Frères et sœurs, il vous est sans doute arrivé à l’un ou l’autre moment grave de votre vie, de vous trouver face à un être proche, très intime, un ami, une épouse, un fils, un père, une mère, qui à ce moment-là était accablé d’un immense chagrin ou bien au contraire, débordant d’une joie profonde et pratiquement inexplicable. Et il vous est peut-être arrivé, généralement ces instants-là sont très profondément gravés dans notre mémoire, de tenir cette personne que vous aimiez ainsi, et dont vous compreniez toute la peine et toute la joie, de la tenir dans vos bras parce qu’alors il n’y a plus d’autre geste qui soit à la mesure de l’événement. Vous avez alors senti tout le poids d’un être, d’une existence qui vous est chère, s’abandonner tout d’un coup à vous, s’appesantir sur vous, comme si ce que cette personne portait en elle était trop lourd à porter pour elle seule, comme s’il fallait que d’une manière ou d’une autre, elle partage ce poids de souffrance écrasante ou cette joie débordante, poids qui de toute façon ne pouvait plus rester dans son cœur, ni dans sa chair, il fallait ce geste pour que soit communiquée la lumière d’une ineffable tendresse d’une amitié, d’un amour, et que dans l’impossibilité où nous sommes d’y communier totalement et parfaitement, parce que nous sommes autres que celui qui est en face de nous, nous recevions ce poids, ce fardeau que l’autre nous confie.
Aujourd’hui, une des choses qui nous manque le plus, c’est la gloire de Dieu. C’est vrai que nous l’avons caricaturée dans ce qu’on appelle habituellement le triomphalisme. C’est vrai à certains moments, nous avons voulu traduire d’une manière sans doute maladroite et innocente, mais à la limite un peu fausse, une fausse grandeur de Dieu qui n’a rien à voir avec cette grandeur de Dieu qui n’est pas « distance », mais qui est « présence infinie ». Cependant, ce n’est pas une raison pour ne plus voir les choses en face, car la gloire de Dieu c’est le fait que non seulement Il est quelqu’un, mais que cette existence, cette réalité pèsent de tout leur poids sur l’Église, sur chacun d’entre nous, sur le destin de chaque homme, et que cette gloire de Dieu ne pèse pas comme un fardeau qui écraserait, mais qu’il s’agit au contraire du geste d’un ami qui vient nous accueillir et nous ouvrir les bras parce qu’il voit dans quelle détresse nous sommes plongés, à quelle mort nous sommes voués, à quelle désespérance nous sommes condamnés. La gloire de Dieu, c’est la réalité de Dieu qui rayonne de cette manière infiniment proche jusqu’à peser sur nous comme les mains et les bras d’un ami qui veut nous dire sa confiance au milieu de sa détresse, comme le dit ce verset du psaume 138 : « Tu as posé ta main sur moi ».