Assomption de la Vierge Marie (P. Alexandre ROGALA – MEP)
Lorsque j’habitais à Lyon, je me souviens que le jour de la solennité de l’Assomption, le prêtre de ma paroisse avait conclu son homélie en disant : « Finalement, en méditant la montée au Ciel de Marie, le chrétien méditesur sa propre vocation ».
Cette affirmation est tout à fait juste !
Nous ne devons pas penser l’Assomption de la Vierge Marie comme un évènement qui ferait de Marie une sorte de déesse, qui l’éloignerait de nous et de notre humanité. Nous devons au contraire nous sentir concernés par son Assomption parce que nous sommes appelés à la même chose.
Dans le texte d’évangile du jour, nous venons d’entendre le célèbre épisode de la Visitation de la Vierge Marie.
Elisabeth remplie d’Esprit Saint, comprend que Marie est enceinte et que l’enfant qu’elle porte est son Seigneur, et prononce une bénédiction.
Cette bénédiction se termine avec une béatitude :
« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » (Lc 1, 45).
Nous remarquons que la bénédiction et le bonheur de Marie sont liés à sa foi. C’est parce qu’elle a cru à la parole de l’ange lui annonçant des bienfaits, que Marie est déclarée « bienheureuse » par Elisabeth. Le véritable bonheur dépend de la foi, et de ce fait, nous sommes tous concernés par cette béatitude.
D’ailleurs, dans son magnificat, Marie reconnait être « bienheureuse », mais indique aussi que ce qui lui arrive ne concerne pas qu’elle, mais tout le Peuple d’Israël :
« Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais » (Lc 1, 54-55).
En choisissant Marie son « humble servante », Dieu a montré toute l’étendue de sa miséricorde et de son salut. À partir des paroles du magnificat nous pourrions dire que de manière plus large, cette miséricorde de Dieu concerne non seulement le Peuple d’Israël, mais elle s’étend aussi à « tous ceux qui le craignent » (1, 50) et à « tous les humbles/humiliés » du monde (1, 52).
La première lecture qui est tirée du livre de l’Apocalypse nous parle d’une « femme enceinte qui a le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et qui porte une couronne de douze étoiles ».
Nous lisons encore à propos de cette femme :
« Elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône » (Ap 12, 5).
L’expression « berger de toutes les nations » qui fait écho à la parabole du bon berger de l’évangile selon Jean (Jn 10), et la mention de « l’enlèvement auprès de Dieu » qui fait allusion à une ascension indiquent que cet enfant mâle est Jésus.
Dès lors, il est possible d’identifier cette femme du livre de l’Apocalypse à la Vierge Marie.
Nous savons que l’un des titres que l’Église Catholique donne à la Vierge Marie est celui de « Mère de l’Église ». Dans ce texte du Livre de l’Apocalypse, c’est donc aussi l’Église qui est représentée par cette mystérieuse femme.
Dans le passage que nous avons entendu, l’auteur du Livre de l’Apocalypse nous parle d’une Église victorieuse, puisque la femme qui la représente porte une couronne d’étoiles, et que la lune est sous ses pieds.
Cependant, Jean nous avertit que cette victoire déjà acquise, n’empêche pas l’Église d’être persécutée et de subir les attaques du Dragon.
Dans plusieurs textes de l’Ancien Testament, le dragon symbolise les forces de mort et de servitude.
Prenons un premier exemple, le Psaume 74.
Dans l’un de ses versets, ce psaume fait référence à l’épisode de la sortie d’Égypte du peuple d’Israël lorsque celui-ci s’est retrouvé face à une impasse (cf. Ex 14). Essayons de nous souvenir ! Alors que le Peuple hébreu campait près de la mer, il vit le Pharaon et ses chars à sa poursuite, mais il était piégé par la mer. À cause de la mer, les hébreux ne pouvaient pas fuir, ils allaient soit être massacrés, soit asservis de nouveau par l’Egypte. Heureusement pour eux, à la parole du Seigneur, Moïse étendit les bras et fendit la mer, ce qui permit aux Hébreux de fuir.
Le psalmiste relit cet épisode dans lequel plane une menace d’asservissement, en employant l’image des « dragons » et écrit :
« C’est toi (Dieu) qui fendis la mer par ta puissance, qui fracassas les têtes des dragons sur les eaux ». (Ps 74, 13)
Prenons un autre exemple. Dans le Livre du prophète Jérémie, Nabuchodonosor II, le roi de Babylone qui a soumis Jérusalem ; celui qui l’a asservi, pourrait-on dire, est comparé à un « dragon affamé ». Le prophète écrit :
« Jérusalem dit : Il m’a dévorée, avalée, Nabuchodonosor, le roi de Babylone ; il m’a laissée telle un plat vide. Comme un dragon, il m’a engloutie, il a rempli son ventre de mes délices ; il m’a rejetée. » (Jr 51, 34)
En employant l’image du dragon, l’auteur du Livre de l’Apocalypse, nous avertit que des puissances cherchent à asservir l’Église et à la détruire, mais il nous encourage en nous disant que d’une part, les épreuves que nous traversons ne sont que temporaires comme « les douleurs de l’enfantement », et d’autre part, que le grand dragon a déjà perdu.
Contrairement à Jérusalem dans le passage du Livre du prophète Jérémie que nous venons de citer (Jr 51, 54), l’enfant que la femme a mis au monde lui, n’a pas été dévoré par le dragon, puisqu’il a été enlevé auprès de Dieu. Bref, Jean le visionnaire veut nous dire qu’en Christ, nous avons déjà obtenu la victoire !
Nous trouvons une autre parole encourageante dans la seconde lecture. Dans cet extrait du chapitre 15 de la Première Lettre aux Corinthiens, Saint Paul présente Jésus Ressuscité comme « premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis » (1 Cor, 15,20).
Si nous traduisons de manière plus littérale, saint Paul nous dit que Jésus est «
prémices »[ἀπαρχή, aparkhê] de ceux qui se sont endormis. Et lorsque l’on parle de prémices, on évoque la première partie d’un tout. Donc, ce que saint Paul veut nous faire comprendre, c’est que le relèvement du Christ d’entre les morts anticipe notre propre résurrection. L’enlèvement du Christ jusqu’auprès de Dieu, garantit qu’un jour, nous serons, nous aussi, auprès du Père pour toujours.
Ce n’est pas différent pour la Vierge Marie ! Son élévation en corps et en âme au Ciel, découle de celle de son fils Jésus.
À l’exemple de Marie qui eut foi à l’annonce de l’ange Gabriel, nous aussi, faisons confiance à la parole d’espérance que le Seigneur nous donne aujourd’hui dans les lectures bibliques proposées par la liturgie.
Ainsi, lorsqu’un jour, nous serons tous auprès de Dieu, nous pourrons nous dire l’un à l’autre :
« Bienheureux es-tu, toi qui as cru àl’accomplissement des paroles qui te furent dites de la part du Seigneur » (cf. Lc 1, 45).
P. Alexandre Rogala (Missions Étrangères de Paris)