Dans la première lecture de la messe de ce jour de Pâques, nous lisons : Jésus de Nazareth, « Dieu l’a ressuscité le troisième jour… et il nous a chargés d’annoncer et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés » (Ac 10,40-43).
Regardons ce que signifie ce titre « Juge des vivants et des morts ».
En St Jean, nous lisons en Jn 3,14-18 :
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique,
afin que quiconque croit en lui ne se perde pas,
mais obtienne la vie éternelle.
(17) Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
(18) Celui qui croit en lui échappe au Jugement ;
celui qui ne croit pas est déjà jugé,
du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. »
La mission du Fils n’est donc pas de « juger » au sens de « condamner », mais de sauver… Nous en avons un bel exemple avec la femme surprise en flagrant délit d’adultère : « Personne ne t’a condamnée ? » lui demande Jésus. « Personne, Seigneur ! » « Et bien moi non plus je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8,10-11).
Dieu ne condamne donc jamais le pécheur… Celui qui croit en lui ne sera donc pas condamné… Par contre, celui qui refuse de croire en Celui qui ne condamne jamais, se condamne lui-même à rester dans l’état où il est par suite de ses fautes : « Le salaire du péché, c’est la mort. mais le Don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23).
Toute notion de jugement, dans le cadre de notre justice humaine, suppose que la vérité soit d’abord établie. Puis, vient la condamnation, la peine, selon la gravité des actes commis…
Le jugement de Dieu s’établit lui aussi dans la Lumière de la Vérité, mais avec Lui, cette Lumière est celle de l’Amour (1Jn 1,5 et 1Jn 4,8.16), un Amour qui ne recherche et ne poursuit que le Bien de l’être aimé, et donc de nous tous… Ainsi, pour Dieu, « juger », c’est « faire la vérité dans l’Amour » et ensuite non pas condamner, mais libérer le coupable de toutes les conséquences de ses fautes, pour qu’il puisse être, non pas enchainé, mais pleinement vivant et libre, pleinement lui-même…
Nous retrouvons cela au chapitre 5 de l’Evangile selon St Jean :
Jn 5,21-22 : « Comme le Père ressuscite les morts et leur redonne vie,
ainsi le Fils donne vie à qui il veut », et il le veut pour tout le monde (1Timothée 2,3-6) !
(22) « Car le Père ne juge personne ;
il a donné au Fils le jugement tout entier. »
Nous l’avons remarqué : le verset 21 parlait de « ressusciter les morts et leur redonner la vie » qu’ils avaient perdu par suite de leurs fautes (Rm 6,23). Et le verset 22 change soudainement de registre pour parler de « jugement », un « jugement » que le Père n’accomplit pas car « il l’a donné tout entier au Fils ». Nous retrouver ainsi par ce parallèle que « juger » un pécheur blessé à mort de par son péché, c’est « le ressusciter des morts et lui redonner la vie »…
Un peu plus loin, nous lisons en Jn 5,26 : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même, et il lui a donné pouvoir »… on s’attendrait à lire « de donner la vie »… mais St Jean a écrit : « d’exercer le jugement »… Pourtant, nous avons bien en Jn 17,1-2 : « Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie et que selon le pouvoir que tu lui a donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés »… Et le Père a donné au Fils le monde tout entier à sauver, de telle sorte qu’il est bien « le Sauveur du monde » (Jn 4,42).
Ainsi, Jn 5,26 affirme, à nouveau indirectement, que pour Jésus « exercer le jugement », c’est « donner la vie », ce qui suppose que celles et ceux qui sont invités à la recevoir ne l’ont pas… « Donner la vie », gratuitement, par Amour, à toutes celles et ceux qui en étaient privés par suite de leurs fautes…
Et telle est bien toute la mission de Jésus résumée dans cette première phrase que Jean Baptiste prononce quand Jésus entre en scène dans l’Evangile selon St Jean : « Le lendemain, il voit Jésus venir vers lui et il dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » » (Jn 1,29).
Or, dans la langage biblique, le mot « péché » a deux sens :
1 – « L’acte » : Jésus « l’enlève » par « le pardon des péchés » et c’est bien ce que nous lisons dans notre texte d’aujourd’hui des Actes des Apôtres : « Dieu l’a établi Juge des vivants et des morts : quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés » (Ac 10,42-43).
2 – « Les conséquences de l’acte » qui sont « privation du Don de Dieu », du Don de la vie éternelle. Jésus « enlève » ces conséquences en donnant la vie éternelle… « Je suis venu pour qu’ont ait la vie et qu’on l’ait en abondance » (Jn 10,10). Et l’Evangile de Jean a comme première conclusion, juste avant un ajout plus tardif : « Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d’autres signes, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (Jn 20,30-31).
Ainsi, toute l’oeuvre du Ressuscité consiste à nous « ressusciter » nous aussi, dans la foi, en nous communiquant, dès maintenant, gratuitement, par amour, cette Plénitude de vie dont nous étions privés par suite de nos fautes… Pour la recevoir, notre repentir sincère suffit, et l’Amour fait le reste…
Jn 14,18-19 : « Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous verrez que je vis, et vous aussi, vous vivrez »… de ma vie…
Telles sont « les réalités d’en haut » que St Paul nous invite à chercher, dans la foi : une vie, invisible à nos yeux de chair, mais qui se révèle Lumière pour nos coeurs, et paix… « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire » (Colossiens 3,1-4)…
D. Jacques Fournier