Lecture : Matthieu 15, 21-28
« Voici que Jésus arriva dans la région de Tyr et de Sidon. » A l’époque du Christ, la géographie n’était pas d’abord ou essentiellement une affaire d’organisation politique, de répartition des territoires. Elle n’était même pas non plus une affaire sociale ou une affaire de race, comme si tel ou tel peuple, telle ou telle tribu était répartie à tel endroit. Il y avait bien longtemps que cette terre était habitée par tout un ensemble de peuplades extrêmement mélangées. Mais, à cette époque-là, la géographie était essentiellement religieuse, à tel point que la région de Galilée était une véritable mosaïque de villages ou de petites villes dans laquelle un village était païen, une colonie romaine, un camp romain, et tel autre village à côté était juif. De même, à côté de la Galilée, il y avait des territoires païens nettement délimités, et c’était si marqué dans la mentalité de l’époque que chaque fois que l’on raconte un miracle de Jésus, on prend bien soin de signaler en quel endroit il s’était accompli, ou bien en terre païenne ou bien en terre juive. A tel point que Jésus Lui-même s’est soumis semble-t-il à ces exigences géographiques. Par exemple, Lui qui avait fait des bords du lac de Tibériade le lieu privilégié de son enseignement et de sa prédication, il semble que Jésus ne soit jamais allé à Tibériade, car c’était une ville fondée quelque vingt ou trente ans auparavant en l’honneur de l’empereur Tibère, et Jésus ne la fréquentait pas. En revanche, Capharnaüm ou Bethsaïde qui étaient sans doute de petits villages de pêcheurs ou d’artisans juifs, ont été le théâtre de nombreux miracles opérés par Jésus.
Lorsque le Christ vient, Il vient pour accomplir une mission. Il ne vient pas pour agir arbitrairement, comme s’Il faisait tantôt un petit miracle par-ci, tantôt un autre petit miracle par-là, de telle sorte que la publicité se fasse et s’organise le mieux possible. Le Christ agit selon une attitude, selon les exigences d’une mission : Il est le Messie, et par conséquent, Il est envoyé à Israël, au peuple juif qui est l’héritier des promesses, comme le rappelle encore saint Paul dans l’épître aux Romains. Et c’est parce qu’Il s’incarne dans cette histoire qu’Il est solidaire de l’histoire de ce peuple ; Dieu a partie liée avec ce peuple depuis l’appel d’Abraham, par la Loi de Moïse, par les différentes alliances contractées et rappelés au fur et à mesure de l’histoire par les Prophètes. Par conséquent, le Christ, à juste titre, renvoie à sa mission : « Je suis venu pour Israël » et pour manifester la miséricorde de Dieu, à l’intérieur d’Israël c’est-à-dire aux brebis perdues, c’est-à-dire à ceux qui ne se reconnaissaient plus dans leur peuple, pour leur faire retrouver leur véritable identité de peuple de Dieu. Le Messie est d’abord cela, n’en déplaise à certains de nos préjugés égalitaristes. Le Messie vient pour reconstituer le peuple d’Israël, pour le rebâtir.
Un des cas les plus extraordinaires intervient quand saint Pierre a confessé le Christ : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Immédiatement le Christ a compris que ce n’était pas saint Pierre tout seul qui avait deviné cela et Il lui dit : « Ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela mais mon Père qui est dans les cieux. ». Un autre cas est celui du Centurion qui dit : « Je suis un païen, je ne suis pas digne de T’accueillir ». Il n’ose même pas formuler la prière de la femme syro-phénicienne, mais il dit : « Moi je ne suis qu’un subordonné, et pourtant quand je donne des ordres, ces ordres sont exécutés. » C’est comme si cet homme parlait de la part de Dieu le Père en disant à Jésus : « Toi-même, tu as reçu tout pouvoir, c’est ton Père qui me l’a soufflé dans le cœur ».