« Pas de vocations, à qui la faute ? » (Fr Manuel Rivero O.P.)
Les vocations à la prêtrise et à la vie religieuse se raréfient. C’est avec tristesse que nous apprenons la fermeture de certains séminaires et de quelques couvents de religieuses qui ont marqué des générations de chrétiens.
À qui la faute ?
Nous pouvons nous demander : Dieu n’appelle-t-il pas aujourd’hui ?
Serait-ce que les hommes et les femmes sont trop pécheurs pour être appelés ?
Mais Dieu a appelé Moïse qui avait tué un Egyptien qui frappait l’un de ses frères juifs. Jésus a appelé Judas qui l’a vendu et Pierre qui l’a renié. Il a appelé Matthieu, voleur public, et Marie Madeleine, la femme habitée par sept démons.
Visiblement, ce ne sont pas les fautes des hommes qui arrêtent l’appel de Dieu.
Serait-ce que les hommes appelés étouffent leur vocation parce qu’ils préfèrent les ténèbres à la lumière à cause de leurs œuvres mauvaises ? C’est possible. Cela relève du mystère des consciences humaines que seul Dieu connaît.
Serait-ce que les mauvais exemples dans l’Église démotivent de manière viscérale ceux qui sont appelés à aimer Jésus, son Église et l’humanité ? Peut-être. Les scandales peuvent refroidir les cœurs mais parfois ils deviennent des défis à relever.
Nous voyons tous les jours de mauvais exemples et des scandales dans les familles et dans la vie des couples : mensonges, infidélités, manipulations, humiliations, violences physiques et psychologiques … Pourtant ni les hommes ni les femmes ne renoncent à aimer ni à croire que l’amour est possible et passionnant.
Où est alors le problème ?
Il me semble que la lumière à cette réponse se trouve dans les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité.
Il nous manque la foi. Ah, si nous avions la foi comme une graine de moutarde ! Nous ferions des merveilles.
Le nombre de pratiquants diminue parce que la foi s’éteint comme la flamme d’une bougie sans cire, faute de nourriture : la connaissance de la Parole de Dieu et la prière. La foi vient de la prédication, nous dit saint Paul. Pour renouveler l’Église, Dieu a appelé saint François et saint Dominique, prêcheurs de l’Évangile du Crucifié. Le peintre Giotto a représenté le rêve du pape Innocent III : l’Église s’écroulait et un petit frère, humble et pauvre, la soutenait. C’était François d’Assise. Innocent III devint alors le protecteur des Franciscains et des Dominicains.
Il nous manque l’amour. Le sage chinois Confucius au Vème siècle avant Jésus-Christ avait déjà remarqué que les hommes bons ne se retrouvent pas seuls. Leur bonté attire.
Ce sont les communautés chrétiennes, ferventes et fraternelles, qui attirent les vocations à la prêtrise et la vie religieuse.
Demandons au Seigneur d’augmenter notre foi et notre charité.
Ceux qui chérissent les chiffres et les statistiques découvrent que les vocations naissent souvent dans les familles chrétiennes qui prient et qui témoignent de la solidarité envers les pauvres.
Un grand nombre de séminaristes ont été servants de messe. Le service de l’autel et l’adoration du Saint-Sacrement rapprochent de Dieu.
Par ailleurs, le nombre de vocations à la prêtrise et à la vie religieuse a légèrement augmenté par rapport au nombre de pratiquants. Hier, il y avait plus de vocations parce que beaucoup plus de pratiquants. Aujourd’hui, les enfants et les jeunes sont rares dans nos églises le dimanche et par conséquent ils sont moins nombreux à devenir prêtres ou religieux.
Que faire concrètement ?
Le Seigneur Jésus nous a demandé de prier : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson » (Mt 9,38) . Alors, prions !
Si nous voulons que les enfants et les jeunes vivent la foi et la louange, nous devons aller les chercher là où ils sont ; ils ne viendront pas d’eux-mêmes, sauf exception dans nos églises. D’où l’importance d’accompagner les enfants et les jeunes dans nos paroisses, dans l’Enseignement catholique et public et dans les universités.
Si nous voulons que les familles soient des matrices aussi pour les vocations. Nous avons à soutenir le mariage et l’éducation des enfants alors que le concubinage devient la norme, le mariage rare, et que les enfants subissent trop souvent le traumatisme des conflits parentaux.
Si nous voulons des vocations, n’hésitons pas à appeler les jeunes et à leur proposer la voie de la sainteté.
L’Église est là pour aider chacun dans l’aventure la plus passionnante qui existe sur la terre : chercher Dieu, le trouver, le prier et le servir, pour partager son amour dans l’éternité, comme le dit le catéchisme.
Antoine de Saint-Exupéry (+1944) disait déjà en son temps que les églises se vidaient parce que les chrétiens ne savaient pas exalter le mystère chrétien. Mettons en valeur la foi en Jésus par nos pensées, nos sentiments, nos paroles et nos actes.
Que celui qui sent l’appel de Dieu dans son cœur ne l’étouffe pas. S’il pense qu’il en est indigne, il a bien raison, mais Jésus est digne de l’appeler. Qu’il se laisser guider par Jésus le Bon Berger ! Qu’il n’hésite pas à passer par Jésus, la Porte qui conduit à l’amour du Père.
Que celui qui estime honorer et rendre un grand service à l’Eglise en entrant au séminaire ou dans une congrégation, reste chez lui. L’Église n’a pas besoin d’hypocrites mais de pécheurs pardonnés, témoins de la miséricorde de Dieu et au service du Christ Jésus.
Le père Pedro Arrupe S.J. (+1991), ancien général de la Compagnie de Jésus, donnait déjà ce discernement dans une interview du journal L’Avvenire sur les conseils à donner à un jeune qui voudrait devenir jésuite : « Ne viens pas si tu penses aider la Compagnie »[1].
Chez saint François d’Assise, l’amour pour le Christ s’exprima de manière particulière dans l’adoration du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie. Dans les Sources franciscaines, on lit des expressions émouvantes, comme celle-ci: « Toute l’humanité a peur, l’univers tout entier a peur et le ciel exulte, lorsque sur l’autel, dans la main du prêtre, il y a le Christ, le Fils du Dieu vivant. O grâce merveilleuse! O fait humblement sublime, que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie ainsi au point de se cacher pour notre salut, sous une modeste forme de pain » (François d’Assise, Ecrits, Editrice Francescane, Padoue 2002, 401).
Vivons maintenant, grâce à la vocation des prêtres, ce grand mystère de l’eucharistie : Dieu en nous, nous en Dieu, pour ne que faire qu’un en Jésus ressuscité !
[1]Cf. Orar con el padre Arrupe, Selección y adaptación de los textos : José A. Garcia, S.J. Bilbao. Ediciones Mensajero. 2013, p. 133 : « Si piensas hacerte jesuita … No vengas si piensas hacer un favor a la Compañía ».