2ième Dimanche de l’Avent (Mt 3, 1-12) – Homélie du D. Alexandre ROGALA (MEP)
« Frères, tout ce qui a été écrit à l’avance dans les livres saints, l’a été pour nous instruire, afin que, grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance ». (Rm 15, 4)
Dans ce verset de la Lettre aux Romains que nous avons entendu en seconde lecture, saint Paul nous parle du double rôle des Saintes Écritures.
L’Apôtre nous dit que ces textes anciens qui ont été écrits par des croyants, doivent d’une part, servir à notre instruction, et d’autre part, nourrir notre espérance.
Ce matin, je vous propose donc de nous laisser instruire et nourrir par les textes de la Parole de Dieu que nous propose la liturgie.
Nous savons que les textes bibliques ont tous été écrits dans des contextes particuliers qui sont souvent très différents du nôtre. De ce fait, pour s’instruire et se nourrir de ces textes, un travail d’actualisation est nécessaire.
Le long extrait du chapitre 11 du Livre du prophète Isaïe que nous avons entendu en première lecture en est un exemple. Je m’explique.
Un peu avant, au ch. 7, alors qu’Akhaz le roi de Juda, se sentait menacé par les royaumes de Damas et de Samarie, Isaïe lui avait adressé un oracle au sujet de la naissance de son fils Ézéchias. Le prophète avait annoncé au roi Akhaz que son fils serait un roi sage, capable de rejeter le bien et le mal, et qu’avant que cet enfant n’atteigne l’âge de raison, la paix serait accordée au pays :
« De crème et de miel il se nourrira, jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien. Avant que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre dont les deux rois te font trembler sera laissée à l’abandon. Le Seigneur fera venir sur toi, sur ton peuple et la maison de ton père, des jours tels qu’il n’en est pas venu depuis la séparation d’Éphraïm et de Juda. » (Is 7, 15-17)
La menace des royaumes de Damas et de Samarie fut effectivement écartée comme l’avait annoncé Isaïe au roi Akhaz. Cependant, son fils Ézéchias, qui lui succéda sur le trône, a déçu pour une large part les espérances mises en lui. C’est pourquoi, le prophète Isaïe lui-même, ou peut-être un de ses disciples, a relu cet oracle au sujet de la naissance d’Ezechias dans une perspective nouvelle, à savoir celle de l’annonce d’un autre descendant de David ; un Messie Royal capable d’assurer un état de prospérité parfaite.
Le passage que nous avons lu ce matin est le fruit de cette relecture de l’oracle au sujet d’Ézechias. Le prophète parle de ce Messie qui doit venir en ces termes :
« Sur lui reposera l’esprit du Seigneur (…) Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs. Il jugera les petits avec justice ; avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. Du bâton de sa parole, il frappera le pays (…) La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins » (Is 11, 2-5)
Le prophète Isaïe suggère aussi que l’avènement de ce Messie inaugurera la fin des temps, puisqu’il sera aussi question d’une guérison de la Création. Isaïe nous dit que la paix apportée par l’avènement de ce Messie atteindra même le monde animal, qui sera libéré de sa violence :
« Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira… » (Is 11, 6)
Cette perspective du règne à venir du Messie sur la Création est réjouissante, et doit nourrir notre espérance !
Contrairement au prophète Isaïe au moment où il a écrit ces lignes, nous chrétiens, connaissons l’identité de ce Messie : il s’agit évidemment de Notre Seigneur Jésus Christ. C’est pourquoi, comme saint Paul, nous avons envie de nous tourner vers Jésus et de lui dire : Marana Tha ! Viens Seigneur !(cf. 1 Co 16, 22)
Cependant, si la description paradisiaque de la fin des temps que fait le prophète Isaïe nous enthousiasme, et nous donne envie que Jésus vienne dans sa gloire le plus tôt possible, le texte d’Évangile de ce dimanche calme nos ardeurs.
En effet, par la bouche de Jean le Baptiste, le Seigneur nous rappelle que sa venue finale sera aussi accompagnée d’un jugement :
« Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu » (Mt 3, 10).
Toujours au sujet de la venue du Christ, Jean le Baptiste dit encore :
« Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas » (Mt 3, 12).
Dès lors, la question que nous nous posons porte sur ce que nous devons faire pour éviter la condamnation. Laissons-nous instruire par le texte biblique.
Le début du texte raconte l’apparition, dans le désert de Judée, de Jean le Baptiste. Celui-ci porte un habit réservé aux prophètes : un vêtement de poils de chameau (cf. Za 13, 4) et une ceinture de cuir autour des reins (cf. 2 R 1, 8).
C’est donc en messager de Dieu que Jean proclame que Dieu s’apprête à établir son Règne, et qu’il exhorte ses contemporains à la conversion :
« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (Mt 3, 2)
Dans la suite du texte, nous voyons que la proclamation de Jean provoque deux réactions différentes.
Tout d’abord, il y a celle de la population qui, pour une large part accueille la parole de Jean :
« Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés » (Mt 3, 5-6)
La population comprend l’appel à la conversion, ainsi que le rite baptismal proposé par Jean, comme une chance, celle de laisser le passé derrière soi et de se tourner à nouveau vers Dieu.
Ensuite, il y a la réaction des pharisiens et des saducéens. Certes, le texte nous dit que « beaucoup de pharisiens et de saducéens se présentaient à son baptême » (v. 7), mais nous pouvons nous interroger sur leur motivation.
En effet, la parole dure que Jean Baptiste leur adresse suggère qu’ils ne sont pas venus à lui dans une démarche spirituelle de conversion :
« Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham ». (Mt 3, 7-9)
Ces paroles suggèrent que les pharisiens et les saducéens avaient la certitude d’être sauvés du simple fait qu’ils étaient des enfants d’Abraham. Ils pensaient être à l’abri de tout danger au jour du jugement, parce qu’ils appartenaient au peuple élu. De ce fait, à leurs yeux, le baptême de Jean et son appel à la conversion étaient superflus.
Jean Baptiste leur répond en leur disant que faire partie de la descendance d’Abraham ne leur garantit, en aucune manière, le salut.
Il y a ici un enseignement pour nous ce matin.
Ce qui est déterminant pour notre salut, ce n’est pas d’appartenir à la communauté chrétienne ; mais bien plutôt de faire la volonté de Dieu, et de porter du fruit.
Et pour faire la volonté de Dieu et porter du fruit, une conversion véritable est nécessaire.
Chers frères et sœurs en Christ, nous le savons bien. Le temps de l’Avent est une chance qui nous est donnée pour notre conversion. Comme la liturgie nous y invite, prenons exemple sur la population qui se rendait auprès de Jean le Baptiste.
Je vous propose une petite démarche.
Avant de poursuivre cette célébration, je vous invite à prendre un petit temps de silence pendant lequel, dans le secret de notre cœur, nous nous placerons devant Notre Père du Ciel pour reconnaitre et confesser nos péchés. Ensuite, nous lui demanderons la grâce, qu’à l’instar des pénitents de l’Évangile de ce dimanche, nous puissions nous-aussi, laisser nos péchés derrière nous, et nous tourner à nouveau vers lui. Amen !