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17ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (St Luc 11, 1-13)

            « Demandez, on vous donnera. »

 

C’est ce qui ressort des textes de ce jour.

À la demande des apôtres « Seigneur, apprends-nous à prier », Jésus va donner la prière que nous connaissons tous, qui a été adoptée par tous depuis les débuts du christianisme, celle qui commence par « Notre Père ». Ici, dans le texte de Luc, elle commence par « Père », ce qui revient au même, puisque si tous nous disons ‘Père’, c’est qu’il est vraiment Notre Père.

Et dans cette prière, il n’y a que des demandes. Mais des demandes qui nous engagent : « Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. », ce n’est pas une demande générale qui concerne tout le monde et personne en particulier : Elle me concerne moi-même : Qu’est-ce que je fais pour que le nom de Dieu soit sanctifié, qu’est-ce que je fais, chaque jour, pour que le règne de Dieu vienne et se répande sur toute la terre ? Oh, pas des choses compliquées, des choses à ma portée, à la portée de tous, selon son propre environnement … Est-ce que la venue du règne de Dieu auprès de tous m’importe ? Ou est-ce qu’on dit cette phrase par habitude, sans se préoccuper de ce à quoi cela nous engage … ?

De la même manière, le pardon des offenses … Parce qu’ici, dans saint Luc, le texte est plus clair que dans saint Matthieu : « car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. ». Et si nous, nous ne pardonnons pas … Que devient notre demande de pardon ?

Et juste après cette prière, Jésus donne des commentaires qui vont avec elle : la parabole de l’ami sans gêne qui vient réveiller son voisin pour qu’il lui donne du pain, et qui se termine par : « même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. », et aussitôt après « Demandez, on vous donnera. ».

Cela veut dire qu’il faut oser demander des choses à Dieu. Sans crainte. Même si on a l’impression de demander toujours la même chose, de gêner Dieu. Même si on est mal à l’aise de demander toujours … La demande d’Abraham pour sauver les quelques justes de Sodome, dans la première lecture, nous montre qu’il faut parfois insister : cinquante justes … quarante-cinq … quarante … jusque à dix justes … et à chaque fois Dieu reprend : « pour … dix justes, je ne détruirais pas la ville. ».

Mais il est évident que cela dépend de ce que l’on demande : si c’est pour nous, notre intérêt personnel, à notre profit au détriment des autres, … ça se passe pas !

Par contre, si c’est « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », alors la demande sera exaucée, peut-être pas comme on l’aurait souhaité, et à l’heure qu’on aurait voulue, mais cela se fera.

Finalement, la prière, c’est une question de confiance en Dieu, entre nous et Dieu. Et la confiance que Dieu a envers nous, elle est indubitable. Elle est de toujours ! Par contre, la confiance que nous avons en Dieu … elle peut être variable … même si on s’en défend !

Comme une confiance entre un père et son enfant …

Ce que dit Jésus à la fin : « Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? … Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

Si Jésus dit que nous sommes mauvais, c’est au sens que nous ne sommes pas parfaits, comme Dieu est parfait.

Mais qu’est-ce que le Père du ciel donne ? L’Esprit Saint. Pas ceci ou cela ! Non, L’Esprit Saint !

C’est-à-dire ce qu’il est en Lui-même. « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Saint » (Lv 19,2; 20,26; 21,8)…

Pour Dieu, c’est la seule bonne chose qu’il puisse nous donner. Parce que c’est la meilleure !

Seigneur Jésus,

Tu nous apprends à prier,

à avoir une relation de confiance avec ton Père.

Nécessaire, mais non suffisante :

il faut aussi demander,

avec conviction, sans crainte,

car ton Père sait déjà ce dont nous avons besoin.

Et il nous donne le mieux :

l’Esprit Saint.

À nous de nous laisser imprégner par lui !

Francis Cousin  

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre suivant:

Prière dim ordinaire C 17°




La Vierge Marie, Théologienne (Fr. Manuel Rivero O.P.)

Le pape François a participé le 21 juin 2019 à la Rencontre théologique organisée par la Faculté pontificale de théologie de l’Italie méridionale à Naples ; elle avait pour thème « La théologie après Veritatis gaudium dans le contexte de la Méditerranée ».

Dans son exposé sur l’exercice de la théologie, le pape François n’a pas évoqué la figure de la Vierge Marie, toujours présente dans sa pensée et dans sa prière.

Je voudrais ici mettre en parallèle l’enseignement du pape avec la Vierge Marie, qui occupe dans l’Église la première place parmi les fidèles sauvés par son Fils, Jésus le Christ. En effet, les prières eucharistiques placent la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, avant les apôtres, les martyrs, les docteurs et les saints. Elle est « la toute sainte », habitée par le Saint-Esprit.

La grandeur de Marie trouve sa source dans sa foi en la Parole de Dieu. Aussi est-elle appelée bienheureuse. La foi de Marie est la foi de l’Église. Par son Immaculée Conception, mystère d’absence de péché et de plénitude de grâce au commencement de son existence dans le sein de sa mère que la tradition appelle Anne, épouse de Joachim, Marie jouit d’une intelligence exceptionnelle de la foi en la Parole de Dieu. Sanctifiée par le Saint-Esprit, Marie vit de la foi dans le Verbe de Dieu à travers les questions et l’abandon.

La théologie suppose le déploiement de la raison pour répondre aux questions dans la lumière de la foi en Dieu. Puisqu’il s’agit du mystère de Dieu, la théologie ne peut s’exercer que dans la foi. Le théologien cherche à comprendre et à rendre compte de l’espérance qui est en lui. La foi, grâce de Dieu et tâche humaine, fait entrer dans le cœur de Dieu par la médiation et l’étude de la Révélation divine transmise dans les Saintes Écritures.

La théologie, la foi et la prière

Seul Dieu peut faire connaître Dieu. Seul Dieu parle bien de Dieu. Le théologien se met à l’écoute de la Parole de Dieu dans un climat de prière contemplative en implorant la lumière de l’Esprit Saint.

Le pape souligne que « l’on ne peut faire de la théologie qu’à « genoux ». Les évangélistes aussi bien que l’art chrétien présentent Marie en prière.

Dans son cheminement spirituel de foi, Marie, femme intelligente et libre, s’est posé des questions : « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ? » (Lc 1, 34), à l’Annonciation ; « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons angoissés. » (Lc 2,48), lors du recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem. Et saint Luc, l’évangéliste de préciser que Marie et Joseph ne comprirent pas la réponse de Jésus : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 49).

Marie n’a pas tout compris à l’avance. Elle a avancé dans la foi, avec la lumière et l’ombre propres à la démarche de foi. La foi biblique renvoie à la Parole de Dieu. Croire, c’est adhérer à la Parole révélée qui est lumière mais les prophéties comportent aussi leur part d’obscurité. Aussi des mystiques comme saint Jean de la Croix parlent-ils de la nuit de la foi et des exégètes comme le père Lagrange évoquent l’obscurité du texte biblique.

Le théologien se pose des questions sur Dieu et il pose des questions sur Dieu aux autres. Saint Thomas d’Aquin (+1274), le grand maître de la théologie, commence chaque article de la Somme théologique par une question. Et il n’a pas peur des questions. Tout au contraire, la joie du théologien se trouve dans le dialogue et le débat contradictoire à la recherche de la Vérité, qui étant une personne, le Christ Jésus, ne saurait rester enfermée dans des définitions conceptuelles ou des mots : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6).

Le bienheureux Pierre Claverie O.P., évêque martyr en Algérie, affirmait : « J’ai besoin de la vérité des autres. » Loin de tout relativisme ou scepticisme, il partageait son expérience de Dieu et des hommes.

À l’exemple de Marie, le théologien se pose des questions et il cherche des réponses en mettant en œuvre la lumière de la raison éclairée par la grâce de la foi.

La théologie, les processus et le progrès dans la connaissance de la Vérité

Tout au long de son existence, Marie a approfondi le mystère de la foi, gardant les paroles et les événements de la vie de son fils Jésus dans son cœur » (cf. Lc 2, 51). Marie a progressé dans la foi en son Fils, jour après jour dans la vie ordinaire de Nazareth. Sur le Calvaire aussi, quand une épée a transpercé son âme (cf. Lc 2, 35), dans la communion de la prière au Cénacle au jour de la Pentecôte, au cœur de la communauté apostolique réunie au nom de Jésus dans l’attente de la descente de l’Esprit Saint.

Marie a grandi dans la connaissance de Dieu auprès de son Fils et au milieu de l’Église. La Constitution « Lumen gentium » du concile Vatican II au chapitre VIII a tenu à situer la Vierge Marie dans le mystère du Christ et de l’Église. Les théologiens chrétiens s’interrogent sur Dieu « dans le mystère du Christ et de l’Église ».

La théologie est toujours en chemin puisque le Christ Jésus est Chemin, Vérité et Vie. Marie-Joseph Lagrange a toujours été habité par une vision dynamique et progressive de l’histoire et de l’exégèse. Pour lui, la vérité était « une vérité en marche ». Dans son discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, il avait déjà entrevu le beau chemin à parcourir : « Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité[1]. » À la suite de saint Vincent de Lérins, le père Lagrange tenait à l’idée du développement de la connaissance de Dieu qui s’exprime dans les dogmes. Il ne s’agit pas d’un changement mais d’un progrès à la manière de la maturation du grain de blé qui devient épi ou de l’enfant qui parvient à l’âge adulte.

Dans la Constitution apostolique « Veritatis Gaudium » sur les universités et les facultés ecclésiastiques, en date du 27 décembre 2017, le pape François a cité la pensée de saint Vincent de Lérins : « Le théologien qui se satisfait de sa pensée complète et achevée est un médiocre. Le bon théologien et philosophe a une pensée ouverte, c’est-à-dire incomplète, toujours ouverte au maius de Dieu et de la vérité, toujours en développement, selon la loi que saint Vincent de Lérins décrit ainsi : « annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate » (Commonitorium primum, 23 ; PL 50,668) [2]« . » La vérité se consolide avec les années, elle se développe dans le temps, devenant plus profonde avec l’âge.

D’une manière poétique, Juan Ramón Jiménez, Prix Nobel de littérature en 1956, reliait ainsi l’ancien et le nouveau : « Des racines et des ailes. Mais que les ailes s’enracinent et que les racines volent. » Cette découverte infinie de la vérité se trouve explicitée dans l’Évangile. Jésus exige du bon professeur qu’ « il tire de son trésor du neuf et de l’ancien » (Évangile selon saint Matthieu 13, 52). Le théologien n’est pas un répétiteur ni la vie spirituelle un moule. « Chacun va à Dieu par un chemin virginal », s’exclamait le poète Léon Felipe. Il n’y a pas un seul évangile mais quatre approches différentes du mystère de la vie de Jésus et ces quatre évangiles vont engendrer une multitude de commentaires et d’approfondissement au cours de l’histoire de l’Église qui manifesteront la richesse inépuisable de la Parole de Dieu, transmise de génération en génération sous l’action de l’Esprit Saint. Il y a pluralisme dans la présentation du mystère de Jésus dans les quatre évangiles. Il y a aussi un pluralisme théologique voulu par Dieu dans l’unité de la foi manifesté dans le Credo. Le pape François aime l’image et le modèle du polyèdre pour évoquer la théologie vécue en dialogue et dans l’inculturation.

Femme théologienne

Le pape François a insisté à Naples sur la nécessité de « promouvoir des processus ». La Vierge Marie, femme et mère, a œuvré au développement du salut dans le temps. La femme, de par son corps, a un rapport au temps différent de celui de l’homme. Elle connaît le processus mensuel de sa féminité féconde. Elle sait par son corps que le don d’elle-même à l’homme engagera un processus interne de maternité de neuf mois et pratiquement toute une vie au service de l’enfant. En ce sens, la Vierge Marie représente un modèle d’hospitalité de la Vie de Dieu et de la vie humaine ainsi qu’un paradigme dans l’amour durable, fidèle et absolu.

Marie a préparé la venue du Messie. Elle a impulsé la manifestation publique de Jésus à Cana lors de l’accomplissement du premier miracle dans l’Évangile selon saint Jean. Après l’Ascension de Jésus au Ciel, Marie a préparé la venue de l’Esprit Saint sur les apôtres en priant au Cénacle en communion avec les disciples de Jésus. Maintenant Marie prépare par son intercession la venue du Christ dans nos cœurs et son retour à la fin de l’histoire.

La maternité spirituelle de Marie envers l’Église et l’humanité ne va pas sans douleur. Si la tradition de l’Église parle de la virginité de Marie, avant, pendant et après son accouchement de Jésus, il n’en va pas de même de sa maternité spirituelle qui provoque en elle « des déchirures de l’âme » à comparer aux déchirures de la mise au monde.

Le pape François met en valeur la contribution des femmes à la théologie, à Naples et ailleurs dans le monde[3].

La théologie et le discernement

La plénitude de la pensée théologique passe par la sainteté. Il y a une sainteté de l’intelligence de la foi nécessaire aux théologiens. Seule la sainteté conduit au sommet de la théologie par l’intelligence de la foi. Les grands théologiens sont de grands saints. Marie, la toute sainte, la Mère du bel amour, brille au Ciel comme la grande théologienne. Saint Paul enseigne que l’amour donne le discernement : « Et voici ma prière : que votre charité croissant toujours de plus en plus s’épanche en cette vraie science et ce tact affiné qui vous donneront de discerner ce qui est important. » (Épître aux Philippiens, 1, 9-10).

Le théologien reçoit la mission de discerner les signes des temps et d’orienter la marche de l’histoire selon la volonté de Dieu. Les événements appellent interprétation et discernement en vue d’un choix pour que « nos peuples aient la vie en Jésus-Christ » selon le titre de la Ve Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes au sanctuaire brésilien d’Aparecida au mois de mai 2017 : « Disciples et missionnaires de Jésus-Christ pour que nos peuples aient la vie en lui (Jn 14, 6)[4] » Le cardinal argentin Jorge Bergoglio avait reçu la charge de diriger la rédaction finale de cette Conférence latino-américaine. Devenu pape, il enlèvera dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium[5] la conjonction « et » du début du titre pour mieux relier et de manière inséparable le fait d’être disciple et l’envoi en mission : « disciple-missionnaire ». Le disciple de Jésus, l’Envoyé du Père, est automatiquement missionnaire sinon il n’est pas un vrai disciple. Le missionnaire annonce Jésus comme témoin et disciple selon l’enseignement voulu par le maître qui l’a envoyé. A fortiori, le théologien exerce son ministère d’intelligence de la foi comme disciple-missionnaire, à l’image de la Vierge Marie, premier disciple de Jésus, la première chrétienne, ainsi que la première missionnaire de Jésus qu’elle a porté dans son sein. Lors de la Visitation à sa cousine Élisabeth, Marie porte en elle le Verbe fait chair. La présence de Jésus dans le cœur et dans le sein de Marie fait exulter d’allégresse Jean le Baptiste porté dans le sein de sa mère, Élisabeth. Marie a transmis la Bonne Nouvelle de la venue du Messie, le Verbe fait chair en elle.

La transmission de l’Évangile

Saint Thomas d’Aquin nous enseigne dans la Somme théologique « qu’il est plus beau d’éclairer que de briller seulement, de même est-il plus beau de transmettre aux autres ce qu’on a contemplé que de contempler seulement.[6] » Il y a des « stars », des étoiles qui brillent et des étoiles qui éclairent. Marie est une étoile qui éclaire. Contemplative dans l’action, elle voit Dieu en toute chose et toute chose en Dieu. Disciple-missionnaire de son fils Jésus, elle transmet la richesse du mystère de Dieu contemplé dans son cœur.

Marie n’a pas fait de prosélytisme. Elle a porté Jésus en elle comme mère physique et en tant que disciple et missionnaire. N’agissant jamais en mère possessive, Marie conduit toujours à Jésus comme le montrent les noces de Cana où elle oriente les serviteurs vers le seul Sauveur : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5).

Marie a transmis aussi aux apôtres et à la première communauté chrétienne de Jérusalem son expérience de Dieu. Qui d’autre aurait pu renseigner les premiers chrétiens sur l’Annonciation et l’enfance de Jésus hormis sa propre mère, Marie ? Dans son ouvrage de vulgarisation exégétique « L’Évangile de Jésus-Christ », le père Marie-Joseph Lagrange commente cette transmission du mystère de l’Incarnation du Verbe par saint Luc, évangéliste et historien, qui relie la vie cachée du Sauveur à la grande histoire du temps : « C’est de la Mère de Jésus elle-même que les disciples tenaient ce qu’il y a de plus intime dans ses origines très humbles.[7] »

Femme juive, cent pour cent juive, première chrétienne, cent pour cent chrétienne, Marie relie à la manière d’un chaînon l’Ancien et le Nouveau Testament. En devenant chrétienne, elle accomplit sa foi juive. Fille d’Abraham, Marie établit un pont entre la Première Alliance et l’Alliance nouvelle et éternelle de Jésus-Christ. Elle fait passer l’ancienne Loi de Moïse dans la nouvelle Loi de Jésus, celle de l’Esprit Saint, répandu à la Pentecôte.

À la synagogue, Marie exulte de bonheur en entendant la lecture en hébreu de la Loi, des Prophètes et des Psaumes. Le commentaire a lieu en langue araméenne, la langue que Marie parle au quotidien. Elle connaît probablement quelques mots de la langue grecque et de la langue latine. Parler deux langues représente déjà un dialogue intérieur et deux regards différents sur le monde, ce qui facilite l’ouverture à l’altérité et la reconnaissance des valeurs dans l’autre.

Le dialogue interreligieux et interculturel passe par la connaissance et le pluralisme des langues. Le pape François désire « la rencontre des cultures avec les sources de la Révélation et de la Tradition », en allant dans le sens d’une « Pentecôte théologique ».

Par sa foi à l’Annonciation, Marie accueille le Verbe dans son sein au nom de toute l’humanité. Nouvelle Ève, elle devient cause de salut pour tous les hommes. Marie a accueilli le Fils de Dieu qui prendra chair en elle devenant ainsi la Tête de l’Église qui est le Corps du Christ, le Christ total : Jésus, la Tête, et les baptisés, ses membres. En accueillant le Fils de Dieu, Marie va accueillir aussi l’humanité sauvée par son Fils. Elle sera Mère de Jésus, Mère de Dieu et Mère de l’Église.

Le concile Vatican II, dans sa constitution « Gaudium et spes » (n°22), enseigne que par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est uni « en quelque sorte » à tout homme. Il y aura désormais un commun dénominateur entre la Sainte Trinité et tous les hommes : l’humanité de Jésus le Christ. Par cette humanité partagée, Jésus relie tout homme à l’amour trinitaire du Père, du Fils et de l’Esprit. Le dialogue interreligieux repose sur ce mystère de l’Incarnation où le Fils de Dieu rejoint et élève tout homme de bonne volonté à la gloire du Père. Le pape François travaille pour que les hommes se gardent mutuellement « dans l’unique famille humaine ».

Par ailleurs, la prière sur les offrandes de la messe en la fête de l’Annonciation, annonce la naissance de l’Église dans le sein de Marie en ce jour-là : « Daigne accepter, Dieu tout-puissant, les dons offerts par ton Église : elle n’oublie pas qu’elle a commencé le jour où ton Verbe s’est fait chair ; accorde-nous, en cette fête de l’Annonciation, de célébrer avec joie les mystères du Christ. »

Jésus étant la Tête de l’Église, là où se trouve la Tête du Corps tous les membres de l’Église présents et à venir, se trouvent aussi reliés dans l’Incarnation du Fils de Dieu. Si l’Église est née dans le sein de Marie au jour de l’Annonciation, selon la loi « lex orandi, lex credendi », chaque croyant en Jésus a Marie pour Mère spirituelle. Celle qui a donné la vie humaine au fils de Dieu, intercède comme mère spirituelle pour les membres du Corps de son Fils, l’Église. Bossuet définissait l’Église comme « le Christ répandu et communiqué ». La maternité de Marie est répandue en son Fils pour tous ceux qui l’accueillent avec foi et qui deviennent enfants de Dieu faisant corps avec le Fils unique de Dieu (cf. Jn 1, 12).

Marie agit avec sa tendresse maternelle de manière inclusive en veillant à rassembler tous les hommes. La joie de toute mère est de voir ses enfants réunis dans la paix et l’harmonie. Marie intercède auprès de son Fils Jésus pour que l’humanité se rencontre dans le respect et l’esprit fraternel. Marie prend la défense de chaque enfant de Dieu et elle favorise des liens entre les enfants fort différents les uns des autres dans un esprit d’égale dignité, l’opposé du « syndrome de Babel » commenté par le pape François, qui consiste « à ne pas écouter ce que dit l’autre et à croire que je sais ce que l’autre pense et ce que l’autre dira ».

En bonne éducatrice, Marie, mère de Jésus, cherche à effacer le désir de puissance et de domination, en apportant une culture du dialogue et du respect des différences entre les enfants des hommes. La violence étant le langage de ceux qui n’en ont pas, Marie met en lumière la Parole, le Verbe, le Logos en grec qui désigne la raison et la parole, et le dialogue, « dia-logos », en grec. Le dialogue dans l’Église ne correspond pas à une mode mais à l’être même de Dieu qui est dialogue entre le Père et le Fils dans la communion du Saint-Esprit. En ce sens, le dialogue représente une expérience de Dieu.

Théologie de la miséricorde

Aujourd’hui, dans les sanctuaires consacrés à la Mère de Dieu, Marie écoute, parle et donne la parole. Auprès de Marie, les hommes se sentent écoutés, respectés et aimés. Que de dialogues entre Marie et l’humanité sur les cinq continents depuis des siècles. Les malades, les humiliés et les pauvres ont confiance en Marie. Ils lui parlent et se confient à sa prière. En hébreu, le mot miséricorde vient du mot « utérus », « rehem » ; « rahamin », entrailles. Avoir miséricorde renvoie à la sensibilité intime de la mère devant la souffrance de son enfant. Frémissement et réaction. La Vierge Marie, Mère de miséricorde, frémit et réagit en faveur de ceux qui sont considérés ou plutôt déconsidérés comme des « déchets », les naufragés de l’histoire.

Une théologie de l’hospitalité et du dialogue

Modèle d’hospitalité, Marie exercera sa maternité spirituelle selon la volonté de Jésus sur le Calvaire. Le pape François voit dans le mystère pascal la clé de l’interprétation de l’histoire humaine. La Vierge Marie témoigne de la descente du Fils de Dieu sur la terre et dans les ténèbres du mal et de la mort. Debout, près de la croix, elle a vu son fils Jésus souffrir et mourir. La croix joue le rôle d’une clé qui permet d’ouvrir les portes du sens de l’histoire. Par la croix de Jésus le Christ, le théologien déverrouille les énigmes des événements. Au lieu d’interpréter l’histoire uniquement en fonction des rapports de force pour aboutir à un résultat matériel, la croix de Jésus interpelle les rapports sociaux et elle illumine le mystère de l’homme en dévoilant les pensées secrètes des hommes (cf. Évangile selon saint Luc 2, 35).

Si les évangiles ne rapportent pas d’apparition de Jésus ressuscité à sa mère, de nombreux saints et théologiens y croient dans une logique de l’amour filial : saint Vincent Ferrier O.P., saint Ignace de Loyola, le serviteur de Dieu, le père Marie-Joseph Lagrange, le saint pape Jean-Paul II et bien d’autres.

Marie est témoin de la descente et de l’Ascension de Jésus. Mère de miséricorde, comme le chante le Salve Regina, Marie frémit dans son sein devant les souffrances de l’humanité. Théologienne de la miséricorde et de la proximité, Marie est la femme la plus connue et la plus aimée au monde et dans l’histoire des hommes. Fille d’Israël, pays baigné par la mer Méditerranée, elle a chanté la miséricorde de Dieu dans le Magnificat.

Le pape François parle de la Méditerranée comme « un pont historique, géographique, humain entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Il cite Giorgio La Pira, ancien maire de Florence (Italie), laïc dominicain, qui proposait d’installer « une grande tente de paix », à l’image des tentes de la rencontre et de la justice décrites dans l’Ancien Testament. Il s’agit de se rassembler « sous la même tente », un tente commune, à l’image de la terre, appelée par François « la maison commune ». Le pape voit aussi dans la Méditerranée « la matrice historique, géographique et culturelle » de l’annonce du mystère de la mort et de la résurrection de Jésus ainsi que « le laboratoire » de la recherche théologique.

Notre-Dame des réfugiés

Marie et Joseph ont vécu la fuite en Égypte (cf. Évangile selon saint Matthieu 2, 13-16). Réfugiés politiques, s’éloignant de la menace du roi Hérode pour protéger la vie de l’enfant Jésus, ils ont souffert dans leur exil. Ils savent ce que c’est que d’être regardés comme des inconnus qui dérangent. Aussi pouvons-nous invoquer la Vierge Marie sous le vocable de « Notre-Dame des réfugiés » et saint Joseph, comme le patron des réfugiés.

Le pape fait appel à la création de nouveaux récits pour renforcer les liens entre les populations de la Méditerranée, caractérisées par le métissage et l’ouverture culturelle à l’autre. Pourquoi ne pas actualiser les paraboles de l’Évangile dans ce souci de renouveler les références littéraires symboliques de la Méditerranée ? La parabole du bon Samaritain[8], étranger détesté par les autorités de la capitale Jérusalem, qui prend soin d’une victime des bandits à la différence des gens religieux qui ferment les yeux sur ce malheur, pourrait illustrer la réalité des réfugiés étrangers dans la Méditerranée. Des gens bien-pensants et religieux peuvent faire semblant de ne pas voir leur souffrance et accorder la priorité au bien-être de leur famille ou de leur nation. Le saint pape Jean XXIII écrivait déjà avant la Seconde Guerre mondiale dans son journal spirituel : « Les deux grands maux qui intoxiquent aujourd’hui le monde sont le laïcisme et le nationalisme. (…) Au second les ecclésiastiques eux-mêmes apportent leur concours[9] ».

En Méditerranée, quand la tempête soulève le vent et les vagues qui menacent de renverser les bateaux, les marins se tournent vers la Vierge Marie. Un grand nombre de chapelles et d’ex-voto témoignent des grâces reçues.

Puisse l’intercession de la Vierge Marie, fille bien-aimée du Père, épouse du Saint-Esprit et mère de Jésus, le Fils de Dieu, obtenir à l’Église le renouvellement de la théologie et l’envoi de théologiens, hommes et femmes, ayant soif de vérité, de dialogue et de paix.

Saint-Denis (La Réunion. France), en la fête du Sacré-Cœur de Jésus et de saint Irénée de Lyon, le 28 juin 2019.

[1] Discours pour l’inauguration de l’École biblique de Jérusalem, le 15 novembre 1890. Le père Lagrange au service de la Bible. Souvenirs personnels, Paris, Cerf, 1967, p. 104.

 

[2] Pape François. Discours à la Communauté de l’Université Pontificale Grégorienne et aux Membres de l’Institut Biblique et de l’Institut Oriental Pontifical, 10 avril 2014, AAS 106 (2014), 374.

[3] Voir l’exemple en France des sœurs dominicaines de la Présentation de Tours : https://precheraufeminin.com/

[4] Ve Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes. Disciples et missionnaires de Jésus-Christ pour que nos peuples aient la vie en lui. Aparecida, Paris, Cerf, 2008.

[5] Pape François, La joie de l’Évangile, exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013.

[6] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa-IIae, q. 188, art. 6.

 

[7] Marie-Joseph Lagrange, O.P., « L’Évangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, traduite par le père Ceslas Lavergne, O.P. », préface de Jean-Michel Poffet, O.P., présentation de Manuel Rivero O.P.Paris, éditions Arthège/Lethielleux. 2017. P. 41.

[8] Cf. Manuel Rivero. Pour une théologie de la communication. Paris. Éditions Parole et silence. 2015. P. 29s. L’actualisation des paraboles.

[9] Jean XXIII. Journal de l’âme, écrits spirituels. Paris. Éditions du Cerf. 1965. P. 407.

 




16ième Dimanche du Temps Ordinaire – Francis Cousin (Lc 10,38-42)

« Marie a choisi la meilleure part. »

 

L’évangile de ce jour vient juste après celui que nous avons entendu la semaine dernière. Dans celui-ci, Jésus montrait par les actes du Bon Samaritain la bonté de Dieu qui veut sauver tous les humains, et il nous invitait à faire de même. Dans celui de ce jour, Jésus veut montrer l’importance de la Parole de Dieu accueillie par ceux qui l’entendent, ici Marie.

Voir et entendre l’action de Dieu est ce qui est le plus important pour ceux qui veulent le suivre.

Dans l’évangile de ce jour, nous voyons Jésus, en marche vers Jérusalem, recevoir l’hospitalité dans une maison habitée par deux femmes, deux sœurs : Marthe et Marie. C’est Marthe qui avait invité Jésus, et elle voulait lui faire honneur, c’est pourquoi « elle était accaparée par les multiples occupations du service. », tandis que Marie, « assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. », ce qui, au bout d’un moment agaça Marthe qui se plaignit à Jésus : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. »

Contrairement à ce qu’elle aurait pu attendre, Jésus ne va pas aller dans son sens : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. ».

Le fait de l’appeler par son nom par deux fois pourrait montrer une sorte de reproche de son intervention. En effet, Marthe est préoccupée par la satisfaction de Jésus, mais une satisfaction comme elle la pense : un bon repas, bien servi, etc … En fait, des préoccupations du monde. Alors que la satisfaction de Jésus se trouve dans l’écoute de Marie, attentive à ce qu’il dit et sans doute participant activement à la discussion. L’écoute de la Parole de Dieu, la seule chose que Jésus juge nécessaire. L’écoute attentive de la Parole ; une écoute qui engage l’écoutant. Ne dira-t-il pas un peu plus loin : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu, et la mettent en pratique ! » (Lc 11,28). Une écoute qui amène des actions. Mais des actions qui vont dans le sens de la Parole de Dieu, et non dans le sens du monde.

Jésus n’oppose pas l’écoute de la Parole, la relation à Dieu (ce qu’on appelle aussi la contemplation) et l’action, mais il leur donne un ordre de priorité : d’abord la relation à Dieu, la contemplation, et ensuite l’action imbibée de cette relation à Dieu, et éclairée par l’Esprit Saint.

L’ordre inverse n’est pas bon : faire l’action, et ensuite se justifier vis-à-vis de Dieu en disant : « Tu as vu ce que j’ai fait ? Pas mal hein ? » (Voir la parabole du pharisien et du publicain (Lc 18,9-14).

Pour Jésus, tout est une question de service. N’a-t-il pas dit : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » (Mt 20,26), et on peut voir le service de deux manières :

– Le service de Dieu : Parole, prière, contemplation …

– Le service des autres : action, levain dans la pâte …

(Il y a encore une autre manière de voir le service, le service pour soi, pour se mettre en valeur, mais qui n’est pas agréée par Jésus : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir. » (Mt 20,28))

Ce sont d’ailleurs ces deux formes de services qui ont été à l’origine de la création des diacres : « Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous… et nous les établirons dans cette charge. En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole. » (Ac 6,2-4).

Cette distinction nette entre les deux sortes de service peut être bonne si tous les acteurs sont assidus à la Parole et à la relation à Dieu.

Il est d’ailleurs remarquable de constater que ceux qui donne le plus aux autres sont aussi ceux qui ont une vie contemplative importante :

– Jean-Marie Vianney, curé d’ars, qui eut une grande influence sur ceux qu’il rencontrait, priait devant le tabernacle plusieurs heures par jour.

– Mère Térésa, lorsque ses sœurs lui dirent qu’elles avaient trop de travail, prit la décision de multiplier par deux le temps quotidien d’adoration de toute la communauté, et alors tout s’est arrangé.

– le père Guy Gilbert, le curé des loubards comme on l’appelle, qui prends cinq jours par mois pour faire retraite dans un monastère.

– et sans doute encore beaucoup d’autres …

Tous trouvent dans la prière et l’adoration la force nécessaire pour mettre en œuvre leur activité pastorale.

Alors que très souvent, on entend des gens dire : « Avec tout ce que je fais dans la journée, je n’ai pas le temps de prier » ou « Le dimanche est le seul jour où je peux me lever tard, me reposer … alors la messe … je peux pas y aller ! ».

Mais en fait, c’est la prière, la relation à Dieu, qui permet d’éclairer notre vie, de lui donner un sens, et qui nous aide à définir des priorités, ce qui permet de gagner du temps, et nous donne la force d’aller plus loin dans nos activités pastorales.

Pour nous, ce qu’il nous faudrait faire : se mettre au service de Dieu et des autres, en donnant la priorité à la relation à Dieu, qui est le moteur de la relation aux autres.

Prenons le temps de l’intériorité sous le regard de Dieu !

 

Seigneur Jésus,

Très souvent nous sommes orientés vers l’action,

parce qu’on voit le résultat …

et nous négligeons la relation avec toi,

qui doit être le moteur de notre action,

mais dont on ne voit pas le résultat.

Mais sans toi,

nous ne pouvons rien faire !

 

Francis Cousin

 

Pour accéder à la prière illustrée du 16° dimanche du temps ordinaire, et à la Parole d’Evangile, cliquer sur les titres suivants :

Prière dim ordinaire C 16°

Parole d’évangile semaine 19-29

 




Rencontre « Laïcs en Mission » à Bagatelle (14/07/2019)

Ce dimanche 14 juillet, tous ceux et celles qui le pouvaient se sont retrouvés dans la belle salle paroissiale de Bagatelle pour échanger sur ce premier semestre 2019. Nous avons d’abord vécu l’eucharistie à 7h 30 avec le Père Magloire, puis nous avons pris un bon petit déjeuner préparé par Jean Albert, responsable avec Christelle de l’Equipe de Service du Groupe Cycle Long de Bagatelle… La matinée s’est poursuivie par un échange, toujours enrichissant, sur ce que vivent les différents groupes… Claude Won Fah Hin, intervenant en théologie au Cycle Long, était avec nous. Et suite à notre discussion, Yolain et Cyril rédigeront très bientôt une petite plaquette de présentation de « Laïcs en Mission », avec les groupes actuellement présents et toutes les indications nécessaires pour les rejoindre.

Actuellement une douzaine de paroisses ont un groupe de partage de la Parole de Dieu en lien avec « Laïcs en Mission »: St Benoît (trois groupes : mercredi soir et vendredi soir à la Paroisse, et un groupe alternativement dans trois familles différentes), Cambuston, Bagatelle, St André (Chemin du Centre), La Délivrance, Le Port, St Paul, Plateau Caillou, Savannah, La Saline les Hauts, St Gilles les Bains, avec la Saline les Bains et l’Ermitage, l’Entredeux… Si vous désirez les rejoindre, n’hésitez pas à nous contacter : secretariat@sedifop.com. Cela dépend des groupes, mais en général les rencontres se font une fois tous les quinze jours en fin d’après midi…

Et nous avons conclut ce temps d’échanges par un bon repas partage…

Prochaine rencontre prévue le Dimanche 8 décembre au Carmel des Avirons…

Et merci à Orlane pour les photos prises en ce jour…

 




Méliton de Sardes

Bien qu’il soit un auteur majeur au sein des Pères de l’Eglise, on sait relativement peu de choses concernant Méliton. Originaire de Sardes (ancienne capitale du Royaume de Lydie) en Asie Mineure (Turquie actuelle), Polycarpe de Smyrne y place le lieu de sa sépulture. Eusèbe de Césarée en fait l’épiscope de la cité mais il semble qu’aucun autre élément ne puisse le confirmer. Il meurt vers 180-190 et on date son œuvre des années 160-180. Quoi qu’il en soit, sa réputation semble notable à l’époque et on note qu’il est le premier Père connu à réaliser un pèlerinage en Palestine afin d’y faire des recherches portant sur la Bible hébraïque. On estime qu’il fut originaire du milieu quartodéciman, c’est-à-dire le courant judéo-chrétien célébrant le temps pascal en même temps que la Pâque juive, à une époque où le conflit est très vif avec la communauté de Rome dont l’épiscope Victor souhaite imposer une date différente pour commémorer la Passion et la Résurrection (ce qui ne l’empêche pas d’être à l’origine de la « théologie de la substitution » en ce qu’il considère que le salut du christianisme rend caduque l’élection d’Israël).

         Méliton est essentielle connu de l’Histoire pour une œuvre majeure nous étant parvenue tardivement (1936) ; il s’agit du livre Sur la Pâque, un traité poétique portant sur la Passion du Christ et sa symbolique quant à la destinée d’Israël. Texte éminemment intéressant par la conception qu’il renferme, il n’en demeure pas moins d’une grande violence vis-à-vis du judaïsme qu’il n’hésite pas à accuser de déicide (l’ouvrage est considéré comme le premier témoin littéraire de cet antijudaïsme qui persistera durant des siècles en insistant sur le rôle joué par Israël dans la mort de Jésus de Nazareth). Il est cependant capital de constater que Méliton lui-même est totalement versé dans la connaissance des Ecritures et manifeste ainsi son appartenance plus ou moins éloignée à la foi juive. Il est d’ailleurs fort probable que l’auteur – fortement marqué par l’Evangile de Jean – ait utilisé l’Evangile selon Pierre, texte judéo-chrétien fortement imprégné de ressentiment envers Israël responsable de la mise à mort du Messie. On estime que cette œuvre marque la rupture définitive entre christianisme et judaïsme (notamment d’après S.-C. Mimouni, grand spécialiste des rapports entre christianisme et judaïsme aux origines).

         Méliton de Sardes aurait également rédigé une Apologie destinée à défendre la foi chrétienne auprès de l’empereur Marc-Aurèle (uniquement trois fragments ont été transmis dans l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée). Par ailleurs, plusieurs fragments nous sont parvenus, provenant d’œuvres méconnues, manifestant une interprétation dite « typologique » de la conception du Christ (notamment à travers la figure d’Isaac considéré comme une figure du Christ sacrifié).

         Bien que faisant preuve d’une grande hostilité envers Israël (en réalité le rabbinisme naissant), l’œuvre de Méliton est également empreinte d’une grande maîtrise poétique et d’une christologie très profonde renvoyant aux racines mêmes de la foi nazaréenne. Il est important de lire le traité Sur la Pâque pour comprendre les origines de ce que l’on appelle (bien souvent à tort) l’antijudaïsme chrétien primitif et qui est en réalité le témoignage d’une virulente polémique inter-juive présente également dans le Talmud.

 

                                                                                                    Yannick Leroy

 

Bibliographie élémentaire

  • MELITON DE SARDES, Sur la Pâque – Fragments, O. Perler (éd. et trad.), Paris, Cerf, 1966.

  • MELITON DE SARDES, Sur la Pâque, F. Bouet de Quatrebarbes (trad.), in Premiers écrits chrétiens, La Pléiade, Paris, Gallimard, 2016, pp. 231-246.

  • B. POUDERON, Les Apologistes grecs du IIè siècle, Paris, Cerf, 2005, pp. 227-240.

  • E. NORELLI, C. MORESCHINI, Histoire de la littérature chrétienne ancienne grecque et latine, T. I, Genève, Labor et Fides, 2000 pp. 170-175.

  • S.-C. MIMOUNI, P. MARAVAL, Le Christianisme, des origines à Constantin, Paris, PUF, 2006, pp. 265-267.

 

Extraits

 

[…]O mystère étrange et inexplicable !

L’immolation du mouton se trouve être le Salut d’Israël,

Et la mort du mouton devint la vie du peuple,

Et le sang intimida l’Ange.

Dis-moi, ô Ange, ce qui t’a intimidé :

L’immolation du mouton ou la vie du Seigneur ?

La mort du mouton ou la préfiguration du Seigneur ?

Le sang du mouton ou l’Esprit du Seigneur ?

Il est clair que tu as été intimidé parce que tu as vu le mystère du Seigneur

S’accomplissant dans le mouton,

La vie du Seigneur dans l’immolation du mouton,

La préfiguration du Seigneur dans la mort du mouton.

                                                                                Sur la Pâque 31-34.

 

C’est Lui qui fut mis à mort ! Et où fut-il mis à mort ? Au milieu de Jérusalem. Pourquoi ?

Parce qu’Il guérit leurs boiteux,

Et qu’Il purifia leurs lépreux,

Et qu’Il amena leurs aveugles à la lumière,

Et qu’Il ressuscita leurs morts.

Voilà pourquoi Il souffrit.

Et il est écrit quelque part dans la Loi et les Prophètes :

« Ils m’ont rendu le mal pour le bien et à mon âme l’abandon. Ils méditèrent contre moi le mal, disant : Lions le juste car il est embarrassant pour nous. »

                                                                                        Sur la Pâque 72

 

Etant Seigneur,

Ayant revêtu l’homme,

Et ayant souffert pour celui qui souffrait,

Et ayant été lié pour celui qui était détenu,

Et ayant été jugé pour le coupable,

Et ayant été enseveli pour celui qui avait été enseveli,

Il ressuscita des morts et fit entendre ceci à haute voix :

« Qui disputera contre moi ?

Qu’il se mette en face de moi !

C’est moi qui ai délivré le condamné ;

C’est moi qui ai vivifié le mort ;

C’est moi qui ai ressuscité l’enseveli.

Qui est mon contradicteur ?

C’est moi, dit-il, le Christ,

C’est moi qui ai détruit la Mort,

Et qui ai triomphé de l’ennemi,

Et qui ai foulé aux pieds l’Enfer,

Et qui ai lié le fort,

Et qui ai ravi l’homme vers les hauteurs des cieux,

C’est moi, dit-il, le Christ. »

                                                            Sur la Pâque 100-102.

 

Si cela est fait par ton ordre, que ce soit bien! Car un Empereur juste n’ordonnerait jamais rien injustement, et nous-mêmes supportons avec plaisir la récompense d’une telle mort. Mais nous t’adressons cette seule requête, afin que tu connaisses d’abord les auteurs d’une telle jalousie et que tu décides avec justice s’ils sont dignes de la mort et du châtiment, ou bien du salut et de la tranquillité. Mais si la résolution-même et ce nouvel édit ne sont pas de toi – il ne conviendrait même pas contre des ennemis barbares – nous te demandons bien davantage de ne pas nous abandonner à un tel brigandage public.

Fragment de l’Apologie à Marc-Aurèle,

                                           in EUSEBE DE CESAREE, Histoire ecclésiastique IV, 24, 6.

 

     Car Il a été lié comme un bélier – cela est dit au sujet de Notre Seigneur Jésus-Christ – et Il a été tondu comme un agneau et conduit comme un mouton et Il a été crucifié comme un agneau et Il porta le bois sur ses épaules, conduit pour être immolé comme Isaac par son père. Mais le Christ a souffert ; Isaac par contre n’a pas souffert, car il était figure de Celui qui souffrirait un jour, le Christ. Mais étant devenu la figure du Christ, il inspira aux hommes de l’étonnement et de la crainte. On pouvait en effet contempler un mystère inouï : un fils conduit par son père sur la montagne pour être immolé, fils qu’il plaça, les pieds liés, sur le bois du sacrifice, après avoir soigneusement préparé ce qui était nécessaire à son immolation. Isaac se tait, lié comme un bélier. Il n’ouvre point la bouche, il ne dit mot. Ni effrayé par le poignard, ni terrifié par le feu, ni attristé par la souffrance, courageusement, il était la figure du Seigneur. Il y avait donc Isaac placé au milieu, lié comme un bélier, et à ses côtés Abraham, le poignard hors du fourreau, sans honte de mettre à mort son fils.

 

Fragment, œuvre indéterminée (J. B. PITRA, Spicilegium Solesmense, II, p. LXIII)




Rassemblement des six Groupes Cycle Long (7/07 2019)

Ce dimanche 7 juillet, tous les participants du Cycle Long qui le pouvaient ont été invités à se retrouver au Collège St Michel à St Denis. Les premiers sont arrivés pour sept heures. Avec les trente bénévoles de l’équipe de service, nous avons commencé par prier dans la chapelle. Puis nous nous sommes répartis les taches à accomplir…

Certains ont préparé la prière du Matin, les Laudes, dans la grande salle d’étude décorée avec les magnifiques bouquets de Yolande :

 

  

 

 

D’autres ont commencé à mettre en place le couvert pour midi :

D’autres préparaient le petit déjeuner et l’accueil, les participants commençant à arriver :

Nous nous sommes ensuite tous retrouvés dans la grande salle d’étude, rangée et aménagée la veille par l’équipe de service. Nous avons prié les Laudes puis les différents groupes se sont présentés…

Et c’était l’heure de prendre un bon petit déjeuner :

Puis nous avons travaillé ensemble le chapitre 14 de l’Evangile selon St Jean où le Christ, sachant que sa Passion est désormais toute proche, enseigne ses disciples à la relation de foi qu’ils vivront avec Lui après sa mort et sa résurrection… « Je ne vous laisserai pas orphelins… Je viendrai vers vous… Le monde ne me verra plus, mais vous, vous verrez que je vis et vous vivrez vous aussi… Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui »…

A 10h 30, Claude Won Fah Hin a pris le relais sur le thème de la Mission des Laîcs, enracinée dans une vie d’union avec Lui la plus continuelle possible… Ste Thérèse d’Avila et St Jean de la Croix furent abondamment cités…

A midi, nous nous sommes tous retrouvés dans la nouvelle salle de restauration du Collège pour un bon repas : poulet massalé, bringelles boucané, carri poisson, riz, lentilles, chouchous et comme dessert, un éclair, avec quatre parfums au choix…

Puis vint le temps de la vaisselle :

Pendant ce temps là, certains prenaient un bon café ou soufflaient un peu… tandis que Noéline préparait l’Eucharistie avec Yolain et son équipe de musiciens :

 

A 14h, P. Loïc Prugnières est intervenu sur le thème: « Mais qui sont donc les disciples de Jésus dans l’Evangile selon St Marc ? » Leur présentation est très réaliste et très réconfortante pour nous : ils ne croient pas, ne comprennent rien, n’arrivent à rien, du moins… jusqu’à la mort et la résurrection du Christ, suivie de la Pentecôte… Puis vint le temps de la conclusion, superbe : les frontières de l’Eglise sont bien plus larges que le seul groupe des disciples, avec les malades guéris, les anonymes rencontrés, les pauvres, etc…

 

Pendant ce temps-là, l’équipe de service achevait le travail à faire… Une fois celui-ci terminé, ils se rassemblèrent dans la cour du collège pour une photo finale, et là, un petit perroquet est venu se poser sur la tête d’une membre de l’équipe…

 

Noéline l’a récupéré et me l’a ensuite apporté dans la salle d’études, et je suis sorti avec lui sur la coursive pour lui rendre sa liberté. Mais… il ne voulait pas partir. Alors je suis descendu dans le jardin du collège pour le mettre sur le rebord d’un panneau, et l’ai pris en photos…

Il m’a bien regardé, et hop…

Retour alors dans le hall du collège, et Brigitte, qui a tout ce qu’il faut chez elle, a accepté de le recueillir…

Jolie surprise du jour…

Et la journée s’est terminée par la célébration de l’Eucharistie…

Au pied de l’autel, la photo du Christ en bois de noyer du 13° siècle,

présent dans la chapelle du château de St Javier, en Espagne, 

là où St François Xavier, patron du Diocèse de la Réunion, passa toute son enfance… 

Rendez-vous maintenant le dimanche 1° décembre pour la journée de conclusion du Cycle Long 2019 où tous les participants seront invités à se rassembler à nouveau au Collège St Michel pour un bilan d’année… Ce sera aussi l’occasion de commencer à entrer dans les fêtes de Noël, avec un partage de cadeaux autour d’un bon gâteau !

D. Jacques Fournier




15ième Dimanche du Temps Ordinaire (Luc 10, 25-37 ) :    « Va, et toi aussi, fais de même. » (Francis Cousin)

 

   « Va, et toi aussi, fais de même. »

La parabole du bon Samaritain est bien connue de tous. Il n’empêche qu’il est important de la réentendre de temps en temps.

Cela commence par un docteur de la loi qui veut mettre Jésus à l’épreuve : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »

Dire en héritage, c’est déjà biaiser le problème : l’héritage, c’est quelque chose que l’on reçoit, mais qui a été construit par d’autres ; cela de dépend pas de soi. Alors dire « que dois-je faire » pour obtenir quelque chose qui ne dépend pas de moi, c’est qu’on n’a pas envie de faire quoi que ce soit.

Jésus l’a bien compris puisqu’il répond : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? ». Il y a l’écrit, et ce que l’on en fait. ’’Comment lis-tu ?’’, c’est une manière de dire : ’’Comment le comprends-tu ? Qu’est-ce que cela change dans ta manière de vivre ?’’ Et cette question que Jésus pose au docteur de la loi, elle concerne aussi chacun de nous ! Lire, d’écouter l’évangile, la Parole de Dieu, ne suffit pas : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique ! » (Luc 11,28). « Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. » (Première lecture).

Le docteur de la loi, comme tout bon juif, répond en citant les passages où on parle de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Jésus répond : « Fais ainsi et tu vivras. », sous-entendu dans la vie éternelle, puisque l’homme est déjà vivant.

Mais le docteur de la loi pose une nouvelle question : « Et qui est mon prochain ? »

Sans doute voulait-il essayer de limiter la portée de l’amour du prochain afin de diminuer les exigences permettant d’obtenir la vie éternelle. Limiter l’amour, surtout quand l’amour est à la demande de Dieu, lui qui est tout amour, ce n’est pas possible. Dieu ne nous demande jamais l’impossible, mais il nous demande de faire tout ce qui nous est possible, avec son aide : « Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. » (Première lecture).

Jésus entend bien la question, mais il va la modifier. À la fin de la parabole, il demande au docteur de la loi : « Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? ».

On assiste à un renversement : pour Jésus, ce n’est plus ’’qui est mon prochain ?’’, mais ’’de qui suis-je le prochain ?’’, ’’de qui est-ce que je me fais le prochain ?’’

Le prochain, ce n’est pas l’autre qui l’est, c’est moi qui le devient, c’est moi quand je fais un pas vers l’autre, quand je me préoccupe de lui, quand je prends part à ses problèmes, quand j’ai de la compassion pour lui.

Le prochain, ce n’est pas celui qui est le plus proche de moi, comme la prochaine station de bus, mais celui dont je me fais proche.

  Être le prochain n’est pas une situation géographique (même si ça peut être le cas), mais une position intellectuelle et spirituelle. L’exemple le plus accompli du prochain est sans doute sainte Thérèse de l’Enfant Jésus qui est devenue la patronne des missions, sans jamais quitter son carmel de Lisieux.

Être le prochain, c’est mettre en application les œuvres de miséricorde, qu’elles soient corporelles ou spirituelles.

Et il n’est pas nécessaire d’être baptisé pour cela : Dieu a mis son amour dans le cœur de tous les humains, et chacun peut répondre à cet amour en aimant les autres à son tour, en se faisant le prochain des autres. « Des Samaritains au cœur dilaté par l’amour, la planète en compte des millions, bénis de Dieu et de son Fils, quelle que soit la couleur de la foi qui les revêt. » (Père Zanotti-Sorkine).

Alors, « Toi aussi, fais de même. »

Seigneur Jésus,

Trop souvent nous nous conduisons

comme si la Vie Éternelle

nous était donnée en héritage.

Alors que tu nous demandes

de faire aux autres

comme si c’était toi qui étais là.

Tu nous demandes d’avoir

de la compassion pour les autres,

de nous faire le prochain de ceux-ci.

Et donc d’aller vers les autres.

Tous les autres.

Francis Cousin   

 

 

 

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Prière dim ordinaire C 15°

   

  

 

 




14ième Dimanche du Temps Ordinaire (Luc 10, 1-12.17-20 ) :    « Le règne de Dieu s’est approché de vous. » (Francis Cousin)

« Le règne de Dieu

s’est approché de vous. »

Lors de l’envoi des soixante-douze disciples « en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre », Jésus ne dit pas « Le règne de Dieu est proche », ce qui donnerait l’impression que nous n’en sommes pas loin, et qu’il suffirait pour nous que nous fassions quelques pas pour que nous en faisions partie.

Jésus dit : « Le règne de Dieu s’est approché de vous ».

La démarche est toute autre : c’est Dieu qui vient vers nous, et nous n’avons (!!?) qu’à accepter de le recevoir (« Je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » Ap 3,20), qu’à accepter d’entrer dans son royaume. Un royaume d’amour !

Nous n’avons qu’à accepter que Dieu nous aime !

Et c’est là que cela devient difficile. Ce qui paraît surprenant, parce que généralement les gens sont plutôt d’accord avec l’amour humain : on aime être aimé. Et on est parfois prêts à faire des efforts pour être aimé. Et aussi on a tous une propension à aimer ! Pas aimer toutes les personnes, mais au moins quelques-unes : on ne peut pas vivre sans aimer.

Mais l’amour de Dieu ! … Penser que Dieu nous aime ! Alors là ! Surtout pour ceux qui ne font pas un compte avec lui …, penser que lui les aime, eux …

Au lieu de cette acceptation de cette présence de Dieu près de nous, c’est nous qui cherchons Dieu. Nous le cherchons parfois loin : dans les philosophies, dans des pèlerinages lointains … Mais comme nous sommes envahis par nos problèmes domestiques, familiaux, professionnels, … nous n’avons pas le temps de l’entendre, et nous ne pensons pas non plus qu’il est dans les personnes que nous rencontrons …

Nous posons la question : « Dieu, où es-tu ? Que fais-tu ? ». De la même manière que des non-chrétiens nous disent : « Mais où est-il ton Dieu ? », reprenant sans le savoir ce qui est dit dans le psaume 41, verset 4. Comme quoi la question n’est pas nouvelle !

Pour beaucoup de gens, Dieu est un Dieu lointain, parfois même pour certains un Dieu absent. C’est une manière de ne pas se poser trop de question sur Dieu. En effet, dans la plupart des cas, c’est nous qui nous mettons loin de Dieu ; c’est nous qui mettons Dieu « aux abonnés absents » ou sur la liste des « messages indésirables ».

Alors que c’est Dieu qui ne cesse de nous appeler : « Où es-tu ? » (Gn 3,9), même après avoir fait des bêtises. Dieu ne cesse de vouloir renouer les liens entre lui et chacun de nous.

Et nous le savons … intellectuellement. Mais pratiquement, on l’oublie très vite.

Comme nous savons que : « Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. » (Ps 33,7)

Comme nous savons qu’avec la venue de Jésus sur la terre, Dieu, qui est amour, s’est encore rapproché de nous, et que Jésus est « avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20).

Alors, ne l’oublions pas : « Le règne de Dieu s’est approché de vous », … de nous ! C’est d’ailleurs tellement important que c’est, après la salutation, le seul message que Jésus donne à délivrer aux soixante-douze disciples.

Encore une fois, « l’amour a fait les premiers pas ». Faisons-en un … pour entrer dans la danse avec Dieu.

Seigneur Jésus,

Comme nous sommes compliqués !

Nous cherchons au loin ce qui est proche :

ta présence, quand tu es en nous,

quand tu es en tous ceux que nous rencontrons,

quand nous communion à ton corps !

Ouvre nos yeux aux merveilles de ton amour.

Francis Cousin   

 

 

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Prière dim ordinaire C 14°

   

  

 

 




Qu’est-ce que la contemplation ? (Thomas Merton)

La contemplation est la plus haute expression de la vie intellectuelle et spirituelle de l’homme. C’est cette vie même, pleinement alerte, active, consciente de sa vitalité. C’est un émerveillement spirituel. C’est un respect spontané devant le caractère sacré de la vie et des êtres. C’est la gratitude que nous éprouvons devant la vie, la connaissance et l’être. C’est une compréhension profonde qu’en nous, la vie et l’être procèdent d’une Source invisible, transcendante et infiniment généreuse.

La contemplation, c’est, par-dessus tout, la conscience que nous avons de la réalité de cette Source. Nous la connaissons de manière obscure, inexplicable, mais avec une certitude qui dépasse la raison et la simple foi. Car la contemplation est une sorte de vision spirituelle à laquelle aspirent la raison et la foi, par leur nature même, parce que, sans elle, foi et raison demeurent incomplètes. Cependant contemplation n’est pas vision, car elle voit « sans voir » et connaît « sans connaître ». C’est une profondeur de foi plus grande, une connaissance trop profonde pour les images, les paroles ou même les concepts précis. On peut tenter d’expliquer par des mots ou des symboles, mais l’esprit contemplatif, au moment même où il s’efforce de communiquer ce qu’il sait, retire ce qu’il avait dit, nie ce qu’il avait affirmé. Car il connaît par « inconnaissance », ou plutôt ce qu’il sait dépasse la connaissance ou l’inconnaissance ».

Bien qu’elle ait quelque chose de commun avec la poésie, la musique et l’art, l’expérience contemplative les dépasse, comme elle dépasse la philosophie et la théologie spéculative. Elle les résume et les accomplit, tout en semblant, par certains côtés, les remplacer et les repousser. La contemplation transcende toujours nos propres lumières, les systèmes, les explications, les entretiens, les dialogues, notre être même.

Pour entrer dans le domaine de la contemplation, nous devons, en un certain sens, mourir : mais cette mort n’est, en fait, que notre entrée dans une vie qui nous fait abandonner notre existence, nos pensées, notre expérience, nos joies et notre être tels que nous les connaissons ou les gardions précieusement.

C’est en ce sens que la contemplation semple remplacer et écarter toutes les autres formes d’intuition et d’expérience qui sont du domaine de l’art, de la philosophie, de la théologie, de la liturgie ou de ceux, plus courants, de l’amour et de la croyance. Mais ces refus ne sont qu’apparents : la contemplation est, et doit être, compatible avec toutes ces choses dont elle est l’accomplissement le plus achevé. Néanmoins toutes les autres expériences sont momentanément perdues pendant que dure l’expérience contemplative. Elles « meurent » pour renaître à un niveau plus élevé. En d’autres termes, la contemplation tend vers la connaissance et même l’expérience de Dieu, transcendant et inexprimable. L’âme connaît Dieu car elle Le touche presque ; ou plutôt, elle Le connait comme si elle avait été, invisiblement, touchée par Lui… par Lui Qui n’a pas de mains, mais Qui est Réalité pure et Source de toute réalité ! C’est pourquoi la contemplation est un don de prise de conscience subite, un éveil à la Réalité de tout ce qui est réel, une vive compréhension de l’Être Infini qui est à la racine même de notre être fini, de notre réalité contingente reçue comme un don de Dieu, un don gratuit de Son amour. C’est le contact existentiel dont nous parlons lorsque nous employons cette métaphore : « Être touché par Dieu. »

La contemplation, c’est aussi la réponse à un appel : l’appel de Celui qui n’a pas de voix, et qui cependant parle dans tout ce qui est, et surtout dans les profondeurs de notre être, car nous sommes, nous-mêmes Ses paroles. Mais ces paroles sont destinées à Lui répondre, à Lui faire écho, et même, en un certain sens, à Le comprendre et à L’exprimer. Cet écho, c’est la contemplation, c’est cette profonde résonance au plus intime de notre esprit, lorsque notre vie même perd sa voix distincte et que seules la majesté et la miséricorde du Dieu vivant et caché la font retentir. Il répond Lui-même en nous, et cette réponse, c’est la vie divine, la force créatrice divine, qui renouvelle toutes choses. Nous devenons nous-mêmes Son écho et Sa réponse, comme si, en nous créant, Dieu nous avait posé une question, qu’en nous appelant à la contemplation Il y répondît, de sorte que le contemplatif est, à la fois, question et réponse.

Aussi la vie contemplative implique-t-elle deux degrés de compréhension : il faut d’abord connaître la question, puis la réponse. Et bien que ce soient deux degrés distincts et totalement différents, ils reviennent au même. La question est elle-même la réponse. Et nous-mêmes sommes à la fois l’une et l’autre. Mais nous ne pouvons le savoir avant d’avoir atteint le second degré de compréhension. Nous percevons alors, non pas que la réponse est absolument distincte de la question, mais que la question est sa propre réponse. Tout se résume non dans un concept, mais dans une expérience : « Je suis ».

La contemplation dont nous traitons ici n’est pas philosophique. Ce n’est pas la compréhension statique de principes métaphysiques essentiels perçus comme des objets spirituels, immuables et éternels. Ce n’est pas la contemplation d’idées abstraites. C’est la prise de conscience religieuse de Dieu, à travers une vie en Dieu, ou par une « filiation », comme l’exprime le Nouveau Testament. « Car ceux qui sont conduits par l’Esprit Dieu sont les fils de Dieu… L’Esprit Lui-même prouve à notre esprit que nous sommes les fils de Dieu… » « Et à tous ceux qui L’ont reçu, Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu… »

Aussi la contemplation dont il est question ici est-elle un don religieux transcendant. Nous ne pouvons l’acquérir seuls, par des efforts intellectuels, ou en perfectionnant nos talents naturels. Ce n’est pas une sorte d’hypnose à laquelle nous parvenons en nous concentrant sur notre être spirituel. C’est un don de Dieu qui, dans Sa miséricorde, complète en nous le travail mystérieux et caché de la création en éclairant nos esprits et nos cœurs, et en nous faisant comprendre que nous sommes des paroles englobées dans Son Verbe unique, que l’Esprit Créateur (Créator Spiritus) demeure en nous, et nous en Lui, que nous vivons dans le Christ et le Christ en nous, que notre vie naturelle a été complétée, élevée, transformée et accomplie dans le Christ, par le Saint-Esprit. La contemplation, c’est la compréhension, et même, en un certain sens, l’expérience, de ce que croient obscurément tous les Chrétiens : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. »

C’est pourquoi la contemplation est davantage que la méditation de vérités abstraites sur Dieu, davantage même qu’une méditation affective sur ce que nous croyons. C’est l’éveil, l’illumination et l’étonnante compréhension intuitive par lesquels l’amour acquiert la certitude de l’intervention créatrice et puissante de Dieu dans notre vie quotidienne. C’est pourquoi la contemplation ne se contente pas de « découvrir » une idée claire de Dieu, pour Le laisser dans les limites de cette idée, comme un prisonnier vers lequel elle peut toujours se tourner. La contemplation, au contraire, est transportée par Dieu dans Son royaume, Son mystère et Sa liberté. C’est une connaissance pure et virginale, pauvre en concepts, plus pauvre encore en raisonnements, mais capable, par cette pauvreté et cette pureté mêmes, de suivre le Verbe « partout où Il va ».

 

Extrait de « Semences de contemplation » aux Editions POINTS.




13ième Dimanche du Temps Ordinaire (Luc 9, 51-62) :    « Suivre Jésus … Comment ? »(Francis Cousin)

 

    « Suivre Jésus … Comment ? »

Le passage de l’Évangile de ce jour est une succession de quatre logia, ou séquences, très courtes après qu’on ait situé le moment de l’action : Jésus prend la route de Jérusalem, sachant ce qui l’y attend : sa mort offerte en sacrifice pour le salut du monde. Ce n’est donc pas de gaité de cœur qu’il part, mais, il y va parce que c’est sa mission. Il part « le visage déterminé ».

La première séquence : des messagers sont envoyés par Jésus dans un village pour préparer sa venue, lui et ceux qui le suivent. C’est, avec l’épisode du choix du lieu du dernier repas, la seule fois où l’on parle de la logistique du groupe qui suit Jésus. Et il fallait bien préparer son passage : outre Jésus, il y avait les « douze », plus « des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean » (Ac 1,21-22), « ainsi que des femmes » (Lc 8.2) … Si juste après ce passage, Luc nous dit que Jésus a pu envoyer soixante-douze disciples pour proclamer son message (Lc 10,1), on peut penser que le groupe faisait une petite centaine de personnes : il fallait pouvoir nourrir et héberger tout le monde. Ici, la raison du refus des habitants du village samaritain n’est pas matérielle, mais idéologique : « parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem ». C’est sans doute cela qui aboutit à la réaction de Jacques et Jean : « Qu’un feu du ciel les détruise ! » en référence à certaines actions de l’ancien testament (cf Gn 19,24 ; 2R 1,10.12). « Jésus, se retournant, les réprimanda ».

À réponse idéologique, ou basée sur une certaine tradition qui ne doit pas évoluer (dans l’esprit de ces personnes), on risque souvent une réaction du même tonneau, sinon idéologique, au moins coincée. Et cela n’est pas fait pour faire avancer les choses, au contraire : on va vers la rupture et l’exaspération des idées. Et ce sont des situations qui peuvent encore arriver dans l’Église actuelle, à différents niveaux … il suffit qu’il y ait deux personnes avec des idées bien arrêtées et de sens contraire …

On ne sait pas ce que Jésus leur a dit, ni ce qu’ils en ont pensé. L’essentiel est d’être attentif à ce que ce genre de situations soit évité …

Les trois autres séquences concernent des personnes qui sont prêtes à suivre Jésus, mais les réponses de Jésus ne sont pas faites pour les encourager à poursuivre leur idée. Le point commun est qu’on ne sait pas quelle est leur réaction à la réponse de Jésus : l’ont-ils finalement suivi ? Ou sont-ils restés chez eux ?

Mais si l’évangéliste ne l’a pas donnée, c’est certainement pour que nous, nous puissions réfléchir à la réponse que l’on donnerait, ou qu’on a déjà donnée …

Parce que, pour Jésus, la réponse doit être immédiate, sans se poser de questions. Soit on croit en lui et on le suit, comme Marie avec l’ange Gabriel, comme les quatre disciples au bord du lac, comme Matthieu à son comptoir d’impôts … comme bien d’autres après eux qui l’ont suivi : Charles de Foucauld, Péguy, François d’Assise … Soit on hésite, et on reste dans son canapé, comme dirait le pape François.

Jésus veut une réponse franche et claire : « Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non” » (Mt 5,37). Car souvent, ce qui nous bloque, c’est qu’on ne sait pas où on va, on part vers l’inconnu, au gré de l’Esprit : « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. » (Jn 3,8) ; ce qui nous retient, ce sont nos certitudes, nos moyens humains (du monde) : la télé, notre confort, notre argent …

Dans le cas de celui qui est prêt à suivre Jésus « partout où [il ira] », quelle valeur donnons-nous à ce ’’où’’ ? A priori, on pense à un lieu, une ville (Jérusalem) … mais ce ’’où’’ ne désigne pas seulement un lieu, mais aussi un état d’esprit, une philosophie, un état de vie … qui pour Jésus dans le cas présent est plutôt un état futur de mort sur la croix. Sommes-nous prêts à mourir pour notre foi ?

Sans aller jusqu’à cette extrémité, suivre Jésus partout où il ira, c’est faire comme Jésus en toutes choses, en pensées et en actes … jusqu’à ce qu’a dit saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, mais c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20) ; la perfection quoi !

Cela nous paraît impossible, et pourtant, c’est le sens du ’’Amen’’ que nous disons à chaque fois que nous allons communier et qu’on nous présente ’’ Le corps du Christ ’’ : Recevoir le corps du Christ pour que le Christ vivre en nous, à travers nous, par nous ! En sommes-nous vraiment conscients ?

Quant aux deux autres séquences où les personnes sont prêtes à suivre Jésus après avoir fait leurs adieux aux membres de leur famille, la réponse de Jésus semble choquante. Parce que la famille est importante pour chacun de nous. Mais Jésus ne demande pas l’exclusivité au détriment de la famille, il demande seulement qu’on l’aime plus qu’eux : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10,37). Mais même cela, c’est difficile pour nous … et ce n’est pas toujours bien accepté par la famille ! Tout le monde ne peut pas se ’’dépouiller’’ de tout ce qui le retient à sa famille comme le fit saint François d’Assise …

Mais ce que Jésus veut nous dire est que, quand on veut le suivre, il faut toujours regarder en avant, vers l’avenir, vers l’annonce du Royaume des Cieux, vers Jésus qui nous devance, vers le salut que Jésus nous procure par son sacrifice sur la croix, et non pas « regarder en arrière ». On peut donc dire qu’il est plus intransigeant que Elie qui accepta que Élisée retourne en arrière, mais pour offrir son outil de travail en sacrifice pour Dieu et les gens de sa maison (première lecture).

Une chose est sûre, on ne peut pas suivre Jésus si on n’est pas en relation avec lui dans la prière, et si on ne se laisse pas aller « au souffle de l’Esprit ».

Et on ne peut pas non plus le suivre si on est seul, si on n’est pas entouré par la famille, par ses amis. Cela n’est pas toujours facile. Mais Jésus nous a prévenu : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. » (Mt 10,34-36).

Heureusement qu’il y a l’Esprit Saint pour nous soutenir ! Et en général, cela ne se passe pas si mal que cela ! Merci Seigneur !

Seigneur Jésus,

Tu marches vers Jérusalem,

 vers ta mort sur la croix.

Envers ceux qui veulent te suivre,

tu es exigeant ;

tu veux être sûr qu’ils sont prêts à aller … jusqu’au bout.

Mais nous, sommes-nous vraiment prêts

à te suivre où tu le veux ?

Avec toi et ton Esprit Saint,

nous le pourrons.

Francis Cousin   

 

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