28ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine IV du Psautier) — Année B

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« Frères, elle est vivante, la parole de Dieu, agissante et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit » (He 4, 12)

Ce passage nous dit que la Parole de Dieu divise (ou sépare) l’âme (ψυχή) et l’esprit (πνεῦμα). Si nous voulons comprendre ce que l’auteur de la Lettre aux hébreux veut nous dire, il faut d’abord saisir la distinction entre l’âme et l’esprit. 

Nous savons que pour l’apôtre Paul, la personne humaine est composée de trois éléments. Ainsi, dans la conclusion de 1 Th, Paul écrit : 

« Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit (πνεῦμα), votre âme (ψυχή)  et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ » (1 Th 5, 23). 

Comme l’auteur de la Lettre aux Hébreux, Paul fait une distinction entre l’âme et l’esprit. 

Dans un autre contexte, en 1 Co, nous trouvons un passage qui pourrait peut-être nous éclairer sur la différence entre l’âme et l’esprit. Paul écrit : 

« Mais l’homme animé (ψυχικός) ne reçoit pas les choses de l’Esprit (πνεῦμα) de Dieu, car elles sont une folie pour lui » (1 Co 2, 14)

Dans ce verset, Paul parle de l’homme en tant qu’être vivant doté d’une âme, et il emploie le mot « esprit » pour parler de l’Esprit de Dieu (ou Esprit Saint).

Nous voyons que Paul emploie le même mot, πνεῦμα, pour désigner l’esprit chez l’homme, et pour désigner l’Esprit de Dieu. Dès lors, nous pourrions en déduire que lorsque l’auteur de la Lettre aux Hébreux et Paul parlent de l’esprit chez l’homme, celui-ci doit avoir un rapport avec Dieu.  

L’âme serait peut-être l’énergie vitale qui fait que nous sommes en vie et ce qui fait notre personnalité en tant qu’être unique. Quant à l’esprit, il relèverait de notre relation à Dieu. 

Ainsi, lorsque l’auteur de la Lettre aux Hébreux écrit que « la Parole de Dieu va jusqu’au point de partage/séparation entre l’âme et l’esprit », son message est peut-être que la Parole de Dieu « vivante et agissante » permet à l’homme de discerner entre les pensées qui viennent de nous, et les pensées qui viennent de Dieu. 

L’écoute régulière de la Parole de Dieu, comme nous le faisons à la messe est nécessaire pour notre conversion. 

La première lecture est un extrait du chapitre 7 du Livre de la Sagesse. Ce livre a probablement été écrit au tournant de l’ère chrétienne, à la fin du Ier siècle avant J.C dans la diaspora juive d’Alexandrie. 

L’auteur de ce livre se présente comme s’il était le roi Salomon dans toute sa gloire, parce que pour les juifs, Salomon est le sage par excellence. 

Nous connaissons tous l’épisode de la demande de Salomon au début de son règne qui nous est raconté en 1 R 3, et 2 Ch 1. 

Salomon avait 17 ou 18 ans quand son père David est mort. La Bible nous raconte que c’est à cette période qu’il s’est rendu au sanctuaire de Gabaon au nord de Jérusalem et y a passé la nuit. Le Seigneur est apparu au jeune roi et lui a demandé ce qu’il désirait. Salomon avait fait une réponse magnifique : 

« Tu as traité ton serviteur David, mon père, avec une grande fidélité, lui qui a marché en ta présence dans la loyauté, la justice et la droiture de cœur envers toi. Tu lui as gardé cette grande fidélité, tu lui as donné un fils qui est assis maintenant sur son trône. Ainsi donc, Seigneur mon Dieu, c’est toi qui m’as fait roi, moi, ton serviteur, à la place de David, mon père ; or, je suis un tout jeune homme, ne sachant comment se comporter, et me voilà au milieu du peuple que tu as élu ; c’est un peuple nombreux, si nombreux qu’on ne peut ni l’évaluer ni le compter. Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal ; sans cela, comment gouverner ton peuple, qui est si important ? » (1 R 3, 6-9)

Ce que l’auteur du Livre de la Sagesse retient de cet épisode, est que la Sagesse se reçoit. Si la Sagesse est un don de Dieu, il faut la demander à Dieu. Cette demande de la Sagesse suppose un choix préférentiel. C’est ce que la première lecture nous le rappelle : 

« Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue » (Sg 7, 8-9)

Nous savons que le Seigneur a admiré la demande du jeune roi Salomon et qu’il lui a donné non seulement un cœur sage et intelligent, mais aussi, par surcroît, la richesse et la gloire. 

Dans le texte d’évangile de ce dimanche, Jésus nous invite à faire un pas de plus. La sagesse seule n’est pas suffisante pour « entrer dans la Royaume de Dieu », pour « hériter de la vie éternelle ». 

Il me semble que l’homme de l’évangile qui demande à Jésus ce qu’il faut faire pour hériter de la vie éternelle est comparable à Salomon. Cet homme semble avoir été élevé dans le respect de Dieu et de la Loi, puisque quand Jésus lui cite quelques commandements, l’homme répond : 

« Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » (Mc 10, 20). 

Le texte nous dit aussi que cet homme possédait de grands biens (cf. 10, 22). Pourtant, malgré sa sagesse, cet homme est insatisfait puisqu’il vient interroger Jésus.             Depuis sa jeunesse, il a vécu selon la logique de la Loi.  Celle-ci lui permettait d’accomplir les ordonnances légales nécessaires, tout en s’assurant de réussir financièrement et socialement. Pourtant, son obéissance aux commandements n’a pas suffi à apaiser son cœur. 

La démarche sincère de l’homme plaît à Jésus : 

« Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit :« Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » (10, 21)

Jésus l’invite à faire un pas de plus et l’homme en est incapable. D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas justement la « sagesse » de cet homme qui l’empêche de faire ce pas décisif et suivre Jésus. En effet, quel homme sage abandonnerait tous ses biens et toutes ses sécurités pour suivre un rabbi itinérant sans aucune assurance pour l’avenir ? Ce serait de la folie ! En refusant de suivre Jésus, l’homme riche manifeste son « cœur intelligent et sage » (cf. 1 R 3, 12). 

Je dois le reconnaitre. Comme l’homme de l’évangile, moi non plus, je ne suis pas prêt à renoncer à tout pour suivre Jésus. Moi aussi, je me sens incapable de « perdre ma vie à cause de Jésus et de l’Évangile » (cf. 8, 35). Alors, comme les Douze, je suis déconcerté, et je me demande : 

« Mais alors, qui peut être sauvé ? » (Mc 10, 26) 

Et Jésus me répond : 

« Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » (10, 27). 

Si « tout est possible à Dieu », cela signifie que l’homme riche de l’évangile aurait pu demander à Dieu de lui donner de pouvoir réaliser ce qui lui était impossible : se séparer de ses biens pour suivre Jésus. 

Pour l’homme de l’évangile, ses « grands biens » sont un obstacle au Royaume de Dieu, ses grandes possessions l’enchaînent et c’est pourquoi il ne peut pas suivre Jésus. 

Et en ce me concerne ? Quels sont les liens qui me retiennent et qui m’empêchent d’avancer à la suite de Jésus ? Mon argent ? Mes biens ? Mon savoir ? Mes certitudes ?

Dans les textes bibliques de ce dimanche, la Parole de Dieu nous invite à demander à Dieu de venir à notre secours, afin qu’il nous donne la force de nous séparer de tout ce qui fait obstacle à son Royaume dans notre vie, c’est-à-dire tout ce par quoi, nous pensons nous suffire à nous-mêmes. 

Amen. 

 

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