Déjà ce détail est très choquant. Jamais, au grand jamais dans un repas, une réunion publique, une femme n’aurait fait ce qu’a fait cette femme. En effet, et Jésus d’ailleurs compare les deux rituels de rencontre et d’accueil, celui du pharisien comme il aurait dû le faire et la femme comme elle l’a fait, et il tient à noter toutes les différences et les oppositions radicales qui existent entre les deux comportements. Quand quelqu’un arrive dans une maison, habituellement on peut lui laver les pieds avec de l’eau, et surtout pas avec du parfum, et le plus qu’on puisse faire avec le parfum, c’est le répandre sur la tête. Or cette femme prend exactement le contre-pied. Elle arrive, va vers Jésus (c’est un repas à la romaine et manifestement les convives sont allongés sur des divans), la femme survient à l’improviste, en cachette, peut-être même que les serviteurs n’ont pas pu l’empêcher d’entrer, elle se met près du divan sur lequel était étendu Jésus, elle commence une scène qu’on pourrait interpréter comme étant une scène de séduction. C’est d’ailleurs ce que pense Simon : « S’il savait qui est cette femme et ce qu’elle est en train de faire ! » Il n’arrive même pas à penser que Jésus se rende compte de la situation. Or, que fait cette femme ? Elle fait ce qui est au maximum de la séduction érotique de l’époque, elle délie sa chevelure, ce qui est le summum de la provocation, elle commence à verser le parfum sur les pieds de Jésus, ce qui ne se passait peut-être que dans des maisons closes ! Il fallait vraiment une sorte de volonté de séduction pour verser du parfum sur les pieds de quelqu’un. Le parfum sur les pieds, accompagné de larmes, qui sont interprétables dans les deux sens, ou bien les larmes de l’amoureuse éperdue ou bien les larmes de la pécheresse, c’est un signe ambigu, et sacrifier son brushing en essuyant le parfum huileux avec ses cheveux, c’est très cher comme séduction.
La parabole que Jésus propose à ce moment-là est une parabole où d’une part Jésus commence à faire comprendre à Simon non seulement qu’il a compris le geste de la femme, mais qu’il a compris ce que Simon avait dans son cœur. Il a deviné la réflexion de mépris et d’embarras du pharisien par rapport à la scène. Il a compris sans explication, l’attitude de Simon, mais petit à petit il va montrer que le sens même de la scène est totalement l’inverse de ce que le pharisien croyait avoir perçu.
Le comportement de cette femme vis-à-vis de Jésus si ambigu soit-il ne manifeste qu’une chose : « Elle a beaucoup aimé ». Et à l’inverse Jésus dit à Simon qu’il avait tout ce qu’il fallait pour l’honorer selon les rites qui sont les siens, plus convenables et beaucoup moins chers, mais il ne l’a pas fait ! Il n’a même pas fait les rites qui auraient pu être ceux de l’accueil étant donné sa condition et s’il avait vraiment voulu l’honorer. Autrement dit, il ne l’a jamais vraiment aimé ! Il n’a même pas respecté les rites normaux d’accueil à ta table. Il a invité Jésus sans l’honorer, alors que cette femme l’a honoré avec des moyens sans doute contestables et discutables, mais elle a essayé de faire le maximum pour l’honorer.