
Donc l’effort des prédicateurs chrétiens a été de faire comprendre -et cela n’a pas été facile- que le moment était venu, oui, mais pas venu comme ils pensaient ou comme on pouvait imaginer. Le moment était venu certes, la fin des temps était arrivée, c’était clair. Tout le Nouveau Testament veut transmettre ce message : quand on dit que Jésus est ressuscité, et que la fin des temps est arrivée, mais la fin des temps coïncide, est en étroite corrélation permanente avec le temps tel que nous le vivons maintenant. Il n’y a pas une histoire qui va finir, il y a superposition, implication, imbrication l’une dans l’autre de deux temporalités. La temporalité dans laquelle on est, au jour le jour, mais en même temps une autre temporalité qui est d’un autre ordre : c’est la présence du Christ ressuscité qui inaugure réellement l’éternité. Ce n’est pas passé du premier coup. Et quel thème a-t-il fallu trouver pour essayer d’expliciter la situation ? Le thème majeur a été la vigilance. C’et ce qu’on entend à travers une parole que Jésus déjà d’ailleurs a mis en évidence : au jour de Noé il s’est passé quelque chose que personne n’attendait. Mais précisément ce qui est intéressant c’est que personne n’attendait au moment où cela se passait, et cela s’est passé jusqu’au moment où Noé entre dans l’arche. C’est-à-dire, il y avait déjà un secret dans les jours de Noé, une sorte de double temporalité : l’insouciance tranquille, on mangeait, on buvait, on se mariait et ce, pendant la préparation du cataclysme. Et évidemment qu’à ce moment-là Jésus prend bien soin de montrer que dans les deux temporalités, la deuxième a surgi comme un coup de tonnerre, c’est le cas de le dire pour le déluge, et elle a anéanti les espérances du temps précédent. Ce que Jésus voulait montrer, c’est la coexistence des deux : le temps ordinaire que nous vivons jour après jour, et le surgissement caché de quelque chose qui est d’un autre ordre et qui change tout, même ce temps ordinaire.