« Thomas appelé le Jumeau n’était pas avec les douze ou avec les Onze quand Jésus était venu au soir de sa Résurrection ». Ce petit détail dans le récit peut nous paraître anecdotique ou comme le ressort littéraire qui fait le lien entre la première apparition et la seconde. Cette absence de Thomas nous paraît mentionnée ici naturellement puisqu’il faut bien rendre compte du fait qu’il était incrédule et que lors de la seconde apparition, en voyant Jésus, parce qu’il était à ce moment-là au milieu des douze, il a accueilli la grâce même de la foi au Christ ressuscité. Pourtant ce petit détail en apparence banal me paraît propre à nous faire réfléchir sur la manière dont nous croyons.
Thomas n’ayant donc pas été saisi par le Christ au moment même où Il apparaissait pour la première fois à la petite communauté des disciples qu’Il rassemblait dans la puissance de l’Esprit saint en soufflant sur eux, ne faisait pas partie de la communauté croyante que le Christ venait de créer car c’est cela que signifie la parole du Christ : « Recevez l’Esprit Saint », ce qui peut se traduire : « Vous tous qui êtes là au soir de ma Pâque, désespérés, Je vous fais la communauté porteuse de ma présence, je vous crée comme Église ».
Et c’est alors qu’on arrive au troisième moment de l’évangile. Thomas, au cœur de l’Église, rencontre le Christ ressuscité, ou plus exactement le Christ ressuscité vient, au cœur de l’Église, au-devant de Thomas. Il faut donc trois choses pour qu’il y ait la foi. Il faut qu’il y ait un homme appelé par Dieu, il faut qu’il y ait une communauté qui l’accueille et qui soit là pour proclamer : « Nous avons vu le Seigneur », mais il faut que le Seigneur Lui-même, en personne, vienne et dise : « Thomas, voici mes mains, voici mes pieds ». Comme dit l’admirable formule de saint Augustin : « Je connais tes blessures et j’ai gardé pour toi ma cicatrice ». Il faut qu’il y ait ce mouvement même de Dieu qui vient au-devant de l’homme, dans sa singularité personnelle. Et à ce moment-là, Thomas peut vraiment reprendre à son compte ce mouvement par lequel, au cœur même de l’Église, au cœur même des disciples rassemblés autour de lui, il confesse effectivement : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Thomas n’a rien inventé, il redit la même chose que ses frères lui avaient dite, mais maintenant il la dit autrement, il la dit parce qu’il croit, il la dit parce qu’il a été saisi lui-même, comme dit saint Paul. Et c’est effectivement l’ultime et troisième démarche de la foi, ce moment où le Christ dit : « Me voici, J’ai souffert pour toi, Je suis ressuscité pour toi et Je Me manifeste à toi ».