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25ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 9, 30-37)- Homélie du Père Louis DATTIN

Qui est le plus grand ?

Mc 9, 30-37

 

Pour la deuxième fois, mes frères, Jésus annonce sa Passion et sa Résurrection. Dimanche dernier déjà, il l’avait dit bien haut aux disciples et Pierre s’était rebiffé : « Seigneur, à Dieu ne plaise ».

 

Jésus, voyant que ses disciples ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre : ils sont encore dans l’euphorie des miracles et des succès de Jésus et ne veulent pas entendre parler de difficultés, encore moins d’échecs… aussi Jésus insiste-t-il : « Le Fils de l’homme sera livré, ils le tueront et trois jours après sa mort, il ressuscitera ».

Toutes ces mauvaises futures nouvelles gênent les apôtres : « Ils ne comprennent pas ces paroles (souvent on ne comprend que ce que l’on veut bien comprendre) et ils avaient peur de l’interroger ». Quand on a peur de savoir la vérité, on n’ose pas poser de questions.

Ces apôtres sont tellement peu dans la perspective de la Passion que, sur la route, (Jésus est devant eux, et eux discutent derrière), non seulement ils ne discutent pas de la Passion du Christ, mais déjà ils s’attribuent les places dans la cour d’un Jésus triomphant. C’est à qui sera le plus grand, et à qui s’attribuera le plus de pouvoir : « Moi, je serai le 1er ministre, doit dire en substance Pierre ; et moi ministre des finances, assure Judas. Moi, je serai son secrétaire particulier, interrompt St-Jean ; et moi ministre du budget, dit Matthieu, l’ancien percepteur ».

Et les altercations s’élèvent. Les différents points de vue s’affrontent et Jésus, qui marche toujours devant, écoute, ne dit rien. Bientôt, ils arrivent à la maison, à Capharnaüm (vraisemblablement la maison de Pierre).

« De quoi discutiez-vous sur le chemin? », leur demande Jésus. Les apôtres ont tellement bien compris que leurs soucis n’étaient pas ceux du Christ qu’ils se taisent comme des enfants pris en faute.

Le Seigneur alors va prendre exactement le contre-pied de leur ambition : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».

C’est le monde à l’envers : être le dernier, c’est sentir le regard de mépris de tous ceux qui sont au-dessus de soi.

Etre le serviteur, c’est se faire le plus petit, se mettre au plus bas de l’échelle sociale.

Nous avons tous notre honneur, nos ambitions, notre rang à tenir, notre dignité à faire respecter, notre personnalité à affirmer et chacun, dans notre société, réclame ses droits d’où la multiplication de ces défilés, de ces manifestations, de ces revendications, du plus haut au plus bas de l’échelle sociale : « Avoir plus », « être plus », « avoir sa place au soleil », « être considéré », comme on dit dans le lyonnais.

Les paroles de Jésus sont à ce point choquantes qu’il craint à juste titre de ne pas se faire assez comprendre. Dans ce cas, il illustre, par un geste, son enseignement : il place un enfant au milieu d’eux.

L’enfant, dans ce temps-là, n’était pas le modèle de la simplicité ou de l’innocence, mais plutôt de l’insignifiance. Il est le type de celui qui n’a pas d’importance, qui ne compte pas, qui n’a pas de place dans le monde social, dont l’avis est négligeable, et cet enfant, il l’embrasse devant tous ceux qui s’étaient déjà attribués les portefeuilles de la royauté du Messie.

Cet enfant, dépouillé de grandeur, de prestige, c’est Jésus-Christ, c’est Dieu lui-même :

« Si vous l’accueillez, c’est-à-dire si vous tenez compte, non pas de son rang, de son honorabilité ou de son importance, c’est moi que vous accueillez et aussi celui qui m’envoie : Dieu, mon Père ».

Oui, c’est « le monde à l’envers » que nous propose le Christ, c’est un monde qui va à contre-courant de nos mentalités d’arrivistes et de promotion sociale. Non seulement on ne se pousse pas et on ne joue pas des coudes pour essayer de se glisser au 1er rang, mais on fait avancer les autres devant soi, en s’effaçant et en essayant de se mettre à leur disposition, de devenir leur serviteur.

Convenons-en, mes frères, tout cela va à l’encontre de tous nos instincts, de tous nos désirs et nous avons du mal, comme les apôtres, à avaler cela ! Et pourtant, il faut nous rendre à l’évidence, les paroles de Jésus, et plus encore son comportement, nous démontrent que la valeur ne dépend pas du rang, des honneurs, de la considération mais de la pauvreté, du dénuement, de l’insignifiance.

« Cette dernière place que vous fuyez de toute la force de vos vanités, moi, le Christ, je l’ai occupée à Bethléem, à Nazareth, je l’ai occupée à la Passion, rejeté, humilié, bafoué, méprisé, traité même, non plus comme un enfant qu’on écoute, mais dont on sourit, comme un objet sur lequel on crache avant de le clouer sur une Croix ».

 

Cette Croix du Christ qui est sur nos murs, nous rappelle que Jésus, lui, a choisi la dernière place mais nous continuons toujours, comme les disciples, à nous habiller de nos petites vanités, à oublier l’ordre véritable des valeurs. A notre époque, où chaque pays joue à être le plus grand, grâce à son niveau économique, technique, culturel, où les titres sont enviés, aussi bien dans les médailles d’or des sportifs, les oscars des acteurs de cinéma ou les prix Nobel de littérature, qui le Christ a-t-il envoyé pour donner deux messages au monde ?

 

 

Deux petites filles, elles n’avaient pas quinze ans, ni l’une ni l’autre : Bernadette de Lourdes et Thérèse de Lisieux. Deux enfants appartenant à des milieux différents, sinon opposés, mais dont la société ne peut que relever l’insignifiance, mais elles avaient plus à apprendre à notre époque que des experts, des agrégés, des savants ou des leaders de mouvements : deux poids, deux mesures, ceux de Dieu et ceux des hommes. Pour le christianisme, il y a des saints, il n’y a pas de grands hommes…

Seule une conversion, c’est-à-dire un retournement du cœur, peut nous permettre d’accueillir ce « monde à l’envers » qui est celui de l’Evangile et dont St-Paul nous disait qu’il est « folie aux yeux des hommes » mais « sagesse aux yeux de Dieu ».

Frères, devant la crèche, devant la Croix, reprenons nos vraies mesures :

– Avons-nous le sens des petits, des humbles, des faibles ?

– Sont-ils grands à nos yeux de la grandeur du Christ ?

– Notre action fait-elle place à la défense des petits : personnes âgées, travailleurs, sans travail, immigrés, handicapés physiques, mentaux, sociaux ?

– Acceptons-nous nos limites, nos faiblesses ?

– Avons-nous surtout conscience de cette dépendance essentielle à l’égard de celui à qui nous devons tout ?

– Savons-nous nous effacer, recherchant le service discret, anonyme?

– Recherchons-nous cette dernière place, celle du Christ, serviteur de l’Humanité ?

Laissons à Dieu le soin de nous placer lui-même :

c’est beaucoup plus sûr ! AMEN




25ième dimanche du temps ordinaire (Mc 9, 30-37) par le Diacre Jacques FOURNIER

La grandeur du serviteur (Mc 9,30-37)…

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache,
car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

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                       Jésus annonce de nouveau sa Passion et sa Résurrection prochaines… Mais dès qu’il parle de résurrection, les disciples ne comprennent pas… Comment est-il possible de revenir de la mort ? « Je vous le dis maintenant, avant que cela n’arrive, pour qu’au moment où cela arrivera, vous croyiez » (Jn 14,29). Et en effet, après le bouleversement provoqué par les évènements de la Passion, « quand il fut relevé d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à la parole qu’il avait dite » (Jn 2,22). Jésus construit donc ici la foi future de ses disciples, car ils auront à vivre toute leur mission dans la foi…

            Pour l’instant, ils ne comprennent pas et pensent toujours que Jésus sera le prochain roi d’Israël… Qui donc, parmi eux, aura alors la meilleure place ? « Qui est le plus grand », se demandent-ils ? Voilà bien l’échelle de valeurs qui règne dans le monde… Mais « mon Royaume n’est pas de ce monde », dira Jésus… Certes, « je suis Roi » (Jn 18,33-37), mais « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10,45). Or « le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Il suffit pour le disciple qu’il devienne comme son maître » (Mt 10,24-25). C’est pourquoi, dit-il ici, « si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». C’est ce qu’il fit Lui-même tout au long de sa vie, touchant un lépreux, l’être le plus impur qui soit à l’époque (Mc 1,40-45), mangeant au milieu des pécheurs (Mc 2,15-17), pour finalement mourir au milieu de deux « brigands » (Mc 15,27), à la dernière place… Jésus est en effet « l’Astre d’en haut qui nous a visités dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,78), se mettant tout entier au service des hommes, et tout spécialement des pécheurs, ces « perdus » (Lc 15,1-7), ces souffrants (Rm 2,9), avec comme unique but, leur bien, leur salut…  

            « Si donc quelqu’un me sert, qu’il me suive et là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12,26). Ici, nous le voyons avec un « petit enfant », qu’il embrasse. Or, à l’époque, l’habitude des « bien pensants », des « sages », des « intelligents » (Lc 10,21-22), était de les mépriser. Mais non… Bien au contraire, « ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 26,40), dira Jésus. Il nous montre ainsi le Chemin de la vraie Vie… A nous maintenant de le suivre… DJF

               

 

          




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 8, 27-35)) – Homélie du D. Alexandre ROGALA (MEP)

« « Et vous, que dites-vous ?  Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit :  « Tu es le Christ. »  Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne » (Mc 8, 29-30)

L’attitude de Notre Seigneur Jésus n’est-elle pas étrange dans le texte d’évangile de ce jour ? Il commence par interroger ses disciples sur son identité, et quand Pierre, le porte-parole des Douze, donne une réponse, Jésus leur ordonne de se taire.

C’est d’autant plus surprenant quand nous remarquons que le verbe employé par l’évangéliste pour exprimer le fait que Jésus défende ses disciples de parler de lui (ἐπιτιμάω) est connoté négativement. La traduction en langue française que nous venons d’entendre (« il leur défendit vivement de parler de lui ») adoucit le sens de ce verbe qui, en réalité, exprime le blâme et la menace. C’est d’ailleurs le même verbe qui est utilisé par l’évangéliste Marc quand il nous raconte que Pierre se mit à faire de vifs reproches à Jésus après la première annonce de la Passion (v. 32).

Comprenons donc qu’après avoir demandé à ses disciples qui il est pour eux et obtenu la réponse de Pierre, Jésus « fait à ses disciples de vifs reproches » et leur interdit de parler de lui.

Pour quelle raison Jésus réagit-il de cette façon à la réponse de Pierre ?

Pierre répond à Jésus au nom de tous les disciples : « tu es le Christ ». Jésus n’est-il pas le Christ ? Qu’est-ce qui dans cette affirmation aurait pu déranger Jésus ? Essayons de comprendre.

Le titre de Christ (ou Messie) est d’abord un titre royal qui fait allusion à la consécration du roi. La mission du roi est d’être le berger de son peuple, et de faire régner le droit et la justice comme l’exprime bien le Psaume 44 (45) par exemple :

« D’heureuses paroles jaillissent de mon cœur quand je dis mes poèmes pour le roi d’une langue aussi vive que la plume du scribe ! Tu es beau comme aucun des enfants de l’homme, la grâce est répandue sur tes lèvres : oui, Dieu te bénit pour toujours. Guerrier valeureux, porte l’épée de noblesse et d’honneur ! Ton honneur, c’est de courir au combat pour la justice, la clémence et la vérité (…) Ton trône est divin, un trône éternel ; ton sceptre royal est sceptre de droiture : tu aimes la justice, tu réprouves le mal » (Ps 44 (45), 1-5 ; 7-8)

Comme nous le savons, dans l’histoire d’Israël, la plupart des rois ont déçu. C’est la raison pour laquelle, le Peuple se mit à rêver de l’ascension au trône d’un roi idéal et que « l’idée messianique » a commencé à se développer. Par l’intermédiaire des prophètes, Dieu va annoncer à son Peuple la venue d’un roi qui ne le décevra pas. Un passage du Livre de Jérémie l’illustre bien. Par la plume de son prophète, Dieu dit au Peuple :

« Voici venir des jours – oracle du Seigneur–, où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, et Israël habitera en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. » » (Jr 23, 5-6).

Cette espérance messianique royale nous permet de deviner qu’en confessant que « Jésus est le Christ », Pierre voyait Jésus comme un roi qui venait pour délivrer son peuple de l’oppression romaine, et établir un royaume terrestre pour Israël.

En soi, l’affirmation de Pierre, « Tu es le Christ » est correcte. Cependant, la raison pour laquelle Jésus blâme Pierre et les autres disciples, est qu’ils se méprennent sur une chose. Jésus est certes le Christ (ou Messie), mais ce n’est pas d’une oppression humaine qu’il est venu nous délivrer, ni un royaume humain qu’il est venu établir. D’ailleurs, en annonçant sa Passion, Jésus nous indique que sa messianité doit passer par la souffrance et la mort.

La manière dont Jésus annonce sa mort fait allusion au « Serviteur du Seigneur » dont parlent quatre poèmes contenus dans le livre du prophète Isaïe (42, 1-9 ; 49, 1-9a ; 50, 4-9a ; 52, 13-53, 12). Ces poèmes nous apprennent que ce « Serviteur du Seigneur » a pour mission de rétablir la justice et le droit, d’instaurer une situation de paix et de rétablir l’ordre et l’harmonie universelle.

En première lecture, nous avons lu le troisième de ces poèmes qui relate la persécution que subit le Serviteur du Seigneur :

« Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.  J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats » (Is 50, 5-6).

Jésus enseigne (διδάσκω) à ses disciples qu’à l’instar de ce Serviteur dont parle Isaïe, il faut « que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite » (Mc 8, 31).

Pierre refuse cet « enseignement » du Maître (Mc 8, 31). Il n’accepte pas que la messianité de Jésus ne soit pas celle qu’il imaginait, mais que Jésus soit un Messie souffrant et mourant.

Jésus traite donc Pierre de « Satan », un terme juridique qui désigne « celui qui accuse ». Serait-ce parce que Pierre « condamne » le choix de Dieu de se révéler dans la faiblesse de la Croix ? C’est possible.                                                                    Quoiqu’il en soit, en annonçant la nécessité de sa Passion, Jésus veut faire comprendre à Pierre et aux autres disciples, que Dieu n’est pas Celui dont la puissance écrase et contraint l’être humain, mais que Dieu est Celui qui choisit librement de se laisser faire, et de s’abandonner à la violence des hommes… pour en montrer la folie.

Ce que nous pouvons retenir de cet enseignement de Notre Maître, c’est que nous ne pouvons pas parler de la messianité et de la seigneurie de Jésus en passant sous silence sa mort sur la Croix. Au contraire, comme Saint Paul :

« Nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Co 1, 23-24).

Pour terminer, penchons-nous sur la seconde lecture. Est-il possible de la mettre en lien avec le texte d’évangile de ce dimanche ?

Dans sa lettre, Jacques nous rappelle une vérité fondamentale, à savoir que la foi véritable, la « foi vivante » pourrait-on dire, s’exprime dans nos actes :

« Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi » (Jc 2, 18).

Il me semble que ce que Jacques écrit ici, fait d’une certaine manière, écho à la fin du texte d’évangile de ce dimanche. Après que Pierre ait adressé de vifs reproches à Jésus, celui-ci lui dit :

 « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mc 8, 33)

Jésus ordonne à Pierre de quitter la « place du Satan », c’est-à-dire de quitter la place de celui qui se tient devant Jésus comme un obstacle pour l’empêcher d’aller au bout de sa mission, et l’invite plutôt à « passer derrière lui », c’est-à-dire à reprendre la place du disciple qui marche derrière son maître.

« Passer derrière » Jésus, prendre la place de disciple, suppose la foi. Personne ne marche à la suite de quelqu’un en qui il ne croit pas. Au contraire, nous ne suivons que celui en qui nous avons confiance. Et nous savons que marcher à la suite de Jésus implique la réalisation d’œuvres semblables aux siennes, puisque l’évangéliste Jean nous rapporte que dans son discours d’adieu Jésus a dit à ses disciples :

« Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père » (Jn 14, 12).

Il ne peut donc pas y avoir de foi chrétienne sans œuvres. Par conséquent, la manière dont j’agis est toujours un bon indicateur de l’état de ma foi. Dans toutes les situations de la vie, la question que je dois poser est la suivante : « est-ce par Amour (ἀγάπη) que je choisis d’agir ainsi ? ».

Chers frères et sœurs, maintenant que nous saisissons mieux la messianité de celui en qui nous croyons, et qu’il nous a été rappelé que nos actions disent quelque chose de notre foi, soyons vigilants en toute situation. Parlons et agissons de telle manière, que lorsqu’un jour nous serons face à notre Maître et Seigneur Jésus Christ, il ne nous traite pas de « Satan ». Amen.




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 8, 25-35) – par Francis COUSIN

« Ouvre nos oreilles … et nos cœurs ! »

La semaine dernière, Marc nous parlait de Jésus guérissant un sourd-muet …, et la première phrase de la première lecture de ce jour est « Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. ».

Le contexte n’est pas le même, et le sens des paroles non plus.

Dans l’évangile, on voit Jésus et ses disciples qui se dirigent vers le nord de la Galilée.

Sur le chemin, Jésus se lance dans une enquête d’opinion à son sujet : « Au dire des gens, qui suis-je ? » ;

C’est une enquête sur l’opinion des gens, de manière générale, qui n’engage personne, surtout ceux à qui on pose la question …

Les réponses sont variées « Jean-Baptiste, Elie, un prophète … ». Des hommes de Dieu, ou envoyés par lui…

Mais Jésus pose ensuite une autre question : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ».

Cette fois-ci, c’est une question personnelle à laquelle chacun doit répondre. On ne sait pas combien de temps s’est écoulé entre la question et les réponses, s’il y en a eu plusieurs …

Embarras des disciples … Ils ne savent pas quoi dire.

Heureusement, Pierre se lance, et dit : « Tu es le Christ. », le Messie, l’oint de Dieu …

Bonne réponse …

            Mais dans son évangile, Matthieu ajoute : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. ». (Mt 16,17). La réponse est donc dictée par Dieu.

            Mais surtout elle ne correspond pas à la réalité de Jésus vis-à-vis des juifs.

En effet, les juifs attendaient un Messie pour remettre la royauté en Israël, comme l’avait promit le roi David.

C’est pourquoi Jésus défendit vivement aux apôtres de parler de lui à personne.

Et pour que les choses soient bien claires vis-à-vis des disciples, Jésus pour la première fois, annonce sa Passion et sa résurrection, mettant une fin à toute pensée d’une royauté future de sa part.

Pierre, encore lui, n’ayant peut-être pas encore bien compris la mission de Jésus, « le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. ». Quels reproches ? On ne le sait pas. Sans doute parler de sa mort ignominieuse, jugée indigne de Jésus. Seul Jésus sait ce qu’il a dit. Mais cela n’a pas plu à Jésus qui l’interpelle vivement : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

« Passe derrière moi, Satan ! », c’est-à-dire « reprend sa posture de disciple, celui qui suis son maître, comme quand je t’ai appelé. » (C’est le même verbe utilisé par Marc.).

Les deux interventions de Pierre nous donnent à réfléchir.

Pour la première : « Tu es le Christ. ».

Est-ce que moi je donnerai la même réponse ? et surtout, si je l’appelle « Christ », qu’est-ce que je mets derrière ce mot : un gourou, un penseur philosophique, … ou un ami, quelqu’un qui m’aime, qui prend soin de moi, qui pardonne mes fautes, qui est un soutien dans ma vie… et que je l’aime.

Pour la seconde, qu’on ne connait pas, … mais ne nous arrive-t-il pas de faire comme Pierre, de faire des reproches à Jésus ou à Dieu : Tu aurais dû faire cela … pourquoi tu ne fais pas cela …

Dans le Notre Père, nous disons tous les jours : « que ta volonté soit faite » … mais bien souvent, nous voulons (ou aimerions) que ce soit Dieu qui fasse notre volonté …

Vraiment, les pensées des humains ne sont pas celles de Dieu.

Prions avec le psaume de ce jour

J’aime le Seigneur : il entend le cri de ma prière ;

 il incline vers moi son oreille : toute ma vie, je l’invoquerai.

  j’ai invoqué le nom du Seigneur : « Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

 Le Seigneur est justice et pitié, notre Dieu est tendresse.

 Le Seigneur défend les petits : j’étais faible, il m’a sauvé.

 Retrouve ton repos, mon âme, car le Seigneur t’a fait du bien.

         Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.        

                                                                              

                                                                                              Francis Cousin

 

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24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 8, 27-35) – Homélie du Père Louis DATTIN

Gagner sa vie

Mc 8, 27-35

En cette période de fin d’hiver, alors que nous voyons les platanes de la Plaine-des-Palmistes se couvrir de feuilles et les fruits en train de se former, en ce temps de rentrée où de nombreux visages rayonnent encore du bienfait des vacances, j’aimerais chanter la douceur de vivre et vous offrir, au nom de Dieu, un bouquet de souhaits pour la rentrée. Mais les temps sont durs et l’Evangile d’aujourd’hui est dur : il nous livre une parole austère et je crains d’apparaitre dans cette église comme un trouble-fête à plus d’un : « Celui qui veut sauver sa vie doit la perdre, celui qui la perd pour l’Evangile la sauvera, dit Jésus » Parole qui ne doit trahir ni Dieu ni l’homme, alors qu’en est-il ?

Tout en nous aspire à vivre et nous passons notre temps dans le dérisoire et puis, n’est-il pas légitime de vouloir sauver sa vie de la tristesse, de l’ennui, de la solitude, de la maladie, de la pauvreté… quand ce n’est pas de la misère ?

Qu’est-ce-que veut dire « sauver sa vie », par exemple pour un chômeur, sinon peut-être d’abord trouver un emploi et pour cette femme dont le foyer ne marche pas, garder son mari ?

Et pour tout le monde, qu’est-ce-que « sauver sa vie » sinon la défendre, « sauvegarder » ses intérêts ?

Or, ce matin, ce qu’il faut bien regarder en face, c’est que personne n’est jamais totalement désintéressé et qu’en même temps, nous avons besoin de gratuité. L’intérêt, c’est le ressort de toute activité humaine. Il va dans le sens de notre instinct de conservation et de notre dynamisme : il ne faut pas s’en désoler, c’est normal, mais cela risque aussi de tout empoisonner par le profit.

 Aussi, quand Jésus, aujourd’hui, nous demande de perdre notre vie pour lui, il nous invite à tendre vers le désintéressement qui ne peut venir que de lui, car lui seul est « amour désintéressé », lui seul est pure gratuité. C’est ce que nous appelons « la grâce ».

En face de ce Dieu qui se perd pour nous sauver, qui s’offre, qui aime, qui se donne et cela sans rien exiger en retour, en pure perte et sans même un espoir de retour, chacun de nous doit se poser cette question pratique : « Sur quoi misez-vous votre vie ? Est-ce le confort, l’argent, les biens matériels, la sécurité, le sexe, la réputation, le pouvoir?

Je vous entends répondre : « Oh non, bien sûr ! Ce à quoi nous aspirons, c’est la tendresse, l’amitié, l’amour, la joie, la beauté, la paix sur la terre et la justice ».

Comme vous avez raison ! C’est bien là ce qui donne un sens à la vie ! Mais alors que faites-vous pour atteindre ce but ? Autrement dit, quel est votre « style de vie » ? N’y a-t-il pas dans votre vie de tous les jours une contradiction entre ce que vous désirez devenir et ce que vous faites pratiquement ?

Cet homme, par exemple, bon père de famille, qui s’esquinte à faire des heures supplémentaires pour construire sa maison, par amour pour les siens, or, cet homme, le soir, est tellement épuisé et nerveux qu’il devient « impossible à vivre » pour sa femme et ses enfants. Il n’a plus le temps de vivre ni le temps de la tendresse et finalement il obtient l’inverse de ce qu’il désirait au départ. Ce n’est qu’un exemple, mais chacun pourrait transposer dans son domaine. Nous nous laissons tous engluer dans le matériel avec les meilleures intentions.

« Perdre sa vie pour la gagner », c’est alors ce que cela veut dire :

 « Es-tu capable de dominer ta vie quotidienne de telle sorte que tu puisses trier entre ce qui est indispensable à ta vie et ce qui est superflu ? »

 Le Seigneur ne veut pas être un rabat joie en nous rappelant cela. Il désire simplement nous libérer de l’inessentiel, de l’accessoire. Il désire nous recentrer. Il veut nous désengluer du matériel inutile dans lequel nous sommes si souvent enlisés ! Certes, la vie aujourd’hui, n’est pas facile. Les conditions de vie, mêmes matérielles, sont dures et on ne peut passer dans la vie, avec seulement une fleur au chapeau et à la bouche une chanson et il faut travailler, il faut se battre.

Mais ne sommes-nous pas comme Marthe dans l’Evangile, à nous agiter, à en rajouter, à nous créer des soucis qui n’en valent pas la peine, à être esclaves de nos désirs ? Ainsi, « perdre sa vie » pour Jésus, cela commence modestement à sauver en nous cette source de liberté qu’est la gratuité qui va de pair avec l’intériorité.

En cette société de consommation, la tentation n’a jamais été aussi vive, ni aussi forte que de vivre à l’extérieur de soi-même, à la surface de soi-même, de modeler son existence sur la mode, la publicité et nous devenons, peu à peu, sans nous en rendre compte, le produit d’un certain « type de société » qui ne cherche que son profit. On n’est plus alors qu’un consommateur et c’est bien là-dessus que l’Evangile d’aujourd’hui nous alerte : on ne sauve pas une vie creuse en compensant son vide intérieur par l’accumulation de choses, d’objets, de gadgets, de vêtements.

Lisez, ceux qui ont le temps, le livre « Les choses » de Georges Perec. Il s’agit d’un couple qui croit pouvoir remplacer la vie, par le cadre de vie. Le cadre est magnifique  mais il n’y a rien dedans : il y manque la gratuité, l’intériorité, la vie elle-même. Notre monde est un peu comme un mauvais film d’Hollywood où tous les décors en carton-pâte sont grandioses.

Les personnages y sont magnifiquement habillés, mais  incapables d’exprimer les sentiments humains qui font vibrer le cœur humain : gratuité, intériorité de notre vie. Je n’aurais rien dit si tout cela n’était qu’une sagesse humaine à la manière du bouddhisme qui, en fin de compte, nous dit la même chose.

Mais avec l’Evangile, qui n’est pas seulement une sagesse, mais un travail de l’Esprit Saint qui essaie de nous rendre semblables au Christ afin « d’être dans le monde sans être du monde » alors, là, c’est tout un art : l’art de vivre en chrétien.

« Acceptons-nous de perdre pour gagner? » Option radicale qui nous fait poser la question : non plus « sur quoi misez-vous votre vie mais sur qui ? », car seul l’attachement au Christ et au Christ « mort sur la Croix » peut nous donner cette force de préférer la liberté de l’Evangile aux intérêts du monde.

Que Jésus ne soit pas seulement notre « Maître à penser », mais notre « Maitre de vie » pour qu’il nous donne cette force incroyable : la force de l’amour, seule capable de nous faire perdre notre vie pour Jésus, car si la gratuité et l’intériorité s’enracinent dans l’amour de Dieu, nous sommes alors entrainés plus fondamentalement à nous demander :

« Qu’est-ce-que je dis quand je dis « J’aime Dieu », et qu’est-ce-que je fais avec lui ? » AMEN




24ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 8, 27-35)

«Tu es le Messie»

(Mc 8,27-35)

 

    En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? »
Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. »
Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.
Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.
Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.
Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera.

     

          

           Jésus a longuement enseigné, il a guéri quantité de malades… L’heure est venue de faire un premier bilan. Maintenant que ses disciples ont vécu tout cela avec lui, « pour vous, qui suis-je ? », leur demande-t-il…

            Pierre prend alors la parole au nom de tous : « Tu es le Messie », c’est-à-dire « celui qui a reçu l’Onction du Seigneur ». Tout nouveau roi en Israël recevait en effet de la main d’un prophète ou d’un prêtre une onction d’huile qui symbolisait la grâce donnée pour le bon accomplissement de sa mission royale (1Sm 16,1-13)… Et tous attendaient, à l’époque de Jésus, un nouveau Roi, ce « Messie » promis par les Ecritures. Certes, les Romains avaient envahi la Palestine depuis plus de 80 ans. Mais Dieu avait promis à David, le premier grand roi d’Israël (1010 – 970 av JC) : « Je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles. Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais » (2Sm 7,4-17).

            Les disciples étaient donc convaincus que cette prophétie s’accomplissait sous leurs yeux avec Jésus. Mais ils croyaient qu’il serait un jour roi d’Israël comme le fut autrefois le roi David : un roi terrestre semblable à tous les autres rois terrestres…

            Jésus était conscient de ce malentendu. Aussi va-t-il commencer à leur révéler « pour la première fois » qu’il lui faudra beaucoup souffrir, être rejeté, mourir pour finalement ressusciter… C’est ainsi qu’il manifestera sa Royauté, celle de l’Amour sur toute forme de mal, car il offrira toutes ses souffrances pour le salut du monde, et notamment pour ceux qui lui ont fait tant de mal. « Père, pardonne-leur » (Lc 24,34)…

Les rêves des disciples s’effondrent… Pierre lui fait de vifs reproches. Et comme Jésus, qui est si humain, aurait voulu qu’il ait raison ! Mais la perspective d’une mission facile et humainement glorieuse en ce monde blessé par le péché est plutôt de l’ordre de la tentation : sans le savoir, Pierre tente Jésus comme Satan le fit autrefois au début de son ministère (Lc 4,1-13) : « Passe derrière moi, Satan ! », lui dit Jésus. Mais accepter la croix ne sera pas facile pour lui : « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Cependant, non pas ce que moi je veux, mais ce que toi tu veux ! » (Lc 22,42). Et tout disciple devra lui aussi « renoncer à lui-même », « prendre sa croix » et suivre Jésus sans jamais oublier sa Parole : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5)…  DJF




Rencontre autour de l’Évangile – 24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 8, 27-35)

« Et vous, que dites-vous ?

Pour vous, qui suis-je ? »

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons  (Mc 8, 27-35))

Dès le premier verset, St Marc nous donne le plan de son Evangile : « Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus  Christ, ­ le Fils de Dieu ». « Jésus », en ce qu’il est, ce qu’il dit et ce qu’il fait est donc tout entier « Bonne Nouvelle ». Dans la première partie, St Marc nous montrera que Jésus est « le Christ », un mot qui vient du grec, la langue du Nouveau Testament et qui signifie : « Celui qui a reçu l’onction ». Et à l’époque, les rois étaient les premiers concernés. « Messie » vient de l’hébreu, la langue de l’Ancien Testament, et signifie la même chose… Avec la réponse de Pierre, « Tu es le Messie », nous sommes donc ici à la fin de cette première partie. Dans la seconde, Marc nous présentera Jésus comme étant « le Fils de Dieu ». Et elle se terminera par la confession du Centurion romain au pied de la Croix : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15,39).

Remarque

Nous gardons la méthode que nous avons suivie depuis quelques rencontres : la contemplation de Jésus. Nous sommes invités à fixer notre attention d’abord sur lui (ce qu’il fait, ce qu’il dit…) afin d’entrer dans ses pensées, son intention, selon le projet de l’évangéliste qui a écrit pour évangéliser catéchiser les lecteurs.

 

Le sens des mots 

  • Césarée de Philippe, est une ville païenne proche des sources du Jourdain, située à une trentaine de kilomètres au nord de la frontière avec la Galilée… Jésus commencera ici son ultime voyage qui l’amènera à traverser du Nord au Sud toute la Palestine, jusqu’à Jérusalem… Et il fait un bilan : « Pour les gens, qui suis-je ? » Mais que s’est-il passé pour Jean-Baptiste (Mc 6,17-29), et pour Elie (2R 2,9-12) ? Quelle est donc la croyance qui apparaît indirectement ici, et qui existait en Israël depuis le 2°‑3° siècle avant JC ? Quel est le point commun entre toutes les personnes évoquées ? Comment Jésus avait-il donc été reconnu (cf. Lc 24,19 ; Jn 4,19) ?

  • Les disciples, eux, répondent par la bouche de Pierre : « Tu es le Messie »… Mais après sa mort et sa résurrection, ils lui demanderont : « Seigneur, est-ce maintenant, le temps où tu vas restaurer la royauté en Israël ?» (Ac 1,6). Que voulait donc dire pour eux « être le Messie » (cf. Lc 24,21 ; Mc 10,35-37) ?

  • C’est pourquoi Jésus « leur défendit vivement de parler de lui à personne »… Et il leur annonce les souffrances de sa Passion, sa mort… et sa Résurrection ! Mais cette vision n’est vraiment pas celle des disciples. Pourquoi, à votre avis, Jésus réagit-il ainsi en appelant Pierre « Satan» ? Se souvenir de ce qu’il a vécu au tout début de l’Evangile (Mc 1,13), et de ce qu’il vivra à la fin (Mc 1,36)… 

  • Puis Jésus leur présente les exigences fondamentales pour être son disciple. La première était déjà apparue lors de l’appel (Mc 1,16-20 ; 2,14). Que signifie « renoncer à soi-même » et « perdre sa vie » ? Et pour ce qui est de « prendre sa croix », à quoi doivent s’attendre les disciples (cf. Mc 10,30) ?

Pour l’animateur 

  • « Pour les gens, qui suis-je ? ». Que d’imprécisions dans les réponses ! Le Roi Hérode lui-même disait : « Celui que j’ai fait décapiter, Jean, le voilà ressuscité ! » (Mc 6,14-16). Cela prouve au moins que la croyance en une possible résurrection d’entre les morts était déjà solidement implantée en Israël.

            Jean-Baptiste était un prophète, c’est-à-dire un homme appelé par Dieu pour transmettre sa Parole. Elie était considéré comme l’un des plus grands de toute l’Histoire d’Israël. N’avait-il pas eu l’honneur d’être emporté vivant au ciel ? Pris pour Jean-Baptiste, Elie ou un des prophètes, Jésus, de toute façon, était au moins reconnu en sa qualité de prophète. Mais il est bien plus que cela !

  • Les disciples voyaient en Jésus un Messie « terrestre » qui libèrerait Israël de l’occupant romain, et rétablirait en Israël cette royauté légitime issue de la Maison de David qui régna de 1010 à 970 avant JC. Dieu ne lui avait-il pas promis : « Je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles et j’affermirai pour toujours son trône royal » (2M 7,12 et 7,16) ?

  • Jésus veut éviter une telle méprise, mais il sait que renoncer à cette vision d’une réussite purement humaine, matérielle, politique, sera difficile pour eux. Néanmoins, il se doit, petit à petit, de leur ouvrir les yeux. Cette première annonce de ce qui leur apparaît comme un terrible échec va être un choc pour eux tous. Certes, il leur parle aussi de sa « résurrection », mais ils n’ont jamais vu de ressuscité ! Il leur répètera tout cela, mais ils ne comprendront toujours pas (Mc 9,30-32 ; 10,32-34). Leur réaction lors des premières apparitions (Ac 1,6) montrera qu’à ce moment-là, ils n’avaient toujours pas compris…

  • Satan a tenté Jésus au début de sa mission en l’invitant justement à être ce Messie terrestre, glorieux, triomphant que tous attendaient… En lui montrant tous les royaumes de l’univers, il lui avait dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, si tu te prosternes devant moi » (Lc 4,5-8). Mais Jésus restera fidèle à son désir d’accomplir la volonté de son Père qui ne raisonne pas en termes de ‘pouvoir’ et de ‘gloire’, mais en termes de ‘service’, de ‘don de soi pour l’autre’, ‘d’humilité’, ‘d’amour’… Pierre tente donc ici Jésus comme Satan l’avait fait autrefois, et ceci doublement… En effet, d’un seul point de vue humain, comme Jésus aurait aimé que Pierre ait raison ! Mais il acceptera sa Croix, par amour de son Père et de chacun d’entre nous…

  • Être disciple de Jésus, c’est tout d’abord le suivre. « Renoncer à soi-même » c’est renoncer à toute recherche de soi, à tout égoïsme, pour se tourner vers Dieu et vers les autres. Pour le monde qui ne pense qu’argent, prestige, biens matériels, quel gâchis ! Une vie perdue. Mais pour Dieu, c’est tout le contraire. Même lorsqu’il s’agira de prendre sa croix, d’accepter pour le Christ toutes sortes d’épreuves, rien ne pourra leur enlever le Bonheur d’aimer !

TA PAROLE DANS NOS CŒURS

 « Je suis venu pour qu’on ait la Vie, et qu’on l’ait en surabondance… Je vous laisse la Paix, je vous donne ma Paix… Je vous ai dit cela pour que ma Joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 10,10 ; 14,27 ; 15,11). Le Chemin que tu nous proposes, Seigneur Jésus est un Chemin de Bonheur, le Tien. « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux… Heureux les doux, ils obtiendront la Terre Promise… Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 5,3-12 ; 11,29). « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12,26). Tel est ton seul désir : que nous soyons là où tu es, dans la Maison du Père, que nous vivions ce que tu vis, cette Plénitude d’Esprit, de Lumière et de Vie que tu reçois du Père de toute éternité… Apprends-nous, en t’écoutant jour après jour, à nous détourner, par ta grâce, de tout ce qui nous empêche de la recevoir !

 

TA PAROLE DANS NOTRE VIE

  • Et si tu nous posais aujourd’hui cette même question, « Pour vous, qui suis-je ?», que te dirions-nous ? T’avons-nous reconnu comme notre « frère », notre serviteur, toujours offert à nos cœurs pour que le meilleur triomphe dans notre vie, pour notre seul vrai Bien ?

  • « Qu’ai-je fait au Bon Dieu pour qu’il m’arrive tout cela » ? « J’ai la foi, je vais à la Messe, pourquoi m’envoie-t-il toutes ces épreuves » ? Nous l’entendons parfois, et à travers ces questions, se révèle un désir légitime de bonheur puisque Dieu nous a créés pour cela ! Mais de quel bonheur parle-t-on ? Comme les disciples ici qui ne cherchaient qu’une réussite purement terrestre ? Pensons-nous que notre foi fera disparaître, comme par un coup de baguette magique, toutes les épreuves de la vie, les souffrances, les maladies ? Jésus ne nous dit pas que nous ne vivrons jamais de croix, il nous invite à la prendre ! Et si nous l’acceptons avec son aide, nous ne pourrons que constater qu’il est là, avec nous, pour la porter. Et sa Présence sera Joie, envers et contre tout !

  • Comme nous avons du mal à « renoncer à nous-mêmes », à « perdre notre vie »… Mais sommes-nous toujours prêts à repartir, à tout offrir au Christ Sauveur qui ne cesse de « frapper à la porte » de nos cœurs (Ap 3,20) pour nous pardonner, nous purifier, nous fortifier, nous relancer ?

 

ENSEMBLE PRIONS   

Tu nous invites, Seigneur Jésus, à prendre notre croix et à marcher à ta suite, car c’est toi-même qui te proposes de la porter avec nous. Aide-nous à te dire ‘oui’ et nous goûterons, au cœur même de nos épreuves, à ce Bonheur d’Aimer que tu veux nous offrir dès maintenant et pour toujours. Amen

 

 

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23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 7, 31-37)) – Homélie du D. Alexandre ROGALA (MEP)

« Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, et un pauvre au vêtement sale.  Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant et vous lui dites :  « Assieds-toi ici, en bonne place » ; et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout »,  ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied. »  Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous, et juger selon de faux critères ? » (Jc 2, 2-4)

Dans la seconde lecture,  Jacques nous met en garde contre la discrimination dans l’Église. Même si dans l’Église il ne devrait pas y voir de place d’honneur, nous devons reconnaître que lorsque quelqu’un d’important visite notre Église, nous l’accueillons avec une plus grande considération. Par exemple, si le maire de la ville vient à l’une de nos célébrations, nous ferons tout notre possible pour qu’il se sente bien accueilli, et c’est normal. Il me semble que l’attitude dénoncée par Jacques est surtout le dédain que l’on peut manifester au pauvre.

Devant certaines de nos Églises comme St Henri et St Baudile, il y a parfois des personnes qui font la manche et parfois, nous ne les saluons même pas. Jacques nous rappelle que ce n’est pas l’attitude que doit avoir un disciple de Jésus.

Dans sa Première Lettre aux Corinthiens, Saint Paul compare l’Église au corps humain qui est composé de plusieurs membres. Et écoutez ce qu’il écrit au sujet des membres de l’Église les moins honorables :

« … Les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu.  Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres » (1 Co 12, 22-25).

Nous comprenons que de la même façon que nous protégeons les parties les plus fragiles de notre corps, nous devons aussi protéger ceux qui sont les plus pauvres et les plus petits dans l’Église.

Nous en avons un exemple d’une telle attitude dans le texte d’évangile de ce dimanche (Mc 7, 31-37). Des gens, probablement en bonne santé, amènent à Jésus une personne « pauvre », un « petit » pour ainsi dire, puisque cette personne ne possède pas la faculté d’entendre et qu’elle   a du mal à parler. Et Jésus, tel un médecin, prend en charge cette personne et la traite avec le plus grand respect. Il ne se contente pas de prononcer une parole pour la guérir, mais il amène cet homme à l’écart de la foule et lui accorde toute son attention.

Ce qui est étonnant et qui rend leur geste encore plus admirable, c’est que les gens qui amènent la personne sourde à Jésus ne sont même pas juifs, puisque la scène se passe dans le territoire de la Décapole, donc dans une terre païenne.

Nous pouvons ici faire un lien avec la première lecture qui est un court extrait de la partie du livre d’Isaïe qu’on appelle la « petite apocalypse/révélation d’Isaïe » qui décrit les derniers combats menés par le Seigneur contre les nations païennes. Dans l’extrait que nous avons entendu, il est question de la transformation du désert syrien par lequel sont passés les israélites lorsqu’ils sont rentrés de leur Exil à Babylone. Ces paroles sont pleines d’espérance. Je vous relis quelques extraits de cette première lecture :

« « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu (…) Il vient lui-même et va vous sauver. »  Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds (…) et la bouche du muet criera de joie ; car l’eau jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride. » (Is 35, 4-6)

Dans cet extrait, il est question des oreilles des sourds qui s’ouvrent, et de la bouche du muet qui crie de joie. Lorsque nous prenons en considération que les gens qui amènent la personne sourde et mal-parlante à Jésus ne sont pas juifs, et que par conséquent, ils ne connaissent pas les textes des prophètes, il est surprenant de constater que, sans le savoir, ils réalisent les signes annoncés par le prophète Isaïe lorsqu’ils s’écrient :

« Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. » (Mc 7, 37).

Cependant, lorsque l’on regarde de plus près le texte d’évangile, nous pouvons nous interroger : est-il vraiment correct de dire que Jésus fait entendre les sourds et parler les muets à partir de la guérison opérée par Jésus dans le texte d’évangile de ce dimanche ?

Tout d’abord, l’homme qui est amené à Jésus par la foule n’est pas muet. Il a simplement une difficulté d’élocution. Et nous pouvons deviner que si cette personne a du mal à parler, c’est parce qu’elle n’entend pas. Ainsi, la difficulté à parler de cet homme est liée à sa surdité.

Comme toujours, quand dans un texte d’évangile, Jésus fait un miracle, il ne faut jamais s’arrêter à la dimension surnaturelle, mais il faut chercher à en comprendre le sens.

Et il me semble que si nous voulons comprendre le sens de la guérison réalisée par Jésus dans l’évangile de ce dimanche, il ne faut pas séparer les deux handicaps, celui de la surdité et celui du problème d’élocution.

Relisons un morceau de l’évangile :

« Jésus (…) lui mit les doigts dans les oreilles,  et, avec sa salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »  Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement » (Mc 7, 33-35).

Nous voyons, que pour guérir, l’homme s’est d’abord laissé toucher par Jésus, puis entendre sa parole : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! ».

Ce miracle a aussi une dimension symbolique avec un message pour chacun d’entre nous : Si nous voulons « parler correctement », si nous voulons faire un bon usage de notre parole, nous devons d’abord, nous laisser toucher par Jésus et l’écouter.

Alors chers frères et sœurs, demandons au Seigneur de guérir notre surdité à sa Parole, afin que nous puissions « parler correctement » de ses « innombrables merveilles » (Ps 9, 2). Amen.




23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 7, 31-37) – par Francis COUSIN

« Effata ! … Ouvre-toi ! »

 

C’est l’histoire d’un sourd qui ne bredouillait que quelques mots … comme tous les sourds de naissance …

Mais il y a plusieurs particularités dans ce récit.

« Des gens amènent un sourd » à Jésus, « et supplient Jésus de poser la main sur lui. »

C’est-à-dire, en quelque sorte de faire quelque chose pour lui ! Quoi ? Ce n’est pas dit … Est-ce une demande de guérison, un miracle … ou tout simplement une aide quelconque ?

Il faut noter que l’on est dans le territoire de la Décapole, c’est-à-dire en territoire païen, non juif, et donc que la renommée de Jésus dépassait les frontières de la Galilée, et que les gens qui amènent le sourd, on le suppose, n’ont rien à voir avec les juifs.

Super ! Voilà des gens qui pensent aux autres … et qui les amènent à Jésus …

Mais nous …Est-ce qu’on fait cela ?

Penser aux autres … certainement, tout le monde le fait !

Mais les amener à Jésus … ?

Peut-être dans nos prières, surtout si on est proche … c’est déjà bien … Mais les autres … Qu’est-ce qu’on fait pour eux, en actes, concrètement … pour les amener à Jésus … ou pour les ramener à Jésus …

« Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule ».

Généralement, si Jésus veut faire un miracle, il le fait tout-de-suite … mais il demande une preuve ou un signe de foi de la personne concernée.

Ce n’est pas le cas ici. Mais l’acceptation par le sourd de quitter ceux qui l’ont amené pour suivre un inconnu est en elle-même un signe de foi.

« Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »

Les mots en Araméen, la langue maternelle de Jésus, sont rares dans les Évangiles. Leurs emplois par les évangélistes donnent une importance particulière au mot et lui-même qui, de ce fait lui donne valeur qui s’applique à tous ceux qui l’entendent. Ce n’est plus seulement le sourd ou ses oreilles ou sa langue qui doivent s’ouvrir, mais tous ceux qui entendent ce mot, donc tous les chrétiens qui doivent s’ouvrir à la Parole de Jésus, … pas seulement leurs oreilles, mais aussi leur intelligence, leur cœur, et leur langue.

Il y a un dicton qui dit : « Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. »

Ne soyons pas de ceux-là.

Écoutons, creusons (autre traduction possible de Effata) la Parole de Jésus.

On pourrait détourner le texte de saint Jean de l’aveugle guérit le jour du sabbat (Jn 9,41) :  « Jésus répondit aux pharisiens : « Si vous étiez sourd, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous entendons !”, votre péché demeure. ».

La Parole de Dieu, de Jésus, nous l’écoutons principalement lors de la messe.

Et avant que le prêtre (ou le diacre) ne lise l’évangile, on fait trois petites croix sur notre corps, généralement dans le sens descendant (C’est plus facile !), sans que la plupart des gens ne connaisse le sens de ces trois croix … et c’est bien dommage.

Permettez-moi d’en donner une traduction de leurs sens :

1° croix : sur le front, : « Que ta Parole, Seigneur, pénètre mon intelligence, … »

2° croix : sur le cœur : « Qu’elle envahisse mon cœur ,… »

3° croix : sur les lèvres : « Pour que je puisse la porter à tous mes frères. »

Avec cette référence à l’aspect missionnaire de l’Évangile qu’on oublie bien souvent. La mission, c’est pour les autres, les missionnaires … pas pour moi … C’est ce qu’on entend (ou sous-entend surtout) souvent …

En ce jour où nous fêtons la naissance de Marie, la mère de Dieu, ayons une pensée particulière pour celle qui a entendu la parole de l’ange Gabriel, qui la comprise, la acceptée dans son cœur, et qui toute sa vie a suivi et soutenu Jésus, jusqu’auprès de la croix.

Seigneur Jésus,

fais que nous entendions ta Parole,

que nous la comprenions comme toi tu le veux,

qu’elle remplisse nos cœurs de ton amour,

et qu’elle nous pousse à porter ton message

d’amour à tous ceux que nous rencontrerons.

 

  Francis Cousin

 

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23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 7, 31-37) – Homélie du Père Louis DATTIN

Mc 7, 31-37

Mes frères, en entendant le récit d’un miracle comme celui qui nous est raconté aujourd’hui : celui de cet homme qui est sourd et qui est muet et que Jésus guérit, si bien qu’il se met à entendre et à parler, nous risquons de mal comprendre, de faire un contre-sens, une erreur. Cette erreur serait de nous arrêter au miracle lui-même et d’être seulement admiratifs, comme cette foule qui entoure Jésus, « vivement frappés », nous dit l’Evangile. Ils disaient « Tout ce qu’il fait est admirable ! Il fait entendre les sourds, il fait parler les muets ». Nous risquons de nous arrêter au merveilleux, à l’insolite, à l’extraordinaire. On s’extasie, on dit : « C’est formidable » et on ne va pas plus loin. Or, quand Jésus fait un miracle, son geste a toujours une signification, un sens caché qu’il faut savoir comprendre, traduire, interpréter. St-Jean, dans son Evangile, ne nous parle même pas de « miracles » quand Jésus accomplit quelque chose d’extraordinaire, il dit : des signespar un miracle Jésus nous fait signe – et chaque miracle de Jésus a une signification, c’est-à-dire qu’il veut « dire » quelque chose, qu’il désire, par ce geste, non seulement nous faire comprendre quelque chose, mais qu’il nous donne un message.

Essayons aujourd’hui de réfléchir sur ce que Jésus veut nous dire quand il guérit ce sourd-muet.

Tout d’abord, l’Evangile nous signale que c’est en « Décapole » c’est-à-dire en pays étrangers aux juifs, chez les païens, que Jésus va faire ce miracle ; ce qui veut dire que Jésus n’est pas envoyé au petit peuple juif seulement, mais à tous, à tous ces étrangers pour qui les Judaïsants de l’époque n’avaient que mépris :

mission universelle du Christ, mission universelle du chrétien, envoyé à tous, vers tous.

La Parole de Dieu n’est pas réservée à une petite caste de privilégiés qui laisserait de côté la grande masse des non-initiés : tentation que nous avons, nous aussi, de nous rencontrer entre chrétiens, le petit groupe des « bien-pensants » ayant seulement un regard de pitié et de commisération pour tous ceux qui ne connaissent pas Dieu, qui sont loin de lui et qui ne sauront jamais. Jésus est missionnaire : c’est à un païen, à un étranger qu’il va rendre l’usage de ses oreilles et de sa langue.

– « Jésus l’emmène à l’écart de la foule » : une véritable conversion, un vrai changement spirituel ne peut se faire dans le brouhaha, le vacarme. Il faut le silence, le dialogue seul à seul, un minimum de recueillement, de réflexion, de prière.

– Remarquons ensuite que Jésus va guérir les oreilles avant la langue et ce n’est pas sans importance. Vous savez qu’un sourd-muet n’est muet que parce qu’il est sourd.

Un homme qui n’a jamais entendu de sons qui n’a jamais entendu de mots, de phrases, de paroles humaines ne peut à son tour en proférer. Il faut d’abord avoir « entendu » parler avant de pouvoir « parler » soi-même.

– « Jésus lui met ses doigts dans les oreilles » : avait-il besoin d’un tel geste ? Ce n’est pas une pratique de sorcellerie mais il porte, lui aussi, une « signification » : « C’est ma force, c’est ma grâce que je te passe ». Il y a communication sensible du doigt du Seigneur dans l’oreille de ce sourd.

 

– Comment un chrétien pourra-t-il dire quelque chose de l’Evangile, quelque chose du Seigneur aux autres ? Un chrétien doit d’abord écouter la Parole de Dieu, se mettre en état d’écoute et pouvoir entendre le message du Christ, avant de pouvoir le transmettre aux autres. Si parfois, mes frères, nous sommes muets, c’est-à-dire :

 – si nous ne disons rien de notre foi à ceux qui nous entourent,

 – si les autres ne savent même pas que nous sommes chrétiens,
– si, de notre bouche, ne sort jamais une parole de l’Evangile, c’est que nous n’avons pas assez entendu, écouté la Parole de Dieu. Pour le chrétien, il y a donc aussi une priorité de l’oreille sur la bouche. Ce n’est qu’après avoir entendu la Parole de Dieu, qu’après l’avoir écoutée, réfléchie, méditée que je peux, à mon tour, la dire aux autres, la proclamer, l’annoncer.

Pourquoi trouve-t-on si peu de catéchistes pour la rentrée prochaine ? Pourquoi les chrétiens parlent-ils si peu de leur foi, entre eux et autour d’eux ? La plupart du temps, c’est qu’ils ne savent plus grand-chose du contenu de leur foi, qu’ils ne l’ont pas alimenté en lisant et relisant leur évangile. Oh, bien sûr, à la messe, on en entend un petit morceau par-ci par-là, (quand on arrive assez à l’heure pour écouter les différentes lectures), mais ce n’est pas suffisant ! Il faudrait de temps en temps se remettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Alors, alors seulement, on pourrait en parler. On écoute bien sa femme, ses enfants, ses voisins, au café ou au marché, pourquoi n’écouterait-on pas le Christ ? Il a souvent des choses bien plus importantes à nous dire.

« Puis Jésus prend de la salive, lui touche la langue, il lève les yeux au ciel, il soupire et lui dit « Effata », c’est-à-dire « Ouvre-toi ». Ses oreilles s’ouvrent, sa langue se délie et il parlait correctement. Remarquez tous ces gestes de Jésus :

la salive, les yeux levés au ciel, il soupire comme s’il faisait un effort pour chasser la mal et dit : « Effata », « Ouvre-toi », ses oreilles étant ouvertes, sa langue se délia.

Alors c’est ici, et maintenant, mes frères, que nous avons à comprendre le sens de ce miracle. C’est le Christ qui nous dit à chacun de nous, maintenant : « Effata », « ouvre-toi ».

Ouvre tes oreilles pour m’écouter et écouter les autres autour de toi. Ouvre ta bouche pour proclamer les merveilles de Dieu et annoncer le message qu’il t’a confié. « Ne reste pas sourd, ne reste pas muet. Ecoute et ce que tu as entendu, dis-le ».

Impossible, mes frères, impossible de se dire chrétien et de rester fermé sur soi, en soi, de se replier, de s’enfermer comme un sourd-muet, insensible à la parole de l’autre et incapable de communiquer l’essentiel. Rappelez-vous la lecture d’Isaïe, la 1ère lecture, il disait : « Dieu va venir lui-même vous sauver, alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds ». En faisant ce miracle, Jésus nous fait comprendre : « Ça y est ! Le Christ, le Messie est là ! Il est parmi vous ! » Ce temps du Royaume, du salut est commencé et maintenant tout s’éclaire : les hommes vont pouvoir communiquer, entendre et écouter Dieu, parler et annoncer Dieu.

Cette guérison du sourd-muet est, ce qu’on appelle, un « miracle d’ouverture » qui nous incite, nous aussi, à : nous ouvrir davantage, nous ouvrir à Dieu par une meilleure écoute de sa parole, nous ouvrir aux autres par une meilleure annonce de son Royaume.

Sommes-nous assez communicatifs ? Communicants ? Que faisons-nous pour faire passer notre foi aux autres ? Pour dire la Bonne Nouvelle ? Sommes-nous des chrétiens contagieux qui donnent envie aux autres de le devenir ? Ou bien passons-nous dans la vie comme des sourds-muets, isolés des autres parce que je ne les écoute pas et que je n’ai rien à leur dire ?

N’oublions pas, mes frères, que nous sommes porteurs de l’espérance du monde. Nous sommes, nous rappelle le Christ, la lumière dans la nuit, le levain dans la pâte, le sel de la terre. Alors, ouvrons nos oreilles, délions notre langue et annonçons comme Isaïe : « le Royaume va venir, le Messie est venu : il est là pour vous sauver ! »  AMEN