La veille de ce sabbat, un vendredi donc, Jésus était mort sur une croix à l’heure où l’on égorgeait dans le Temple de Jérusalem tous les agneaux qui devaient être mangés lors de la fête de Pâque, qui tombait cette année-là un jour de sabbat. Jésus est bien « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). « Il a aboli le péché par son sacrifice », écrira plus tard l’auteur de la Lettre aux Hébreux (Hb 9,26). Puis, « ayant offert pour les péchés un unique sacrifice », le sien, « il s’est assis pour toujours à la droite de Dieu », au jour de sa résurrection d’entre les morts (Hb 10,10), en « Sauveur du monde » (Jn 4,42)…
« Simon Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait », se mettent donc à courir vers le tombeau. Jean, certainement plus jeune, arrive le premier. Mais il n’entre pas. Il attend Pierre, et il le laisse entrer à l’intérieur… Tous les deux constateront ensuite qu’il était vide, « les linges gisant à terre, ainsi que le suaire qui avait recouvert sa tête, non pas avec les linges, mais roulé à part, dans un endroit », celui qu’il occupait en fait sur la tête de Jésus. Lors de la résurrection, le corps a comme disparu, et les linges qui l’entouraient se sont tout simplement affaissés, gardant la place qu’ils occupaient sur le corps de Jésus… Bref, si l’on avait voulu prendre son corps et lui seulement, il aurait fallu dénouer tous les linges, et les laisser en vrac sur le sol. Ce qui n’était pas le cas. C’est ce que St Jean constate : « Il vit et il crut » (Jn 20,1-10).
Juste après ce récit, et donc toujours « le premier jour de la semaine », nous voyons Marie Madeleine rencontrer le Christ dans sa condition nouvelle de Ressuscité. Cela ne fait que trois jours qu’elle ne l’a plus vu, mais elle ne le reconnaît pas immédiatement. C’est pourtant bien le même, mais il est maintenant dans une tout autre condition… Et ce n’est que lorsqu’il va l’appeler par son nom, « Marie ! », que Marie Madeleine va le reconnaître : ce « tout autre », apparemment inconnu, connaît son nom, et sa Parole a la même résonance au plus profond de son cœur que toutes celles qu’elle a déjà entendues de Jésus… « Tu as les Paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68)… Son amour le reconnaît : c’est Lui ! « Rabbouni ! », « mon Maître ! » « Ne me touche pas », lui répond Jésus,« car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ». Et c’est bien ce qu’elle fera…
Et le Christ se manifestera à eux… « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; – car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ » (1Jn 1,1-3).
Il s’agit donc « d’entendre », dans le silence de nos cœurs, ce « Je t’aime » que le Père dit déjà à tout homme, puisque nous avons tous été créés par amour… Il ne peut en être autrement, puisque « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16). Et ce « je t’aime » ne cesse de retentir, d’une manière ou d’une autre, tout au long de nos existences… « Le Père lui-même nous aime », nous dit Jésus. Et il faut que « le monde reconnaisse que tu les as aimés comme tu m’as aimé », dit-il encore (Jn 16,27 ; 17,23). Mais comment le Père aime-t-il le Fils ? En se donnant à Lui de toute éternité, gratuitement, par amour : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), tout ce qu’Il Est, tout ce qu’il a (Jn 16,15 ; 17,10). Et c’est par ce Don total de Lui-même qu’il l’engendre en Fils, « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo).
Le Père aime chacun d’entre nous « comme » il aime le Fils de toute éternité ? Cela signifie que le Père ne cesse de proposer à nos cœurs et à nos vies ce même Don qu’il fait au Fils de toute éternité, un Don par lequel il l’engendre en Fils « de même nature que le Père » (Crédo). Telle est l’aventure qui nous est proposée : accueillir nous aussi, dans notre condition de créatures, ce Don de Dieu, ce Don du Père, et il aura en nous les mêmes effets que ceux qu’il a dans le Fils de toute éternité : il nous engendrera nous aussi à la Plénitude même de Dieu, nous donnant de participer par grâce à ce que Dieu Est par nature de toute éternité (2P 1,3-4)… Nous vivrons alors de sa Vie, nous nous réjouirons de sa Lumière, nous connaîtrons sa Paix qui est Plénitude de Joie, de Bonheur profond… Alors, la volonté de Dieu sera accomplie sur chacun d’entre nous… Il suffit que nous acceptions de nous laisser aimer tels que nous sommes, laissant le Christ Sauveur du monde, le Christ médecin, accomplir en nous son œuvre de salut…