« Et laissant là sa cruche, elle courut à la ville ». Frères et sœurs, le monde que nous voyons se dessiner dans le récit du dialogue entre Jésus et la Samaritaine, c’est un monde qui ressemble étonnamment à notre monde, et d’une orientation fondamentalement mauvaise de son désir. En fait, elle a mal géré toutes les possibilités de vie qui lui étaient données. En fait, elle se pose des tas de questions comme nos contemporains : on dit que c’est ici qu’il faut adorer, on dit que c’est à Jérusalem, mais la religion, on n’y comprend plus rien ! C’est une femme qui est aux prises avec son propre désir et qui a finalement accepté, a rendu les armes. Elle considère qu’après tout, le sens de sa vie c’est de venir tous les jours au puits, pour y chercher un peu d’eau, pour y boire elle-même, faire boire sa famille et la faire survivre de jour en jour. Au fond, cette femme a réduit son désir à une économie de survie. C’est peut-être là que nous est révélé quelque chose de profond du désir humain, c’est peut-être pour cette raison qu’on lit ce texte pendant le carême et pour les catéchumènes.
C’est là qu’intervient vraiment le sens même de la venue du Christ. Que va faire le Christ ? Il va lui faire une sorte de sondage de son propre désir. Comment va-t-il le faire ? A partir de Lui, Jésus-Christ, le Seigneur, comme on dit au tout début du chapitre, à partir d’un Dieu « nommé désir ». En fait, l’histoire de la Samaritaine, c’est l’histoire d’un Dieu nommé « désir ». Il faut, et c’est tout à fait étonnant, il faut que Dieu se fasse désir, Lui qui entre nous soit dit, n’a besoin de rien, il faut que Dieu se fasse désir pour venir révéler à l’homme son propre désir et en faire une sorte de radiographie pour lui dire : « Là, tu vois, tu t’es sous-estimé ». Mais, Dieu ne vient pas annoncer des désirs extraordinaires. De sa part, le seul désir qu’il a à ce moment-là c’est : « Donne-moi à boire ».
Alors, se passe cette chose extraordinaire : lorsqu’elle a compris cela, elle laisse auprès du puits l’instrument qui jusque-là, lui paraissait le seul moyen de combler son désir, sa cruche. « Laissant là sa cruche »… Dans l’économie d’un foyer samaritain du premier siècle, ce n’est pas rien une cruche. Donc, abandonner le moyen de combler quotidiennement son désir, ce n’est pas de l’étourderie (j’ai l’impression que ce n’était pas une femme étourdie, elle avait beaucoup de présence d’esprit au contraire, enfin, c’est un des interlocuteurs de Jésus qui tient le mieux le choc à travers tout l’évangile), donc elle laisse sa cruche. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tous les moyens que je m’étais fabriqué pour entrer dans une économie de désir, de survie, c’est insuffisant, il y a autre chose.