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20ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER

« Jésus vainqueur du mal et de la mort »

(Mt 14,22-33)

  En ce temps-là, partant de Génésareth, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.
Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. »
Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »
Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »
Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! »
Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »
Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »
Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

     

                      Jésus déclare ici : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15,24). Mais il le dit à une femme cananéenne, une païenne donc, qui habitait «  la région de Tyr et de Sidon », la Syro‑Phénicie, l’actuel Liban, une terre où Jésus avait décidé de se retirer un moment, nous dit-on au tout début. Il ne pouvait donc que rencontrer ses habitants, pour finalement les rejeter ? Première contradiction…

            Cette femme, ayant appris qui il était, vient lui crier sa détresse : celle d’une mère devant la souffrance de sa fille. Elle est désemparée, elle ne sait plus que faire et se tourne vers Jésus : « Eléison me », lui dit-elle dans le grec des Evangiles, « aie compassion de moi », « fais-moi miséricorde »… Le Dieu qui se révèle dans la Bible comme étant « bouleversé jusqu’au plus profond de lui-même » par les souffrances des hommes (Os 11,7-10 ; Mt 18,27 ; Lc 1,78 ; 15,20), ce « Dieu de Tendresse et de bonté » (Ex 34,6) peut-il rester insensible devant la détresse d’une mère et la renvoyer en la comparant, elle et sa fille, à des « petits chiens » ? Impossible…

            Seul le contexte de l’Evangile de St Matthieu permet d’y voir un peu plus clair. Matthieu, en effet, est un Juif qui écrit pour des chrétiens d’origine juive, comme lui… Et il constate dans sa communauté à quel point certaines attitudes, contraires à l’Evangile, ont la vie dure… Certes, Israël est bien le Peuple élu à qui la Bonne Nouvelle devait être annoncée en premier, et telle était de fait la mission de Jésus (cf. Mt 15,24 cité précédemment). Mais cette logique du projet de Dieu n’est pas synonyme d’exclusion pour les païens. Un chrétien ne pouvait donc pas adhérer à l’attitude de certains en Israël qui traitaient les païens de « chiens »… Et c’est pourtant ce qui arrivait ! C’est pourquoi St Matthieu reprend ici ce vocabulaire pour le mettre dans la bouche même de Jésus, mais en le renversant : quoi de plus touchant, en effet, qu’un « petit chien » ? De plus, cette Cananéenne accepte le plan de Dieu, et elle se positionne humblement après le Peuple élu tout en manifestant une confiance sans borne en la bonté de Dieu. « Femme, ta foi est grande »… Avec le Christ et par lui, St Matthieu la donne ainsi en exemple à toute sa communauté ! « Et à l’heure même, sa fille fut guérie. » Comment pourraient-ils donc encore rejeter ces païens que Dieu accueille, sauve et comble, tout comme eux ? DJF




P. Louis Dattin : 60 ans d’ordination sacerdotale. Homélie de Mg Gilbert Aubry

Ouverture

Aujourd’hui, en ce jour de la Transfiguration, nous voici rassemblés pour célébrer la résurrection du Seigneur, pour prier aussi pour l’avènement des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Nous rendons grâce à Dieu pour notre baptême, pour le mystère de la Foi qui est la source de notre espérance et de notre amour pour que le Seigneur, à travers nous, transfigure déjà notre vie de tous les jours.

Dans notre action de grâce, nous prions plus spécialement pour le Père Louis Dattin, jésuite, qui, cette année, célèbre des anniversaires importants : 92 ans de naissance, 72 ans de cheminement avec ses compagnons jésuites, 60 ans d’ordination sacerdotale, 33 ans de vie apostolique à La Réunion, 20 ans de paroisse de Notre Dame de la Délivrance. Au total, cela fait 205 ans en valeur apostolique, vie bien remplie et belle à la suite du Christ. Evidemment, cela ne s’additionne pas, tranche de vie après tranche de vie. Les différentes périodes chevauchent sur la durée de sa vie, de son engagement avec ses compagnons jésuites, avec le déploiement de son ministère presbytéral. L’ensemble fait un beau bouquet de fleurs spirituelles variées. Si quelques fleurs, comme les roses, ont des épines, c’est pour rendre les fleurs plus belles et éloigner les chenilles. Ensemble rendons grâce pour la vie et les ministères accomplis par le Père Louis Dattin.

 

Homélie

 

Nous avons écouté l’Evangile de la Transfiguration. Il est plus facile pour nous d’approfondir le sens de cet événement que pour les gens et tous les disciples qui ont vécu immédiatement après l’événement. Pourquoi ? Parce que nous avons plus de recul, parce qu’après la Transfiguration, il y a eu la Résurrection, la Pentecôte, le développement missionnaire de l’Eglise et la vie dans l’Esprit Saint, avec notre vie de tous les jours.

 

Reprenons le passage de l’Evangile de Matthieu et resituons le contexte des relations des disciples de Jésus avec leur maître. Jésus enseigne ses disciples sur les « signes des temps » après avoir nourri sept mille hommes avec sept pains et quelques petits poissons. Evidemment, les gens sont épatés par les miracles de Jésus. Tout juste s’ils ne lui réclament pas encore plus du pain, des sous, des jeux. Du football plein la vue. Des joueurs à deux-cent-vingt-deux millions d’euros. Ça c’est pour aujourd’hui. Mais toutes les foules de tous les temps se ressemblent. Centrées sur leurs désirs et la satisfaction immédiate de leurs besoins et de leur curiosité, ils réclament plus, encore plus. « Donnez-nous du merveilleux quitte à nous éloigner de l’essentiel ». La Parole de Jésus tombe : « Génération mauvaise et adultère qui réclame un signe ! En fait de signe, il ne lui sera pas donné d’autre signe que Jonas ». Jésus les plante là et il part. Jonas ! C’est une vieille histoire que celle de cette baleine avec un bonhomme qui passe trois jours dans son ventre et qui revient à la vie. Mais Jésus, lui, y voit l’annonce de sa propre passion, de sa mort et de sa résurrection. Les gens ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas encore comprendre.

 

Ensuite Jésus interroge ses disciples par la question : « Au dire des hommes, qui est le Fils de l’Homme », c’est-à-dire qu’est-ce qu’on dit de moi ? Réponse, ils disent que tu es « Jean-Baptiste, Jérémie, Elie ou un prophète ». Et il y a la question de Jésus qui veut dire « ce n’est pas ce que disent les autres qui m’intéressent. Vous là, qui dites-vous que je suis ? » Alors Simon Pierre de dire « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant ». Simon est changé, métamorphosé « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise et la puissance de la Mort ne pourra rien contre elle ». L’Eglise est fondée. Pierre a une mission. Il devra tenir tête au Malin et à ses œuvres. Et voilà déjà que le Malin est à l’œuvre. Jésus annonce sa passion et sa résurrection, qu’il doit beaucoup souffrir et être mis à mort et ressusciter. Pierre ne comprend pas. Il réprimande Jésus. « Non ce n’est pas possible. Dieu t’en préserve, Seigneur, cela ne t’arrivera pas ». « Retire-toi derrière moi Satan » lui dit Jésus. Jésus traite son apôtre de Satan ! La réprimande est sévère. Les gens ne comprennent pas. Pierre n’a pas encore compris. Alors Jésus va plus loin et plus profond dans son enseignement : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix et qu’il me suive » (Mth 16,24).

Et voilà. Jésus qui sait tout veut préparer quelques disciplines à comprendre qu’il lui faut passer par la croix pour ressusciter. Il veut que Pierre, Jacques et Jean comprennent déjà par avance, par anticipation, le chemin, le chemin de croix, la crucifixion, la mort, la mise au tombeau, la descente aux enfers qu’il va vivre. Tout cela pour entrer dans la gloire de la Résurrection. Alors, Jésus, avant de prendre le chemin de Jérusalem, prend l’initiative d’appeler Pierre, Jacques et Jean, de les prendre avec lui. Où est-ce qu’ils vont ? Sur une haute montagne, une montagne élevée. Souvenez-vous des trois tentations au désert. Souvenez-vous de la montagne de l’Ascension. Donc il faut marcher. Donc il faut progresser. Donc il faut se laisser élever par la marche, quitter les remue-ménages, les papotages, les da-dit-la-fait de ce qui croient savoir. Se mettre à l’écart, aller en profondeur pour prendre de la hauteur. Ils suivent Jésus par amour puisqu’ils sont choisis spécialement par amour – Pierre, Jacques et Jean – pour être avec Jésus et ensuite accomplir une mission particulière : « Etre les témoins oculaires de l’événement ». C’est Jésus le guide « Il les emmène ». Il connaît le chemin puisque c’est lui-même « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Il connaît le but, la transformation de ses disciples, la transfiguration de ses disciples par sa transfiguration à Lui, par sa métamorphose.

Alors, qu’est-ce qui se passe ? « Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière » (Mth 17, 2). Cela ne suffit pas. Voilà que Jésus métamorphosé, transfiguré est entouré par Moïse et Elie. Il y a là avec Jésus, en Jésus, le sommet de l’élévation spirituelle en Dieu, tout se condense en Jésus : la Loi et les prophètes. Pierre, toujours actif, manifeste la joie et l’attention, la sienne et celle de Jacques et de Jean. C’est formidable ce moment de plénitude. « Si tu le veux, je vais dresser trois tentes. On est bien ici. Il y aura une tente pour toi, une pour Elie, une pour Moïse ».

Et puis l’événement se déploie encore plus : « Une nuée lumineuse les recouvre ». Il n’y a plus besoin de tente, plus besoin d’abri. Ils sont tous ensemble : Jésus, Moïse, Elie, Pierre, Jacques et Jean. Ils sont dans la lumière. Rappelez-vous le peuple de Dieu guidé par la nuée et ce peuple s’avance dans un immense désert. Une voix se fait entendre « Celui-ci est mon Fils bien aimé, Celui qu’il m’a plus de choisir, écoutez-le ». Si la voix dit « C’est mon Fils », cela veut dire que c’est le Père qui parle. Dieu parle aux hommes et leur donne son Fils qui est « La Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Dieu parle en présence de Celui qui a dit « Je suis la Lumière du Monde », en présence du Verbe fait chair et qui sera crucifié, Dieu crucifié dans la chair de son Fils. Alors Pierre, Jacques et Jean sont comme écrasés par le poids du mystère, « saisis de crainte, ils tombèrent la face contre terre ». Il y a de quoi. Jésus, le Messie, le grand Prophète, l’Unique, Celui qui doit être écouté, le Prince de la Paix, s’approche, les touche et leur dit « Relevez-vous, soyez sans crainte ». Alors ils osent lever les yeux et « ils ne virent plus personne, sinon, lui, Jésus, seul ». Jésus qui sera crucifié et ressuscité devient leur boussole, leur guide, leur Maître. Dieu né de Dieu dans la chair humaine de la chair de Marie. La transfiguration est l’annonciation de la résurrection, elle est la manifestation anticipée de la résurrection pour aider les disciples à comprendre la puissance de la croix glorieuse de Jésus.

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ, nous avons tous nos épreuves, nos drames, nos chemins de croix. Aujourd’hui Jésus ressuscité nous dit d’une manière ou d’une autre dans notre cœur : « En tant que Verbe fait chair et avec ma chair de ressuscité, dans le souffle de l’Esprit recréateur, je ne vous laisse pas seuls. Je suis avec vous tous les jours. Vos souffrances sont mes souffrances. Je suis passé par la souffrance et moi, Dieu fait homme, j’ai perdu toute apparence humaine. Que d’humiliations, d’ignominies, de coups n’ai-je pas subi. Je connais tes souffrances mais je veux que tu connaisses la lumière de ma résurrection. Je t’offre ta transfiguration intérieure, le souffle de l’Esprit pour que tu aies la force de lutter, d’avancer, de progresser, de t’élever, en aidant les autres à lutter contre la souffrance, à ne pas désespérer. Toi-même écoute-moi. Médite mes paroles. Laisse-moi m’approcher de toi. Parle-moi. Dis-moi tout. Tu trouveras toujours telle ou telle croix. Mais avec moi qui porte ta croix avec toi, ta croix deviendra glorieuse. Laisse-moi te toucher. Relève-toi et sois sans crainte. Je veux te transfigurer par la puissance de ma résurrection et par toi, je veux transfigurer les autres et préparer l’Humanité à l’avènement des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Toi, sois prêt. Vous, soyez prêts car vous ne savez ni le jour ni l’heure. Gardez ma Parole. Avec saint Pierre « (fixez) votre attention sur elle, comme une lampe brillant dans un lieu obscur, jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ».

Oui, Seigneur Jésus, nous croyons en Toi, nous avons confiance en toi. Viens Seigneur Jésus, viens nous t’attendons. Viens changer nos cœurs, viens changer nos vies. Viens nous transfigurer. Viens faire les cieux nouveaux et la terre nouvelle. Maranatha, viens Seigneur Jésus !

 

                                                                            Monseigneur Gilbert AUBRY

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P. Louis Dattin – Août 2017




« HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN » – Homélie de Mgr Gilbert Aubry pour les 125 ans du diocèse des Seychelles

 

Dans un monde où la violence se déchaîne, où les conflits semblent ne plus finir, où les guerres font tant de morts, regardons comment la parabole de l’ivraie et du bon grain peut nous aider à devenir d’efficaces artisans de paix. Aujourd’hui.

Tout d’abord, reconnaissons que lorsqu’un sérieux imprévu ou un événement dramatique, un décès brutal, une catastrophe naturelle nous tombent dessus, nous pouvons être révoltés. Nous pouvons murmurer ou crier :

Bon Dié qui ça ou l’est ?

Bon Dié où ça ou l’est ?

Bon Dié quo ça ou fait ?

Nous comprend pu arien.

Ou bien si quelqu’un nous embête trop, s’il nous casse les pieds comme on dit, alors si on pouvait, on lui casserait la figure. Evidemment, ce n’est pas comme ça que l’on va construire la paix. On va plutôt déclencher la guerre.

Prudence – patience – humilité

Dans la parabole de l’ivraie et du bon grain, quand les serviteurs viennent proposer à leur maître d’arracher l’ivraie pour que le blé pousse bien, le maître dit « Non » parce qu’on pourrait arracher le blé en même temps. Il ferait alors le jeu de l’ennemi qui est un méchant, un malin, un vicieux. L’ennemi a travaillé la nuit pendant que tout le monde dormait. L’ennemi a semé l’ivraie au milieu du blé et quand les petites graines de l’ivraie tombent dans la terre à côté des petites graines de blé, on ne peut pas les distinguer. Il faut que cela pousse pour voir la différence. Cet ennemi calcule son coup de loin pour des conséquences lointaines et désastreuses. Mais le maître qui a semé le bon grain apprend à ses bons serviteurs à être intelligents. On va veiller sur les jeunes pousses de blé. Alors quand elles auront donné des épis, on va d’abord arracher l’ivraie et la brûler. Puis on pourra cueillir les tiges de blé avec les épis, refaire les semailles pour une autre récolte et faire de la farine et puis du pain, fruit de la terre et du travail des hommes. L’ennemi est pris à son propre piège parce que celui qui a semé le bon grain n’est pas tombé dans son piège. L’ennemi voulait tout brouiller dans le champ et les serviteurs pourtant bien intentionnés auraient pu tout détruire par la précipitation. La prudence et la patience du maître du champ porteront du fruit. Il se situe aussi dans l’humilité parce qu’Il sait que la croissance de son blé, le soleil, la pluie et le vent, la bonne saison avec le risque d’une mauvaise saison demandent du temps et qu’Il respecte le temps, Lui qui est le maître du temps. Parce qu’il est la vie.

Jésus fait comprendre aux disciples – et il nous fait comprendre maintenant – que c’est Lui le maître du champ c’est-à-dire du monde. C’est Lui qui fait pousser ensemble l’ivraie et le bon grain sous le soleil du Bon Dieu. C’est Lui-même qui affirme « Au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs, enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier » (Mth 13, 1, 24, 43). C’est Lui-même qui le dit : « L’ennemi c’est le diable ; la moisson c’est la fin du monde ».

Aujourd’hui, ce n’est pas encore la fin du monde mais nous sommes déjà dans la fin d’un monde. Les derniers temps sont déjà commencés. Nous aspirons à un monde nouveau avec des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Avec la foi de l’Eglise exprimée dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique, nous pouvons affirmer : « Depuis l’Ascension, l’avènement du Christ dans la Gloire est imminent même s’il ne nous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa seule autorité. Cet avènement (eschatologique) peut s’accomplir à tout moment, même s’il est retenu lui et l’épreuve finale qui le précèdera » (§ 673). C’est bien là la source de notre espérance en ce grand jubilé des 125 ans du diocèse de Port-Victoria.

La bonne semence dans le bon champ

L’Eglise et l’Evangile viennent toujours d’ailleurs. Tout comme le peuplement de nos îles, tout comme le peuplement des Seychelles. Les navigateurs, les colons, les commerçants, les militaires voyagent et s’installent avec leur religion. Même si la France prend officiellement possession des îles qui deviennent Seychelles en 1756, ce n’est que le 27 août 1770 que débarquent les vingt-six premiers habitants. Ils s’installent à Sainte-Anne sous les ordres du commandant Delaunay. En 1811, les Seychelles deviennent colonie britannique et dépendent du gouverneur de l’île Maurice. En 1832, le pasteur anglican Norton est envoyé de Maurice pour fonder l’Eglise anglicane. Mais il ne va pas rester longtemps. 1838 : libération des esclaves.

La mission catholique devra son implantation ici grâce au Père Léon des Avanchers. C’est une bonne semence qui est tombée dans le bon champ. On peut se demander ce qui a pu pousser ce capucin savoyard suisse à travailler au Yémen, en Ethiopie, en Inde… peut-être un certain goût de l’aventure mais certainement son amour du Christ et de l’Eglise et la certitude que l’Evangile est vraiment la Bonne Nouvelle pour tous les êtres humains. En 1851, il passe aux Seychelles. En 1852, Rome structure la chrétienté catholique des Seychelles en Préfecture apostolique avec Léon des Avanchers comme vice-préfet en 1853. Il y aura donc une séparation d’avec le diocèse de Port-Louis (île Maurice). Léon des Avanchers quittera les Seychelles en 1855. Il aura construit la première église sur la colline de la Rosière et consacré les îles à la Vierge Marie, l’Immaculée Conception. En 1853, arrivent aussi les premiers Capucins. La mission catholique est inaugurée officiellement le 21 septembre 1853. En 1864, la Mision des Seychelles est officiellement confiée aux Capucins de Savoie. En 1880, la chrétienté des Seychelles devient Vicariat Apostolique avec la nomination de Mgr Ignace Galfione de Villafraca comme premier vicaire apostolique. Puis viendra Mgr Symphorien Mouard qui sera vicaire apostolique de 1882 à 1889.

Enfin, la chrétienté des Seychelles est érigée en diocèse le 21 juillet 1892. Les amis, cela fait deux jours le 21 juillet 2017 que votre diocèse de Port-Victoria a 125 ans. Alors, qu’est-ce qu’on chante ? « Happy birthday to you my church ».

Alors viennent les évêques suivants :

  • Mgr Marc Hudrisier, premier évêque (1892-1920)

  • Mgr Bernardin Clark, deuxième évêque (1910-1915)

  • Mgr Jean-Damascène Lachavanne (1916-1920)

  • En 1920, nous avons la fin de la mission des Capucins de Savoie et le début de la mission des Capucins de Suisse romande.

  • Mgr Justin Gumy, Capucin suisse, va succéder à Mgr Lachavanne. Il sera évêque de Port-Victoria de 1921 à 1934.

  • Mgr Ernest Joye de 1934 à 1937

  • Mgr Olivier Maradan de 1937 à 1972. Cela fait 80 ans que Mgr Maradan a été nommé évêque du diocèse et il a été votre évêque pendant 35 ans. C’est certainement l’évêque qui a engagé une mutation profonde du diocèse de par la durée de son épiscopat et par la mise en œuvre de l’enseignement et des directives du Concile Vatican II, Concile dont les sessions se sont déroulées de 1962 à 1965. C’est pendant ce Concile qu’une amitié s’est développée entre Mgr Maradan et Mgr Guibert, évêque de La Réunion.

  • 1972 1975 : Mgr Gervais Aeby assura l’intérim et continua l’application du Concile.

  • Mgr Félix Paul évêque de 1975 à 1994. Il est le premier évêque seychellois. Pendant les 19 ans de son épiscopat, comme Mgr Denis Wiehe écrit dans sa lettre pastorale de 2017, « avec Mgr French Chang Him, évêque seychellois de l’Eglise anglicane, ils feront route ensemble pour annoncer l’Evangile et dénoncer les injustices, tout en souhaitant que le Gouvernement « prenne davantage cas des aspirations profondes du peuple, aspirations matérielles mais surtout spirituelles qu’il oublie trop souvent ». Suite à des ennuis de santé, il a démissionné en 1994. Décédé le 21 novembre 2001, il est inhumé dans la cathédrale.

  • 1994 – 1995 : j’ai été administrateur du diocèse.

  • 1995 – 2002 : Mgr Xavier Baronnet, jésuite français missionnaire en Afrique, dans les îles du Pacifique et à La Réunion. Secrétaire de la Zone Pastorale des petites îles de l’océan Indien. Mise en place de la CEDOI. Premier secrétaire de la CEDOI. En 1998, il préside la fusion de la Congrégation des Sœurs de Sainte Elisabeth et des Filles de Marie de La Réunion. Il participe à la traduction du N.T en créole. Il restaure la cathédrale. Il y a l’arrivée des prêtres Spiritains aux Seychelles, le Mémorandum avec l’Etat concernant les écoles catholiques. Puis à 75 ans, il démissionne.

  • 2002 : Mgr Denis Wiehe. Vous le connaissez ! Moi aussi. Il est Mauricien d’origine, spiritain. Il a occupé de hautes fonctions au Conseil Général des Spiritains à Rome et connait bien la situation de l’Eglise dans beaucoup de pays qu’il a visités comme responsable spiritain. Il est devenu Seychellois avec vous, les Seychellois à tel point que l’honneur lui a été fait de recevoir la « nationalité seychelloise ». Il a été président de la CEDOI, un indianocéanien convaincu. Il porte un amour profond à son diocèse, à votre diocèse.

Chers amis Seychellois, votre évêque actuel vous a donné déjà quinze années de sa vie comme pasteur. Dans le très bel album réalisé par Gabriel Hoarau et Sheila Montano « Brève Histoire du Diocèse de Port-Victoria », Mgr Wiehe écrit en 2015 « (…) depuis le Père Léon des Avanchers jusqu’à l’indépendance en 1976, l’Eglise des Seychelles a exercé un rôle de premier plan dans la vie et le développement du pays. Aujourd’hui, cette même Eglise est appelée à jouer un rôle différent, plus discret, mais quand même de grande importance car l’Eglise catholique est de loin la plus importante institution religieuse du pays. Une « nouvelle évangélisation » est demandée pour des temps nouveaux. L’Eglise est appelée à retourner à sa source première, c’est-à-dire à l’Evangile pour boire l’eau fraîche de la confiance au Christ et recevoir de lui sa joie et sa vigueur des premiers temps ».

La nouvelle évangélisation

Effectivement, quel chemin parcouru depuis le Père Léon des Avanchers de 1851 à 1855. Aujourd’hui, le temps où l’Eglise catholique était considérée comme dépendant d’une congrégation missionnaire est terminé. Vous êtes déjà passés de la chrétienté débutante à l’organisation de la Préfecture Apostolique en 1852, votre chrétienté a été érigée en diocèse en 1892. Vous faites partie de la Conférence épiscopale d’océan Indien érigée en 1985. A la demande des responsables du diocèse (The board of trustees), l’enregistrement civil du diocèse par la République des Seychelles a changé de nom. Le nom officiel de « Mission Catholique » est devenu « Eglise Catholique ». Cela montre à la fois le travail accompli, la reconnaissance par les pouvoirs publics d’une institution logistique seychelloise et la nécessité d’une écoute mutuelle et d’un partenariat pour le bien humain, moral et spirituel de la même population dans le respect des compétences de chaque institution. Ce changement de statut a été acté par l’Assemblée Nationale et constitue un amendement de l’acte de l’an 2000. Cela veut dire qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’Eglise Catholique aux Seychelles dépend avant tout de la vitalité et de l’engagement actif de tous ses membres.

Excellence, cher Denis, dans ta lettre pastorale 2017, tu as pris soin déjà de souligner ce qui te parait essentiel pour la mission de l’Eglise Catholique pour que le défi de la nouvelle évangélisation puisse être porté plus loin. Tu as noté la « mission en interne » avec le travail à accomplir dans la liturgie, dans la formation, dans l’unité et la solidarité dans l’Eglise elle-même. Pour ce qui est de la « Mission vers l’extérieur », tu as noté : l’ouverture aux Eglises régionales et continentales, les œuvres sociales du diocèse, l’ouverture à la société civile, l’ouverture à nos frères et sœurs des autres Eglises et Religions, le travail avec le « Seychelles Evangelical Alliance ». Ainsi tu soulignes en interne et en externe la persévérance pour l’approfondissement et l’application de Vatican II. Le diocèse de Port-Victoria est en état de marche, en pleine créativité apostolique. J’ai compté cinquante-six œuvres, mouvements et services diocésains.

Quand dans nos îles de l’Indianocéanie et aux îles Seychelles, l’action apostolique se complexifie, que des difficultés surgissent, que des conflits peuvent éclater, il est nécessaire pour nous de développer une culture du dialogue qui nous fait si souvent défaut. Souvent les ouvriers de l’Evangile sont plus sur la manière de défendre leurs idées que sur la compréhension des personnes pour voir comment faire avancer les missions qui leur sont confiées pour le bien de l’ensemble. « C’est alors que dans l’Evangile d’aujourd’hui, l’ivraie et le bon grain, Jésus nous donne sa réponse toute simple et merveilleusement limpide : tout d’abord on s’en doutait, le mal ne vient pas de Dieu qui n’a semé que du bon grain dans le champ du monde mais tout le mal ne vient pas du cœur de l’homme. Le mal existe avant et il est plus profond. (L’ennemi, le Satan). Pour Jésus, c’est clair et net. L’homme lui-même est victime de ce que Jésus appelle « le mauvais », le Mal indiqué dans la prière du « Notre Père » « Délivre-nous du Mal ». Comme il nous est bon d’apprendre cette révélation. Au-delà de nos faiblesses, à la racine de nos péchés, il y a une puissance dont nous ne sommes pas totalement responsables et qui agit sournoisement « pendant que les gens dorment » dit Jésus. Alors que le blé a été semé en pleine clarté du jour, l’ivraie est semée en cachette en profitant lâchement d’un moment de relâchement ou d’un moment d’inconscience. N’est-ce pas une expérience que nous faisons souvent ? Le Mal s’infiltre sournoisement dans notre vie et souvent à notre insu : nous ne nous en apercevons qu’après coup. C’est Jésus qui nous le dit et ainsi il réhabilite notre dignité profonde. Nous ne sommes pas si mauvais que nous en donnons parfois l’image. Le pécheur est d’abord une victime. Si Dieu n’extermine pas les méchants, c’est qu’Il garde au fond du cœur l’espoir qu’ils vont finir par se convertir. » (cf. P. Dattin, 16e dim ord., A)

Le combat spirituel

Alors, chers amis, il ne s’agit pas de s’endormir mais de mener un combat spirituel intense, jour après jour. Pas question non plus de se crisper ou de s’enfermer dans un combat volontariste. Il s’agit de vivre au cœur à cœur avec le Christ qui nous dit de « prier pour ne pas entrer en tentation », de nous donner totalement au Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie » de notre vie. De ta vie. Il nous conduit à Dieu Notre Père. Et Il nous dit aussi qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du Père. Oui, il nous faut prier et prier avec la Parole de Dieu, avec les dix paroles de vie données à Moïse et dont Josué et l’Eglise deviendront les héritiers. Souvenons-nous toujours des paroles du Seigneur dites à Josué, paroles que avons entendues tout à l’heure en anglais : « Je serai avec toi comme j’étais avec Moïse, je ne te délaisserai pas, je ne t’abandonnerai pas. Sois fort et courageux. Oui sois fort et très courageux. Veille à agir selon toute la loi que t’a prescrite Moïse mon serviteur. Ne t’en écarte ni à droite, ni à gauche afin de réussir partout où tu iras. Ce livre de la loi ne s’éloignera pas de ta bouche. Tu le murmureras jour et nuit, afin de veiller et agir selon tout ce qui est écrit, car alors tu rendras tes voies prospères, alors tu réussiras » (Josué 1, 1 à 4).

Nous retenons, dans l’Alliance de Dieu avec l’Humanité, « sois fort et très courageux. Tu rendras tes voies prospères ». La Parole de Dieu est Lumière, elle est Miséricorde et Salut, elle est créatrice au souffle de l’Esprit recréateur. La Parole veut faire des activités humaines une immense eucharistie, une messe sur le monde au cœur de nos activités quotidiennes. Nous ne sommes pas des rabat-joie, des nostalgiques de la case en paille et de la lampe à pétrole. Nous sommes de notre temps, nous utilisons le numérique, nous sommes accueillants et vigilants sur toutes les évolutions technologiques qui non seulement viendraient au secours des hommes pour les réparer mais celles aussi qui pourraient les augmenter, les faire passer à un transhumanisme qui les réduirait en robots ou en ferait des esclaves. Nous refusons d’être déshumanisés. Nous sommes des veilleurs. Nous sommes des guetteurs, nous sommes des artisans de paix. Nous voulons vivre dans la vérité du Christ. Nous voulons vivre dans la beauté du Christ. Nous voulons vivre de la beauté du Christ.

C’est un immense combat qui est devant nous. Nous vivons dans notre temps « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps ». Mais nous savons que tout ce que nous donne la nature, tout ce que notre intelligence étudie et transforme, toutes les technologies qu’on n’a pas fini de découvrir, tout cela est un cadeau de Dieu à utiliser dans le souffle de l’Esprit Saint pour l’humanisation de l’homme, pour la gloire de Dieu. Tout cela « nous le retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père le Royaume éternel et universel ». « Dieu sera alors tout en tous » (1 Co 15-28) (Cat. E.C. § 1050). A partir de la vie de tous les jours, nous fabriquons de la vie éternelle. Dieu ne vieillit pas. C’est la jeunesse éternelle de Dieu qui nous arrive et qui nous attend.

Et toi, jeune ?

Aussi, dans la grâce de ce jubilé des 125 ans du diocèse de Port-Victoria, je m’adresse finalement à vous jeunes des Seychelles, à toi jeune fille seychelloise, à toi jeune homme seychellois, à vous, jeunesse de votre Eglise, à vous jeunesse de votre pays. Toi jeune, si tu aimes vraiment, garde en ton cœur, garde en ta mémoire cette fête d’aujourd’hui. Fais de ta vie une chanson, un poème, une danse pour Dieu. Vis ta vie avec Dieu. Cherche à réussir ta vie… Et que feras-tu de ta vie ? Souviens-toi que tu es fait pour la réussite de l’Amour. Ta vie ne sera réussie que si elle est pleinement humaine et pleinement divine à la fois. Cherche. Tu rêves d’une Eglise plus belle, tu rêves d’un monde plus beau. Ne rêve pas seulement, donne ta vie jour après jour.

C’est toi et tous ceux qui sont comme toi qui construiront une Eglise plus belle, un monde plus beau. Aime, aime avec le cœur du Christ ressuscité qui bat dans ta poitrine. Aime, aime jour après jour, aime pour toujours. N’aie pas peur de l’effort. Si tu aimes vraiment, si tu aimes d’amour, si tu es responsable de la vie, marie toi, fonde un foyer chrétien. Si tu aimes vraiment, si tu aimes d’amour, pourquoi ne serais-tu pas prêtre, diacre, religieux ou religieuse ? Ça vaut le coup de donner sa vie pour l’amour car l’avenir appartient à l’amour. Bonne route et bel avenir. Jésus a confiance en toi. Il t’aime. Laisse-toi aimer par lui. Avance. Suis-le. Le Seigneur Jésus t’aime. Toi, est-ce que tu l’aimes ? « Viens et suis-moi ». L’Eglise compte sur toi et tu peux compter sur elle. Oui, laisse chanter ta mémoire, laisse chanter ton cœur pour la gloire du Seigneur.

                                                                                       Monseigneur Gilbert AUBRY

                                                                                             Evêque de La Réunion

 




19ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 14 22-33

« Jésus obligea les disciples à monter dans la barque

et à le précéder sur l’autre rive. »

 

Nous sommes juste après la multiplication des pains, ce miracle extraordinaire que Jésus avait fait en présence d’ « environ 5000 hommes, sans compter les femmes et les enfants » (Mt 14,21), et ceux-ci avaient vu en lui « le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » (Jn 6,14). Ils pensent avoir trouvé le roi qui les libérera des occupants étrangers. Mais Jésus ne veut pas que les apôtres soient contaminés par cette idée, et il les envoie « sur l’autre rive », parce que sa ’’royauté n’est pas de ce monde’’ (Jn 18,36). Il veut que les apôtres ne se trompent pas sur ses intentions, et il les envoie seuls, la nuit (dans le royaume des ténèbres), sur la mer de Galilée (dans le royaume du mal, du démon, de la mort), vers l’autre  rive.

Jésus les avait déjà envoyés deux par deux, sans lui, dans les villages des environs pour qu’ils annoncent la Bonne  Nouvelle, et ils étaient revenus enchantés de ce qu’ils avaient fait, des miracles accomplis (Lc 9,6). Mais cette fois-là, ils étaient sur terre, en confiance. Peut-être trop.

Et cette nuit-là, le vent se lève, c’est la tempête, et il est difficile de diriger la barque. Il faut rester éveillé. C’est épuisant.

Pendant ce temps, Jésus a gravi la montagne, et il prie.

Quand le jour commence à peine à poindre, quand les ténèbres commencent à s’amenuiser, Jésus, soleil levant, vint vers les apôtres en marchant sur la mer, montrant ainsi que la mort, représentée par la mer, n’a pas de pouvoir sur lui, qu’il est le maître de la vie. Et aussi que le démon, les puissances du mal ne peuvent pas l’atteindre.

Les apôtres ne le reconnaissent pas. Pire, ils s’affolent : on n’a jamais vu quelqu’un marcher sur la mer ! Mais Jésus n’est pas ’’quelqu’un’’, il est Dieu. Et il le leur dit : « Confiance, c’est moi (en grec : ‘egw eimi’, ‘JE SUIS’ : le nom de Dieu révélé à Moïse), n’ayez pas peur ! ».

Cette révélation ne convainc pas vraiment Pierre : « Si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux ». Il y va ! Au début, dans l’enthousiasme, ça va. Mais quand il se rend compte de ce qu’il est en train de faire, qui n’est pas du domaine humain, il panique et s’enfonce. Et Jésus le retiens par la main.

Aussitôt montés dans la barque, le vent cessa et chacun s’exclama : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! ». Mais il avait fallu que Jésus sauve Pierre de la noyade pour qu’ils reconnaissent que Jésus est « JE SUIS », Dieu, Fils de Dieu.

A chacun de nous aussi, Jésus dit : « Va sur l’autre rive, quitte la vision humaine des choses et des hommes, et comprend les avec le regard de Dieu. Écoute ma Parole, et vis de cette Bonne Nouvelle que je t’ai donnée. Oh bien sûr, cela ne va pas être toujours facile, tu traverseras des moments de doute, les ténèbres et les forces du mal vont essayer de te faire couler, des ‘croix’ se présenteront devant toi, mais n’aie pas peur ! Je suis toujours auprès de toi, prêt à te tendre la main, à te relever si tu me le demandes. Aie confiance en moi ! Sans moi, tu ne peux rien faire, mais avec moi, tout est possible ‘car rien n’est impossible à Dieu’ (Lc 1,37) ».

Le problème, c’est que nous, on a du mal à quitter notre rive, à nous lancer sur la mer. Quand il y a un problème, que les ténèbres s’amoncellent autour de nous, on croit que Dieu nous abandonne. Parce que souvent, quand il vient vers nous, c’est par des moyens non-humains ou non habituels. Et nous ne le reconnaissons pas ; on se demande si c’est  bien lui, ou si c’est le démon, ou un ‘fantôme’, et on s’affole. On fait comme Pierre, on demande des preuves, des choses extraordinaires, pour être sûr ! Et comme lui, on se ‘plante’ !

Ayons FOI en Jésus, ayons FOI en Dieu. Et disons-lui : « J’ai confiance en toi ! ».

Dans leur angoisse,

ils ont crié vers le Seigneur,

et lui les a tirés de la détresse,

réduisant la tempête au silence,

faisant taire les vagues.

Ils se réjouissent de les voir s’apaiser,

d’être conduits au port qu’ils désiraient.

Psaume 106, 28-30 

 

Francis Cousin

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Prière dim ord A 19° A6




Audience Générale du Mercredi 2 Août 2017

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Août
  2017


Voici le résumé en français de la catéchèse que vient de prononcer le Saint-Père :

Frères et sœurs, nous avons un peu perdu la sensibilité au langage du cosmos que la disposition des églises ou les anciens rites du baptême mettaient en avant : l’occident où se couche le soleil, où meurt la lumière ; l’orient, où les ténèbres sont vaincues par la lumière de l’aurore, rappel du Christ, soleil surgi d’en haut à l’horizon du monde. Mais la signification de ce langage demeure intacte. Être chrétien, c’est regarder vers la lumière, même quand le monde est enveloppé par la nuit et les ténèbres. Par la grâce du Christ reçue dans le baptême, les chrétiens sont des hommes et des femmes qui croient que Dieu est Père ; que Jésus est descendu parmi nous ; que le Saint Esprit œuvre sans cesse pour le bien de l’humanité et du monde : c’est cela la lumière, l’espérance qui nous réveille chaque matin ! Un autre très beau signe de la liturgie baptismale nous rappelle l’importance de la lumière : la remise du cierge dont la flamme est allumée au cierge pascal, signe de la lente propagation de la résurrection de Jésus dans la vie des chrétiens. Quelle grâce quand un chrétien devient vraiment « porteur de Jésus » dans le monde, surtout pour ceux qui traversent le deuil, la détresse, les ténèbres et la haine ! Si nous sommes fidèles à notre baptême, nous diffuserons la lumière de l’espérance de Dieu et nous pourrons transmettre aux générations futures des raisons de vivre.

Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue française, venant en particulier de France et de Haïti. Que ce temps de vacances vous permette d’être toujours plus conscients que votre baptême est une source d’espérance que vous devez transmettre autour de vous ! Que Dieu vous bénisse !




Picnic Equipe de Service Cycle Long (7 juillet 2017)

Dimanche 7 juillet, toute l’équipe de service du Cycle Long était invitée à se retrouver à l’Etang St Paul pour un picnic détente, ce qui nous a permis de nous retrouver dans un cadre différent de celui du travail, et d’apprécier les bons plats et les bons desserts des uns et des autres…





La Transfiguration par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 17, 1-9

 

« Fais-moi voir ton visage ! »

Cette demande qui s’adresse à Dieu, c’est le désir de tous ceux qui croient en Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Mais cela ne s’est réalisé du vivant des personnes que pour quelques uns, les mystiques qui se sont tellement approchés de Dieu que celui-ci leur est apparu.

Cette demande commence de manière connue avec Moïse dans la tente de la rencontre : « Je t’en prie, laisse-moi contempler ta gloire. » (Ex 33,18), reprise par les psaumes : « Combien de temps, [vas-tu] me cacher ton visage ? » (Ps12,2) ou encore : « J’ai demandé une chose au Seigneur, (…) habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté… » (Ps 26,4).

Voir Dieu face à face !

Cela fait partie de notre espérance, dans la résurrection, de voir Dieu face à face « dans l’immense cortège de tous les saints. »

Cela a été rendu possible, un jour du temps, quand Dieu s’incarna dans le ventre de Marie. Beaucoup ont vu Jésus, Dieu fait homme, tout au long de sa vie ; mais pour la plupart, ils n’ont vu que l’homme Jésus, sans savoir, sans comprendre qui il était vraiment, qu’il était le Messie attendu, le Fils de Dieu. Et même parmi ceux qui croyaient que Jésus était le Messie, seul trois ont pu le voir « dans sa gloire » sur le mont Thabor : Pierre Jacques, et Jean.

Voir Jésus transfiguré devant eux, avec son visage de Fils de Dieu, dans la ’’nuée lumineuse’’, « Lumière né de la lumière » comme l’a défini le Concile de Nicée-Constantinople, épiphanie de Dieu.

Instant inoubliable marqué par la présence de deux grands visionnaires de l’Ancien Testament : Moïse et Elie. Et saint Pierre nous le rappelle dans la seconde lecture : « … pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur (…) ’’Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j’ai toute ma joie’’. Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. ».

Comme tout un chacun aimerait avoir la grâce de cette rencontre ! Ici même, sur terre.

Et c’est sans doute la recherche de beaucoup. Comme dit le chant : « Je cherche ton visage, le visage du Seigneur… »

Oui, mais comment ?

On ne peut pas voir le visage de Jésus. On n’en a pas de photo. A part le linceul de Turin.

Mais si on ne peut pas voir son visage ’’en vrai’’,  on peut se l’approprier en esprit dans sa manière d’être, de plusieurs manières :

– par la connaissance de l’Évangile, qui nous permet de nous approcher de qui est Jésus. Surtout en le lisant avec la méthode de la Lectio Dinina : lecture ; méditation ; prière ; contemplation ; ce qui conduit à l’action.

– par la perception du visage des ’’priants’’, dans leur sérénité, leur joie, dans la beauté de leurs yeux et de leur sourire. Ils sont visages de Dieu qu’ils ont rencontré et qui reflète sur eux. Ils sont (malheureusement) trop peu nombreux (ou ils vivent cachés), mais leur rencontre est inoubliable.

– dans le visage innocent d’un enfant.

Il nous arrive alors d’avoir une vague image de Dieu, bien imparfaite puisque humaine, souvent fugace (et nous aimerions, comme Pierre, qu’elle dure plus longtemps, voire tout le temps…).

Avec cet état d’esprit, on pourra trouver Dieu. Et là, il n’y a que deux endroits :

– au fond de notre cœur, à l’instar de saint Augustin

– dans le regard des autres humains, « à l’image et ressemblance de Dieu »

Mais ce ne sera qu’un avant-goût qui renforcera notre espérance de la résurrection.

En attendant, il nous faudra, comme les trois apôtres, ’’redescendre de la montagne’’ et vivre notre vie de Chrétiens, avec son lot de joies, mais aussi de difficultés et de peines. Il nous faudra passer par nos croix ; accepter de voir aussi le visage ensanglanté du Christ, abimé par nos propres péchés, notre imperfection, celle des autres, de l’Église, du monde ; accepter de voir son visage dans celui de tous les  laissés pour compte : SDF, migrants, malades, handicapés…

Mais nous savons qu’à la fin des temps, nous verrons le visage du Christ ressuscité, « assis à la droite du Père », et nous pourrons, avec ’’une foule immense’’, dire tous ensemble : « Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! » (Ap 7,11).

Seigneur Jésus,

nous voudrions tellement voir ton visage !

Et pourtant, il est là,

au milieu de nous,

dans notre cœur,

en chacun de ceux que nous rencontrons.

Aide-nous à te voir,

toi qui ne te cache pas.

 

Francis Cousin

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Prière Transfiguration A A6




17° Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 13, 44-52

 « Le royaume des cieux est comparable à un trésor… »

Il y a trésor et trésor.

Des trésors qui nous semblent grands dans notre vie de tous les jours, parce que cela représente pour nous quelque chose d’inabordable, comme la fortune de Bill Gates, ou un tableau de Picasso ou de Van Gogh, ou un livre rare … ou parce que cela ne peut nous arriver que par chance, comme gagner à l’Euromillion …

Et il y a un autre trésor qui surpasse tous les autres, en longueur, en largeur et en profondeur, de manière incommensurable, … et qui est à la portée de tout le monde, accessible à tous pour peu qu’on en entende parler, et qu’on accepte de se laisser porter par lui.

Car contrairement aux autres trésors, ce n’est pas nous qui devons le chercher ou essayer d’en prendre possession, c’est lui qui se met à notre portée, qui vient au devant de nous, et qui n’attend qu’une chose, c’est que nous prenions possession de lui.

Incroyable … mais vrai !

Parce que celui qui ‘possède’ ce trésor n’attend qu’une chose, c’est que toute personne sur la terre en prenne possession sans que cela ne diminue en rien sa ‘richesse’, au contraire.

Et plus il y a de personnes qui ‘s’emparent’ de son trésor, plus il est heureux !

Et chaque personne qui prend son trésor en prend la totalité sans que son trésor ne diminue !

Opération impossible à taille humaine.

Parce que ce trésor vient de Dieu, et que Dieu est d’abord don. Don ce tout ce qu’il a pour chacun … à condition qu’on accepte son don.

« Va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » (Mt 19,21).

Cette phrase là, Dieu la dit à chacun de nous. Et il nous laisse totalement libre de la réponse.

Cela peut être : «  À ces mots, le jeune homme s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. » (Mt 19,22), ou encore : « Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père » ou bien « Permets-moi de prendre congé des miens » (Lc 9,59.61). Le refus de quitter sa fortune, ses biens, ses habitudes, ses manières de vivre, ses idées ou ses idéaux, son train-train familier.

Le royaume de Dieu nous est offert, mais il ne s’obtient pas sans renoncements. Et certains sont difficiles à faire. « Celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. » (Mt 19,29).

Dieu nous demande de quitter ce qui nous semble important, voire essentiel, à notre vue humaine, mais qui est de ce temps, qui passe, et qui est superflu en rapport du Royaume à venir qui ne passe pas, qui est éternel.

Certains ont répondu positivement à cette parole de Jésus : Les apôtres, saint Paul sur le chemin de Damas, saint Ignace de Loyola, Charles de Foucauld, Charles Péguy, et tant d’autres anonymes qui ont répondu à un appel intérieur.

Une écoute attentive de la Parole de Dieu, mûrie, réfléchie, intériorisée, qui procure la joie, qui donne le bonheur : « Mon bonheur, c’est la loi de ta bouche … J’aime tes volontés … je me règle sur chacun de tes préceptes … déchiffrer ta parole illumine » (Psaume 118). Cette Parole de Dieu qui nous a été donné par Jésus, son Fils incarné, le Verbe, le « premier-né d’une multitude de frères » (2° lecture).

Et aussi, toujours, une attitude humble devant Dieu et devant les hommes. « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » (Mc 10,43), comme Salomon qui ne demanda pas à Dieu la richesse ou les honneurs, mais « un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal » (1° lecture), ce qui lui fut accordé, avec en plus ce qu’il n’avait pas demandé, car grande est la bonté de Dieu pour les humbles.

Avec Jésus, tirons le gros lot de l’Amour infini et éternel ! C’est plus sûr que la loterie.

Seigneur Jésus,

ta parole, si nous la comprenons,

nous met en joie

car elle est pour nous le chemin

qui nous mène au Royaume éternel.

Mais il faut pour cela

accepter de renoncer

à tout ce qui est du ’’paraître’’

pour ne s’attacher qu’à l’essentiel :

vivre de ta Parole.

 

Francis Cousin

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Prière dim ord A 17° A6




Anne Marie Javouhey, stratège du développement missionnaire

Nous voici donc réunis pour ce jubilé des 200 ans de présence apostolique des religieuses de la Congrégation de Saint Joseph de Cluny à La Réunion. Jetons un regard sur la naissance d’Anne-Marie Javouhey dans un contexte historique difficile. En effet, nous ne pouvons pas comprendre le développement de la Congrégation sinon dans la spiritualité de sa fondatrice.

 

LES JEUNES ET LES PAUVRES

 

Anne-Marie Javouhey est née en 1779 dans une famille très chrétienne. L’on s’aime bien. Tout le monde participe aux travaux des champs et l’on prie en famille. Anne-Marie est l’aînée des quatre filles. Surnommée Nanette, elle est une fille très enjouée. Elle aime plaire et s’amuser. Quand arrivent les vendanges et la fête, il y a les danses et les farandoles de leur Bourgogne. Les victuailles ne manquent pas et le vin coule à flots. Elle n’est pas rabat-joie mais plutôt boute-en-train. A quinze ans, la vie est belle dans cette osmose entre la foi, la vie de famille, les amitiés, les travaux des champs et l’Eglise.

1790, la Révolution Française éclate. 1793… La Terreur se développe partout en France. C’est le cas de dire, il s’agit vraiment d’une terreur qui divise les familles. Les voisins s’épient, se dénoncent, tout le monde se méfie de tout le monde et la guillotine est là pour certains. L’Eglise est divisée. La famille Javouhey accueille des prêtres réfractaires qui célèbrent la messe en cachette dans leur maison. Le climat de prière est intense et c’est dans cette atmosphère générale que Nanette reçoit un appel intérieur à la vie religieuse. Elle a dix-sept ans. Déjà, elle regroupe des enfants pour leur apprendre à lire et à prier. A dix-huit ans, devant sa famille, elle déclare publiquement son intention de consacrer sa vie à Dieu dans le service des jeunes et des pauvres. Nous voyons là l’élan et la naissance d’une vocation religieuse.

Le papa Javouhey, qui est maire de la commune de Chamblanc, n’adhère pas à l’orientation que veut prendre sa fille aînée qui, en plus, entraîne ses trois autres sœurs à sa suite. Le père de famille avait d’autres projets pour sa fille aînée qui était considérée comme un bon parti pour fonder une famille. Anne-Marie va alors écrire à son père « Je ne puis vous dire la peine que j’éprouve en voyant la manière dont vous prenez les choses à mon égard. Vous ne doutez pas que je me sois donnée à Dieu sans partage. Je dois donc faire sa volonté en toutes choses sans tenir compte de mes inclinations. Quoi, pour vouloir faire la volonté de Dieu, vous avez cessé d’être mon père ? Ah, votre cœur est trop bon pour agir de la sorte ; et j’espère que vous ne cesserez pas d’aimer une enfant qui vous aime » (cité par René Berthier).

Cette lettre rayonne les trois vertus théologales qui constituent la charpente de vie de tout chrétien. La foi, l’espérance et la charité. La charité, c’est-à-dire l’amour qui vient de Dieu et qui retourne à Dieu avec le rayonnement d’amour qui a été engendré dans notre vie. Je reprends donc les mots d’Anne-Marie Javouhey : « Vous ne doutez pas… J’espère que… Vous ne cesserez pas d’aimer ». Quel caractère. Quelle force d’âme. Quelle assurance dans l’œuvre à accomplir… A accomplir une œuvre pour Dieu ? Non. Ce n’est pas de cela dont il s’agit. Pour Nanette, il s’agit d’accomplir « l’œuvre de Dieu » en faisant non pas sa volonté à elle mais, avec assurance, accomplir la « volonté de Dieu », Dieu Notre Père, Père de tous les Humains, Père de son père Balthazar.

Les paroles de la lettre d’Anne-Marie interpellent son père. Mais c’est finalement la paternité de Dieu qui interpelle la paternité humaine de Balthazar : il est alors appelé à collaborer à la mission de sa fille pour manifester la bonté infinie du Père des cieux pour tous les hommes. Anne-Marie prend son père par le cœur, un cœur qui « est trop bon ». Aujourd’hui, les jeunes diraient, c’est vraiment trop ! Comme le père Balthazar ne refusera rien à ses enfants et surtout à Nanette qui était sa préférée, combien plus le Père des cieux ne refusera rien à ses enfants de la terre, à ses quatre filles quelque peu aventureuses et qui se lancent avec courage dans une grande entreprise apostolique.

La petite Nanette a grandi. Elle a cherché sa vocation. Elle a tâtonné sur la manière de répondre à sa vocation religieuse. En effet, en 1800, elle est à Besançon. En 1803, elle est à la Trappe de la Valsainte. En 1805, elle a une entrevue providentielle avec le Pape Pie VII de passage à Châlons-sur-Saône. Mais à travers divers méandres, elle n’a jamais douté de « la volonté de Dieu ». Elle connaît le chemin à prendre parce qu’elle s’engage fermement à la suite du Christ qui dit au sujet de lui-même « Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne va au Père que par moi » (Jn 14,6).

Alors, le chemin est sûr pour Anne-Marie et ses trois autres sœurs puisque Jésus lui-même s’exprime en ces termes : « Ne vous faites donc pas tant de soucis, ne dites pas : qu’allons-nous manger ? Ou bien qu’allons-nous faire ? Ou encore : avec quoi nous habiller ? Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin » (Mt 6, 33-34). 1807 : la Congrégation est officiellement reconnue. Cela fait deux-cent-dix ans cette année. 1817 : la première fondation missionnaire s’implante à Bourbon – La Réunion. Cela fait deux-cents ans.

 

FONDATION A LA REUNION

 

A Bourbon – La Réunion, la première communauté s’installe finalement au bout de l’Etang à Saint-Paul. Une petite école de filles s’ouvre. Anne-Marie Javouhey souhaite venir elle-même à La Réunion. En janvier 1818, elle écrit à sœur Marie-Joseph Varin, première Supérieure à Bourbon : « Je ne vis plus, je meurs du désir d’aller près de vous. J’ai la maladie du pays, l’humeur noire s’est emparée de moi. (…) Elevez bien vos enfants, que les parents soient contents ; aimez-les, elles vous aimeront et vous en ferez ce que vous voudrez. » L’humeur noire, qu’est-ce à dire ? Anne-Marie porte dans son cœur la cause de la libération des esclaves. Elle ne peut pas supporter cette abomination. Son amour du Christ, son amour du Père de tous les Humains engendre en elle un élan irrésistible pour travailler à la libération des Noirs par l’abolition de l’esclavage. Il est à noter qu’à la même date, les Frères des Ecoles Chrétiennes arrivés eux aussi en 1817 à La Réunion s’attachent à promouvoir l’éducation des garçons.

Anne-Marie est d’autant plus attachée à la mission de La Réunion qu’elle avait eu au début de sa vie religieuse une sorte de vision où elle était entourée d’enfants aux visages variés, avec beaucoup de noirs. Elle n’avait jamais vu de noirs… et avait osé poser la question de l’existence des noirs à une autre sœur. Celle-ci lui avait répondu qu’il en existait au-delà des mers et que c’était bien loin. L’appel du grand large fait son effet sur Anne-Marie et le grand large n’est pas réservé qu’à La Réunion. La Congrégation débutante va rayonner dans plusieurs parties du monde. Anne-Marie Javouhey et ses sœurs mettent au point une pédagogie d’éducation qui fait appel à la liberté pour tous et à la responsabilité à partir d’une méthode participative où les talents sont repérés et valorisés. Les élèves les plus forts aident les plus faibles. La pédagogie se fait active. Le développement des locaux à construire fait appel, évidemment, à la générosité du papa Balthazar qui ronchonne toujours un peu mais met la main à la poche. Et il y a aussi des mécènes.

Mais « la mère fondatrice » fait surtout appel au sens politique des hommes qui portent la responsabilité de la chose publique. Le gros morceau du début sera l’achat du monastère de Cluny pour des besoins de plus en plus grands. Anne-Marie a donc une pédagogie des relations publiques qui lui ouvre les portes de l’action. Mettre l’amour partout, mettre les talents et les compétences en face des besoins, mettre les gens en face de leurs responsabilités. Prier, analyser, décider, avancer en ne perdant surtout pas l’intuition du départ. Cette intuition va déclencher l’action et soutenir l’aventure par l’engagement patient et persévérant. Nous pourrions dire qu’elle est un stratège du développement de la mission à partir de la lecture des signes des temps. L’Esprit Saint est à l’œuvre pour construire un monde de fraternité dans un espace de plus en plus planétaire.

 

L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE

 

De 1822 à 1824, elle séjourne au Sénégal. De 1827 à 1833, on la trouve en Guyane. Mana devient un lieu prophétique, un village chrétien, une grande famille. En 1836, au chapitre général des Sœurs de Saint Joseph de Cluny, elle est réélue supérieure. Un conflit éclate avec l’évêque d’Autun qui veut s’approprier la Congrégation. Elle signe sa soumission mais tient bon sur sa responsabilité de supérieure et fait prier pour l’évêque ; la Congrégation restera finalement indépendante. De 1837 à 1843, elle réalise un second séjour en Guyane et c’est à Mana en 1838 que se réalise la première libération collective d’un groupe important d’esclaves sur le territoire français.

L’amour et la liberté de l’Evangile précédent les décisions politiques et la loi. Il n’y a pas de calcul politicien de la part d’Anne-Marie Javouhey. Elle fait l’expérience avec ses sœurs de la fécondité de la Parole de Dieu quand cette Parole est méditée et vécue comme le sel de la terre et la lumière du monde. Le prophète Isaïe avait déjà proclamé « La justice marchera devant toi et la gloire du Seigneur t’accompagnera. Si tu appelles, le Seigneur répondra, si tu cries, il dira ‘me voici’. Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim et si tu combles les désirs du malheureux, la lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi » (cf. Is 58, 8-10).

Le Gouvernement de Louis-Philippe en France cherche à abolir l’esclavage. Les expériences dans l’Outre-mer français se recoupent et se rejoignent : Anne-Marie Javouhey, Alexandre Monnet, Frédéric Levavasseur, Victor Schœlcher. La Providence est à l’œuvre. Louis-Philippe abdique avec la Révolution de 1848. Dans ce combat pour la dignité humaine, les idées déjà avancées ne reculent pas. Nous passons alors de l’émancipation des esclaves à la proclamation de l’abolition de l’esclavage en 1848. La « fraternité » vient finaliser les idéaux de liberté et d’égalité dans la devise de la République Française. Jusqu’en 1848, l’idéal de la fraternité ne s’y trouve pas. Cependant, que de travail reste à faire pour réaliser vraiment la fraternité. Mais les bases sont là. Un tournant est pris. Un beau tournant est pris à l’île de La Réunion.

Anne-Marie meurt en 1851. Elle a donc connu la proclamation de l’abolition de l’esclavage. Elle-même peut alors jouir de la pleine liberté des enfants de Dieu dans cette plénitude d’amour qui l’avait toujours guidée et soutenue tout au long de sa vie. Dès sa mort, sa renommée de sainteté s’est répandue sur toute la planète. En 1950, le Pape Pie XII la béatifie à Rome.

Nous pouvons nous demander sur quels critères Anne-Marie Javouhey se base pour parvenir avec certitude à comprendre quelle est « la volonté de Dieu » ? Dans un ouvrage qui vient de paraître « Une route de sainteté dans l’Eglise », Sœur Suzel Gerard, religieuse de Cluny, repère tout au long des écrits d’Anne-Marie Javouhey quatre critères :

  • Le premier critère, c’est la règle (Les constitutions) : une règle déjà approuvée et qu’un évêque même ne peut détruire « C’est ma boussole, ma sûreté, elle doit être celle de toutes les sœurs de Saint Joseph».

  • Le second critère que l’ardente missionnaire offre à l’intelligence, c’est « le bien et la prospérité de l’œuvre confiée par Dieu. Ne pas nuire à l’œuvre. Et pour faire une bonne œuvre, faire confiance à Dieu qui n’en détruira pas une autre ».

  • Le troisième critère, c’est « le discernement de la volonté de Dieu, le bien que l’on peut faire au prochain. Trouver la liberté au milieu et du sein de l’esclavage ». Nous voyons bien par conséquent que l’on ne peut pas séparer l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

  • Le quatrième critère très important pour Anne-Marie Javouhey, c’est ce que Dieu inspire dans l’oraison, c’est l’intuition. « Tous les critères rationnels doivent être passés au crible de l’intuition. Se mettre sous la mouvance de l’Esprit si nous sommes inspirés par Dieu de continuer son œuvre comme il l’a commencée ou s’il a changé ses desseins ».

(cf. Suzel Gerard, pages 56 à 59)

 

NOS ECOLES

 

Mes chères sœurs religieuses de Cluny à La Réunion, dans le passé, votre effectif vous a permis de lancer, de soutenir et de réaliser de multiples œuvres dans différents champs d’apostolat de l’Eglise et de la société. La prise de parole de Sœur Egyptienne, votre provinciale, au début de cette eucharistie, a bien détaillé les initiatives et les réalisations que vous avez entreprises. Dans les années 1960, grâce à votre effectif et à des générations successives de vocations vous avez développé une présence active dans vos écoles. Dans votre histoire, vous avez été missionnaires notamment à Madagascar et à Pondichéry. Aujourd’hui, avec un effectif réduit, vous exercez la tutelle sur vos écoles et sur le lycée général et le lycée agricole de Sainte-Suzanne.

En tant qu’évêque de La Réunion et au nom du diocèse, je vous remercie, chères sœurs, de la fidélité et de la persévérance de la Congrégation pour une mission qui s’enracine dans votre charisme clunisien. L’enseignement catholique à La Réunion compte sur vous « pour réenchanter l’école » avec Jésus-Christ qui est notre boussole en Humanité. Je souhaite de tout cœur que tous les partenaires de nos écoles clunisiennes s’engagent « sur une route de sainteté dans l’Eglise » pour qu’avec des talents divers, des compétences reconnues, des responsabilités partagées, tenues et validées, chaque école s’harmonise sur son idéal de mieux vivre ensemble comme une « communauté éducative ». Vous le faites déjà. Que Dieu vous donne la grâce de persévérer, de progresser encore plus, de rayonner. En effet, dans tous nos établissements scolaires, il ne doit pas y avoir de compétitions de pouvoir entre les diverses instances de l’Enseignement Catholique, que ce soit dans un même établissement scolaire, sur un bassin géographique déterminé ou sur l’ensemble du diocèse.

Pour que nos écoles « réenchantent l’école », prenons en considération ce que dit Jacques Balmand, Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique : « Cela suppose que la priorité absolue soit toujours celle des enfants et des jeunes dans leurs diversités. Cela requiert le déploiement de pédagogie propice à la réussite de tous comme la mise en œuvre d’une organisation capable de répondre à cette diversité. Cela nécessite d’écouter les acteurs du système scolaire, d’entendre les parents, de faire place aux travaux des chercheurs. Cela demande beaucoup d’enthousiasme et beaucoup de générosité ». (Contribution de l’Enseignement Catholique pour l’Ecole)

Certes, mes sœurs, vous êtes réduites en nombre et vous vous êtes internationalisées. Vos pauvretés deviennent richesse par l’accueil des différences. L’accueil des différences conduit à l’action de grâce, l’action de grâce conduit à l’abandon dans les mains de Dieu, l’abandon dans les mains de Dieu conduit à la confiance. Et puis, la famille clunisienne ne se ramène pas aux seules religieuses. Il y a les associés, les anciennes, les bienfaiteurs, les amis qui, de différentes manières, se dévouent et s’engagent pour que la mission de la Congrégation de Cluny tienne dans le temps et se développe en tenant compte des besoins, des aspirations de notre époque et des désirs des générations montantes. A tous ces laïcs bénévoles, j’adresse aussi les remerciements, les encouragements et la prière de tout le diocèse.

 

JEUNES   FILLES  … INVENTEZ !

 

Chers amis, à vous tous, je souhaite un saint et joyeux bicentenaire de la présence à La Réunion des religieuses de la Congrégation de Saint Joseph de Cluny. Je pense évidemment à la bienheureuse Anne-Marie Javouhey et à toutes les saintes religieuses de Saint-Joseph de Cluny qui jouissent déjà du bonheur de la Toussaint. A elles aussi – et surtout à elles – je dis le merci de l’Eglise qui est à La Réunion et je demande leur appui pour un appel à de nouvelles vocations. Je leur demande d’appeler des jeunes filles – et il y en a ici – qui se posent des questions sur le sens de leur vie. Comment réussir votre vie ? Comment vivre dans votre temps, notre temps… comme Nanette, qui était une jeune fille très enjouée, qui aimait plaire, danser et s’amuser ? Nanette qui priait si bien aussi et qui faisait prier. Comment vous donner à une grande cause, vous donner à Dieu, une cause qui soit pour votre joie, pour votre bonheur dans la gloire de Dieu et le service des autres.

Jeunes filles, il y a tellement à inventer. Il y a tellement à aimer que Dieu vous fait confiance pour vous conduire plus loin, pour vous conduire à la réussite de votre vie. Et si vous sentez l’appel à vivre une vie de religieuse d’une nouvelle manière que celle que vous voyez aujourd’hui et qui ne vous convient pas, alors inventez votre manière d’être religieuse. Inventez-la en accord avec l’Eglise, en accord avec une Congrégation qui accueillera votre projet. Devenez religieuses en devenant cosmonautes. Allez dans les étoiles et gardez les pieds sur terre. Devenez religieuses en devenant infirmières, médecins, universitaires, chercheuses, enseignantes, professeurs des écoles. Devenez visiteurs de malades, aumônières de prison ou d’hôpitaux, chauffeurs de poids lourds ou scaphandriers. L’horizon est ouvert. Le ciel est très haut, la terre est vaste et la mer est profonde. Il y a de la place pour tout le monde.

Mais surtout, n’oubliez pas chaque jour la prière au cœur à cœur avec Jésus, la Parole de Dieu partagée avec les autres. Et puis, au jour de la résurrection du Seigneur, le dimanche, il y a l’eucharistie, il y a la messe. C’est une source d’amour et d’énergie comme nulle autre. N’oubliez pas de « causer avec les autres ». Ce « causez avec les autres » d’Anne-Marie Javouhey, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui le dialogue en équipes, les réflexions partagées, l’action à construire ensemble. A toi qui cherches, à toi aussi qui doutes, je dis merci. Mais sache que Dieu ne doute pas de toi. Il a confiance en toi. Alors continue. Demande à Nanette de t’aider et je le lui demande pour toi. Avance. Dieu t’aime. Avance. Est-ce que tu l’aimes ? Alors avance. « Viens et suis-moi » (Mt 19,21) te dit Jésus.

 

 

Monseigneur Gilbert AUBRY

     Evêque de La Réunion

 

 




16° Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

« Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson » (Mt 13,24-43)

 

Les textes de ce dimanche peuvent nous sembler disparates, mais ils ont tous un point commun : il nous parle de l’amour de Dieu envers les humains, un Dieu qui reconnaît que nous sommes faibles et qui pardonne, nous remet sur le droit chemin.

Dans la première lecture, l’auteur dit de Dieu : « Tes jugements ne sont pas injustes », malgré ta force, tu uses d’indulgence et de ménagement pour les humains. Et il termine par : « Après la faute tu accordes la conversion », ce qui est bien plus fort que ‘le pardon’.

Le psaume est une supplique au « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » pour qu’il pardonne à ceux qui l’invoquent. Et la seconde lecture nous montre l’action de Dieu qui nous envoie son Esprit Saint qui « vient au secours de notre faiblesse », de ce qui conduit au péché, pour nous relever.

L’Évangile narre la parabole du bon grain et de l’ivraie.

Cette parabole met en opposition le blé et l’ivraie, le ‘bon grain’ et la ‘mauvaise graine’, le bien et le mal, Dieu (et Jésus) et le Diable, ce qui se fait le jour et ce qui se fait la nuit, la lumière et les ténèbres.

Dieu sème le bon grain. Il ne peut semer que cela, car il est bon et qu’il n’y a que l’amour en lui. Il agit en plein jour, à la vue de tous. Le diable attend la nuit pour semer, pour qu’on ne le voit pas : il veut tellement nous faire croire qu’il n’existe pas ! Et ce qu’il sème, c’est de la mauvaise graine, celle qui donne une herbe qu’on ne peut pas manger, ni nos animaux. Une herbe que ceux qui ont un potager s’empressent d’arracher pour que les bonnes plantes puissent profiter pleinement de l’espace, du soleil, de l’eau et de l’engrais.

C’est d’ailleurs la première réaction des serviteurs du domaine quand la pousse se fait : « Veux-tu que nous enlevions l’ivraie ? ».

C’est aussi bien souvent notre propre réaction quand quelque chose de mal arrive. Et là, on ne demande pas la permission au Maître. On décide de soi-même : « Ce violeur en série est un …, il ne mérite pas de vivre. », « Les partisans de daesh devraient tous être tués. », … et on pourrait aussi trouver des exemples dans l’Église … !

La réaction du maître, de Dieu, est toute autre. Lui « qui dispose de la force … juge avec indulgence » (1° lecture), lui qui est « lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Psaume), nous demande de prendre patience, d’attendre le moment de la moisson, le moment du jugement dernier.

Et, à nous, Jésus nous demande de ne pas anticiper le jugement dernier en jugeant par nous-mêmes : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés. » (Mt 7,1). Demande qui sera confirmée par les premiers apôtres : « Un seul est à la fois législateur et juge, celui qui a le pouvoir de sauver et de perdre. Pour qui te prends-tu donc, toi qui juges ton prochain ? » (Jc 4,12), et saint Paul dit aussi : « Toi, qui es-tu pour juger le serviteur d’un autre ? … cela regarde son maître à lui. … son maître, le Seigneur. » (Rm 14,4), phrase reprise par le pape François : « Qui suis-je pour juger ? ».

Souvent, nous jugeons sur ce qui nous paraît, sur ce qu’on nous donne à voir, mais nous ne savons pas la réalité de ce que vit la personne en son cœur. Seul Dieu le sait, lui qui ’’sonde les reins et les cœurs’’. Et Jésus nous met en garde à ce sujet : « Ne jugez pas d’après l’apparence, mais jugez selon la justice. » (Jn 7,24). Mais pour juger selon la justice, il faut d’abord être juste envers soi-même, regarder sa vie avec justesse en regard de l’évangile : « Quoi ! tu regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? » (Mt 7,3).

La différence entre le mal et le bien n’est pas toujours aussi franche qu’on ne le voudrait ou le croirait. D’ailleurs, ne dit-on pas : « d’un mal peut surgir un bien » ? (Ce qui n’empêche pas que le mal reste le mal, mais ses conséquences peuvent être bénéfiques.)

Une personne (ou un groupe) n’est jamais totalement mauvaise, ou totalement bonne. En chaque personne, il y a du bien et du mal … et en nous aussi ! Et nous le savons bien ! Et si nous savons reconnaître qu’il y a en nous du mal, pourquoi ne l’accepterions-nous pas pour les autres ?

En prenant le temps d’attendre le jour du jugement, Dieu nous permet de changer notre vie, de faire en sorte qu’elle soit de plus en plus en rapport avec l’évangile. Il nous donne le temps de nous convertir, même si ce n’est qu’à la dernière seconde de notre vie, et tout le monde connaît des personnes de son entourage qui ont changé à l’approche de la mort, des ‘mécréants’ qui ont accepté de rencontrer un prêtre, voire de se confesser. Comme Jacques Fesch, ou Henri Pranzini.

Dans la société actuelle où tout va de plus en plus vite, nous avons tendance à vouloir juger très vite : « ça c’est bien, ça c’est mal ; cette personne est bonne, celle-là est mauvaise. »

Jésus nous dit : « Stop ! C’est mon boulot, pas le vôtre. Et cela viendra au temps choisi ! »

Dans la première lecture, l’auteur dit « que le juste doit être humain. ».

Et Jésus nous apprend « que l’humain doit être juste, et non juge. »

 

 

Seigneur Jésus,

nous voyons le bien et le mal autour de nous ;

surtout le mal …

et nous jugeons ceux qui apportent le mal,

souvent durement.

Mais en moi,

je sais bien qu’il y a du bien et du mal,

et que tu me pardonneras.

Aide-moi à ne plus juger les autres.

 

Francis Cousin

 

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Prière dim ord A 16° A6