20ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER

« Jésus vainqueur du mal et de la mort »

(Mt 14,22-33)

  En ce temps-là, partant de Génésareth, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.
Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. »
Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »
Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »
Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! »
Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »
Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »
Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

     

                      Jésus déclare ici : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15,24). Mais il le dit à une femme cananéenne, une païenne donc, qui habitait «  la région de Tyr et de Sidon », la Syro‑Phénicie, l’actuel Liban, une terre où Jésus avait décidé de se retirer un moment, nous dit-on au tout début. Il ne pouvait donc que rencontrer ses habitants, pour finalement les rejeter ? Première contradiction…

            Cette femme, ayant appris qui il était, vient lui crier sa détresse : celle d’une mère devant la souffrance de sa fille. Elle est désemparée, elle ne sait plus que faire et se tourne vers Jésus : « Eléison me », lui dit-elle dans le grec des Evangiles, « aie compassion de moi », « fais-moi miséricorde »… Le Dieu qui se révèle dans la Bible comme étant « bouleversé jusqu’au plus profond de lui-même » par les souffrances des hommes (Os 11,7-10 ; Mt 18,27 ; Lc 1,78 ; 15,20), ce « Dieu de Tendresse et de bonté » (Ex 34,6) peut-il rester insensible devant la détresse d’une mère et la renvoyer en la comparant, elle et sa fille, à des « petits chiens » ? Impossible…

            Seul le contexte de l’Evangile de St Matthieu permet d’y voir un peu plus clair. Matthieu, en effet, est un Juif qui écrit pour des chrétiens d’origine juive, comme lui… Et il constate dans sa communauté à quel point certaines attitudes, contraires à l’Evangile, ont la vie dure… Certes, Israël est bien le Peuple élu à qui la Bonne Nouvelle devait être annoncée en premier, et telle était de fait la mission de Jésus (cf. Mt 15,24 cité précédemment). Mais cette logique du projet de Dieu n’est pas synonyme d’exclusion pour les païens. Un chrétien ne pouvait donc pas adhérer à l’attitude de certains en Israël qui traitaient les païens de « chiens »… Et c’est pourtant ce qui arrivait ! C’est pourquoi St Matthieu reprend ici ce vocabulaire pour le mettre dans la bouche même de Jésus, mais en le renversant : quoi de plus touchant, en effet, qu’un « petit chien » ? De plus, cette Cananéenne accepte le plan de Dieu, et elle se positionne humblement après le Peuple élu tout en manifestant une confiance sans borne en la bonté de Dieu. « Femme, ta foi est grande »… Avec le Christ et par lui, St Matthieu la donne ainsi en exemple à toute sa communauté ! « Et à l’heure même, sa fille fut guérie. » Comment pourraient-ils donc encore rejeter ces païens que Dieu accueille, sauve et comble, tout comme eux ? DJF

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