Solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ par Père Rodolphe EMARD.

Homélie solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ

Introduction

Frères et sœurs,

Aujourd’hui, l’Église nous invite à contempler et à célébrer le cœur battant de notre foi : le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. L’Eucharistie, un don inouï, un grand mystère qui implique notre foi.

• Faire mémoire du Seigneur : un commandement et une centralité vitale

La célébration de ce jour est bien plus qu’un simple souvenir ou une commémoration. Elle nous rappelle une réalité centrale de notre vie chrétienne, selon ce que le Christ nous a commandé la veille de sa Passion : « Faites cela en mémoire de moi » (1 Co 11, 24).

Dans le langage biblique, « faire mémoire » signifie « rendre présent ». C’est actualiser ici et maintenant ce que le Seigneur a accompli une fois pour toutes : sa Passion, sa mort, sa Résurrection.

Dans la deuxième lecture, saint Paul nous transmet la tradition la plus ancienne de l’institution de l’Eucharistie. Ce passage de la première lettre aux Corinthiens a été écrit avant les Évangiles. Ce passage nous montre que dès les origines, l’Église a compris que célébrer l’Eucharistie, c’était obéir au commandement du Christ et attendre sa venue dans la gloire. À chaque messe, nous faisons mémoire, nous rendons présent le sacrifice du Christ offert pour nous, et nous proclamons sa Résurrection, jusqu’à ce qu’il vienne dans la gloire.

• L’Eucharistie : présence réelle du Christ tout entier

Mais que recevons-nous lorsque nous communions ? Ce n’est pas un simple pain béni ou un geste fraternel. C’est Jésus lui-même. Comme le rappelle clairement l’Église :

« Dans le très saint Sacrement de l’Eucharistie sont contenus véritablement, réellement et substantiellement le Corps et le Sang, avec l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et donc le Christ tout entier qui y est présent. » (Concile de Trente, DS 1651).

Autrement dit, lorsque nous approchons de la sainte communion, nous recevons Jésus en personne, pas une partie de lui, mais tout Jésus : son amour, sa divinité, sa vie donnée.

Nous n’avons pas toujours conscience que l’Eucharistie nous divinise et nous rend immortel. Saint Ignace d’Antioche est l’un des Pères apostoliques († vers 110, au II^ème siècle). Les Pères apostoliques sont les premiers Pères de l’Église et qui ont reçu l’enseignement direct des Apôtres. Saint Ignace écrit : « L’Eucharistie est le remède d’immortalité, l’antidote pour ne pas mourir, mais pour vivre en Jésus-Christ pour toujours. »

Ce mystère nous dépasse mais il a la force de nous transformer. Celui que nous recevons nous façonne à son image. La communion n’est pas une récompense pour les parfaits mais une nourriture pour des pèlerins en route, un remède pour les faibles.

• L’Eucharistie nous engage : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Lc 9, 13)

L’Évangile de ce jour (Luc 9, 11b-17) nous rappelle que l’Eucharistie engage notre vie. Oui, c’est bien Jésus qui nourrit la foule, qui multiplie les pains et les poissons. Mais il le fait avec la participation de ses disciples. Il leur demande d’organiser la foule de 5 000 hommes, puis de distribuer les pains et les poissons, enfin de ramasser les restes.

Jésus aurait pu faire tout cela seul. Pourtant, il choisit d’impliquer ses disciples et de les associer au miracle. Et ce qu’ils apportent – cinq pains, deux poissons – peut paraître vraiment dérisoire. Mais le peu qu’ils apportent, mis entre les mains du Christ, devient surabondance.

Ce que nous avons à offrir, si modeste que cela puisse paraître, Jésus peut le transformer. À chacun de nous, il dit aujourd’hui : « Donne-moi tes cinq pains et tes deux poissons. » Ce que nous lui donnons avec confiance, il peut l’utiliser pour accomplir de grandes choses (don de notre temps, de nos talents, de nos charismes pour mener la mission de l’Évangile).

Un petit mot sur cette tentation des disciples : « Renvoie cette foule ! » (Verset 12). Cet ordre des disciples à Jésus révèle deux attitudes à éviter :

• D’abord, cette tentation de vouloir commander Dieu lui-même. Comme si nous pouvions dire au Christ ce qu’il doit faire. Or, personne ne peut commander le Fils de Dieu, dans sa liberté divine et humaine. Jésus, mieux que quiconque, sait ce qui est bon pour nous.

• Ensuite, cette réaction traduit notre envie de nous débarrasser rapidement d’un problème, au lieu de le traverser avec foi. On peut ainsi passer à côté de grâces insoupçonnées, parfois même de très grandes grâces, qui ne se révèlent qu’en accueillant l’épreuve et en la confiant au Christ.

Écoutons plutôt cet impératif de Jésus : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Cela signifie qu’au cœur de nos difficultés, nous sommes capables de donner, de servir, d’aimer, parce que Jésus est avec nous. Il nous nourrit… Il nous envoie… Il nous équipe…

Dieu donne la grâce d’exercer nos responsabilités même au cœur de nos fragilités, si nous nous appuyons sur Jésus, sur son Eucharistie, sa Parole et son Pain de Vie.

Alors ne disons pas trop vite que nous ne sommes pas capables !

Saint Cyrille de Jérusalem, un Père de l’Église († vers 387) écrit : « En recevant le Corps et le Sang du Christ, tu deviens un même corps et un même sang avec lui. Ainsi, nous devenons ‘christophores’ (porteurs du Christ), puisque son Corps et son Sang se répand dans nos membres. » L’Eucharistie nous engage à être des porteurs du Christ, des « christophores », prenons-en conscience !

Conclusion – Redécouvrir l’Eucharistie comme un don toujours nouveau

Frères et sœurs, ne nous habituons jamais à l’Eucharistie. Elle est le trésor de l’Église, le pain de notre route. Chaque dimanche est une grâce nouvelle.

Notre bien-aimé pape François nous met en garde : « L’Eucharistie ne peut être une habitude, elle doit nous émerveiller chaque fois que nous y participons. » (Homélie du 14 juin 2020, Fête-Dieu)

Demandons au Seigneur d’augmenter notre foi en ce grand mystère et de nous donner un désir plus profond de vivre l’Eucharistie. Amen.