Dimanche des Rameaux et de la Passion ( Luc 19, 28-40) : « Béni soit celui qui vient, le Roi … » (Francis Cousin)
« Béni soit celui qui vient, le Roi … »
Nous voici déjà au dernier dimanche de ce carême, avec cette particularité d’avoir la lecture de deux passages de l’Évangile : La lecture de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, qui se fait à l’extérieur de l’église, puis celle de la Passion de Jésus au temps habituel.
Deux textes qui s’opposent : la fête et la joie, et l’espérance d’une nouvelle royauté d’une part, et de l’autre, la tristesse et le deuil, et la fin d’un rêve … Deux visions qui ne seront que momentanée, et qui seront toutes deux démenties par les faits, la première par la seconde, et celle-ci par la résurrection de Jésus.
Les synoptiques font partir Jésus de Jéricho, première ville conquise par les hébreux en arrivant en Canaan, pour « monter à Jérusalem », là où se trouve le temple de Dieu. Symbole d’un début et d’une fin ?
Dans tout ce passage de l’entrée à Jérusalem, il est important de noter la manière dont les disciples réagissent aux événements. Non parce qu’ils sont crédules, mais parce qu’ils mettent leur confiance en Jésus.
Quand Jésus envoie deux disciples chercher un âne dans un village voisin avec tous les détails de ce qui va se passer, ils y vont sans crainte, et tout se passe ainsi qu’il avait été dit. Et même le propriétaire de l’âne le laisse aller …
Si quelqu’un nous demandait une chose semblable aujourd’hui, quelqu’un en qui on a confiance … quelle serait notre réaction ? Est-ce qu’on irait de bon cœur ? Est-ce qu’on poserait des questions : « Oui, mais si … peut-être qu’il n’y a pas d’âne ! (ou de voiture …) ». Et si on était le propriétaire de l’âne (ou de la voiture), on laisserait partir sans rien dire, sans garantie ? Oh bien sûr, ce n’est pas Jésus qui nous le demande … mais en est-on bien sûr ? …
Sommes-nous prêts à nous laisser interpeller par les événements ? Les signes des temps ? À discerner parmi eux les bons et les mauvais ? Ou laissons-nous notre esprit individualiste prendre le dessus ?
Une fois Jésus assis sur l’âne, « toute la foule des disciples … se mit à louer Dieu ». Pour Luc, ce ne sont pas les gens de Jérusalem qui viennent à la rencontre de Jésus, ni les gens sur le passage du cortège. Il s’agit des disciples, de ceux qui croient en Jésus, qui le suivent. Et Luc n’a pas besoin de faire référence au prophète Zacharie, car sa prédiction est dans les esprits de la foule : quelqu’un qui va vers Jérusalem assis sur un âne ne peut être que le Messie, celui qui vient restaurer la royauté en Israël, le Roi. « Béni soit celui qui vient, le Roi ». Jésus n’a jamais voulu être roi (cf Jn 6,15), il ne parlait que du royaume des cieux. Mais il laisse faire.
Et la foule continue : « Paix dans le ciel, et gloire au plus haut des cieux ». Si la deuxième partie de la phrase est compréhensible, et reprise par les autres évangiles (avec Hosanna), la première pose question. Si on fait le parallèle avec le chant des anges lors de la nuit de Noël « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » (Lc 2,14), on remarque que quand Jésus vient sur terre, la paix vient sur la terre (Jésus, prince de la paix ! (Is 6,5). On pourrait alors penser que Jésus retournant vers son Père (mais cela, les disciples ne le savaient pas !), il amène la paix avec lui … Mais dans les cieux, on est tenté de dire que la paix existe … sauf la présence de Satan … qui sera vaincu par la résurrection de Jésus ! (Col 2,6-15). On peut donc penser que c’est par avance, en prémonition, que la foule chante « Paix dans le ciel ».
Une autre phrase un peu énigmatique : quand les pharisiens demandent à Jésus de faire taire la foule, il répond : « Si eux se taisent, les pierres crieront ». Faire taire une foule, c’est compliqué, mais ce n’est pas cela qui gêne Jésus ; pour lui, la foule dit la vérité, et on ne peut pas faire taire la vérité car elle doit être dite. Et si la vérité ne peut être dite pas la foule, par les humains, alors c’est la création qui dira la vérité … ce qui nous semble impossible … mais si une pierre pourrait devenir du pain, pourquoi ne pourrait-elle pas parler ? « Rien n’est impossible à Dieu ! » (Lc 1,37). Et quand on voit toutes les pierres qu’il y a entre le mont des Oliviers et Jérusalem, cela ferait encore bien plus de bruit que la foule …
Nous qui nous disons disciples de Jésus, sommes-nous capables de suivre aveuglément les demandes de Jésus, sans rechigner, sans poser de questions ? Sommes-nous capables de chanter la gloire de Dieu devant tout le monde ? Sommes-nous capables de dire la vérité de Jésus ?
Peut-être si on fait partie d’une foule … mais tout seul … ?
Seigneur Jésus,
Nous entrons dans cette semaine sainte,
où tu vas montrer ta royauté …
Le jour de Pâques.
Mais dans quelle foule sommes-nous ?
Celle qui t’acclame ?
Ou celle qui se laisse prendre
par les pièges du démon ?
Francis Cousin
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Image dim Rameaux C