Commentaire du samedi 29 et Dimanche 30 Octobre 2022
Zachée, chef des publicains, est un homme très riche. « La fonction de « Publicain » était attribuée aux enchères. Obtient ce poste celui qui a misé sur le montant le plus élevé. Il devait ensuite récupérer, sous forme d’impôts, au minimum ce montant auprès des citoyens pour la remettre à l’occupant romain. Et s’il n’arrivait pas à avoir cette somme, il devait la compléter de sa poche. C’est pourquoi les publicains, pour avoir la somme qu’ils s’étaient engagés à payer, et s’assurer une marge bénéficiaire la plus confortable possible, étaient contraints à de nombreux procédés illégaux qui ne contribuaient guère à leur popularité » (Michel Hubaut). Le publicain était un des hommes le plus haï du pays et cela pour au moins deux raisons : il travaillait pour l’occupant romain, c’était donc un collaborateur travaillant pour l’ennemi, et il volait les gens avec des surtaxes. Il était ainsi assimilé à un pécheur public, et considéré comme un impur infréquentable. Il était exclu du culte au Temple ou de la synagogue, et n’avait pas le droit de témoigner dans un procès. – Jésus venait juste de guérir un aveugle à Jéricho, la foule était donc présente, et la renommée de Jésus était aussi connue de Zachée venu pour le voir, même de loin. Comme il était de petite taille, la foule l’empêchait de voir Jésus. Pour nous aussi, la foule peut être un obstacle à la rencontre de Jésus. Il faut savoir faire abstraction de la foule pour avoir le silence intérieur afin d’y rencontrer le Christ par une prière silencieuse. CEC 2743 « Prier est toujours possible : Le temps du chrétien est celui du Christ ressuscité qui est » avec nous, tous les jours » (Mt 28, 20), quelles que soient les tempêtes (cf. Lc 8, 24). Notre temps est dans la main de Dieu : Il est possible, même au marché ou dans une promenade solitaire, de faire une fréquente et fervente prière. Assis dans votre boutique, soit en train d’acheter ou de vendre, ou même de faire la cuisine (S. Jean Chrysostome, ecl. 2 : PG 63, 585A) ». Un grand sage hindou du XXème siècle, Ramana Maharshi nous dit : « un homme peut fort bien se trouver au milieu de la foule et conserver sa sérénité. En ce cas, il se trouve effectivement en état de solitude. Un autre homme, en revanche, peut rester seul, au fond d’une forêt tranquille et être incapable de contrôler son mental. Cet homme ne se trouve pas en état de solitude. La solitude est donc une fonction mentale. Un homme rivé à ses désirs ne se mettra jamais en solitude, où qu’il aille. Par contre, un homme détaché de tout désir se trouve toujours en état de solitude ». Le détachement des choses du monde nous permet de rencontrer le Christ en priant intérieurement, et cela même en étant au milieu de la foule. Zachée se retire de la foule à sa manière, en grimpant sur un arbre pour voir Jésus. Il se sait haï et impur aux yeux des fidèles du Christ. Mais il a en lui une certaine disponibilité, un germe de foi, et probablement un désir de rencontrer Jésus qui, prenant l’initiative, lui dit « Zachée, descends vite, car il me faut aujourd’hui demeurer chez toi.
2 Aussi est-ce peu à peu que tu reprends ceux qui tombent; tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pêchent, pour que, s’étant débarrassés du mal, ils croient en toi, Seigneur ». Nous sommes souvent bien plus exigeants que Dieu lui-même : « Dieu a pitié de tous » et nous devons reconnaître que nombre de chrétiens n’ont pas forcément pitié des autres; « tu fermes les yeux sur les péchés des hommes », là aussi, nous ne pardonnons pas toujours le mal que les autres nous font; « Tu aimes tout ce qui existe et tu n’as de dégoût pour rien », là encore, il y a bien des choses que nous n’aimons pas contrairement à Dieu. Nous sommes plus difficiles, plus exigeants que Dieu. C’est pour cela que la conversion, nous devons la faire tous les jours. Le Pape François nous dit (« Amour, Service et humilité » – P.36.78) : « La vraie conversion a toujours une dimension apostolique! Toujours, il s’agit d’arrêter de regarder « ses propres intérêts » pour regarder « les intérêts de Jésus Christ » ; « Si nous avons déjà choisi un état de vie, réformons-le pour le meilleur. La question ne se porte pas sur les responsabilités à exercer ou les « postes de service » (au sein de l’Eglise), mais sur quelque chose de plus profond et définitif: en quel état de vie, ou par quelle réforme de mon état de vie, mon cœur reviendra-t-il davantage « ami de Jésus »,… sera-t-il plus semblable à Lui, plus pauvre, plus humble et plus serviable? Dans quel état de vie, ou par quelle réforme dans mon état de vie, l’amour de Jésus prendra-t-il définitivement racine en moi? » – Zachée reçoit donc Jésus avec joie. Sa conversion est probante : il prend la décision de donner la moitié de ses biens aux pauvres. Pour arriver à une telle décision, Zachée a en lui la grâce du détachement des biens matériels, un dépouillement qui lui permettra de mieux être en relation avec Jésus, qui, lui-même, ne possède rien. Saint Jean de la Croix nous dit (Œuvres complètes – Tome I- P. 21) : « Dans la tradition mystique de l’Église … les maîtres avaient déjà insisté sur les renoncements nécessaires à qui doit suivre le Christ portant sa croix. Et ceci, qui vaut pour tous les chrétiens, prend un caractère d’exigence pressante pour ceux qui veulent mettre de plus près leurs pas dans ceux du Seigneur ».
« Personne n’a autant que St Jean de la Croix mis en lumière l’enrichissement positif du moindre renoncement volontaire et l’accroissement de vie spontanément provoqué par les dépouillements intérieurs les plus douloureux ». Sainte Thérèse d’Avila nous dit de même (Chemin de la Perfection – P.98-99) : « Là où règne le point d’honneur et l’amour des biens temporels, il n’y a point de détachement, …. Que chacun d’entre vous considère où il en est de l’humilité, et il verra où il en est…de ses progrès spirituels. – Il me semble qu’en matière de prééminence (= supériorité absolue de rang, de dignité, de droit, de degré), le démon n’osera pas tenter…l’âme véritablement humble… Il est impossible à l’âme humble de ne pas grandir et progresser dans cette vertu (d’humilité), si le démon tente par là. Cette âme, en effet, jette le regard sur sa vie; elle voit de quelle sorte elle a servi Dieu et combien elle lui est redevable; elle considère par quel prodigieux abaissement le Sauveur est descendu jusqu’à nous afin de nous donner l’exemple de l’humilité; elle découvre ses propres péchés et le lieu où elle aurait mérité d’être condamnée; elle tire de là tant de profits que le démon n’ose plus la tenter, dans la crainte d’avoir la tête brisée. Dieu nous préserve des personnes qui prétendent le servir et prennent soin en même temps de leur honneur. C’est là, croyez-moi, un mauvais calcul. Je l’ai déjà dit, l’honneur lui-même se perd dès qu’on le recherche, surtout quand il s’agit de prééminences (c’est-à-dire de recherche de rang, de dignité, de degré); il n’y a point de (produit) toxique au monde qui empoisonne aussi promptement le corps que l’orgueil ne tue la perfection » (Thérèse d’Avila). Zachée, qui est descendu de l’arbre, « abaisse» aussi sa richesse de moitié, pour parvenir en toute humilité au niveau de Jésus qui lui dit alors : « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison, parce que lui aussi est un fils d’Abraham. 10 Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Zachée aurait été probablement perdu sans cette rencontre avec Jésus, sans sa conversion, sans son détachement des biens matériels, et en devenant bien plus humble qu’il ne l’a jamais été jusqu’à présent, lui qui fixait les taxes au prix qu’il voulait, lui le collaborateur, lui qui avait la haine du peuple. Tout le monde peut changer pour devenir meilleur, en devenant plus humble, en ne recherchant pas les honneurs de rang ou de dignité. Le salut vient de la Miséricorde de Dieu et non pas de ce que nous faisons devant les hommes afin d’avoir leur reconnaissance ou je ne sais quoi. Inutile de se bousculer pour être le premier, car le premier agit toujours en secret ou discrètement, de manière simple, sans tapage, sans bruit. Saint François de Salles nous dit : « le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien ». Une personne convertie véritablement au Seigneur, voit elle-même la différence avec que ce qu’elle était auparavant. Voici ce que nous dit « le Sanctuaire de Montligeon » (Le Manuscrit du Purgatoire – P.99): « Vous éprouverez souvent une grande indifférence pour les choses qui, autrefois, vous auraient trouvée sensible (autrement dit « des choses que vous avez aimées autrefois et pour lesquelles vous êtes maintenant indifférents ») ; c’est encore une miséricorde de Celui qui vous aime et qui désire vous voir dans ce dégagement qu’il attend des âmes qu’il veut à lui seul. Jésus permet que ces âmes privilégiées éprouvent une espèce d’ennui pour tout ce qui n’est pas lui. Il leur fait trouver pénible ce qui ne le touche pas directement, parce qu’il veut par-là les amener à vider leur cœur de tout l’humain (= de toutes les faiblesses humaines) qui s’y trouve afin qu’il le comble de ses grâces et qu’il y fasse déborder son amour.