Jésus, le Serviteur du Père, nous appelle tous à servir à sa suite (Mc 10,35-45; Dimanche 20 octobre 2024) – D. Jacques Fournier

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La première lecture que nous venons d’entendre commence par :

    « Broyé par la souffrance, le Serviteur a plus au Seigneur » (Is 53,10).

            Il est extrait d’un ensemble de quatre textes appelés en Isaïe « les poèmes du Serviteur » (cf. Is 42,1-9 ; 49,1-7 ; 50,4-11 ; 52,13‑53,12), car ils nous présentent tous un mystérieux « serviteur » accomplissant la volonté du Seigneur : « par lui, ce qui plait au Seigneur réussira », avons-nous aussi entendu. La Bible de Jérusalem a traduit : « Par lui, la volonté de Yahvé s’accomplira » (Is 54,10).

Or, St Matthieu, en citant un verset qui apparaît en Isaïe quelques lignes avant notre passage, présente Jésus comme accomplissant ce texte. C’est donc Lui « le Serviteur » en question… Nous lisons ainsi en Mt 8,16-17 : « Le soir venu, on lui présenta beaucoup de démoniaques ; il chassa les esprits d’un mot, et il guérit tous les malades, (17) afin que s’accomplît l’oracle d’Isaïe le prophète : « Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies » » (citation d’Is 53,4).

Jésus est donc « le Serviteur » de Dieu, « le Serviteur » du Père par qui « s’accomplit » la volonté de Dieu, la volonté du Père. St Luc le présente ainsi souvent dans la Livre des Actes des Apôtres comme étant « le serviteur du Père » :

Ac 3,13 : (Pierre à ceux qui contribuèrent à crucifier Jésus) :

            « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères

a glorifié son serviteur Jésus

                    que vous, vous avez livré et que vous avez renié devant Pilate,

                                               alors qu’il était décidé à le relâcher. »

Ac 3,26 : « C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur

                        et l’a envoyé vous bénir,

             du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités. »

Ac 4,27.29-31 (Prière des Apôtres dans la persécution) :

            « Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus,

            que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate avec les nations païennes et les peuples d’Israël…

(29)     À présent donc, Seigneur, considère leurs menaces et,

            afin de permettre à tes serviteurs d’annoncer ta parole en toute assurance,

(30)     étends la main pour opérer des guérisons, signes et prodiges

                                     par le nom de ton saint serviteur Jésus. »

(31)     Tandis qu’ils priaient, l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ;

            tous furent alors remplis du Saint Esprit    

                         et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance. »

 

            Or « le serviteur » est celui qui, par définition, « obéit » à Celui qu’il sert, et n’a donc qu’un seul désir : « accomplir sa volonté ». C’est ce que Jésus ne cesse de répéter dans l’Evangile selon St Jean :

   Jn 5,30 : « Je ne cherche pas ma volonté

                             mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. »

Jn 4,34 : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé

            et de mener son œuvre à bonne fin. »

Jn 6,37-40 : « Tout ce que me donne le Père viendra à moi,

            et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors ;

(38)     car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté,

            mais la volonté de celui qui m’a envoyé.

(39)     Or c’est la volonté de celui qui m’a envoyé

            que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné,

            mais que je le ressuscite au dernier jour.

(40)     Oui, telle est la volonté de mon Père,

            que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle,

            et je le ressusciterai au dernier jour. »

 

            Jésus ne fait donc que travailler à ce que la volonté du Père s’accomplisse et « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6).

     Jn 3,16-18 : « Dieu a tant aimé le monde

           qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré,

            afin que quiconque croit en lui ne se perde pas,

            mais ait la vie éternelle.

(17)     Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde,

            mais pour que le monde soit sauvé par lui.

(18)     Qui croit en lui n’est pas jugé ;

            qui ne croit pas est déjà jugé,

            parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique-Engendré de Dieu. »

Or, comment Jésus nous sauve-t-il de nos péchés et de toutes leurs conséquences ? En les prenant sur lui… Souvenons-nous : « : « Il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies » (Is 53,4). Et nous l’avons entendu dans la première lecture : « Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes » (Is 53,11). Or, en hébreu, la langue de l’Ancien Testament, le mot « faute » désigne tout à la fois l’acte commis et les conséquences de l’acte… C’est ainsi que bien après avoir tué son frère Abel, Caïn déclare à Dieu : « Ma faute est trop lourde à porter » (Gn 4,13). « Ma faute », c’est-à-dire les conséquences de « ma faute », le remords, le chagrin, la culpabilité qui écrase… St Paul écrit : « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui commet le mal » (Rm 2,9)… Et encore : « Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 2,9), la mort spirituelle puisque le péché blesse notre relation de cœur avec Dieu, et blesse donc cette communion de Lumière et de Vie que Dieu veut vivre avec nous tous, une communion qui est accueil du Don gratuit de l’Amour… ce qui suppose d’être tourné de tout cœur vers Lui, de tout notre être, ce qui ne peut encore qu’être synonyme d’une vie en harmonie avec Lui et il est vérité, justice, droiture, amour, don de soi pour le bien de l’autre, etc…

Mystère d’Amour, Jésus se révèle ainsi comme le Serviteur du Père venu accomplir la volonté du Père, c’est-à-dire nous sauver, nous, pécheurs, et cela en prenant sur lui toutes les conséquences de nos fautes… Sur la croix, il est mort de notre mort pour que nous puissions vivre sa vie… Sur la croix, il a vécu nos ténèbres, « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34) pour que nous puissions vivre de sa Lumière qui est Vie… Nous le chantons avec la Première Lettre de Pierre

1P 2,21-24 : « C’est pour nous que le Christ a souffert…

(22)     Il n’avait pas commis de faute,

On a trouvé dans ses paroles aucun mal… 

(23)     Insulté, sans rendre l’insulte, maltraité sans faire de menaces,

il s’en remettait à Qui juge avec justice.

(24)     C’étaient nos péchés qu’en son propre corps, il portait sur le bois,

afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice.

Par tes blessures, ô Christ, nous sommes guéris »

Le Christ nous invite donc à venir à Lui tels que nous sommes, avec toutes nos misères, nos blessures, nos manques, nos péchés, nos fautes et toutes leurs conséquences, et il nous invite à tout lui offrir, car sur la Croix, il a déjà tout porté, il a déjà tout enlevé, il a déjà remporté la victoire… Et si nous lui offrons ainsi toutes nos souffrances, toutes nos croix, toutes nos désolations, nous ne pourrons que constater qu’avec Lui, elles deviendront le lieu d’où jaillit la Lumière…

Jn 1,4-5 : « Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes,

Et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisiez

Jn 8,12 : « Je suis la Lumière du monde.

Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais il aura la lumière de la vie.

Jn 12,46 : Car, « moi, Lumière, je suis venu dans la monde

pour que quiconque croit en mou ne demeure pas dans les ténèbres »…

            C’est ainsi que Jésus nous sauve, gratuitement, par amour… Il se présente à chacun de nous comme étant notre serviteur, serviteur pour enlever toutes les conséquences de nos fautes : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Telle est la première phrase que dit Jean Baptiste lorsque Jésus entre en scène dans l’Evangile de Jean… Et même, littéralement, nous avons un participe présent : « Voici l’Agneau de Dieu, l’enlevant le péché du monde »… Or le participe présent décrit une action continuelle : c’est ce que Jésus ne cesse donc de se proposer d’accomplir dans nos cœurs et dans nos vies si nous acceptons, jour après jour, de tout lui offrir… Et jour après jour, instant après instant, il enlèvera tout, il pardonnera tout, il purifiera tout, il éclairera tout, il fortifiera tout… « Il n’y a qu’un mouvement au cœur du Christ, enlever le péché et emmener l’âme à Dieu » (Ste Elisabeth de la Trinité). C’est ainsi que le Christ se présente comme « le Serviteur » de tous les pécheurs…

            Et il a donné sa vie, il s’est donné tout entier, pour que ce salut puisse réellement, concrètement, se mettre en œuvre pour chacun d’entre nous : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45).

            Ainsi, les plus grands pécheurs, et donc les plus grands souffrants finalement (Rm 2,9), sont celles et ceux qui bouleversent le plus le cœur de Dieu (Os 11,8), ce sont les plus grands malades spirituellement, et donc celles et ceux qui ont besoin de recevoir du médecin (Lc 5,29-32) les plus grands remèdes… Ce sont les privilégiés, les chouchous de Dieu… C’est pourquoi, lorsque les disciples de Jésus demandent, dans le délire de leur orgueil, de « siéger à droite et à gauche du Christ dans sa gloire », Jésus leur répond, avec délicatesse mais aussi avec vérité, il ne peut en être autrement : « Vous ne savez pas ce que vous demandez… Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé »… Or, c’est sur la Croix que le Christ va se révéler comme étant pleinement « Roi »… C’est lors de sa Passion que ce titre lui est le plus souvent attribué… Et l’inscription placée au-dessus de sa tête sera : « Le roi des Juifs » (Mc 15,26)… La Croix est donc son trône où il siège, et à sa droite et à sa gauche, se trouvaient deux malfaiteurs, crucifiés eux aussi… Les voilà ceux que le Christ appelaient à siéger avec lui dans sa gloire… Aux deux, il offre le salut… Mais le récit de la Passion ne rapporte que le repentir d’un seul… « Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes, mais lui n’a rien fait de mal… Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans ton royaume ». Et Jésus lui répondra : « En vérité je te le dis, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis » (Lc 23,39-43).

            Puissions-nous tous nous aussi nous repentir de tout cœur de toutes nos misères, de tous nos péchés, de toutes nos défaillances, aussi nombreuses puissent-elles être… L’Amour Inconditionnel de Dieu pour nous est infini, un Amour que nous, pécheurs, appelons Miséricorde car notre misère n’empêche pas Dieu de nous aimer, bien au contraire… Osons donc tout lui offrir, et nous entendrons, nous aussi, dès maintenant, dans la foi, cette même Parole : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans la Paradis » et donc dans la Lumière et dans la Paix, même si, dans notre cheminement de foi, « nous ne voyons pour l’instant qu’en énigme » (1Co 13,12)… Mais cette Paix, elle, est bien réelle…

D. Jacques Fournier

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