprit » (Jn 4,24), un « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), et qui, donné, « vivifie » tous ceux et celles qui consentent à le recevoir (Jn 6,63 ; 2Co 3,6). Et cette Plénitude communiquée habite tout à la fois les cœurs du Père, du Fils et bien sûr du Saint Esprit dont toute la mission consiste justement à nous la communiquer (Jn 16,4b-15 (TOB)). C’est ainsi que tous les trois vivent de toute éternité dans « la communion d’un même Esprit » (2Co 13,13), « dans l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), vivant de la même vie, étant Lumière de la même Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), etc… En nous donnant cet « Esprit » qui est « vie », Jésus, par l’action de l’Esprit Saint, nous introduit nous aussi dans cette même communion. Certes, ici-bas, nous ne voyons rien de nos seuls yeux de chair, mais dans les cœurs, cette communion qu’il construit est bien réelle. C’est ce qu’il déclare juste après la phrase citée précédemment : « Ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et moi en vous et vous en moi » (Jn 14,20), « dans l’unité » d’un même « Esprit »… C’est « là » où est Jésus de toute éternité… C’est « là » où il veut nous introduire : « Quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi, vous soyez » (Jn 14,3). Et tout se fera « ce jour-là », une expression, précise en note la Bible de Jérusalem, qui « peut désigner ici tout le temps qui suivra la résurrection de Jésus », et donc cet « aujourd’hui » de l’Eglise qui est le nôtre, comme il le sera demain, et cela jusqu’à la fin des temps (cf. Hb 13,8)…

Et tout ceci n’est pas notre œuvre à nous, pécheurs blessés, fragiles et inconstants, mais l’œuvre de Dieu qui, Lui, est éternellement ce qu’il est : Amour Pur toujours offert pour notre seul bien… Nous sommes tombés ? Il nous relève… Souillés ? Il nous lave… Affaiblis ? Il nous fortifie… Enténébrés ? Il nous éclaire… et cela inlassablement, comme si c’était toujours la première fois ! Et c’est par son pardon, offert chaque jour en surabondance aux brebis continuellement blessées et si souvent perdues que nous sommes, que cette aventure peut se mettre en œuvre (Lc 15,4-7) :

« Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une, n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? Et, quand il l’a retrouvée », il la prend, « je vous prendrai près de moi » (Jn 14,3), et par le Don de l’Esprit Saint, « il la met, tout joyeux, sur ses épaules », avec lui, sur lui, et il la ramène « chez lui », « là où il est » (Jn 14,3), « dans cette maison du Père » (Jn 14,2) qui est aussi la sienne depuis toujours et pour toujours… Cette « maison », dont il est « le chemin » qui y mène (Jn 14,6) et « la porte » qui en donne accès (Jn 10,7-10) est aussi son « Royaume », un Royaume qui est Mystère de Communion dans l’unité d’un même Esprit (Rm 14,17)… C’est « là » où Ste Thérèse de Lisieux, dans son Carmel, avait reconnu « être » : « « Je ne vois pas bien ce que j’aurai de plus après la mort que je n’ai déjà en cette vie. Je verrai le Bon Dieu, c’est vrai ! Mais pour être avec Lui, j’y suis déjà tout à fait sur la terre »…

                                                                                        D. Jacques Fournier

 




« Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas … » (Jn 14,1-12 ; 5° Dimanche de Pâques – Francis COUSIN)

Un reproche de Jésus à ses disciples, … mais un reproche plein de tendresse et d’amour, mais qui montre malgré tout une certaine tristesse en ce soir du jeudi saint … la fin de la vie terrestre de Jésus est très proche, et les apôtres n’ont pas encore compris qui il est malgré trois ans passés avec lui …

Ils en restent à l’image physique de Jésus qui est là devant eux … et à un Père lointain qui est dans les cieux … différent de Jésus …

Pourtant, Jésus avait déjà parlé des liens étroits entre son Père et lui : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. » (Jn 5,19), « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. » (Jn 6,38), « Je ne suis pas venu de moi-même ; c’est lui (le Père) qui m’a envoyé. » (Jn 8,42), « Le Père et moi, nous sommes UN. » (Jn 10,30) …

Alors Jésus est encore plus clair : « Celui qui m’a vu a vu le Père (…) Je suis dans le Père et le Père est en moi ! », et pour bien insister, il reprend cette dernière phrase une deuxième fois.

Nous qui vivons maintenant, pouvons-nous voir le Père ? Non bien sûr, puisqu’il est un être spirituel …

Mais nous pouvons comme les apôtres le voir par l’intermédiaire de Jésus.

Vous allez dire : « Mais nous, on n’a jamais vu Jésus ! »

Sans doute, mais si nous croyons en Jésus, si nous croyonsqu’il est le Fils de Dieu, alors nous pouvons le voir, car croire, c’est voir.

Bien sûr, ce n’est pas une ’’vision’’ réelle, physique, touchable …

Ce n’est pas non plus une ’’vision’’ comme un rêve, irréelle …

Mais c’est une ’’vision’’, une ’’vue’’, une ’’image’’ qui se fait dans notre cœur, … une image qui commence à se former quand on entend parler de Jésus la première fois, pour certains il y a longtemps, pour d’autres moins, … et qui évolue petit à petit, au fur et à mesure que l’on apprend à connaître Jésus, …

– Par la lecture de son Évangile, connu par quatre récits qui présentent des différences, qui insistent sur un point plus que sur d’autres, qui donnent des renseignements qu’on ne trouve pas chez les autres, tout cela en fonction de la personnalité de l’auteur, de l’image qu’il avait lui-même de Jésus, et en fonction de la communauté à laquelle il s’adresse …

– Par la prière, cette rencontre entre nous et Dieu, nous et Jésus, nous et l’Esprit, nous et Marie, Joseph, et … qu’elle soit personnelle ou collective …

– Par les sacrements qui sont une rencontre forte entre chaque personne et l’une des personnes de la Trinité …

– Par les témoignages que l’on peut recevoir, qu’ils soient écrits, oraux, factuels, artistiques (peintures, chants, danses, films …) …

Et qui se terminera avec ’’notre’’ vision au moment où nous seront au bout du chemin de notre vie, le chemin de Jésus, quand nous arriverons à la porte du Paradis …

C’est seulement alors que nous pourrons … ou pas … comparer notre ’’image’’ de Jésus avec ce qu’il est en réalité …

Et, à mon avis, on sera vraiment en dessous de la ’’réalité’’ …

Cette image de Jésus, dans la foi, en notre cœur, est une image personnelle. Chacun a la sienne, et sans doute il n’y en a pas deux pareilles. Elle dépend de l’histoire de notre vie, spirituelle, mais aussi notre vie humaine, avec tous ses aspects, familiaux, économiques, sociaux, politiques ; tout ce qui fait ce que nous sommes.

Et quelle que soit la manière dont nous ’’voyons’’ l’image de Jésus, nous sommes capables de reconnaître l’image de Jésus quand elle se fait voir, principalement dans les œuvres d’arts :

– en peinture : l’image de Jésus n’est pas la même chez Philippe de Champaigne, Rembrandt, Utrillo, Chagall, Arcabas, ou chez Hé Qi, mais on le reconnaît toujours … et on le reconnaît aussi quand il s’agit d’une caricature outrageante …

– en musique : Bach n’est pas Mozart, Gianadda n’est pas Gelineau ou Glorious …

– en sculpture : l’art roman est différent de l’art gothique, de l’art de la Renaissance ou de l’art contemporain …

– en poésie : Rimbaud ou Verlaine ne sont pas Marie Noël ; ou en littérature Victor Hugo n’est pas Amélie Nothomb …

Mais cette image que nous avons dans notre cœur se fait voir aussi dans nos propres actions, dans la manière que nous avons de voir et d’agir avec les autres : les petits, les humbles, les pauvres, ceux qui ont besoin d’aide, et ceux qui pensent qu’ils n’ont jamais besoin d’aide ou de Dieu …

Et la manière dont nous vivons de Jésus peut aussi être, et est même, un témoignage pour les autres, et modifier l’image qu’ils ont de Jésus, en bien … ou en mal …

On ne se rend souvent pas compte à quel point notre façon d’agir est un témoignage ou un contre-témoignagevis-à-vis de Jésus.

Seigneur Jésus,

nous vivons souvent

sans faire vraiment attention

à l’importance de notre foi

dans nos manières d’agir,

à l’image que nous donnons de toi

pour les autres.

Fais que nous y soyons attentifs.

 

                                                                                           Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim Pâques A 5°




« Voici l’homme ! » De l’homme « crustacé » à l’homme qui protège et fait grandir la vie (Fr Manuel Rivero O.P.)

« Voici l’homme !» (Jn 19,5), s’était exclamé Pilate le Vendredi saint. Il ne pensait pas si bien dire. Couronné d’épines, son corps déchiré par les coups de fouet des soldats romains, Jésus manifeste la puissance fidèle de Dieu dans l’amour et la vérité.

« Voici l’homme ! » Cette déclaration prophétique de Pilate interpelle l’homme contemporain. Qu’est-ce qu’un homme ? Où se trouve la grandeur de l’homme ? Tout au long de l’histoire de l’humanité, les peuples ont célébré les héros qui ont versé leur sang pour Dieu, pour la patrie, pour défendre la justice et les faibles … L’Église célèbre avec éclat ses martyrs. Le plus grand des martyrs est Jésus, le témoin fidèle de Dieu.

Pilate a eu raison de dire à la foule « Voici l’homme ! » En effet, Jésus est l’homme parfait qui a donné sa vie pour sauver l’humanité.

Le philosophe français, Blaise Pascal (1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger [1]».  La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie.

La femme a connu des évolutions et des révolutions qui ont modifié considérablement son statut social et sa mentalité. Elle ne votait pas, maintenant elle assume les plus hautes responsabilités dans l’État. Elle restait souvent à la maison accomplissant un véritable labeur de gestion et d’éducation des enfants, maintenant elle assume et le travail professionnel et la prise en charge de la maison et des enfants. Elle dépendait de l’homme dans sa vie sexuelle et pour la maternité, maintenant elle décide d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants et de gérer sa sexualité sans lien direct avec la maternité. Il arrive que l’homme demande dans le couple à avoir un enfant et la femme refuse. La femme peut aussi vivre la maternité sans mener une existence conjugale par les techniques artificielles de fécondation. Il arrive que des femmes déclarent ouvertement : « Nous allons prendre le pouvoir. »

En revanche, l’homme continue son travail, sa vie sexuelle et sa participation à la politique comme les siècles précédents.

Il ne se passe pas un jour sans que les moyens de communication sociale racontent des faits de violence conjugale qui peuvent aller jusqu’au meurtre.

Comment dépasser les rapports de domination qui ne conduisent qu’au malheur ? Comment harmoniser les relations homme et femme et sur quelles valeurs ? En quoi consiste le pouvoir et la force ? Quel est le but de l’existence ?

Ces questions ne sont pas inutiles. Elles s’avèrent même indispensables.

Quel est l’image de l’homme aujourd’hui ? Quelle est son identité ?

La publicité et les films nous montrent un idéal masculin qui repose sur l’avoir : des richesses, le pouvoir, la musculation, des tatouages, des vêtements et des voitures de luxe … Tout cela constitue des moyens. Les médias exaltent aussi l’image de l’homme séducteur, fêtard, avec la mentalité d’un adolescent qui ne s’engage pas et qui critique tout sans construire grand-chose. Parmi ces exemples, il y a James Bond. Image affligeante d’un irresponsable stérile.

Où se trouve donc le sens de la vie de l’homme ?

« Voici l’homme ! » Jésus représente la perfection de la masculinité, pleinement homme et pleinement Dieu. Jésus est l’homme qui est allé le plus loin dans l’amour des autres parce qu’il est allé le plus loin dans sa relation à Dieu le Père. Comme la croix comporte une dimension verticale vers le Ciel et une dimension horizontale, ainsi l’homme trouve son équilibre et sa perfection dans la relation verticale avec Dieu et dans la relation horizontale avec ses frères et ses sœurs en humanité.

Le saint pape Jean Paul II nous a donné une belle formule pour le mystère de Jésus qui éclaire le mystère de tout homme : « Jésus est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme. » (Ecclesia in America, n° 67). L’homme a une vocation à partager la vie de Dieu et à protéger la vie du prochain.

Le philosophe italien Jules Evola a parlé de l’homme « crustacé » pour évoquer la dureté extérieure et la mollesse intérieure qui peuvent menacer l’homme. D’ailleurs, plus l’homme sent sa faiblesse et plus il fait montre de force et l’inverse. Comme dit le proverbe : « Dis-moi de quoi tu te vantes et je te dirai ce qui te manque ! ».

Il convient de parler de la virilité spirituelle, de cette force d’âme au service de la vie sans peur ni mollesse. D’ailleurs la virilité spirituelle est vécue par des femmes qui aiment de manière désintéressée en faisant face à de nombreuses épreuves et souffrances pour protéger la vie.

L’homme aime les défis que ce soit dans le sport, dans la politique, dans l’économie ou dans l’amour. Aujourd’hui, l’homme à un défi à relever pour harmoniser les relations familiales dans la force de l’amour et de la vérité.

L’historien anglais Arnold Joseph Toynbee (1975), après avoir étudié l’histoire des civilisations, est arrivé à la conclusion que les civilisations naissent en réponse à un défi. Des « minorités créatrices » apportent alors une vision et elles conçoivent des plans d’action pour l’ensemble de la société. Les civilisations déclinent quand le défi disparaît. D’où sa phrase lapidaire : « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre. »

L’Église catholique a aussi un défi à relever dans la pastorale des hommes. Ils sont rares dans les églises par rapport au nombre de femmes. Pourquoi ? Pour quel motif les hommes ne sont-ils pas attirés par la prière communautaire et la catéchèse ? Faut-il renouveler la pastorale et la spiritualité masculine ?

Dans son Exhortation apostolique catholique aux hommes, mes fils spirituels du diocèse de Phoenix , datée du 29 septembre 2015, Monseigneur Thomas J. Olmsted, évêque de Phoenix (États-Unis), analyse l’évolution de l’identité masculine et il propose des pistes pour un renouveau de l’évangélisation de l’homme et de sa mission dans l’Église.

Chaque diocèse gagnerait à contextualiser la réflexion sur le plan local.

Les jeunes garçons ont besoin de « tuteurs » pour grandir dans la droiture aussi bien dans les quartiers que dans les paroisses.

Certaines activités peuvent être vécus entre hommes. Nous avons des exemples dans le pèlerinage des pères de famille, ou dans le cycle de formation biblique à l’île Maurice « Jésus, vrai homme ».

Il faudrait aussi travailler l’image de l’homme dans le cœur des femmes et des enfants. Je me souviens de cet enfant qui disait en catéchèse, probablement en reprenant des propos de sa mère : « Les hommes, on n’en a pas besoin ! » Déclaration qui renvoyait à des souffrances : alcoolisme, irresponsabilité, violences, infidélité …

Des études statiques récentes en Martinique signalaient que 60% d’enfants grandissaient sans père. L’absence du père a des conséquences négatives profondes sur l’enfant. La mère doit accomplir les rôles du père et de la mère.

En prison, des personnes détenues avouent toujours souffrir de l’absence du père : « Je n’ai jamais appelé un homme en lui disant ‘papa’ ».

« Voici l’homme Jésus ! » Il est le modèle de masculinité réussie !

                                                                                                Fr Manuel Rivero (O.P.)

[1]Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.




Mois d’Octobre, mois de Marie : une invitation à tourner vers elle notre regard…

En ce mois consacré à la Vierge Marie, voici, si vous le désirez, quelques liens renvoyant soit à des commentaires de passages du Nouveau Testament où elle intervient, soit à des articles écrits à son sujet… Bonne lecture à vous, bonne méditation, et merci d’avance pour votre prière pour notre monde si secoué par la crise que nous traversons, pour toutes les personnes en souffrance, et elles sont nombreuses, et aussi pour la petite équipe du Sédifop et de jevismafoi.com qui essaye de poursuivre au mieux sa mission…

Si un thème vous intéresse, il suffit de cliquer sur le lien situé en dessous et vous accèderez à l’article correspondant…

– Prière à Marie de St Bernard de Clairvaux

https://www.sedifop.com/priere-a-marie-de-saint-bernard-de-clairvaux/

– Marie Mère de Dieu (Francis Cousin)

https://www.sedifop.com/solennite-de-sainte-marie-mere-de-dieu-par-francis-cousin/

– Pourquoi appeler Marie « la Mère de l’Eglise » (Fr Manuel Rivero O.P.)

https://www.sedifop.com/pourquoi-appeler-la-vierge-marie-mere-de-leglise/

– La Vierge Marie, Théologienne (Fr. Manuel Rivero O.P.)

https://www.sedifop.com/la-vierge-marie-theologienne-fr-manuel-rivero-o-p/

– La Vierge Marie, patronne de l’Ordre des prêcheurs (Fr Manuel Rivero O.P.)

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– Chemin de Croix avec Marie (Fr Manuel Rivero O.P.)

https://www.sedifop.com/chemin-de-croix-avec-marie/

– L’Immaculée Conception de Marie et son Assomption (D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/limmaculee-conception-de-marie-et-son-assomption-2/`

– L’Annonciation à Marie (Lc 1,26-38 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/lannonciation-a-marie-lc-126-38-2/

– La visite de Marie à sa cousine Elisabeth (Lc 1,39-45 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/la-visite-de-marie-a-elisabeth-lc-139-45/

– Le Cantique d’action de grâce de Marie, le Magnificat (Lc 1,46-55 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/le-cantique-daction-de-graces-de-marie-le-magnificat-lc-146-55/

– La visite des bergers à Marie, Joseph et à Jésus nouveau né (Lc 2,16-21 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/1er-dimanche-de-careme-par-le-diacre-jacques-fournier-marc-1-12-15-2-2-2-2-2-3-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-5-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-3-2-2-2-2-2-2-5-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-2-3-3-2-2-2-2-2-2-2-2-3-14/

– La Femme couronnée d’étoiles (Ap 12 ; D. Jacques Fournier)

https://www.sedifop.com/la-femme-et-le-dragon-ap-12/

 




Ecouter la Voix du Christ pour connaître la Vie (Jn 10,1-10 ; ; 4° Dimanche de Pâques – D. Jacques FOURNIER))…

Jésus est tout en même temps le Chemin qui nous mène à la Maison du Père, car « personne ne va vers le Père sans passer par lui » (Jn 14,6), le Bon Pasteur qui nous y conduit et la Porte par laquelle nous y entrons… Il est la Porte car il s’agit à nouveau « d’entrer en passant par lui »… St Jean affirme ainsi, à sa manière, « qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné en rançon pour sauver tous les hommes » (1Tm 2,5-6). Mais pour que cette offrande porte ses fruits, il faut que nous acceptions, de notre côté, de faire la vérité dans notre vie, la vérité de notre misère. En effet, « celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3,21), celle du « Père des lumières » (Jc 1,17), « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3) qui « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi, tout homme qui croit en lui ne périra pas mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17). Quiconque accepte ainsi de faire la vérité par une démarche de repentir accomplie de tout cœur vient à Celui que le Père a envoyé dans le monde en « Sauveur du monde ». Il est « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 4,42 ; 1,29), et donne gratuitement, par amour, à tout pécheur repentant, d’être lavé de toutes ses fautes par l’Eau Pure de l’Esprit, et d’entrer ainsi dans la Plénitude de la Vie grâce à ce même Esprit, car c’est « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)…

Lorsque Jésus nous lance ainsi cet appel à revenir à Dieu de tout notre être, ce même Esprit de Miséricorde, d’Amour et de Tendresse vient frapper à la porte de nos cœurs pour nous aider à accepter de nous laisser aimer tels que nous sommes, « malades », blessés et si souvent défaillants (Lc 5,29-32)… Cette action intérieure de l’Esprit correspond en St Jean au thème de « la voix ». « L’Esprit en effet souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas ni d’où il vient ni où il va ». Or, « celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,8.34). Lorsque Jésus nous transmet les Paroles qu’il a reçues du Père, l’Esprit, par sa Présence en nos cœurs, est « la voix » qui fait de ces Paroles « les Paroles de la Vie éternelle », disait St Pierre (Jn 6,68). Il vivait avec Jésus une réalité qu’il n’avait jamais perçue auparavant… Il écoutait « la voix » de Jésus, « la voix » de l’Esprit, « il connaissait sa voix », il faisait l’expérience d’une Vie nouvelle, il respirait cette « bonne odeur du Christ, une odeur qui de la vie conduit à la vie » (2Co 2,14-16)…




« Les femmes, apôtres des apôtres » – Fr Manuel Rivero (O.P.)

Les évangiles accordent la première place aux femmes dans les récits des apparitions pascales. Elles sont les premières à se rendre au tombeau de Jésus alors que soleil commence à peine à poindre (cf. Mt 28,1s ; Jn 20,1). Dans ce passage de la nuit à l’aurore, les femmes disciples de Jésus vont recevoir la lumière du Christ ressuscité et leur cœur sera rempli de joie : « Réjouissez-vous » (Mt 28,9).

Jésus apparaît en premier à Marie Madeleine (cf. Mc 16,9 ; Jn 20,15s). La femme blessée, torturée par les démons. Le chiffre de sept démons, expulsés par Jésus, manifeste la plénitude du mal à l’œuvre dans le corps et dans l’âme de Marie Madeleine. Elle est choisie, par Jésus ressuscité, pour porter la bonne nouvelle de sa victoire sur la mort aux apôtres sceptiques, lents à croire. Là où le péché avait abondé, la grâce pascale va surabonder. Marie Madeleine devient alors la femme nouvelle, la Nouvelle Ève, qui rayonne la vie de Dieu. C’est à juste titre qu’elle est aussi appelée « apôtre des apôtres ».

L’homme contemporain, souvent agnostique, aurait tort d’imaginer que les contemporains de Jésus croyaient sans peine aux discours religieux. Les évangélistes, comme saint Marc, ne cachent pas le refus de croire des apôtres aux témoignages des femmes, qui rentrent après avoir vu le tombeau vide et rencontré vivant Jésus le crucifié.

Les évangiles mettent en lumière la foi et la fidélité des femmes à l’égard de Jésus. Alors que Judas a vendu son maître et que Pierre l’a renié devant une servante du grand-prêtre, Marie Madeleine et les autres femmes disciples de Jésus l’ont suivi jusqu’au Calvaire. Bouleversées, ne pouvant pas dormir, elles se sont levées dans la nuit pour honorer le sépulcre de celui qui les a libérées du mal et introduites dans l’amour de Dieu, Jésus.

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La Vierge Marie, la Mère de Jésus, ne figure pas dans les récits des apparitions pascales. Cela ne veut pas dire que son Fils ne lui soit pas apparue. Saint Vincent Ferrier O.P. (1419), saint Ignace de Loyola (1556), le père Marie-Joseph Lagrange O.P. (1938) et le saint pape Jean-Paul II (2005), ont pensé dans la lumière de la foi et de la prière que Jésus était apparu à sa Mère mais que cette apparition relevait du secret de Dieu. Le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, a écrit dans son « Évangile de Jésus-Christ » que Jésus était apparu en premier à sa mère.

Le théologien H.U. von Balthasar (1988) avait déclaré : « Marie est ‘la Reine des apôtres’, sans revendiquer pour elle les pouvoirs apostoliques. Elle a autre chose et beaucoup plus. » (Lette apostolique Mulieris dignitatem en 1988 de Jean-Paul II, note 55).

La femme, sanctuaire de la vie, a bénéficié la première des apparitions de Jésus. Par leur témoignage de foi, Marie Madeleine et les autres femmes, disciples de Jésus, ont fait resplendir la lumière du Christ dans le cœur de ceux qui ont accueilli avec foi leur message.

Dans la Bible, les femmes juives ne sont pas prêtresses mais prophètes. Inspiré par l’Esprit de Dieu, le prophète annonce la volonté de Dieu. La Vierge Marie est prophète. Marie Madeleine est aussi prophète.

Jésus ressuscité accorde la maternité spirituelle aux femmes qui deviennent apôtres, c’est-à-dire envoyées : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. », déclare Jésus à Marie Madeleine (Jn 20,17) qui prêchera les merveilles de Dieu aux apôtres.

N’oublions pas que dans les canons eucharistiques, une femme, la Vierge Marie, est toujours citée en premier, avant les apôtres, les martyrs et tous les saints. La Vierge Marie a reçu la grâce des commencements dans le mystère du Salut. Elle est la première chrétienne, la première Église, présente aux noces de Cana, sur le Calvaire et dans la « chambre haute » lors de la Pentecôte. La Vierge Marie est « Femme » et « Mère ».

La vie de l’enfant commence dans le sein de la femme, sa mère. Dieu a voulu aussi que la vie de la foi commence et s’épanouisse dans la prière et le témoignage des femmes.

Le Nouveau Testament signale la maternité spirituelle des femmes chrétiennes. Par exemple, saint Paul rappelle à son disciple bien-aimé, Timothée la foi de sa grand-mère, Loïs, et de sa mère Eunice (2 Tm 1,5).

Si nous pensons à La Réunion, nous pouvons nous réjouir de la foi des femmes, des mères et des grands-mères. Ce sont souvent elles qui transmettent l’Évangile et qui apprennent à prier aux enfants.

En ce moment où le monde souffre des confinements et de la pandémie, les bâtiments des églises sont fermés mais les « églises domestiques » vivent plus que jamais, c’est-à-dire les familles chrétiennes se rassemblent dans la prière et le partage de la Parole de Dieu.

En prison, les personnes détenues évoquent régulièrement le témoignage reçu dans la famille.

La femme chrétienne a reçu une vocation et une mission : la maternité spirituelle.

Qu’il est beau et fécond de recevoir un témoignage de foi et de prière de la part de sa mère ou de sa grand-mère. Personnellement, je me souviens d’une prière récitée par ma mère vers la fin de sa vie. Prière poétique qu’elle connaissait par cœur et qu’elle reprenait à demi-consciente dans l’épreuve de la maladie.

Saint Thomas d’Aquin (1274), le grand docteur de l’Église, rappelle la mission des parents dans sa dimension corporelle et spirituelle qu’il compare au ministère des prêtres : «Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l’ordre ; d’autres le font pour la vie à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, dans lequel l’homme et la femme s’unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu » (S. Thomas d’Aquin, Summa contra Gentiles, IV, 58 ; cité par le saint pape Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortioen 1981).

Dieu a accordé à la femme une grâce particulière, « le génie féminin », selon l’expression de Jean-Paul II dans sa Lettre aux femmes(n°10), datée du 29 juin 1995. Cette grâce féminine se déploie de manière complémentaire et réciproque avec la grâce masculine : « Le féminin réalise l’« humain » tout autant que le fait le masculin, mais selon une harmonique différente et complémentaire » (Lettre aux femmes, n°7).

Saint Jean-Paul II enseignait que Dieu avait confié l’homme à la femme dans cette grâce féminine qui comprend la maternité spirituelle (cf. Mulieris dignitatem, n°30).

Les religieuses qui renoncent à la maternité physique pour le Royaume des cieux reçoivent en abondance cette grâce de la maternité spirituelle. Nous le constatons particulièrement dans l’éducation. Je pense aux filles, élèves des sœurs de Saint-Joseph de Cluny à Port-au-Prince, qui vénéraient les sœurs éducatrices.

Dans ses notes personnelles prises au cours de la retraite spirituelle annuelle en 1963, le saint pape Jean-Paul II écrit : «L’Église le Corps mystique de Jésus , c’est comme une « esse ad Patrem » (être vers le Père) sociale. Les sœurs, qui choisissent le Christ comme époux à travers les vœux, entrent de façon particulière dans ce « esse ad Patrem », non seulement personnellement, mais en marquant ainsi une certaine empreinte de ce « esse » (être) sur toute la vie sociale. D’où leur grande utilité pour l’Église et dans l’Église. Elles forment d’une certaine façon, sa colonne vertébrale. »[1]

À La Réunion, les religieuses forment cette « colonne vertébrale » de l’Église. Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny et les Filles de Marie ont marqué des générations d’enfants et de jeunes les tournant « vers le Père de Jésus ».

Sœur Inès de Jesús (1993), moniale dominicaine du monastère de Caleruega (Espagne), berceau de saint Dominique, a évoqué dans son Journal spirituel inédit « la déchirure » de l’âme dans sa maternité spirituelle. Il y a la déchirure physique de l’accouchement et la déchirure spirituelle dans l’accouchement des âmes à la vie de Dieu.

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24), enseigne Jésus dans cette image qui annonce sa mort et sa résurrection.

Les femmes, qu’elles soient célibataires, mères de famille ou religieuses, ont reçu cet appel à transmettre la grâce pascale à travers leur prière, leur témoignage d’amour et leurs enseignements.

Rendons grâce à Dieu pour ces merveilles !

Fr. Manuel Rivero O.P.

 

 

 

 

[1]Karol Wojtyla-Jean-Paul II, Je suis dans les mains de Dieu. Carnets intimes 1962-2003. Paris. Bayard. 2014. P. 41.

 




« Les brebis écoutent sa voix… » (Jn 10,1-10 ; 4° Dimanche de Pâques – Francis COUSIN)

À l’époque de Jésus, chaque berger possédait un certain nombre de brebis qu’il confiait pour la nuit à un gardien qui les rassemblait dans un enclos pouvant contenir plusieurs troupeaux. Le matin, le berger se faisait reconnaître par un mot de passe, et le gardien lui ouvrait la porte de l’enclos. A la voix du berger, les brebis se rapprochaient de la porte, sachant que c’est leur maître qui est là.

Quand j’étais jeune, je me souviens de la fermière qui disait : « Ah, René arrive. », « comment le savez-vous ? », « Le chien s’excite, jappe et tire sur sa laisse ». Le chien était capable de reconnaître le bruit de la voiture ou du tracteur alors qu’il était à plus de cinq cents mètres, même s’il y avait plusieurs voitures ou tracteurs identiques dans le village, alors que nous, humains, nous n’entendions rien.

Les brebis écoutent et reconnaissent sa voix. Et elles ne se trompent pas !

Et le berger appelle chacune par son nom. Les troupeaux qu’on peut encore voir en ce moment en Palestine, souvent des chèvres, ont en général entre vingt et trente animaux. Rarement plus ; cela devait être la même chose au temps de Jésus. Et donner un nom n’est pas surprenant : à la ferme, chaque vache avait son nom commençant par la lettre de son année de naissance … maintenant elles ont un numéro matricule sur l’oreille … C’est le progrès, dit-on … mais ça montre surtout un changement dans les rapports entre l’humain et les animaux … et ce n’est pas un progrès ! L’animal devient une bête, réduit à un capital !

Être appelé par son nom montre une certaine familiarité, une connivence entre les concernés. Que chaque brebis soit appelée par son nom lui donne le sentiment d’être la préférée du berger du troupeau. Il en est de même pour nous : nous sommes tous les préférés de Jésus !

Cela peut paraître paradoxal, mais Dieu ne fait pas de différence entre les siens. Même le dernier des mécréants est considéré au même niveau que le saint par Dieu. Et encore : « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus quepour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. » (Lc 15,7). Et même si parfois on a l’impression que Dieu nous a oublié, c’est faux « car je t’ai gravé sur les paumes de mes mains » (Is 49,16).

La connaissance et la reconnaissance des brebis par le berger et du berger par les brebis montre l’amour qu’il y a entre eux. Mais un amour bien plus fort pour le berger, puisque c’est lui qui vient chaque matin chercher ses brebis, et surtout qui est prêt à donner sa vie pour elles.

« Je suis la porte des brebis. ». La porte a deux fonctions : garantir la sécurité des personnes dans la maison ou des brebis dans l’enclos : fonction passive ; permettre de sortir et de rentrer : fonction dynamique. Mais Jésus ne parle que de la fonction dynamique pour les brebis. Pour être sauvé, il faut passer par Jésus, et aller vers les pâturages, c’est-à-dire vers le paradis, vers le Père. « Personne ne va vers le Père sans passer par moi. » (Jn 14,6). Et Jésus est aussi le chemin où il précède ses brebis qui le suivent, partout où il ira, … et Jésus est passé par la croix… Il nous faut donc aussi passer par la croix, ou par une croix… : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croixet qu’il me suive. » (Mt 16,24). Parce que les brebis, c’est nous …

Ainsi, chaque matin, comme les brebis, Jésus vient vers nous, et nous devons l’écouter, et le reconnaître … et passer par la porte de Jésus …

Mais parfois, il nous arrive de trouver cette porte un peu basse pour nous, parce qu’il nous faut nous abaisser pour être serviteur, ou trop étroite … et si on nous propose une porte bien large, haute, qui ouvre sur un chemin qui nous semble bien plus agréable et aisée à suivre … on peut être tenté, et même succomber à la tentation … et au bout d’un moment, on se rend compte qu’on ne va nulle part … sinon à la perdition …

Parce qu’on n’a pas écouté la voix de Jésus, … entendu peut-être, mais pas écouté … et cette voix, on la trouve dans les évangiles …

C’est dans ces moments-là que l’on s’aperçoit de l’amour de Dieu pour les siens, qui va « aller chercher [la brebis] qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve. » (Lc 15,4).

Dieu ne nous oblige pas ; il nous laisse libre … mais il est toujours à côté de nous, prêt à nous aider, si nous le voulons. Parce qu’il veut « que les brebis aient la vie, la vie en abondance. »

Dans ce passage de l’évangile, on voit que les brebis sortent de l’enclos, pour suivre Jésus … partir sur les chemins … vers les pâturages, … vers le Père …

C’est la dynamique du chrétien. Il ne doit pas rester dans son enclos, sans bouger, … sans rien faire (peut-être un peu prier dans sa chambre ?!) … en restant confiné chez lui … comme nous le sommes en ce moment, physiquement, mais pas intellectuellement ou spirituellement …

Le chrétien doit sortir de chez lui, … sortir de son soi … passer par la porte qu’est Jésus … le suivre, lui, le Bon Berger, …pour aller vers Dieu en allant vers les autres …

Le chrétien doit être un nomade dans sa tête …

Comme le disait le pape François aux jeunes des JMJ de Cracovie (mais c’est valable aussi pour les plus âgés) : « Chers amis, Jésus est le Seigneur du risque, il est le Seigneur du toujours ‘‘plus loin’’. Jésus n’est pas le Seigneur du confort, de la sécurité et de la commodité. Pour suivre Jésus, il faut avoir une dose de courage, il faut se décider à changer le divan contre une paire de chaussures qui t’aideront à marcher, sur des routes jamais rêvées et même pas imaginées, sur des routes qui peuvent ouvrir de nouveaux horizons, capables de propager la joie, cette joie qui naît de l’amour de Dieu, la joie que laissent dans ton cœur chaque geste, chaque attitude de miséricorde.  ( … ) Dieu attend quelque chose de toi, Dieu veut quelque chose de toi, Dieu t’attend. Dieu vient rompre nos fermetures, il vient ouvrir les portes de nos vies, de nos visions, de nos regards. Dieu vient ouvrir tout ce qui t’enferme. Il t’invite à rêver, il veut te faire voir qu’avec toi le monde peut être différent. »

Seigneur Jésus,

tu ne veux pas que nous restions

enfermés chez nous.

Tu nous veux mobiles,

allant vers les autres,

mettant en pratique la Parole de Jésus.

 En faisant ainsi,

nous nous approchons de ton Père

qui nous attend, dans son paradis,

avec Toi.

 

                                                                                       Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre suivant :

Prière dim Pâques A 4°




25 avril 2020, Fête de St Marc : homélie de Fr Manuel Rivero (op)

Qui est l’auteur de la Bible ? La foi chrétienne précisée dans le catéchisme de l’Église catholique enseigne que l’auteur de la révélation biblique est le Saint Esprit. Pourtant nous reconnaissons chaque évangéliste comme auteur de son œuvre. Saint Marc en est un. Il est l’artisan du deuxième évangile, c’est-à-dire, le Saint Esprit l’a inspiré dans sa culture, dans sa langue, sans ses pensées et dans sa prière, dans son émotivité et dans son travail …

Pour la foi chrétienne, Dieu ne se révèle pas dans une dictée. Nous ne sommes pas non plus une religion du Livre mais la religion du Verbe vivant !

Guidé par le Saint Esprit, saint Marc a fait œuvre de théologien et de prédicateur. À partir des prédications des apôtres, des récits des enseignements et des miracles de Jésus transmis de manière orale, saint Marc a bâti un Évangile qui semble s’adresser aux païens, non Juifs hors de Palestine et notamment à Rome. Il traduit les noms araméens pour que les païens les comprennent.

Dans sa pédagogie, saint Marc a développé son enseignement sur Jésus-Christ, Fils de Dieu, autour de la question « Qui donc est cet homme ? ». Qui est cet homme qui commande aux vents et aux vagues de la mer, qui agit avec autorité sur les démons et qui guérit les malades ? Qui est ce prophète qui manifeste le mystère de Dieu avec autorité ? Qui est cet homme qui affronte la mort dans l’amour et qui ressuscite ?

Mosaïque du Christ (Basilique St Marc de Venise)

La tradition de l’Église dans l’enseignements des évêques et des docteurs a vu en saint Marc l’interprète de la prédication de saint Pierre à Rome. Marc ou Jean-Marc serait originaire de Jérusalem, compagnon de Paul, de Barnabé et de Pierre à Rome. Son Évangile qui insiste sur la nécessité de porter la croix à la suite de Jésus pourrait concerner les chrétiens persécutés par l’empereur romain Néron après l’année 64.

Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour notre vie spirituelle ? Tout d’abord, Dieu aime l’unité mais non l’uniformité. Nous avons quatre évangiles et non un seul. Saint Marc fait partie des évangiles synoptiques -Matthieu, Marc et Luc- qui comportent beaucoup de récits communs.

Dieu aime le pluralisme théologique et spirituel. Le poète espagnol Léon Felipe, mort exilé au Mexique en 1968, a partagé son expérience de Dieu dans ce poème : « Nadie fue ayer, ni va hoy, ni irá mañana hacia Dios por este mismo camino que yo voy. Para cada hombre guarda un rayo nuevo de luz el sol y un camino virgen Dios. », que je traduis de manière assez littérale : « Personne n’alla vers Dieu hier, ni va aujourd’hui ni ira demain sur ce même chemin où je vais. Chaque matin, pour chaque homme, un nouveau rayon de lumière lui est donné par le soleil et un chemin virginal par Dieu. »

Retenons que chacun va à Dieu par un chemin virginal. Un proverbe dit que « les comparaisons sont odieuses ». Cela s’avère juste aussi dans la vie spirituelle.

Un autre enseignement : Dieu se révèle petit à petit dans le temps et à travers les événements du quotidien. Saint Marc a probablement écrit trente ans après la mort et la résurrection de Jésus. La tradition orale l’emportait sur les écrits. Les apôtres venant à mourir martyrs, il fallait mettre par écrit leur enseignement pour faire connaître Jésus aux Juifs et aux païens, dans le monde entier.

Nous n’avons pas le manuscrit original de l’Évangile selon saint Marc. Nous en avons des copies d’où la critique textuelle, la critique littéraire, l’étude exégétique et théologique de ce texte évangélique.

Tombeau de St Marc (Basilique St Marc de Venise)

Lors de son discours d’inauguration de l’École biblique de Jérusalem le 15 novembre 1890, le père Marie-Joseph Lagrange avait déclaré : « Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité. » Magnifique ! Le chrétien ne croit pas parce que c’est absurde mais parce qu’est lumineux, raisonnable et plus que raisonnable, surnaturel, divin. La foi chrétienne ne pousse pas au suicide de l’intelligence mais elle appelle la raison à se mettre au service de la foi : « Je crois pour comprendre et je comprends pour croire », enseigne saint Augustin.

Question : quel temps consacrons-nous à l’approfondissement de notre foi ? Nous nous plaignons souvent de ne pas avancer dans la relation avec Dieu. Mais demandons-nous : est-ce que j’utilise ma matière grise et mon temps pour grandir dans l’intelligence de la foi ? Le père Lagrange l’a bien dit : « Dieu nous a donné un champ infini de progrès dans la vérité. » Il s’agit de progresser dans la Vérité de Dieu. Nous connaissons mieux Dieu aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. Ce progrès passe aussi par l’exégèse, c’est-à-dire par l’étude et l’interprétation des textes bibliques qui ressemblent à une source d’eau vive dont nous ne prenons que quelques gorgées.

Le père Lagrange montrait aussi la voie dans ce discours inaugural en disant : « La vérité révélée ne se transforme pas, elle grandit. […] C’est un progrès, parce que les acquisitions nouvelles se font sans rien enlever aux trésors du passé. Aussi l‘histoire de l’exégèse est-elle la plus belle des histoires littéraires. » Le père Lagrange aimait l’Évangile selon saint Marc qu’il avait choisi de commenter en premier avant tous les autres évangiles.

Nous entendons dire souvent : « un tel est intelligent ». Nous avons à répliquer : « intelligent en quoi ? » Il y en a qui sont intelligents pour l’industrie et le commerce mais incapables d’éduquer leurs enfants. Il y en a qui sont scientifiques ou professeurs mais inaptes à l’heure de construire leur vie de couple.

Il y a une intelligence de la foi. Qu’en faisons-nous ? Sommes-nous des schizophrènes ? Nous utilisons notre raison et notre temps pour l’économie et les loisirs tandis que notre vie religieuse ressemble à un jardin abandonné sans intelligence ni beauté.

La fête de saint Marc nous invite à investir du temps et le meilleur de notre capacité d’apprendre pour entrer dans le mystère Jésus-Christ, où se trouvent cachés tous les trésors de la connaissance et de l’amour de Dieu ainsi que de l’identité de l’humanité appelée à partager la vie de Dieu en Jésus ressuscité.

Pour saint Marc, l’avènement de Jésus Messie, Fils de Dieu, représente l’aboutissement de l’histoire du monde et le commencement de la nouvelle création. En Jésus s’accomplissement les promesses faites à Abraham et les prophéties de l’Ancien Testament. En Jésus, Dieu nous a tout dit et de manière définitive. La révélation est désormais close. Les apparitions et les grâces particulières ne font que confirmer l’enseignement de Jésus dans l’Évangile.

Basilique St Marc de Venise

Nous n’avons pas à courir derrière de nouvelles prophéties, enseigne le grand docteur de l’Église saint Jean de la Croix (+1591), ce serait un péché de manque de foi qui équivaudrait à dire que Jésus ne nous a pas sauvé par sa mort et par sa résurrection et que sa révélation du Père était insuffisante.

Jésus n’est pas un prophète parmi les prophètes ou un prophète qui pourrait être dépassé par un autre prophète. Saint Marc met en lumière dès le premier verset de son Évangile la nouvelle création qui commence avec Jésus Messie, Fils de Dieu. Nul ne va à Dieu sans passer par Jésus.

Ce serait un retour en arrière, une régression dans la révélation, que de ne pas voir dans le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu, dans sa mort et dans sa résurrection le sommet et la source du Salut de l’humanité, pour nous contenter de la foi d’Abraham ou d’autres prophètes.

L’eucharistie que nous célébrons maintenant va nous plonger dans le mystère de l’Amour de Dieu manifesté en son Fils bien-aimé, Jésus-Christ.

Demandons au Seigneur Jésus, la grâce de l’intelligence de la foi. Saint Marc n’a pas hésité à montrer Jésus en croix, portant le péché du monde, son corps imbibé du refus de croire des hommes à l’image d’une éponge qui absorbe le mal de l’humanité pour l’en délivrer : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais Dieu le Père n’a pas abandonné son Fils. Il l’a relevé le troisième jour par la puissance de son Esprit de sainteté.

Saint Marc n’hésite pas non plus à montrer la dureté du cœur des apôtres « lents à croire » en la résurrection de Jésus. L’évangéliste ne manipule pas les faits ni les textes pour faire croire en un événement faux, comme l’aurait fait un faux prophète.

L’amour de Jésus vainqueur de la mort l’emporte dans la rencontre avec ses disciples. Ils passent du deuil à l’allégresse pascale, des doutes au témoignage.

Dans la lumière de la résurrection de Jésus, le Chemin de croix devient un Chemin de lumière, le Via Crucis est transformé en Via lucis, la croix est devenue le pont qui conduit au Père.

Jésus qui avait crié sur la croix « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » est maintenant assis à la droite du Père. Il partage la gloire de son Père, nous préparant une place à nous qui sommes ses frères et ses sœurs, fils et fils de Dieu, dans la lumière de la Résurrection. Alléluia !

                                                                                          Fr Manuel Rivero (OP)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Dimanche de la Miséricorde : homélie du Pape François (2020)

Dimanche dernier, nous avons célébré la résurrection du Maître. Aujourd’hui, nous assistons à la résurrection du disciple. Une semaine s’est écoulée, une semaine que les disciples, bien qu’ayant vu le Ressuscité, ont passée dans la peur, « les portes verrouillées » (Jn 20, 26), sans même réussir à convaincre de la résurrection l’unique absent, Thomas. Que fait Jésus face à cette incrédulité craintive ? Il revient, il se met dans la même position, « au milieu » des disciples et répète la même salutation : « La paix soit avec vous !» (Jn 20, 19.26). Il recommence tout depuis le début. La résurrection du disciple commence ici, à partir de cette miséricorde fidèle et patiente, à partir de la découverte que Dieu ne se lasse pas de nous tendre la main pour nous relever de nos chutes. Il veut que nous le voyions ainsi : non pas comme un patron à qui nous devons rendre des comptes, mais comme notre Papa qui nous relève toujours. Dans la vie, nous avançons à tâtons, comme un enfant qui commence à marcher mais qui tombe. Quelques pas et il tombe encore ; il tombe et retombe, et chaque fois le papa le relève. La main qui nous relève est toujours la miséricorde : Dieu sait que sans miséricorde, nous restons à terre, que pour marcher, nous avons besoin d’être remis debout.

Et tu peux objecter : ‘‘Mais je ne cesse jamais de tomber !’’. Le Seigneur le sait et il est toujours prêt à te relever. Il ne veut pas que nous repensions sans arrêt à nos chutes, mais que nous le regardions lui qui, dans les chutes, voit des enfants à relever, dans les misères voit des enfants à aimer avec miséricorde.

Aujourd’hui, dans cette église devenue sanctuaire de la miséricorde à Rome, en ce dimanche que saint Jean-Paul II a consacré à la Miséricorde Divine il y a vingt ans, accueillons avec confiance ce message. Jésus a dit à sainte Faustine : « Je suis l’amour et la miséricorde même ; il n’est pas de misère qui puisse se mesurer avec ma miséricorde » (Journal, 14 septembre 1937). Une fois, la Sainte a dit à Jésus, avec satisfaction, d’avoir offert toute sa vie, tout ce qu’elle possédait. Mais la réponse de Jésus l’a bouleversée : « Tu ne m’as pas offert ce qui t’appartient vraiment ». Qu’est-ce que cette sainte religieuse avait gardé pour elle ? Jésus lui dit avec douceur : « ‘‘Ma fille, donne-moi ta misère’’ » (10 octobre 1937). Nous aussi, nous pouvons nous demander : ‘‘Ai-je donné ma misère au Seigneur ? Lui ai-je montré mes chutes afin qu’il me relève ?’’ Ou alors il y a quelque chose que je garde encore pour moi ? Un péché, un remords concernant le passé, une blessure que j’ai en moi, une rancœur envers quelqu’un, une idée sur une certaine personne. Le Seigneur attend que nous lui apportions nos misères, pour nous faire découvrir sa miséricorde.

Revenons aux disciples ! Ils avaient abandonné le Seigneur durant la passion et ils se sentaient coupables. Mais Jésus, en les rencontrant, ne fait pas de longues prédications. À eux qui étaient blessés intérieurement, il montre ses plaies. Thomas peut les toucher et il découvre l’amour ; il découvre combien Jésus avait souffert pour lui qui l’avait abandonné. Dans ces blessures, il touche du doigt la proximité amoureuse de Dieu. Thomas, qui était arrivé en retard, quand il embrasse la miséricorde, dépasse les autres disciples : il ne croit pas seulement à la résurrection, mais à l’amour sans limites de Dieu. Et il se livre à la confession de foi la plus simple et la plus belle : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (v. 28). Voilà la résurrection du disciple : elle s’accomplit quand son humanité fragile et blessée entre dans celle de Jésus. Là, les doutes se dissipent, là Dieu devient mon Dieu, là on recommence à s’accepter soi-même et à aimer sa propre vie.

Chers frères et sœurs, dans l’épreuve que nous sommes en train de traverser, nous aussi, comme Thomas, avec nos craintes et nos doutes, nous nous sommes retrouvés fragiles. Nous avons besoin du Seigneur, qui voit en nous, au-delà de nos fragilités, une beauté indélébile. Avec lui, nous nous redécouvrons précieux dans nos fragilités. Nous découvrons que nous sommes comme de très beaux cristaux, fragiles et en même temps précieux. Et si, comme le cristal, nous sommes transparents devant lui, sa lumière, la lumière de la miséricorde, brille en nous, et à travers nous, dans le monde. Voilà pourquoi il nous faut, comme nous l’a dit la Lettre de Pierre, exulter de joie, même si nous devons être affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves (cf. 1P 1, 6).

En cette fête de la Miséricorde Divine, la plus belle annonce se réalise par l’intermédiaire du disciple arrivé en retard. Manquait seul lui, Thomas. Mais le Seigneur l’a attendu. Sa miséricorde n’abandonne pas celui qui reste en arrière. Maintenant, alors que nous pensons à une lente et pénible récupération suite à la pandémie, menace précisément ce danger : oublier celui qui est resté en arrière. Le risque, c’est que nous infecte un virus pire encore, celui de l’égoïsme indifférent. Il se transmet à partir de l’idée que la vie s’améliore si cela va mieux pour moi, que tout ira bien si tout ira bien pour moi. On part de là et on en arrive à sélectionner les personnes, à écarter les pauvres, à immoler sur l’autel du progrès celui qui est en arrière. Cette pandémie nous rappelle cependant qu’il n’y a ni différences ni frontières entre ceux qui souffrent. Nous sommes tous fragiles, tous égaux, tous précieux. Ce qui est en train de se passer nous secoue intérieurement : c’est le temps de supprimer les inégalités, de remédier à l’injustice qui mine à la racine la santé de l’humanité tout entière ! Mettons-nous à l’école de la communauté chrétienne des origines, décrite dans le livre des Actes des Apôtres ! Elle avait reçu miséricorde et vivait la miséricorde : « Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun » (Ac 2, 44-45). Ce n’est pas une idéologie, c’est le christianisme.

Dans cette communauté, après la résurrection de Jésus, un seul était resté en arrière et les autres l’ont attendu. Aujourd’hui, c’est le contraire qui semble se passer : une petite partie de l’humanité est allée de l’avant, tandis que la majorité est restée en arrière. Et chacun pourrait dire : « Ce sont des problèmes complexes, il ne me revient pas de prendre soin des personnes dans le besoin, d’autres doivent y penser !’’. Sainte Faustine, après avoir rencontré Jésus, a écrit : « Dans une âme souffrante, nous devons voir Jésus crucifié et non un parasite et un poids… [Seigneur], tu nous donnes la possibilité de pratiquer les œuvres de miséricorde et nous nous livrons à des jugements » (Journal, 6 septembre 1937). Cependant, elle-même s’est plainte un jour à Jésus qu’en étant miséricordieux on passe pour un naïf. Elle a dit : « Seigneur, on abuse souvent de ma bonté ». Et Jésus a répondu : « Peu importe, ma fille, ne t’en soucie pas, toi, sois toujours miséricordieuse envers tout le monde » (24 décembre 1937). Envers tous : ne pensons pas uniquement à nos intérêts, aux intérêts partisans. Saisissons cette épreuve comme une occasion pour préparer l’avenir de tous, sans écarter personne : de tous. En effet, sans une vision d’ensemble, il n’y aura d’avenir pour personne.

Aujourd’hui, l’amour désarmé et désarmant de Jésus ressuscite le cœur du disciple. Nous aussi, comme l’apôtre Thomas, accueillons la miséricorde, salut du monde. Et soyons miséricordieux envers celui qui est plus faible : ce n’est qu’ainsi que nous construirons un monde nouveau.

                                                                                                    Pape François